Your cart is currently empty!
26 novembre 2019
Cour d’appel de Versailles
RG n°
18/03399
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2019
N° RG 18/03399 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SMF4
AFFAIRE :
SAS SYJALAIN
C/
SA LA FRANCAISE DES JEUX
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2014F00412
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26.11.2019
à :
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
Me Martine DUPUIS
TC de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS SYJALAIN représentée par son Président, Monsieur [T] [W]
N° SIRET : 452 26 5 8 38
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 1800326 et par Maître Romuald MOISSON, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SA LA FRANCAISE DES JEUX société d’économie mixte, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1859793 et par Maître Vanessa BENICHOU, avocat plaidant au barreau PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
La société anonyme d’économie mixte La Française des jeux (la FDJ) bénéficie au titre de décrets successifs d’un monopole légal sur l’organisation et la gestion des loteries et paris sportifs. Son capital est détenu à hauteur de :
– 72% par l’Etat français,
– 20 % par les «Emetteurs», principalement des associations d’anciens combattants, lesquels ont mis en place la vente de dixièmes de billets de loterie par l’intermédiaire de distributeurs,
– 5% par les salariés,
– 3% par les courtiers-mandataires, via la société Soficoma.
Jusqu’en 2014, la distribution des jeux d’argent reposait principalement sur deux acteurs indépendants :
– les détaillants, essentiellement des commerces de proximité, qui commercialisent les jeux auprès du public en qualité de mandataires de la FDJ,
– les courtiers-mandataires, qui prospectent et gèrent les réseaux des détaillants dans un secteur géographique déterminé, assurent leur approvisionnement en tickets, collectent les mises, paient les gains et bénéficient d’un droit sur la clientèle des détaillants. Ils agissent au nom et pour le compte de la FDJ, qui les rémunère par commissions. Ils sont regroupés régionalement au sein de groupements d’intérêt économique (GIE) afin de faciliter l’organisation de leur activité.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires sont depuis 1987 organisées dans le cadre d’un contrat qualifié de mandat d’intérêt commun par la jurisprudence, dont les termes sont identiques pour tous les courtiers-mandataires et négociés au niveau national. Le contrat actuellement en cours a été conclu en 1991, et a fait l’objet de plusieurs avenants. Le dernier, signé en 2003, a notamment porté à la baisse la rémunération des courtiers-mandataires et engagé une réorganisation des secteurs de distribution, les courtiers-mandataires se voyant proposer d’opter entre la poursuite de leur activité aux conditions de ce nouvel avenant ou sa cessation assortie d’une indemnisation renforcée. Les secteurs vacants dans le cadre de cette réorganisation, ont été réaffectés à d’autres courtiers-mandataires existants ou à des filiales de la FDJ.
Le 6 octobre 2003, la FDJ a transmis à son réseau de distribution des « principes de resectorisation » fondant sa politique commerciale, qui fixaient notamment des objectifs de redécoupage des secteurs.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires se sont dégradées. En décembre 2007 les courtiers-mandataires, reprochant à la FDJ d’avoir conservé une dizaine de secteurs sous son contrôle par l’intermédiaire de ses filiales, ont déposé une plainte devant l’Autorité de la concurrence dont ils se sont finalement désistés.
Des négociations en vue d’un nouvel avenant ont été engagées en 2008 entre la FDJ et l’UNDJ, organisation représentant les courtiers-mandataires au niveau national, et un programme de travail a été signé le 7 septembre 2009 entre les parties. Ces négociations portaient notamment sur la resectorisation de la distribution dans un objectif de réduction des coûts de distribution de la filière. Ces négociations ont finalement échoué, les courtiers-mandataires refusant de ratifier un projet d’accord adressé par la FDJ les 29 avril et 27 juillet 2011.
Par courriers des 13 octobre 2011 et 17 février 2012, la FDJ a informé les courtiers-mandataires de son intention de réorganiser sa distribution intermédiaire. Les courtiers-mandataires ont alors introduit plusieurs instances à l’encontre de leur mandante, directement ou par l’intermédiaire de l’UNDJ.
Par lettre du 22 mai 2014, la FDJ a notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 7 de l’avenant de 2003, avec préavis et versement de l’indemnité de 1,65 fois le montant des commissions de l’année précédente. Cette résiliation a elle aussi donné lieu à des contestations devant les juridictions judiciaires.
Monsieur [T] [W] exerce la profession de courtier-mandataire depuis 1972. Par actes du 10 mars 1987 puis du 20 novembre 1990, il a conclu un contrat de courtier-mandataire avec la FDJ, aux termes duquel il s’est vu confier un secteur géographique en Aquitaine.
Le 16 juillet 2003, M. [W] et la FDJ ont signé un avenant organisant la poursuite de l’activité du courtier-mandataire selon les nouvelles conditions négociées cette même année entre la FDJ et l’UNDJ.
Aux termes d’un nouvel avenant du 1er mars 2004, la FDJ a autorisé l’apport du contrat de courtier-mandataire à la SAS Syjalain, présidée par M. [W], associé majoritaire. Dans le cadre de son activité, cette société était membre du groupement d’intérêt économique (GIE) Aquitaine.
Lorsque M. [W] a atteint l’âge de soixante-six ans, terme prévu au contrat, la FDJ lui a proposé de prolonger son activité au-delà de la date contractuellement prévue. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2011, la FDJ l’a informé que son contrat prendrait fin le 25 novembre 2012.
Par lettre du 11 mai 2012, la FDJ a informé le GIE Aquitaine de la cessation de contrat à venir de M. [W], lui rappelant qu’il disposait d’un délai d’un mois pour proposer des candidats à la reprise du secteur de la société Syjalain.
Par courrier du 8 juin 2012, le GIE Aquitaine a proposé à la FDJ, en accord avec M. [W], la candidature du fils de ce dernier, M. [A] [W].
Puis, par courrier du 11 juin 2012, le GIE a présenté une proposition de sectorisation portée par deux courtiers-mandataires, MM. [O] et [U], et la candidature de M. [S] [O] seul.
En parallèle, le 23 mai 2012, la FDJ s’est rapprochée de MM. [O] et [U], courtiers-mandataires, pour leur proposer la reprise du secteur de la société Syjalain dans le cadre d’un contrat de prestation à durée déterminée.
Par lettre du 6 juillet 2012, la FDJ a refusé les trois candidatures proposées par le GIE.
La FDJ, considérant qu’il lui était impossible de désigner un cessionnaire compte tenu de la réorganisation en cours de son réseau de distribution, a finalement confié la gestion du secteur libéré à une de ses filiales, la SAS La roche Pyrénées jeux distribution, ce dont elle a informé M. [W] par courrier du 18 septembre 2012 lui précisant qu’il percevrait une indemnité de résiliation.
Suivant courrier du 27 septembre 2012, M. [W] a contesté les termes de la résiliation de son contrat de courtier-mandataire, ce que la FDJ a réfuté par courrier du 8 octobre 2012. Il s’en est suivi un échange de lettres, chacune des parties maintenant sa position.
Le 10 décembre 2012, la société Syjalain a mis la FDJ en demeure de lui payer la somme de 3 000 000 euros.
Les 20 et 24 décembre 2012, la FDJ lui a adressé une indemnité de résiliation d’un montant total de 1 948 616,82 euros calculée sur la base de 1,65 fois le montant des commissions de l’année précédente et avant déduction du solde d’un emprunt réglé directement entre les mains du prêteur.
C’est dans ces circonstances que, par assignation du 14 février 2014, la SAS Syjalain considérant que la FDJ avait commis une faute en écartant la procédure de cession prévue à l’article 10 du contrat, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée au paiement de la somme de 1 284 534,70 euros en réparation du préjudice subi.
Selon jugement contradictoire rendu le 10 janvier 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit la FDJ fautive, n’ayant pas justifié de son obligation de moyens de désigner un cessionnaire au sens de l’article 10-3 du contrat ;
– en réparation, condamné la FDJ à payer à la SAS Syjalain la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et capitalisation des intérêts selon les modalités et délai de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamné la FDJ à payer à la SAS Syjalain la somme de 6 000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– condamné la FDJ aux dépens.
La SAS Syjalain a interjeté appel de cette décision le 14 mai 2018.
Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 septembre 2019, elle demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondé en son appel ;
Par conséquent,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit que la FDJ était fautive pour ne pas avoir justifié de son obligation de moyen de désigner un cessionnaire au sens de l’article 10-3 du contrat,
* condamné la même société à payer des dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et capitalisation des intérêts, conformément à l’article 1343-2 (nouveau) du code civil, ainsi que la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
– débouter la FDJ de toutes ses demandes ;
– dire et juger que la FDJ a également violé la procédure de cession de son contrat, telle que fixée à son article 10, et a commis plusieurs fautes en :
* refusant d’agréer MM. [O] et [U], candidats présentés par son GIE, comme cessionnaires de son contrat, courtiers-mandataires en activité qui répondaient à sa politique commerciale,
* tentant de les débaucher, pour leur proposer l’exploitation de son secteur dans le cadre de contrats de prestation à durée déterminée,
* résiliant son contrat pour l’attribuer à sa filiale, la SAS La roche Pyrénées jeux distribution, et ce en violation des principes de sélection et de sectorisations mis en place par elle,
* détournant la procédure d’agrément de son objet, en ne respectant ni les critères de sélection, ni la concertation prévue avec le GIE,
* en décidant dès 2010 de ne plus agréer de cession de gré à gré ;
– condamner la FDJ à lui payer la somme de 1 051 384 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice matériel subi ;
Y ajoutant,
– condamner la FDJ à lui payer la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la FDJ aux entiers dépens de la procédure d’appel, qui pourront être recouvrés directement par maître Pascale Regrettier-Germain, conformément à l’article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions comportant appel incident, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 septembre 2019, la FDJ demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit qu’elle était libre de choisir et d’adapter son réseau de distribution,
* dit qu’elle n’avait commis aucune faute ni aucun abus en refusant d’agréer MM. [W] et [O],
* dit qu’elle n’avait pas commis de faute en désignant sa filiale ;
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* a dit qu’elle avait abusé de son droit d’examen de la candidature commune de MM. [W] et [O], pour la refuser,
* a dit qu’elle avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation de désigner un cessionnaire,
* l’a condamnée à payer à la société Syjalain une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* l’a condamnée à payer à la société Syjalain une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle a parfaitement respecté les termes de l’article 10 du contrat de courtier-mandataire en :
* ayant refusé d’agréer les candidats présentés sur le fondement de ses principes de resectorisation, connus et revendiqués par les courtiers-mandataires,
* constatant qu’il était impossible de désigner un cessionnaire au courtier partant compte tenu du contexte de réorganisation du réseau en cours,
* versant l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions N-1,
* proposant à MM. [U] et [O], courtiers-mandataires en exercice, de reprendre le secteur libéré dans le cadre d’un nouveau contrat, distinct du contrat de courtier-mandataire, ce que ces derniers ont refusé,
* attribuant le secteur laissé vacant à l’une de ses filiales ;
– dire et juger que la société Syjalain n’a subi aucun préjudice indemnisable ;
– constater que l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est destinée à pallier l’absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d’agrément ;
– constater que le montant de cette indemnité a été fixé d’un commun accord entre les parties et
correspond au prix du marché ;
– constater que cette indemnité n’est pas de nature à léser les courtiers-mandataires ;
– débouter la société Syjalain de l’ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause :
– condamner la société Syjalain au paiement d’une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Syjalain aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2019.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
À titre liminaire, il est rappelé que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes des parties tendant à ‘constater’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de la SAS Syjalain recevable.
Après avoir rappelé que le contrat de courtier-mandataire est un mandat d’intérêt commun, constituant l’élément essentiel de son activité, et que le contrat de 1990 a réaffirmé le principe de cessibilité du contrat de courtier-mandataire aux termes de son article 10, la SAS Syjalain explique que cette liberté de cession a été restreinte par les critères de sélection préalables à l’agrément mis en place par la FDJ et les principes de sectorisation établis et adressés à son réseau le 6 octobre 2003. Elle fait valoir que depuis 2010, la FDJ détourne, de mauvaise foi, les termes de l’article 10 du contrat afin de refuser tous les cessionnaires présentés par des GIE et d’empêcher toute cession et qu’elle mène une politique visant à refuser systématiquement toute cession amiable et de gré à gré pour appréhender tous les secteurs libérés et les attribuer à ses filiales ou à des intermédiaires, hors contrat et statut de courtier-mandataire.
Elle soutient que la FDJ a poursuivi la résiliation de son contrat de courtier-mandataire plutôt que d’en favoriser la cession, alors même qu’elle disposait d’un candidat qui l’agréait, commettant ainsi un abus de droit dans le cadre de l’agrément de son successeur, constitutif d’une faute génératrice d’un préjudice.
Elle prétend, également, que les propositions de candidatures n’ont jamais été examinées, que la FDJ ne s’est pas concertée avec le GIE Aquitaine pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, comme le prévoyaient les principes de sectorisation, qu’elle a abusivement refusé d’agréer les cessionnaires présentés, qu’elle n’a pas rempli son obligation de rechercher, en particulier auprès de MM. [L] et [Q], courtiers-mandataires en activité, puis de désigner un cessionnaire alors qu’elle disposait de courtiers-mandataires susceptibles de lui succéder en la personne de MM. [O] et [U] et qu’elle a tenté de débaucher ces derniers en leur faisant signer un contrat de nature totalement différente, excluant toute cession de contrat et ce en fraude de ses droits. Elle en déduit que la FDJ se trouvait dans l’obligation de désigner ceux-ci comme cessionnaires, et ne pouvait ni confier le secteur libéré à sa filiale ni lui verser une indemnité de résiliation égale à 1,65 fois le montant de ses commissions de l’année précédente.
Faisant état des jurisprudences [M] et [H], elle soutient que la FDJ aurait dû faire en sorte que sa filiale se porte cessionnaire du contrat ou pour le moins du secteur en lui versant un prix de cession puis conteste l’argument de celle-ci selon lequel l’impossibilité de désigner un cessionnaire résulterait de la réorganisation en cours de son réseau et du refus par les courtiers-mandataires de signer son projet d’avenant en 2011, ce projet ne prévoyant nullement la mise en place d’un nouveau circuit de distribution. Elle considère que la FDJ ne peut pas se prévaloir des principes de sectorisation pour interpréter unilatéralement l’article 10.4 du contrat comme lui permettant de confier les secteurs libérés à ses propres filiales dans le cadre de contrats d’une autre nature. Elle ajoute que pour ne pas être fautif, le refus d’agrément doit répondre à des critères objectifs, appliqués de manière non discriminatoire et respecter la procédure de l’article 10 du contrat mais qu’en l’espèce la FDJ a abusé de ce droit en n’opérant pas la comparaison imposée par la jurisprudence entre les candidatures présentées par le GIE et sa filiale et ce alors que toutes les candidatures de cessionnaires étaient beaucoup plus proches des critères de sélection imposés par le principe de sectorisation que cette dernière qui intervenait sur neuf départements différents plus Andorre.
Après avoir présenté son réseau et rappelé, d’une part, plusieurs affaires dans lesquelles les juridictions ont considéré qu’elle n’avait commis aucune faute en refusant d’agréer une candidature de reprise de secteur de courtiers-mandataires ayant cessé leur activité aux motifs qu’elle n’avait fait qu’appliquer les stipulations contractuelles et sa politique commerciale et, d’autre part, les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce, dont découlent les droits pour chaque contractant de conclure un contrat avec la personne de son choix, de refuser de contracter et d’octroyer un agrément à un candidat, de conclure la convention de son choix et de la modifier, et enfin de résilier le contrat conclu ou de modifier sa politique commerciale et son réseau de distribution en fonction des circonstances économiques et des impératifs de réorganisation, la FDJ indique que si les juridictions analysent la précision et l’objectivité des critères retenus pour sélectionner un candidat, elles ne peuvent, en revanche, en apprécier l’opportunité, sous peine de s’immiscer dans les choix commerciaux d’une entreprise privée.
Elle soutient ensuite que la cessation d’activité de la société Syjalain a été opérée en parfaite adéquation avec les stipulations contractuelles ainsi qu’avec sa politique commerciale en vigueur, connue de la profession, et qu’elle n’a commis aucune faute.
Elle fait valoir à cette fin que l’article 10 du contrat, seul applicable dans la mesure où le contrat a pris fin au soixante-sixième anniversaire de M. [W], doit s’interpréter à la lumière des principes de resectorisation communiqués au réseau le 6 octobre 2003 et qui constituent une norme contractuelle liant les parties, ce que reconnaît l’appelante puisqu’elle lui reproche au visa des articles 1101 et suivants du code civil une violation de ces principes. Elle explique que son obligation de désigner un cessionnaire au contrat de courtier-mandataire par la conclusion d’un contrat de même nature est une obligation de moyen, qui connaît un tempérament si elle ne peut plus agréer de courtiers-mandataires en raison d’une réorganisation de son réseau et s’il n’y a pas de cessionnaire répondant aux objectifs de viabilité et de pérennité du courtage. Elle ajoute que la réorganisation en cours de son réseau de distribution, liée au refus des courtiers-mandataires de signer l’accord présenté en 2011, induisait nécessairement la résiliation du contrat de la société Syjalain et qu’aux termes de l’article 10.4 alinéa 2 du contrat, elle était alors libre de conclure un nouveau contrat d’une nature différente avec le courtier-mandataire de son choix ou si elle n’y parvenait pas de faire assurer la gestion du secteur par une de ses filiales dans le cadre d’un portage temporaire, étant observé que l’interprétation des termes du contrat doit tenir compte de l’économie générale de ce dernier. Elle considère que le contrat dans son ensemble fait apparaître l’indispensable agrément de l’opérateur préalablement à toute cession et qu’elle n’est nullement tenue de favoriser une cession du contrat.
Elle précise que les motifs du refus d’agrément qu’elle a opposés aux candidats présentés par le GIE Aquitaine étaient parfaitement légitimes puisque fondés sur sa politique commerciale et qu’elle n’était pas tenue de se concerter avec ce GIE avant de refuser d’accorder son agrément. Elle expose à ce titre, que depuis 2003, aucun agrément n’a été accordé à des tiers au réseau et que M. [A] [W] étant externe au réseau, son refus de l’agréer est parfaitement justifié ; que la proposition de resectorisation a attirée son attention mais qu’elle n’était économiquement pas viable voire déraisonnable eu égard au contexte et que MM. [U] et [O] ont refusé la proposition qui leur a été faite dans le cadre d’un contrat à durée déterminée ; enfin que le refus de la candidature de M. [O], qui conduisait à une exploitation sur cinq départements et contrevenait aux principes de resectorisation, était également justifié. Elle ajoute que la désignation de l’un des courtiers-mandataires limitrophes aurait abouti à des secteurs situés sur quatre ou cinq départements en contradiction avec l’objectif d’harmonisation des limites des secteurs avec celles des départements ; que s’agissant des courtiers-mandataires non limitrophes, la désignation de Mme [J], courtier-mandataire ayant cessé son activité le 16 septembre 2012, était manifestement inenvisageable ; qu’il était improbable que M. [L], autre courtier-mandataire ayant bénéficié d’un agrandissement de son secteur en 2009, cède une partie de celui-ci pour exploiter au autre secteur non limitrophe au sien, et que M. [Q] était réticent à toute extension de secteur, en sorte qu’il était inutile de les contacter.
Elle affirme également que les dispositions du contrat de courtier-mandataire mettent à sa charge une obligation de moyen de désigner un cessionnaire et non de le rechercher et qu’en l’espèce elle s’est trouvée dans l’impossibilité de désigner un cessionnaire au courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution et de l’absence de tout repreneur susceptible d’être agréé.
Elle ajoute que n’étant pas en mesure d’attribuer le secteur libéré à un autre courtier-mandataire dans le cadre d’un contrat de courtier-mandataire, en raison de sa politique commerciale de resectorisation, elle était fondée à proposer à MM. [O] et [U] de reprendre le secteur libéré dans le cadre d’un autre contrat de nature différente et en suite de leur refus de désigner sa filiale, la société La Roche Pyrénées jeux distribution, dans le cadre d’un nouveau contrat pour reprendre l’exploitation du secteur géré par la société Syjalain, et que contrairement à ce qu’affirme celle-ci, elle n’était nullement obligée de désigner la société La Roche Pyrénées jeux distribution comme cessionnaire et de la lui présenter, l’appelante ne démontrant d’ailleurs pas que sa filiale lui aurait proposé un prix de cession plus élevé que le montant de l’indemnité contractuelle qui lui a été versé. Elle considère qu’elle était ainsi fondée à lui verser l’indemnité de 1,65 fois les commissions de 2011.
En raison de la liberté du commerce, de la liberté contractuelle et de la possibilité pour une entreprise d’organiser librement son réseau de distribution, il ne peut pas être reproché à la FDJ d’avoir décidé de ne plus agréer de cession de gré à gré depuis 2010 et ce d’une manière générale. Il convient, en revanche, dans chaque cas particulier, de rechercher si elle a commis une faute dans l’application des stipulations contractuelles.
Les parties s’accordent pour reconnaître au contrat du 20 novembre 1990 et ses avenants successifs la qualification de mandat d’intérêt commun.
En l’espèce, les articles 6 et 10, relatifs respectivement à la durée et à la cession du contrat conclu le 20 novembre 1990, modifié, entre M. [W] et la société France Loto, devenue FDJ, sont rédigés en ces termes :
– Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée…Toutefois, sauf dérogation accordée par [la FDJ], le présent contrat cessera de plein droit et sans préavis au soixante-sixième anniversaire du courtier-mandataire. Auparavant, le courtier-mandataire aura mis en oeuvre la procédure de cession prévue à l’article 10 du présent contrat.
-10.1 Le courtier-mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer [la FDJ] par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, avec un préavis d’au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité.
[la FDJ] en informe immédiatement le GIE territorialement compétent qui dispose d’un mois pour proposer à [la FDJ], en accord avec le courtier-mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier-mandataire proposé.
10.2 Les renseignements suivants sont également communiqués (…)
10.3 Après trois refus successifs des candidats présentés, [la FDJ] doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier-mandataire cédant, soit, si cette solution s’avère impossible, verser au courtier-mandataire cédant une indemnité fixée, sous réserves des dispositions de l’article 10.4 ci-après, à une fois virgule soixante-cinq les commissions du courtier-mandataire au titre de l’année civile précédente, recalculées sur la base des taux de commission applicables à la date de la cessation d’activité (‘).
10.4 Toutefois, le montant de ces indemnités ne peux excéder le prix le moins élevé proposé
par le(s) candidat(s) cessionnaire(s) présenté(s) par le courtier-mandataire cédant dont la
candidature n’aura pas été agréée par [la FDJ].
[la FDJ] est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier-mandataire de son choix.
Les parties s’accordent également pour reconnaître l’application des ‘Principes de resectorisation’ tels qu’ils ressortent d’une note du 6 octobre 2003 diffusée par la FDJ dans son réseau à savoir : Efficacité (‘établir une cartographie des courtages propre à mettre en oeuvre le plus efficacement possible la politique commerciale de l’entreprise’) et Pérennité (‘mettre en place, dès que possible, des secteurs propres à assurer la viabilité du courtage,
à court et moyen terme…doter chaque courtier de la capacité optimale à mettre en oeuvre la politique commerciale de l’entreprise’). Ceux-ci prévoient notamment de rechercher une meilleure efficacité du réseau en homogénéisant la taille des secteurs au fur et à mesure des départs des courtiers-mandataires en privilégiant les cessions aux courtiers-mandataires présents dans le réseau et en favorisant un meilleur découpage du territoire par le rachat des secteurs limitrophes et l’harmonisation avec les limites des départements.
Il est constant que M. [W] étant né le [Date naissance 1] 1945, la FDJ l’a informé, le 23 décembre 2011, de l’application de la clause de fin de contrat, dont la date a finalement été fixée au 25 novembre 2012, puis que par lettre du 11 mai 2012 elle en a avisé le GIE Aquitaine, lui rappelant que conformément à l’article 10.1 du contrat il disposait d’un délai d’un mois pour lui proposer, en accord avec le courtier-mandataire, un ou plusieurs candidats à la reprise du secteur concerné.
Il est établi par ce courrier qu’à l’origine la FDJ a convenu que le contrat de M. [W] s’inscrivait dans une procédure de cession et non dans un processus de résiliation visé à l’article 12 du même contrat.
Conformément à la procédure de l’article 10, le GIE Aquitaine a présenté le 8 juin 2012, en accord avec M. [W], un premier candidat à la reprise, M. [A] [W], puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 11 juin 2012, une proposition de sectorisation du secteur libéré au profit de deux courtiers-mandataires en activité, MM. [R] [U] et [S] [O], ainsi que la candidature de M. [S] [O] seul.
Par courrier du 6 juillet 2012, la FDJ a rejeté la candidature de M. [A] [W] au motif que celle-ci ne répondait pas à l’objectif consistant à homogénéiser la taille des secteurs et à en réduire le nombre en ce que M. [W] était extérieur au réseau, puis celle de M. [O], courtier-mandataire, au motif que cela conduirait à une exploitation sur quatre départements, précisant également s’être rapprochée de MM. [U] et [O] pour leur proposer une extension de leur secteur selon certaines modalités.
Si aux termes de l’article 10 susvisé la FDJ n’avait pas l’obligation de se concerter avec le GIE Aquitaine pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, les principes de resectorisation, qu’elle a elle-même établis, précisent cependant qu’afin de veiller à l’équité entre courtiers, il convient de ‘connaître l’ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et le GIE, les propositions de candidatures seront transmises à la FDJ pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la FDJ et les GIE concernés et feront également l’objet d’un examen en comité commercial’.
La FDJ ne conteste pas que les trois propositions qui lui ont été adressées n’ont pas été débattues avec le GIE Aquitaine concerné et qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un examen en comité commercial. Or en ne respectant pas les principes qu’elle avait elle-même établis, la FDJ a commis une faute.
Par ailleurs, il est établi par les échanges de mails et de courriers intervenus entre la FDJ et MM. [U] et [O], des 23 mai et 21 juin 2012, qu’avant même la fin du processus de cession tel que décrit à l’article 10 du contrat de courtier-mandataire et sa réponse sur les candidatures proposées par le GIE Aquitaine, dont celle conjointe de MM. [O] et [U], la FDJ a proposé à ceux-ci de régulariser un projet de contrat de prestation d’une durée de cinq années. En ne respectant pas les dispositions du contrat qui la liait à la société Syjalain, la FDJ a également commis une faute.
Il convient ensuite d’examiner chacune des candidatures ou proposition pour rechercher si la FDJ a abusivement refusé de les agréer.
Concernant M. [A] [W] qui, bien que travaillant avec son père en qualité d’adjoint depuis sept années, n’était pas courtier-mandataire, le refus d’agrément de la FDJ était conforme à ses principes de resectorisation tendant à privilégier les courtiers-mandataires déjà présents dans le réseau.
S’agissant de la candidature de M. [O] seul, courtier-mandataire en activité sur les départements du Lot-et-Garonne et de la Gironde, secteur limitrophe de celui de la Dordogne, la Charente et la Charente maritime dévolu à M. [W], l’accroissement de son secteur aurait abouti à ce que celui-ci exerce son mandat sur deux régions et cinq départements différents et génère un chiffre d’affaires de l’ordre de 170 millions d’euros, ce en contrariété avec les objectifs de la FDJ de maintenir une cohérence géographique et d’homogénéiser la taille des secteurs en favorisant un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 75 à 80 millions d’euros, étant souligné que les chiffres d’affaires des secteurs limitrophes étaient compris entre 31 et 80 millions d’euros, peu important à cet égard que certaines filiales de la FDJ exploitent des secteurs pouvant regrouper jusqu’à neuf départements en l’absence d’élément sur la nature du contrat les liant à leur société mère.
Il se déduit de ces éléments que la FDJ n’a commis aucun abus en refusant d’agréer ces candidats.
La deuxième proposition consistait pour MM. [O] et [U] à se partager le secteur de la société Syjalain, à raison de 68% pour le premier, moyennant un prix de cession de 2 009 450 euros, et de 32% pour le second, moyennant un prix de 990 550 euros, tous deux financés à l’aide de prêts.
La FDJ n’allègue pas que cette candidature contrevenait à ses principes de resectorisation en termes de taille de secteur ou de chiffre d’affaires mais prétend qu’elle n’était pas économiquement viable et, compte tenu de la réorganisation en cours, en contradiction avec l’objectif de ‘viabilité du courtage à court et moyen terme’.
Il sera relevé que la compatibilité de cette candidature avec les principes de sectorisation est néanmoins démontrée par la proposition que la FDJ a adressé à MM. [O] et [U], courtiers-mandataires limitrophes, courant mai 2012, d’étendre leur secteur en concluant un contrat d’un autre type, précisément sur le secteur de la société Syjalain.
Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la FDJ, ces derniers n’ont pas refusé cette proposition mais ont demandé par lettres du 21 juin 2012 qu’il soit auparavant statué sur leur candidature comme cessionnaires du contrat de courtier-mandataire de la société Syjalain.
En outre, l’argument de la FDJ relatif à l’aspect non économiquement viable de cette opération est erroné en ce qu’il ne vise que M. [U] sans prendre en compte la totalité de l’opération et des bénéfices.
La FDJ ne peut pas plus prétendre s’être trouvée dans l’impossibilité de les agréer comme cessionnaires au courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution alors qu’en juin 2012 aucune négociation n’était plus d’actualité du fait notamment du refus des courtiers-mandataires d’adhérer au protocole d’accord daté du 27 juillet 2011 et des actions judiciaires engagées en octobre et décembre 2011 par les courtiers-mandataires et leur représentant, l’UNDJ. Il résulte ainsi des lettres du 13 octobre 2011 et du 17 février 2012 adressées par la FDJ aux courtiers-mandataires que les contrats continuaient à s’appliquer et que son conseil d’administration lui avait demandé de mettre en place un programme de travail pour proposer un dispositif commercial incluant les aspects organisationnels et contractuels, ce qui ne constituait pas un obstacle à la signature d’un nouveau contrat de courtier-mandataire.
Il se déduit de ces éléments que la FDJ a commis une faute en refusant d’agréer MM. [O] et [U] comme candidats à la reprise du secteur de la société Syjalain.
Dés lors que le refus de la FDJ d’agréer ces derniers est abusif, il n’y a pas lieu de rechercher si la FDJ a également commis des fautes en ne recherchant pas puis en ne désignant pas un autre courtier-mandataire cessionnaire ou en attribuant le secteur à sa filiale.
Puisqu’il n’était pas impossible à la FDJ d’agréer MM. [O] et [U], le paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation à hauteur de 1,65 fois le total des commissions de l’année précédente est exclu.
Sur le préjudice et le lien de causalité
La société Syjalain affirme que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, son préjudice ne s’analyse pas en une perte de chance mais en une perte subie et en un gain manqué, c’est à dire le manque à gagner certain qui aurait été perçu en l’absence de faute de la FDJ.
Elle prétend que si la FDJ n’avait pas commis de fautes, il est certain qu’elle aurait cédé son contrat en sorte qu’il n’y a pas d’aléa et que le manque de gains qui en est résulté doit être indemnisé sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice laquelle est exclusive de toute perte de chance, étant souligné le caractère dolosif des fautes commises de manière délibérée et intentionnelle. Rappelant les dispositions des articles 1142 et 1147 anciens du code civil, elle précise que la nature des sommes demandées consiste en des dommages et intérêts et non en une indemnité contractuelle de résiliation et que par conséquent le coefficient de 1,65 pour calculer le montant de son indemnité n’a aucune légitimité économique.
Elle soutient que le quantum de son préjudice, correspondant au montant du gain dont elle a été privé, peut être évalué à la somme de 1 051 384 euros a minima en se basant sur le montant des offres de reprise et la valorisation de son contrat faite à hauteur de 3 000 000 euros par un expert-comptable.
Elle propose enfin à la cour d’autres critères d’appréciation afin de calculer le montant des dommages et intérêts en prenant en considération la jurisprudence rendue en matière de ruptures irrégulières de mandats d’intérêt commun, l’étude faite par M. [E] et les indemnités de résiliation antérieurement versés par la FDJ.
Après avoir critiqué la décision des premiers juges en ce qu’ils n’ont pas qualifié la nature du préjudice prétendument subi par la société Syjalain, la FDJ soutient que la société Syjalain ne justifie pas de la nature du préjudice allégué, celui-ci ne pouvant s’analyser en un gain manqué dans la mesure où la cession du contrat est loin d’être certaine puisque soumise à son agrément, lequel est fonction de la politique commerciale qu’elle est libre de mener.
Considérant que les décisions sur lesquelles l’appelante se fonde, pour indiquer que le propre de la réparation serait de remettre la victime des faits fautifs dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n’avait pas été commise, ont été rendues dans des affaires qui n’ont rien à voir avec le présent litige, la FDJ soutient également que tant le coefficient retenu par le tribunal à hauteur de 1,80 fois les commissions de l’année 2012, que l’évaluation faite par la société Syjalain du prétendu préjudice sont erronés, étant souligné que lorsque M. [W] a apporté son secteur à la société Syjalain le prix représentait 1,70 fois les commissions de l’année précédente.
Elle fait valoir par suite que l’indemnisation à hauteur de 1,65 fois les commissions de l’année précédente, qui a été instituée pour pallier l’impossibilité de céder le courtage en dehors de la procédure d’agrément et qui correspond à une réalité tant juridique qu’économique, est la seule applicable en l’espèce.
Elle critique enfin l’évaluation que la société Syjalain fait de son préjudice, représentant un coefficient de 2,54 fois ses commissions de l’année précédente, en indiquant notamment que les propositions formulées par MM. [O] et [U] ou par M. [O] seul n’étaient qu’une mascarade, que la valeur du courtage telle que retenue par l’expert-comptable de l’appelante est remise en cause par les conclusions du rapport Sorgem évaluation, que la jurisprudence invoquée n’est pas transposable en l’espèce et que les coefficients spéciaux ne peuvent pas s’appliquer à la situation de la société Syjalain.
Aux termes des articles 1142 et 1149 anciens du code civil, toute inexécution contractuelle se résout par l’allocation au créancier de dommages et intérêts qui sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
En refusant abusivement d’agréer MM. [O] et [U], la FDJ a privé la société Syjalain d’un prix de cession supérieur à l’indemnité de résiliation versée, en sorte que l’intimée est bien fondée à solliciter réparation du préjudice subi lequel s’analyse justement en un gain manqué.
Il résulte de la lettre adressée le 11 juin 2012 par le GIE Aquitaine à la FDJ que MM. [O] et [U] s’étaient engagés à reprendre la totalité des actions de la société Syjalain moyennant le prix de 3 000 000 euros, étant précisé que pour obtenir ce chiffre l’expert-comptable de la société a valorisé le contrat de courtier-mandataire de la société Syjalain à la somme de 3 000 000 euros, soit un coefficient de 2,54 fois les commissions de l’année précédente. Bien que non signée par ces derniers cette proposition a nécessairement été confirmée par eux lorsqu’ils ont, par lettre du 21 juin 2012, sollicité de la FDJ qu’elle se prononce sur leur candidature.
Il ressort de la promesse de cession de parts que le prix offert par M. [A] [W] avait été calculé à partir de la même évaluation et que s’il était moindre c’est parce que celui-ci ne reprenait que 206 des 300 actions constituant le capital social de la société et non en raison de l’utilisation d’un coefficient inférieur.
Toutefois selon le rapport établi par le cabinet Sorgem évaluation, produit par la FDJ, l’évaluation du contrat de courtage de la société Syjalain est comprise entre ‘1 945.2 K€ et 1 968.8 K€, en retenant des multiples médians de 1.65x et 1.67x les commissions 2011″.
Pour évaluer la valeur de marché du contrat de la société Syjalain, le tribunal a retenu un coefficient moyen de 1,80 appliqué au chiffre d’affaires réalisé en 2012 soit 1 198 647 euros.
Le tableau récapitulatif des cessions de courtage produit par la FDJ, pour invalider tant ce coefficient que celui auquel prétend la société Syjalain, dont il résulte un coefficient moyen de 1,598, ne peut être seul retenu dès lors que les cessions qui y figurent, qui datent de 1998 à 2002, sont trop anciennes pour servir de base à une cession de 2012.
Les éléments communiqués par l’appelante, dont il ressort que les offres d’achat formulées par les candidats repreneurs en 2012 pour les 13 secteurs qui se libéraient du fait du départ à la retraite de courtiers-mandataires étaient en moyenne de 2,18 fois les commissions de l’année précédente pour une cession d’actions et de 2,57 fois pour une reprise directe du contrat, sont probants contrairement à ce qui est soutenu par la FDJ dès lors que s’il n’est pas démontré que ces offres se seraient concrétisées par des cessions, il ne peut en être conclu que c’est en raison d’un désaccord sur le prix alors que celles-ci étaient soumises à la condition suspensive de l’agrément du cessionnaire par la FDJ.
La comparaison entre ceux-ci et l’offre de prix de rachat du contrat de la société Syjalain montre que celle-ci, qui se situait dans la fourchette économiquement haute, était manifestement surévaluée, sans pouvoir néanmoins être qualifiée de ‘mascarade’.
Il convient par suite de retenir une moyenne entre ces trois coefficients (1,598 ; 2,18 et 2,57) et d’appliquer un coefficient de 2,11 au dernier chiffre d’affaires réalisé, lequel était de 1 178 953 euros en 2011 selon le bilan 2011 versé aux débats corroboré par la lettre de la FDJ du 22 mars 2012 sur le montant des commissions déclaré à l’administration fiscale, soit une évaluation du contrat à 2 487 590,83 euros.
La société Syjalain est dès lors fondée à voir fixer son préjudice à la somme de 538 974,01 euros (2 487 590,83 – 1 948 616,82 euros) correspondant à la différence entre cette évaluation et l’indemnité de résiliation déjà perçue.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
La disposition du jugement fixant le point de départ des intérêts au taux légal à compter de sa date sera confirmée en l’absence d’autre demande.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’appel de la SAS Syjalain ;
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal au jour de sa date, condamné la société La Française des jeux au paiement d’une indemnité procédurale ainsi qu’aux dépens et ordonné la capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau,
Dit qu’en ne respectant pas les stipulations du contrat de courtier-mandataire la liant à la société Syjalain dans la mise en oeuvre de la procédure contractuelle de cession de ce contrat la société La Française des jeux a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;
Condamne la société La Française des jeux à payer à la société Syjalain la somme de 538 974,01 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
Condamne la société La Française des jeux à payer à la société Syjalain la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Syjalain du surplus de ses prétentions ;
Condamne la société La Française des jeux aux dépens d’appel avec droit de recouvrement au profit de maître Pascale Regrettier-Germain, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,