Jeux et Paris > Litiges : 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02707

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Jeux et Paris > Litiges : 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02707
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26 octobre 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/02707

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 26 OCTOBRE 2023 à

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE

FCG

ARRÊT du : 26 OCTOBRE 2023

MINUTE N° – 23

N° RG 21/02707 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GOPL

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 28 Septembre 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

Madame [I] [F]

née le 16 Juin 1994 à [Localité 6] (10)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.N.C. A&C BAR Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Lucie GIRAUDET de la SARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau D’ANGERS

ayant pour avocat plaidant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES,

Ordonnance de clôture : 23/05/2023

Audience publique du 06 Juin 2023 tenue par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 26 Octobre 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de M Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Il ressort d’un courrier du service des douanes de [Localité 5] que le 14 octobre 2019 Mme [R] [K], gérante et associée majoritaire de la S.N.C A&C Bar, a présenté aux services des douanes Mme [I] [F] à la succession de la gérance du débit de tabac.

Le service des douanes de [Localité 5] a reçu le 5 janvier 2020 un compromis de cession de parts sociales puis, le 17 février 2020, la renonciation de candidature de Mme [F].

Un contrat de travail, daté du 21 janvier 2020, a été signé entre Mme [I] [F] et la S.N.C A&C Bar lequel mentionnait que Mme [I] [F] était engagée en qualité de responsable de bar/brasserie, niveau IV, échelon 1 de la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997. Ce contrat prévoyait une période d’essai de trois mois.

Par courrier du 17 février 2020, la S.N.C A&C Bar a mis fin à la période d’essai de Mme [I] [F]. La relation de travail a pris fin le 21 février 2020.

Le 21 avril 2020, Mme [I] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours aux fins de contester la rupture de son contrat de travail, la considérant comme abusive, et afin de voir condamner la S.N.C A&C Bar au paiement de diverses sommes.

La S.N.C A&C Bar a demandé au conseil de prud’hommes de débouter Mme [I] [F] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le 28 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Tours a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige :

– Déboute Mme [I] [F] de l’intégralité de ses demandes.

– Déboute la S.N.C A&C Bar de sa demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamne Mme [I] [F] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour en date du 18 octobre 2021, Mme [I] [F] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 25 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [I] [F] demande à la cour de :

Dire et juger la demande de Mme [I] [F], concluante, recevable et bien fondée;

En conséquence :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 28 septembre 2021 (Section commerce – RG 20/00234) en ce qu’il a débouté Mme [I] [F] :

– de sa demande de requalification de la rupture de la période d’essai en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de sa demande de 1929 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– de sa demande de 1929 € de dommages et intérêts pour vice de forme,

– de sa demande de 964,50 € de préavis y ajoutant 96,45 € de congés-payés,

– de sa demande de 11 574 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– de sa demande de 236,48 € de remboursement de frais,

– de sa demande de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

Condamner la S.N.C A&C Bar à lui payer les sommes de :

– 964,50 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 96,45 € au titre des congés payés afférents,

– 1929 € au titre du vice de forme,

– 1929 € au titre du licenciement abusif

– 11 574 € au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 236,48 € au titre des frais exposés par Melle [F] au bénéfice de la société,

Condamner la S.N.C A&C Bar à payer à Mme [I] [F], la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile incluant les frais exposés dans le cadre de la procédure prud’homale y ajoutant les frais exposés à cet effet en cause d’appel.

Ordonner que les intérêts majorés et capitalisés courent à compter de la saisine du conseil des prud’hommes conformément à l’article 1154 du code de procédure civile.

Condamner la S.N.C A&C Bar à lui remettre les bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés en application des dispositions qui précèdent dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 € par document et par jour de retard, que Mme [I] [F] pourra faire liquider en sa faveur en saisissant à nouveau la présente juridiction.

Condamner la S.N.C A&C Bar aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d’exécution forcée.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 12 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la S.N.C A&C Bar demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours le 28 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Débouter Mme [I] [F] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Condamner Mme [I] [F] à verser à la S.N.C A&C Bar la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [I] [F] aux entiers dépens, en ceux compris les éventuels frais d’huissier de signification et/ou d’exécution forcée de la décision à intervenir.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence d’une relation de travail du 13 au 20 janvier 2020

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, PBRI).

En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

Pour une bonne compréhension du contenu des SMS cités, il est précisé que la S.N.C A&C Bar était représentée par ses deux associés, M. [O] [X] et Mme [R] [K], associée majoritaire et également gérante.

Mme [I] [F] soutient être entrée au service de la S.N.C A&C Bar le 13 janvier 2020 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein mais que son employeur ne l’a déclarée qu’à compter du 21 janvier 2020.

La S.N.C A&C Bar réplique que Mme [F] n’a commencé à travailler que le 21 janvier 2020 comme indiqué à son contrat de travail. Elle devait initialement succéder à Mme [R] [K] et reprendre la gérance du commerce de bar-tabac, en qualité d’associée majoritaire, ce qui n’a pu se faire en raison d’une interdiction bancaire qu’elle ne conteste pas. Elle n’a pas évoqué avoir travaillé cette semaine du 13 janvier 2020, ni lors de la signature de son contrat de travail le 21 janvier 2020, ni lors de la réception de son bulletin de paie de janvier 2020, ce qui prouve qu’elle savait qu’aucune relation de travail n’existait antérieurement au 21 janvier 2020.

Elle expose le contexte dans lequel est né le litige : M. [X] exerçant son cinquième mandat de maire de la commune de [Localité 4] a pour objectif depuis plusieurs années de redynamiser sa commune et à cette fin rachète plusieurs commerces afin de les sauver de la fermeture définitive. Une fois propriétaire des commerces, il place des gérants auquel il accorde un prêt personnel sans intérêt pour leur permettre de devenir associé majoritaire dans leur commerce respectif. Il reste associé minoritaire afin d’offrir une garantie notamment vis-à-vis des banques. C’est ainsi qu’il a repris un salon de coiffure, une épicerie puis ce bar.

Mme [I] [F] verse aux débats :

– un envoi de SMS aux dates suivantes:

‘ le 13 janvier 2020 dans lequel elle écrit à M. [X] qu’elle a bien récupéré les clés du bar ; un autre SMS dont la date n’apparaît pas dans lequel elle indique qu’elle sera absente du 13 au 15 janvier 2020 ;

‘ le 14 janvier 2020 dans lequel elle écrit à M. [X] qu’elle l’attend au bar ;

‘ le vendredi 17 janvier 2020 dans lequel elle écrit : « ouverture mercredi alors ‘ Mardi je réceptionne la livraison que je range dans les frigos afin d’avoir les boissons fraîches à servir’ À quelle heure je fais l’ouverture/inauguration ‘ Mercredi [R] ne travaille pas’ ça nous permet d’être présentes toutes les deux, comme vous le souhaitiez’ bonne journée ». Il lui est répondu : « OK pour mercredi. Non pas d’inauguration car c’est toujours [R] la gérante. Il faudrait mettre un panneau : Réouverture mercredi. Je vous laisse voir l’heure » ;

Ainsi, Mme [I] [F] interroge M. [X] pour avoir confirmation de l’ouverture du bar le mercredi 22 janvier 2020 et lui indique qu’elle réceptionnera la livraison et la rangera le mardi 21 janvier 2020. Cet échange de SMS ne permet pas d’établir l’existence d’un travail antérieurement au mardi 21 janvier 2020.

– un échange de SMS entre Mme [I] [F] et M. [X], celle-ci visiblement inquiète face à l’opposition de La Française des jeux, une personne interdite bancaire ne pouvant occuper les fonctions prévues dans un bar tabac. Mme [F] écrit: « vous allez trouver quelqu’un d’autre pour reprendre le bar ‘ Parce qu’en attendant, est-ce que je peux toujours être salariée si vous voulez maintenir l’ouverture du bar ‘ Quand serez-vous disponible pour qu’on en discute ‘ ». Elle propose des solutions (« dire qu’elle est la suppléante de M. [X] qui serait majoritaire », « dire qu'[R] a changé de travail ou ce que vous voulez…. ». Ces échanges ne démontrent l’existence d’aucune relation de travail antérieurement au 21 janvier 2020 ;

– un courrier du 20 février 2020 par lequel Mme [F] demande paiement de ses heures au cours desquelles elle aurait effectué des travaux pour la remise en état des lieux avant la réouverture le mercredi 22 janvier 2020. Elle ajoute que M. [X] était prêt à engager un professionnel pour effectuer ces travaux ;

– des SMS dont la date n’apparaît pas dans lesquels elle indique faire des travaux de peinture ;

– une attestation de M. [W] [T], étudiant, indiquant avoir appris que Mme [F] devait effectuer les travaux avant la réouverture du bar, le mercredi 22 janvier 2020, qu’elle lui avait demandé de l’aide et qu’il était venu l’aider le mercredi 15 janvier et le vendredi 17 janvier pour faire du rangement et de la peinture ;

– un SMS du 20 janvier 2020 à 16h28, indiquant qu’elle n’a pas de chauffage pour ouvrir le bar.

Ces pièces ne permettent pas de rapporter la preuve d’instructions d’effectuer des travaux données par la S.N.C A&C Bar à Mme [I] [F]. Celle-ci a agi de sa propre initiative, ayant récupéré les clés du commerce avant l’ouverture pour préparer son installation, étant précisé qu’elle devait occuper le logement situé au-dessus du bar avec son compagnon. Elles ne permettent pas de caractériser l’existence d’un lien de subordination.

– un SMS du 21 janvier 2020 indiquant qu’elle a appelé pour le fioul ‘à l’instant’, puis des discussions postérieures concernant la chaudière qui ne fonctionne pas ;

– un SMS du 27 janvier 2020 dans lequel elle indique qu’elle attend des devis pour la peinture au niveau du logement ;

– de nombreux SMS seront également produits concernant des problèmes bancaires, de remises de chèques, de livraison de tabac, de fourniture de pain postérieurs à l’ouverture du bar le 21 janvier 2020.

L’ensemble de ces pièces sont donc sans intérêt en ce qui concerne l’existence d’un contrat de travail antérieurement au 21 janvier 2020.

Mme [I] [F] s’est comportée antérieurement à l’ouverture du bar comme une future gérante ou future associée. Elle ne recevait aucune directive et n’était pas placée sous l’autorité de Mme [K], de M. [X] ou de la S.N.C A&C Bar. Aucune des pièces produites par elle n’est de nature à établir qu’elle aurait accompli, sous l’autorité d’un employeur, une prestation de travail sous un lien de subordination antérieurement à la signature de son contrat de travail daté du 21 janvier 2020.

Il importe peu à cet égard que la S.N.C A&C Bar lui ait remis une somme d’argent lors de la rupture, étant précisé que la cause de cette remise n’est pas établie. Il ne peut en être tiré aucune conclusion quant à l’existence d’une relation travail antérieurement au 21 janvier 2020.

Sur la rupture du contrat de travail daté du 21 janvier 2020

Mme [I] [F] soutient qu’un contrat de travail antidaté au 21 janvier 2020 a été signé le 5 février 2020, prévoyant une période d’essai qui ne pouvait dès lors lui être imposée et que la rupture qui s’en est suivie est injustifiée.

La S.N.C A&C Bar réplique que Mme [F] avait parfaitement connaissance de l’existence de la période d’essai lors de son embauche. Elle précise que le contrat de travail a été soumis à la salariée pour avis avant signature et qu’elle n’a formulé aucun commentaire, ni émis aucune réserve, preuve que le contenu du contrat avait été convenu entre les parties et la période d’essai acceptée.

Il ressort de l’ensemble des SMS produits aux débats que les parties ont cherché des solutions afin de pallier les conséquences de l’interdiction bancaire dont faisait l’objet Mme [I] [F]. Cette dernière a commencé à travailler le 21 janvier 2020 avant la signature de son contrat de travail, lequel est antidaté. Une proposition de contrat a été adressée le 28 janvier 2020 par le cabinet comptable à M. [X], lequel l’a adressé pour avis à Mme [I] [F] le 5 février 2020.

Aux termes de l’article L. 1221-23 du code du travail, la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.

Il est en effet de principe que la période d’essai ne se présume pas et doit être fixée dans son principe et dans sa durée dès l’engagement du salarié (Soc., 28 juin 2000, pourvoi n° 98-45.182).

En application de l’article 12 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, la mention d’une période d’essai doit obligatoirement figurer dans le contrat de travail lequel doit être remis au salarié à la prise du travail et en tout état de cause au plus tard dans les 48 heures.

Mme [I] [F] a commencé à travailler le 21 janvier 2020, sans qu’un contrat de travail écrit ait été régularisé. Il n’est pas établi qu’à cette date la salariée avait connaissance de ce qu’elle serait soumise à une période d’essai ni a fortiori de la durée de celle-ci. La signature postérieure à sa prise de fonctions d’un contrat de travail écrit n’a pas eu pour effet de soumettre l’intéressée à la période d’essai qui y était stipulée.

Dès lors, la rupture du contrat de travail le 17 février 2020, sans que la procédure de licenciement ait été mise en oeuvre, s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

La salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé durant le préavis d’une durée de huit jours en application de l’article 30-2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 514,40 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 51,44 euros brut au titre des congés payés afférents.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Mme [I] [F] a acquis une ancienneté de moins d’une année complète au moment de la rupture, en l’espèce un mois. L’indemnité maximale à laquelle elle peut prétendre est égale à un mois de salaire brut.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de fixer à 500 euros brut l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour vice de forme

Mme [I] [F] demande le paiement de la somme de 1929 € au motif que son contrat de travail a été rompu sans aucun respect de la procédure de licenciement. Elle y ajoute que l’employeur est soumis à une obligation de formation et d’adaptation qui n’a pas été remplie.

Il résulte de l’article L. 1235-2 du code du travail que l’indemnité à laquelle le salarié peut prétendre en cas d’irrégularités commises au cours de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée avait un mois d’ancienneté au moment de la rupture. Les pièces qu’elle verse aux débats ne permettent pas d’établir que l’employeur ait manqué à son obligation d’adaptation à l’emploi prévue par l’article L. 6321-1 du code du travail.

Par voie de confirmation du jugement, Mme [I] [F] est déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour vice de forme.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Certes, l’employeur a fait signer à la salariée un contrat de travail antidaté. Cependant, il l’a rémunérée à compter de son engagement. Il ne s’est pas soustrait à ses obligations déclaratives et a rémunéré la salariée de l’ensemble des heures de travail accomplies.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [I] [F] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande en paiement au titre des frais exposés

Mme [I] [F] demande le paiement de la somme de 236,48 € au titre des frais exposés pour l’ouverture du bar au bénéfice de la société. Elle produit une note de frais sans le moindre justificatif ni des achats effectués ni de leur destinataire ni de l’ordre d’achat qui lui aurait été donné. Elle ne peut en conséquence qu’être déboutée de sa demande.

Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts

Les sommes accordées à la salariée produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation soit le 2 juillet 2020 pour l’indemnité compensatrice de préavis et à compter de la date de prononcé du présent arrêt pour l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d’ordonner à la S.N.C A&C Bar de remettre à Mme [I] [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante. Il y a lieu de préciser que le sort des éventuels frais d’exécution forcée sera réglé dans le cadre des procédures civiles d’exécution mises en oeuvre.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l’intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 28 septembre 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tours mais seulement en ce qu’il a débouté Mme [I] [F] de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité de préavis et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [I] [F] s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.N.C A&C Bar à payer à Mme [I] [F] les sommes de 514,40 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 51,44 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2020 ;

Condamne la S.N.C A&C Bar à payer à Mme [I] [F] la somme de 500 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil ;

Ordonne à la S.N.C A&C Bar de remettre à Mme [I] [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification ;

Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte;

Condamne la S.N.C A&C Bar à payer à Mme [I] [F] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la S.N.C A&C Bar aux dépens de première instance et d’appel

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID

 


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