Jeux et Paris > Litiges : 31 octobre 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 00-83.574

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Jeux et Paris > Litiges : 31 octobre 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 00-83.574
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31 octobre 2000
Cour de cassation
Pourvoi n°
00-83.574

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– A… Gilbert,

– Z… Gérard,

contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de VERSAILLES, du 1er mars 2000, qui, dans l’information suivie, notamment contre eux, des chefs d’abus de biens sociaux, faux et usage, a partiellement rejeté leurs requêtes aux fins d’annulation d’actes de la procédure ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, du 9 juin 2000, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires ampliatifs produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’une enquête préliminaire a été confiée, le 30 septembre 1993, par le procureur de la République de Nanterre, à l’Office Central de Répression de la Grande Délinquance Financière (OCRGDF), avec mission d’enquêter sur divers délits qui auraient été commis dans les relations contractuelles existant entre la société anonyme d’économie mixte, la Française des Jeux (FDJ) dont le président était Gérard Z…, et les fournisseurs de celle-ci ; que, dans le même temps, l’Inspection Générale des Finances a effectué une vérification générale des comptes de la FDJ, tandis que la Commission des Opérations de Bourse (COB) a avisé le procureur de la République de Paris de l’existence d’une enquête de ses services relative à une prise de participation suspecte d’une filiale de la FDJ dans une société ” Change de la Bourse ” ; que, le 10 janvier 1994, le parquet de Nanterre a requis l’ouverture d’une information du chef, notamment, d’abus de biens sociaux ; que, le 17 janvier suivant, le juge d’instruction a saisi par commission rogatoire l’OCRGDF avec mission d’enquêter sur les délits visés au réquisitoire introductif ;

Attendu que, le 6 juillet 1994, les enquêteurs ont procédé à une perquisition au domicile de Gérard Z…, où ont été saisies, parmi d’autres documents, des factures, apparemment de complaisance, payées par une société CARAT, très important fournisseur de la FDJ, à une société Tourisme Press et Services (TPS) au bénéfice de Gérard Z… ;

que, le 19 décembre 1994, ce dernier a été placé en garde à vue et entendu, puis mis en examen, le 21 décembre suivant, des chefs d’abus de biens sociaux au préjudice de la FDJ et de la société TPS, de faux et usage, d’ingérence et d’obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ; que, les 14 et 19 juin 1995, les policiers ont procédé à une perquisition au siège de la société CARAT ; que, les 16 et 17 octobre 1995, Gilbert A…, ” conseiller ” de la société CARAT a été entendu par les enquêteurs, puis mis en examen le 18 octobre suivant, notamment pour les faits relatifs aux versements opérés en faveur de la société TPS ;

Attendu que, par réquisitoire supplétif du 13 décembre 1994, le Parquet de Nanterre a saisi le juge d’instruction de l’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société CARAT, par le versement d’honoraires indus à la SARL TPS ;

Attendu que, saisie par plusieurs requêtes en annulation, la première datée du 18 septembre 1998, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Versailles a rendu, le 1er mars 2000, l’arrêt attaqué ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé en faveur de Gérard Z…, pris de la violation des articles 80, 151, alinéa 3, 152 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité de la saisie opérée le 6 juillet 1994 au domicile de Gérard Z…, concernant les documents relatifs à la société TPS, objet des scellés dénommés ” Z… Neuilly Cinq ” et ” Z… Neuilly Six ” ;

” aux motifs que les documents, objet de la saisie querellée, composant le scellé dénommé Z… Neuilly Cinq, ne sont pas exclusivement relatifs à la société TPS mais également à la société CARAT ; que si le procès-verbal de saisie ne comporte pas une description détaillée de chaque document, les enquêteurs ont nécessairement pris connaissance de chacun d’entre eux, et notamment des factures adressées à la société CARAT ; que le scellé Z… Neuilly Six est composé de deux courriers à en-tête de ” CARAT TV “, dont l’un paraissait comporter la signature de Gérard Z… ; que le juge d’instruction ou les fonctionnaires de police, sur commission rogatoire de ce dernier, peuvent rechercher et saisir tous objets, papiers, documents, susceptibles de constituer la preuve des infractions ou s’y rapportant d’une manière quelconque, dont la découverte peut être utile à la vérité ; que la saisine initiale du magistrat instructeur quant aux faits est déterminée par le réquisitoire introductif et les pièces qui y sont jointes ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction était saisi de faits multiples ; qu’en effet le réquisitoire introductif du 10 janvier 1994 requérait l’ouverture d’une instruction contre X… des chefs d’abus de biens sociaux et complicité, recel d’abus de biens sociaux, faux en écritures privées et usage, ingérence, obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ; que ce réquisitoire faisait visa de l’enquête préliminaire diligentée par l’OCRGDF, laquelle comportait en annexe l’enquête de l’IGF ; que la dépêche du 30 décembre 1992, après avoir fait référence aux premiers résultats de l’enquête préliminaire, au rapport de l’IGF, faisait état de ” l’ampleur des investigations nécessitées par ce dossier, notamment pour vérifier la réalité des prestations facturées à la société Française des Jeux par nombre de ses fournisseurs, dont certains situés à l’étranger, à la nécessité de l’ouverture d’une information judiciaire des chefs d’abus de biens sociaux, complicité et recel notamment, portant non seulement sur les faits d’abus de biens pour lesquels des présomptions graves ont déjà été réunies, mais également sur les divers marchés ayant retenu l’attention de l’Inspection Générale des Finances ” ; que le groupe CARAT ayant conclu d’importants marchés avec la société Française des Jeux, le compte fournisseurs étant de plus de 366 500 000 francs au 31 décembre 1994, apparaissait non seulement dans l’enquête de l’IGF, mais également dans la note initiale de M. X…, contrôleur d’Etat en charge de la société Française des Jeux puis dans ses auditions par les fonctionnaires de police, au stade de l’enquête préliminaire, lequel était décrit comme parmi les ” sociétés amies ” qui interviendraient de façon suspecte ; que les fonctionnaires de police enquêtant sur les ressources et le train de vie de Gérard Z…, avaient préalablement appris que Gérard Z… avait perçu des revenus de cette société TPS, que les factures à en-tête de la société TPS adressées à la société CARAT, découvertes au domicile personnel de Gérard Z…, gérant de TPS et président directeur général de la société Française des Jeux, étaient ainsi de nature à participer à la manifestation de la vérité, à se rapporter aux faits dont le magistrat était saisi, susceptibles d’être ultérieurement qualifiés, après analyse juridique des délits d’ingérence, de faux, d’abus de biens sociaux, de recel de ces infractions ; et que les

autres documents saisis relatifs à la seule société TPS dans les scellés ” Z… Neuilly Cinq ” étaient en outre de nature à permettre l’analyse, la compréhension des factures litigieuses ; qu’en effet, le magistrat saisi de l’ensemble des conséquences financières des opérations d’abus de biens sociaux et de recel devait, par ailleurs, être en mesure d’en rechercher les mobiles ;

” alors que la commission rogatoire ne peut prescrire que des actes d’instruction se rattachant directement à la répression de l’infraction visée par les poursuites et s’inscrit donc nécessairement dans les limites de la saisine du juge d’instruction ;

qu’en l’espèce, les officiers de police judiciaire ont perquisitionné le domicile de Gérard Z… le 6 juillet 1994, dans le cadre de la commission rogatoire que leur avait délivrée le juge d’instruction le 17 janvier 1994, laquelle ne pouvait donc couvrir que les faits qui étaient visés par le réquisitoire introductif du 10 janvier 1994 ; que celui-ci, faisant référence à la procédure de l’administration fiscale, requérait l’ouverture d’une instruction contre X… des chefs d’abus de biens sociaux et complicité, recel d’abus de biens sociaux, faux en écriture privée et usage, ingérence, obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes, faisant état de faits commis au détriment de la société Française des Jeux ; qu’en refusant d’annuler les saisies de documents relatifs à la seule société TPS, la chambre d’accusation a violé les dispositions susvisées ” ;

Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Gilbert A…, pris de la violation des articles 80, 151, alinéa 3, 152, 174, alinéa 2, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la saisie, pratiquée’e le 6 juillet 1994, de 133 documents relatifs à la société TPS, placés sous scellé (cote D 3944, procès-verbal 06/ 74, scellé Z… Neuilly Cinq) ainsi que celle de la procédure subséquente, notamment du procès-verbal de synthèse du 30 novembre 1994 (D 4229 à D 4242), de l’ordonnance de soit-communiqué du 12 décembre 1994 et du réquisitoire supplétif du 13 décembre 1994 (D 4260), ainsi que des auditions de Gilbert A… des 16, 17 et 18 décembre 1995 (D 5421 à 5424, D 5417 à 5419, D 5413 à 5415 et D 5403 à D 5405), et de la mise en examen du 18 octobre 1995 (D 5438 et 5439) ;

” aux motifs que les documents, objets de saisie incriminée, ne sont pas exclusivement relatifs à la société TPS, mais également à la société CARAT, vingt d’entre eux étant des factures émanant de TPS adressées à CARAT, ayant pour objet des honoraires de consultation de Gérard Z… (gérant de TPS) ; que le réquisitoire introductif du 10 janvier 1994 visait l’enquête de l’OCRGDF comportant en annexe l’enquête de l’Inspection Générale des Finances ; que ce réquisitoire était délivré sur instructions expresses du Garde des Sceaux, dont la dépêche du 30 décembre 1993 fait référence aux divers marchés conclus avec la société Française des Jeux ; que la société CARAT a conclu d’importants marchés avec la société FDJ ; que le groupe CARAT apparaît dans l’enquête de l’IGF ainsi que dans l’enquête préliminaire ; que les fonctionnaires de police enquêtant sur les ressources de Gérard Z…, les factures de la société TPS (dont le gérant était Gérard Z…, par ailleurs président-directeur général de la société FDJ) adressées à la société CARAT, relatives à des honoraires de consultation, étaient de nature à se rapporter aux faits dont le magistrat était saisi ; que les autres documents saisis, relatifs à la seule société TPS, étaient de nature permettre l’analyse et la compréhension des factures litigieuses ; que les enquêteurs ont ainsi pu, sans excéder leur saisine ni celle du magistrat instructeur, procéder à la saisie des documents litigieux ;

” alors, d’une part, qu’une commission rogatoire délivrée par le juge d’instruction s’inscrit nécessairement dans les limites de sa saisine définie par le réquisitoire introductif ; qu’il s’ensuit que la commission rogatoire, délivrée le 17 janvier 1994, ne pouvait couvrir que les faits visés par le réquisitoire introductif du 10 janvier 1994, c’est-à-dire des faits commis au sein et au préjudice de la société Française des Jeux ; qu’en procédant, dans le cadre de cette commission rogatoire, à la saisie de documents concernant la seule société TPS, sans aucun lien avec la société FDJ, c’est-à-dire à un acte de poursuite de faits dont le juge mandant n’était pas saisi, les officiers de police judiciaire ont excédé leurs pouvoirs ; qu’en refusant d’annuler la saisie litigieuse et les actes qui en procèdent, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” alors, d’autre part, que si le juge d’instruction était saisi de faits concernant les marchés conclus entre la société Française des Jeux et la société CARAT, il n’était nullement saisi de faits concernant des honoraires de consultation facturés par la société TPS à la société CARAT, facturations sans lien avec les marchés FDJ-CARAT ; qu’ainsi, en saisissant les factures TPS-CARAT, les enquêteurs avaient bien excédé leur saisine ainsi que celle du magistrat instructeur ; qu’en refusant d’annuler la saisie litigieuse ainsi que les actes y faisant suite, la cour d’appel a donc violé les textes susvisés ” ;

Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de Gilbert A…, pris de la violation des articles 80, 151, alinéa 3, 152, 174, alinéa 2, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

” en ce que l’arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité des auditions de Gilbert A… des 16 octobre 1995 (D 5421 à 5424 et D 5417 à 5419), 17 octobre 1995 (D 5413 à 5415) et 18 octobre 1995 (D 5403 et 5405), ainsi que tous les actes procédant de ces auditions, notamment la mise en examen de Gilbert A… (D 5438 et 5439) ;

” aux motifs que les documents saisis étaient de nature à se rapporter aux faits dont le magistrat instructeur était saisi ; que les enquêteurs ont donc pu, sans excéder leur saisine ni celle du juge d’instruction, procéder à la saisie des documents litigieux, et recueillir les observations de Gilbert A… concernant ces saisies et factures ;

” alors que cette motivation ne répond pas au moyen subsidiaire de Gilbert A…, qui faisait valoir (cf. mémoire, page 9) que, même dans l’hypothèse de la régularité de la saisie, les auditions diligentées dans le cadre de la commission rogatoire du 17 janvier 1994 étaient irrégulières, dès lors que le juge d’instruction, dont la saisine avait été étendue aux faits concernant la société TPS par le réquisitoire supplétif du 13 décembre 1994, n’avait pas pour autant étendu le champ de la commission rogatoire à ces faits nouveaux, et ne le fera que le 20 octobre 1995, soit postérieurement aux auditions litigieuses et à la mise en examen de l’intéressé ;

qu’en s’abstenant ainsi de répondre à une articulation essentielle du mémoire de la personne mise en examen, la chambre d’accusation a privé sa décision de motifs ” ;

Les moyens étant réunis ;

 


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