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26 novembre 2019
Cour d’appel de Versailles
RG n°
18/03394
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2019
N° RG 18/03394 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SMFR
AFFAIRE :
Société civile DP JEUX
C/
SA LA FRANCAISE DES JEUX
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2012F03824
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26.11.2019
à :
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
Me Martine DUPUIS
TC de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société civile DP JEUX représentée par son gérant Monsieur [T] [O]
N° SIRET : 399 40 9 7 62
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 1800325 et par Maître Romuald MOISSON, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SA LA FRANCAISE DES JEUX société d’économie mixte, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1859791 et par Maître Vanessa BENICHOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
La société anonyme d’économie mixte La Française des jeux (la FDJ) bénéficie au titre de décrets successifs d’un monopole légal sur l’organisation et la gestion des loteries et paris sportifs. Son capital est détenu à hauteur de :
– 72% par l’Etat français,
– 20 % par les «Emetteurs», principalement des associations d’anciens combattants, lesquels ont mis en place la vente de dixièmes de billets de loterie par l’intermédiaire de distributeurs,
– 5% par les salariés,
– 3% par les courtiers-mandataires, via la société Soficoma.
Jusqu’en 2014, la distribution des jeux d’argent reposait principalement sur deux acteurs indépendants :
– les détaillants, essentiellement des commerces de proximité, qui commercialisent les jeux auprès du public en qualité de mandataires de la FDJ,
– les courtiers-mandataires, qui prospectent et gèrent les réseaux des détaillants dans un secteur géographique déterminé, assurent leur approvisionnement en tickets, collectent les mises, paient les gains et bénéficient d’un droit sur la clientèle des détaillants. Ils agissent au nom et pour le compte de la FDJ, qui les rémunère par commissions. Ils sont regroupés régionalement au sein de groupements d’intérêt économique (GIE) afin de faciliter l’organisation de leur activité.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires sont depuis 1987 organisées dans le cadre d’un contrat qualifié de mandat d’intérêt commun par la jurisprudence, dont les termes sont identiques pour tous les courtiers-mandataires et négociés au niveau national. Le contrat actuellement en cours a été conclu en 1991, et a fait l’objet de plusieurs avenants. Le dernier, signé en 2003, a notamment porté à la baisse la rémunération des courtiers-mandataires et engagé une réorganisation des secteurs de distribution, les courtiers-mandataires se voyant proposer d’opter entre la poursuite de leur activité aux conditions de ce nouvel avenant ou sa cessation assortie d’une indemnisation renforcée. Les secteurs vacants dans le cadre de cette réorganisation, ont été réaffectés à d’autres courtiers-mandataires existants ou à des filiales de la FDJ.
Le 6 octobre 2003, la FDJ a transmis à son réseau de distribution des « principes de resectorisation » fondant sa politique commerciale, qui fixaient notamment des objectifs de redécoupage des secteurs.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires se sont dégradées. En décembre 2007 les courtiers-mandataires, reprochant à la FDJ d’avoir conservé une dizaine de secteurs sous son contrôle par l’intermédiaire de ses filiales, ont déposé une plainte devant l’Autorité de la concurrence dont ils se sont finalement désistés.
Des négociations en vue d’un nouvel avenant ont été engagées en 2008 entre la FDJ et l’UNDJ, organisation représentant les courtiers-mandataires au niveau national, et un programme de travail a été signé le 7 septembre 2009 entre les parties. Ces négociations portaient notamment sur la resectorisation de la distribution dans un objectif de réduction des coûts de distribution de la filière. Ces négociations ont finalement échoué, les courtiers-mandataires refusant de ratifier un projet d’accord adressé par la FDJ les 29 avril et 27 juillet 2011.
Par courriers des 13 octobre 2011 et 17 février 2012, la FDJ a informé les courtiers-mandataires de son intention de réorganiser sa distribution intermédiaire. Les courtiers-mandataires ont alors introduit plusieurs instances à l’encontre de leur mandante, directement ou par l’intermédiaire de l’UNDJ.
Par lettre du 22 mai 2014, la FDJ a notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 7 de l’avenant de 2003, avec préavis et versement de l’indemnité de 1,65 fois le montant des commissions de l’année précédente. Cette résiliation a elle aussi donné lieu à des contestations devant les juridictions judiciaires.
En 1970, Monsieur [N] [O] a acquis le portefeuille d’exploitation de loterie nationale du département de la Nièvre (58) ainsi que certaines parties des départements limitrophes. Le 3 mars 1987, il a conclu un contrat de courtier-mandataire avec la FDJ. Un nouveau contrat, se substituant au premier, a été régularisé entre les parties le 15 décembre 1990.
Le 16 mars 1995, la FDJ et M. [O] ont signé un avenant autorisant l’apport du contrat de courtier-mandataire à la société anonyme, devenue par la suite société anonyme simplifiée DP Jeux, dirigée par M. [O]. Dans le cadre de son activité, elle était membre du groupement d’intérêt économique (GIE) Bourgogne Franche-Comté.
Un nouvel avenant conclu entre la FDJ et la société DP Jeux le 11 juillet 2003 a organisé la poursuite de l’activité selon les nouvelles conditions négociées cette même année entre la FDJ et l’UNDJ.
Lorsque M. [O] a atteint l’âge de soixante-six ans, terme prévu au contrat, la FDJ lui a proposé de prolonger son activité au-delà de la date contractuellement prévue. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2011, la FDJ l’a informé que son contrat prendrait fin le 15 juillet 2012.
Par courrier du 29 février 2012, la FDJ a informé le GIE territorialement compétent de la cessation d’activité à venir de M. [O], lui rappelant qu’il disposait d’un délai d’un mois pour proposer des candidats à la reprise du secteur de la société DP Jeux.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 16 et du 26 mars 2012, le GIE Bourgogne Franche-Comté a proposé à la FDJ, en accord avec M. [O], la candidature du fils de ce dernier, M. [T] [O] puis celle de M. [O] [L], courtier-mandataire sur un secteur limitrophe.
Le 18 avril 2012, la FDJ s’est rapprochée de M. [L], courtier-mandataire, pour lui proposer la reprise du secteur de la société DP Jeux dans le cadre d’un contrat de prestation à durée déterminée, lequel a indiqué le 10 mai 2012 réserver sa réponse.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2012, la FDJ a refusé les deux candidatures proposées par le GIE.
Constatant qu’aucun autre candidat n’avait été présenté par le GIE Bourgogne Franche-Comté, et considérant qu’il lui était impossible de désigner un cessionnaire au courtier-mandataire sortant, la FDJ a désigné une de ses filiales, la SAS Belfort jeux distribution, afin de reprendre le secteur libéré.
Le 11 juin 2012, elle a demandé à M. [O] de lui retourner signé un contrat de résiliation du contrat de courtier-mandataire et le 13 juillet suivant elle lui adressait un modèle de facture à retranscrire pour permettre le versement d’une indemnité de résiliation correspondant à 1,65 fois le montant des commissions perçues en 2011.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2012, la société DP Jeux a contesté les modalités de cette cessation d’activité indiquant qu’elle souhaitait que son départ intervienne sous le régime juridique d’une cession, et non pas d’une résiliation.
Le 27 juillet 2012, la FDJ a versé à la société DP Jeux un acompte d’un montant de 658 216,88 euros correspondant à la moitié de l’indemnisation proposée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2012, la société DP Jeux a mis la FDJ en demeure d’avoir à lui verser la somme de 1 241 783,12 euros au titre de la cession des actions de la société DP Jeux, portée à 1 900 000 euros au titre de la cession du contrat de courtier-mandataire compte tenu de l’incidence fiscale et déduction faite du montant de l’acompte déjà versé.
Par courrier du 13 août 2012 la FDJ s’est opposée à cette demande, indiquant que le contrat proposé ne s’analysait pas comme une cession d’actif, mais comme une convention de résiliation du contrat de courtier-mandataire. Le 26 août, elle a adressé à la société DP Jeux un chèque d’un montant de 654 773,65 euros correspondant au solde de l’indemnité qu’elle estimait due.
C’est dans ces circonstances que, par assignation du 8 octobre 2012, la société DP Jeux, considérant que la FDJ avait commis une faute en écartant la procédure de cession prévue à l’article 10 du contrat, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée au paiement de la somme de 587 009,47 euros en réparation du préjudice subi.
Selon jugement contradictoire rendu le 10 avril 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit que la FDJ a commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire ;
– condamné la FDJ à payer à la société DP Jeux la somme de 80 000 euros, la déboutant pour le surplus de la demande, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2012 ;
– ordonné la capitalisation des intérêts par année entière en application des dispositions de l’article 1154 ancien du code civil ;
– condamné la FDJ à payer à la société DP Jeux la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus de la demande ;
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire ;
– condamné la FDJ aux dépens.
La société DP Jeux a interjeté appel de cette décision le 14 mai 2018.
Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 septembre 2019, elle demande à la cour de :
– la dire et juger recevable et bien fondée son appel ;
– débouter la FDJ de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit et jugé que la FDJ a commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire,
* ordonné la capitalisation des intérêts, en application de l’article 1154 du code civil ;
– infirmer ce même jugement pour l’avoir déboutée de ses demandes tendant à dire et juger que la FDJ a violé la procédure de cession du contrat en résiliant son contrat de courtier-mandataire, pour l’attribuer à sa filiale, la SAS Belfort jeux distribution ;
– dire et juger que la FDJ a détourné la procédure d’agrément de son objet et qu’elle n’a pas respecté ses critères de sélection, alors qu’elle :
* n’a pas mis en place la concertation prévue avec le GIE Bourgogne Franche-Comté,
* n’a pas examiné la situation des courtiers-mandataires en activité susceptibles d’acquérir son contrat,
* a désigné sa filiale, la SAS Belfort jeux distribution, en violation de tous les principes de sélection mis en place par elle,
* l’a déboutée du paiement de la somme de 587 000 euros à titre de dommages et intérêts [sic],
* l’a déboutée du paiement de la somme 20 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile [sic] ;
Statuant à nouveau sur les points du jugement dont il est demandé l’infirmation,
– condamner la FDJ à lui payer la somme de 587 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, avec intérêts de droit à compter du 2 août 2012, date de la mise en demeure ;
– ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil ;
– condamner la FDJ à lui payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la FDJ aux dépens de l’instance, à recouvrer directement par maître Pascale Regrettier-Germain, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions comportant appel incident déposées au greffe et notifiées par RPVA le10 septembre 2019, la Française des jeux demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit qu’elle était libre d’organiser sa politique commerciale,
* dit qu’elle n’avait commis aucune faute ni aucun abus en refusant d’agréer les candidats qui lui avaient été présentés,
* dit que le préjudice subi par la société DP jeux ne pouvait s’analyser en un gain manqué;
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* a dit qu’elle avait fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de ses obligations contractuelles en sollicitant directement M. [L] sur une proposition distincte, sans répondre à la proposition du GIE,
* a dit qu’elle avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire,
* l’a condamnée à payer à la société DP Jeux une somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* l’a condamnée à payer à la société DP Jeux une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle a parfaitement respecté les termes de l’article 10 du contrat de courtier-mandataire en :
* ayant refusé d’agréer les candidats présentés sur le fondement de ses principes de resectorisation, connus et revendiqués par les courtiers-mandataires,
* constatant qu’il était impossible de désigner un cessionnaire au courtier partant compte tenu du contexte de réorganisation du réseau en cours,
* versant l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions N-1,
* proposant à M. [L], courtier-mandataire en exercice, de reprendre le secteur libéré dans le cadre d’un nouveau contrat, distinct du contrat de courtier-mandataire, ce que ce dernier a refusé,
* attribuant le secteur laissé vacant à l’une de ses filiales ;
– dire et juger que la société DP Jeux n’a subi aucun préjudice indemnisable ;
– constater que l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est destinée à pallier l’absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d’agrément ;
– constater que le montant de cette indemnité a été fixé d’un commun accord entre les parties et correspond au prix du marché ;
– constater que cette indemnité n’est pas de nature à léser les courtiers-mandataires ;
– débouter la société DP Jeux de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
– condamner la société DP Jeux au paiement d’une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société DP Jeux aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2019.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
À titre liminaire, il est rappelé que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes des parties tendant à ‘constater’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de la SAS DP Jeux recevable.
Après avoir rappelé que le contrat de courtier-mandataire est un mandat d’intérêt commun, constituant l’élément essentiel de son activité, et que le contrat de 1990 a réaffirmé le principe de cessibilité du contrat de courtier-mandataire aux termes de son article 10, la SAS DP Jeux explique que cette liberté de cession a été restreinte par les critères de sélection préalables à l’agrément mis en place par la FDJ et les principes de sectorisation établis et adressés à son réseau le 6 octobre 2003. Elle fait valoir que depuis 2010, la FDJ détourne, de mauvaise foi, les termes de l’article 10 du contrat afin de refuser tous les cessionnaires présentés par des GIE et d’empêcher toute cession et qu’elle mène une politique visant à refuser systématiquement toute cession amiable et de gré à gré pour appréhender tous les secteurs libérés et les attribuer à ses filiales ou à des intermédiaires, hors contrat et statut de courtier-mandataire.
Elle soutient que la FDJ a poursuivi la résiliation de son contrat de courtier-mandataire plutôt que d’en favoriser la cession, alors même qu’elle disposait d’un candidat qui l’agréait, en la personne de M. [L], tentant même de le débaucher en fraude de ses droits, commettant ainsi un abus de droit dans le cadre de l’agrément de son successeur, constitutif d’une faute génératrice d’un préjudice.
Elle prétend, également, que les propositions de candidatures n’ont jamais été examinées, que la FDJ ne s’est pas concertée avec le GIE Bourgogne Franche Comté pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, comme le prévoyaient les principes de sectorisation, qu’elle n’a pas rempli son obligation de rechercher, en particulier auprès de MM. [L], [W], [G], [F] et [T], courtiers-mandataires limitrophes, puis de désigner un cessionnaire alors qu’elle disposait d’un courtier-mandataire susceptible de lui succéder, qu’elle a désigné sa filiale en violation de ses principes de sélection et de sa politique commerciale en matière d’agrément et qu’elle a systématiquement écarté toutes les candidatures et refusé d’examiner la situation de tous les courtiers-mandataires en activité dans le seul but de satisfaire sa décision de ne plus accepter de cession de gré à gré. Elle en déduit que la FDJ ne pouvait pas lui verser une indemnité de résiliation égale à 1,65 fois le montant de ses commissions de l’année précédente et confier le secteur libéré à sa filiale.
Faisant état des jurisprudences Ganteille et Crespy, elle conteste l’argument de la FDJ selon lequel l’impossibilité de désigner un cessionnaire résulterait de la réorganisation en cours de son réseau et du refus par les courtiers-mandataires de signer son projet d’avenant en 2011, ce projet ne prévoyant nullement la mise en place d’un nouveau circuit de distribution. Elle considère que la FDJ ne peut pas se prévaloir des principes de sectorisation pour interpréter unilatéralement l’article 10.4 du contrat comme lui permettant de confier les secteurs libérés à ses propres filiales dans le cadre de contrat d’une autre nature. Elle ajoute que pour ne pas être fautif, le refus d’agrément doit répondre à des critères objectifs, appliqués de manière non discriminatoire et respecter la procédure de l’article 10 du contrat mais qu’en l’espèce la FDJ a abusé de ce droit en n’opérant pas la comparaison imposée par la jurisprudence entre les candidatures présentées par le GIE et sa filiale et ce alors que toutes les candidatures de cessionnaires étaient beaucoup plus proches des critères de sélection imposés par le principe de sectorisation que cette dernière qui n’était pas courtier-mandataire et intervenait sur six départements différents.
Après avoir présenté son réseau et rappelé, d’une part, plusieurs affaires dans lesquelles les juridictions ont considéré qu’elle n’avait commis aucune faute en refusant d’agréer une candidature de reprise de secteur de courtiers-mandataires ayant cessé leur activité aux motifs qu’elle n’avait fait qu’appliquer les stipulations contractuelles et sa politique commerciale et, d’autre part, les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce, dont découlent les droits pour chaque contractant de conclure un contrat avec la personne de son choix, de refuser de contracter et d’octroyer un agrément à un candidat, de conclure la convention de son choix et de la modifier, et enfin de résilier le contrat conclu ou de modifier sa politique commerciale et son réseau de distribution en fonction des circonstances économiques et des impératifs de réorganisation, la FDJ indique que si les juridictions analysent la précision et l’objectivité des critères retenus pour sélectionner un candidat, elles ne peuvent, en revanche, en apprécier l’opportunité, sous peine de s’immiscer dans les choix commerciaux d’une entreprise privée.
Elle soutient ensuite que la cessation d’activité de la société DP Jeux a été opérée en parfaite adéquation avec les stipulations contractuelles ainsi qu’avec sa politique commerciale en vigueur, connue de la profession, et qu’elle n’a commis aucune faute.
Elle fait valoir à cette fin que l’article 10 du contrat, seul applicable dans la mesure où le contrat a pris fin au soixante-sixième anniversaire de M. [O], doit s’interpréter à la lumière des principes de resectorisation communiqués au réseau le 6 octobre 2003 et qui constituent une norme contractuelle liant les parties, ce que reconnaît l’appelante puisqu’elle lui reproche au visa des articles 1101 et suivants du code civil une violation de ces principes. Elle explique que son obligation de désigner un cessionnaire au contrat de courtier-mandataire par la conclusion d’un contrat de même nature est une obligation de moyen, qui connaît un tempérament si elle ne peut plus agréer de courtiers-mandataires en raison d’une réorganisation de son réseau et s’il n’y a pas de cessionnaire répondant aux objectifs de viabilité et de pérennité du courtage. Elle ajoute que la réorganisation en cours de son réseau de distribution, liée au refus des courtiers-mandataires de signer l’accord présenté en 2011, induisait nécessairement la résiliation du contrat de la société DP Jeux et qu’aux termes de l’article 10.4 alinéa 2 du contrat, elle était alors libre de conclure un nouveau contrat d’une nature différente avec le courtier-mandataire de son choix ou si elle n’y parvenait pas de faire assurer la gestion du secteur par une de ses filiales dans le cadre d’un portage temporaire, étant observé que l’interprétation des termes du contrat doit tenir compte de l’économie générale de ce dernier. Elle considère que le contrat dans son ensemble fait apparaître l’indispensable agrément de l’opérateur préalablement à toute cession et qu’elle n’est nullement tenue de favoriser une cession du contrat.
Elle précise que les motifs du refus d’agrément qu’elle a opposés aux candidats présentés par le GIE Bourgogne Franche Comté étaient parfaitement légitimes puisque fondés sur sa politique commerciale et qu’elle n’était pas tenue de se concerter avec ce GIE avant de refuser d’accorder son agrément. Elle expose à ce titre, d’une part, que depuis 2003, aucun agrément n’a été accordé à des tiers au réseau et que M. [T] [O] étant externe au réseau, son refus de l’agréer est parfaitement justifié, d’autre part, que le refus de la candidature de M. [L], laquelle était déraisonnable et périlleuse compte tenu de la réorganisation en cours du réseau d’intermédiaires, était également justifié, enfin qu’elle n’a pas fait preuve de mauvaise foi en sollicitant directement ce dernier, qui en tant que président du GIE Bourgogne Franche Comté était nécessairement informé de son refus de l’agréer. Elle ajoute qu’elle n’a contacté aucun des courtiers-mandataires limitrophes, à savoir MM. [W], [G], [F] et [T] dans la mesure où leurs candidatures n’auraient pas été compatibles avec les principes établis notamment celui visant à simplifier la lecture de l’organisation commerciale en respectant un principe d’unicité du courtier sur une commune et un département quand cela est possible.
Elle affirme également que les dispositions du contrat de courtier-mandataire mettent à sa charge une obligation de moyen de désigner un cessionnaire et non de le rechercher et qu’en l’espèce elle s’est trouvée dans l’impossibilité de désigner un cessionnaire au courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution et de l’absence de tout repreneur susceptible d’être agréé.
Elle ajoute que n’étant pas en mesure d’attribuer le secteur libéré à un autre courtier-mandataire dans le cadre d’un contrat de courtier-mandataire, en raison de sa politique commerciale de resectorisation, elle était fondée à verser l’indemnité de résiliation et à proposer à M. [L] de reprendre le secteur libéré dans le cadre d’un autre contrat de nature différente et en suite de son refus de désigner sa filiale, la société Belfort jeux distribution, dans le cadre d’un nouveau contrat pour reprendre l’exploitation du secteur géré par la société DP Jeux.
Les parties s’accordent pour reconnaître au contrat du 15 décembre 1990 et ses avenants successifs la qualification de mandat d’intérêt commun.
En l’espèce, les articles 6 et 10, relatifs respectivement à la durée et à la cession du contrat conclu le 20 novembre 1990, modifié, entre M. [O] et la société France Loto, devenue FDJ, sont rédigés en ces termes :
– Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée…Toutefois, sauf dérogation accordée par [la FDJ], le présent contrat cessera de plein droit et sans préavis au soixante-sixième anniversaire du courtier-mandataire. Auparavant, le courtier-mandataire aura mis en oeuvre la procédure de cession prévue à l’article 10 du présent contrat.
-10.1 Le courtier-mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer [la FDJ] par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, avec un préavis d’au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité.
[la FDJ] en informe immédiatement le GIE territorialement compétent qui dispose d’un mois pour proposer à [la FDJ], en accord avec le courtier-mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier-mandataire proposé.
10.2 Les renseignements suivants sont également communiqués (…)
10.3 Après trois refus successifs des candidats présentés, [la FDJ] doit, soit désigner elle-même
un cessionnaire au courtier-mandataire cédant, soit, si cette solution s’avère impossible, verser au courtier-mandataire cédant une indemnité fixée, sous réserves des dispositions de l’article 10.4 ci-après, à une fois virgule soixante-cinq les commissions du courtier-mandataire au titre de l’année civile précédente, recalculées sur la base des taux de commission applicables à la date de la cessation d’activité (‘).
10.4 Toutefois, le montant de ces indemnités ne peux excéder le prix le moins élevé proposé
par le(s) candidat(s) cessionnaire(s) présenté(s) par le courtier-mandataire cédant dont la
candidature n’aura pas été agréée par [la FDJ].
[la FDJ] est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier-mandataire de son choix.
Les parties s’accordent également pour reconnaître l’application des ‘Principes de resectorisation’ tels qu’ils ressortent d’une note du 6 octobre 2003 diffusée par la FDJ dans son réseau à savoir : Efficacité (‘établir une cartographie des courtages propre à mettre en oeuvre le plus efficacement possible la politique commerciale de l’entreprise’) et Pérennité (‘mettre en place, dès que possible, des secteurs propres à assurer la viabilité du courtage, à court et moyen terme…doter chaque courtier de la capacité optimale à mettre en oeuvre la politique commerciale de l’entreprise’). Ceux-ci prévoient notamment de rechercher une meilleure efficacité du réseau en homogénéisant la taille des secteurs au fur et à mesure des départs des courtiers-mandataires en privilégiant les cessions aux courtiers-mandataires présents dans le réseau et en favorisant un meilleur découpage du territoire par le rachat des secteurs limitrophes et l’harmonisation avec les limites des départements.
Il est constant que M. [O] étant né le [Date naissance 1] 1943, la FDJ lui a proposé, le 18 décembre 2009, de reporter l’application de la clause de fin de contrat, dont la date a finalement été fixée au 15 juillet 2012, puis que par lettre du 29 février 2012 elle en a avisé le GIE Bourgogne Franche Comté, lui rappelant que conformément à l’article 10.1 du contrat il disposait d’un délai d’un mois pour lui proposer, en accord avec le courtier-mandataire, un ou plusieurs candidats à la reprise du secteur concerné.
Il est établi par ce courrier qu’à l’origine la FDJ a convenu que le contrat de M. [O] s’inscrivait dans une procédure de cession et non dans un processus de résiliation visé à l’article 12 du même contrat.
Conformément à la procédure de l’article 10, le GIE Bourgogne Franche Comté a présenté le 16 mars 2012, en accord avec M. [O], un premier candidat à la reprise, M. [T] [O], puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars suivant, la candidature de M. [O] [L], courtier-mandataire en activité et président du GIE Bourgogne Franche Comté.
Par courrier du 24 mai 2012, la FDJ a rejeté la candidature de M. [T] [O] au motif que celle-ci ne répondait pas à l’objectif consistant à homogénéiser la taille des secteurs et à en réduire le nombre en ce que M. [O] était extérieur au réseau, puis celle de M. [L] au motif que celui-ci n’avait pas accepté dans le délai qui lui avait été imparti une extension de son secteur selon certaines modalités.
Si aux termes de l’article 10 susvisé la FDJ n’avait pas l’obligation de se concerter avec le GIE Bourgogne Franche Comté pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, les principes de resectorisation, qu’elle a elle-même établis, précisent cependant qu’afin de veiller à l’équité entre courtiers, il convient de ‘connaître l’ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et le GIE, les propositions de candidatures seront transmises à la FDJ pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la FDJ et les GIE concernés et feront également l’objet d’un examen en comité commercial’.
La FDJ ne conteste pas que les deux propositions qui lui ont été adressées n’ont pas été débattues avec le GIE concerné et qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un examen en comité commercial. Or en ne respectant pas les principes qu’elle avait elle-même établis, la FDJ a commis une faute.
Par ailleurs, il est établi par le courrier échangé entre la FDJ et M. [L] le 10 mai 2012 et le projet de contrat versé aux débats, qu’avant même la fin du processus de cession tel que décrit à l’article 10 du contrat de courtier-mandataire et sa réponse sur les candidatures proposées par le GIE Bourgogne Franche Comté, dont celle de M. [L], la FDJ a proposé à celui-ci de régulariser un projet de contrat de prestation d’une durée de cinq années. En ne respectant pas les dispositions du contrat qui la liait à la société DP Jeux, la FDJ a également commis une faute.
Il convient ensuite d’examiner chacune des candidatures ou proposition pour rechercher si la FDJ a abusivement refusé de les agréer.
Concernant M. [T] [O] qui, bien que directeur général adjoint puis directeur général de la société DP Jeux depuis plusieurs années, n’était pas courtier-mandataire, le refus d’agrément de la FDJ était conforme à ses principes de resectorisation tendant à privilégier les courtiers-mandataires déjà présents dans le réseau.
S’agissant de M. [O] [L], courtier-mandataire limitrophe, la FDJ n’allègue pas que cette candidature contrevenait à ses principes de resectorisation en termes de taille de secteur ou de chiffre d’affaires mais prétend que, compte tenu de la réorganisation en cours, celle-ci était en contradiction avec l’objectif de ‘viabilité du courtage à court et moyen terme’.
Il sera relevé que la compatibilité de cette candidature avec les principes de sectorisation est démontrée par la proposition que la FDJ lui a adressée d’étendre son secteur en concluant un contrat d’un autre type, précisément sur le secteur de la société DP Jeux.
Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la FDJ, ce dernier n’a pas refusé cette proposition mais a demandé par lettre du 10 mai 2012 qu’il soit auparavant statué sur sa candidature comme cessionnaire du contrat de courtier-mandataire de la société DP Jeux.
La FDJ ne peut pas plus prétendre s’être trouvée dans l’impossibilité de l’agréer comme cessionnaire du courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution alors qu’en juin 2012 aucune négociation n’était plus d’actualité du fait notamment du refus des courtiers-mandataires d’adhérer au protocole d’accord daté du 27 juillet 2011 et des actions judiciaires engagées en octobre et décembre 2011 par les courtiers-mandataires et leur représentant, l’UNDJ. Il résulte ainsi des lettres du 13 octobre 2011 et du 17 février 2012 adressées par la FDJ aux courtiers-mandataires que les contrats continuaient à s’appliquer et que son conseil d’administration lui avait demandé de mettre en place un programme de travail pour proposer un dispositif commercial incluant les aspects organisationnels et contractuels, ce qui ne constituait pas un obstacle à la signature d’un nouveau contrat de courtier-mandataire.
Il se déduit de ces éléments que la FDJ a commis une faute en refusant d’agréer M. [L] comme candidat à la reprise du secteur de la société DP Jeux.
Dés lors que le refus de la FDJ d’agréer ce dernier est abusif, il n’y a pas lieu de rechercher si la FDJ a également commis des fautes en ne recherchant pas puis en ne désignant pas un autre courtier-mandataire cessionnaire parmi MM. [W], [G], [F] et [T], dont il n’est pas prétendu par l’appelante qu’ils remplissaient les critères pour être agréés, ou en attribuant le secteur à sa filiale.
Puisqu’il n’était pas impossible à la FDJ d’agréer M. [L], le paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation à hauteur de 1,65 fois le total des commissions de l’année précédente est exclu.
Sur le préjudice et le lien de causalité
La société DP Jeux affirme que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, son préjudice ne s’analyse pas en une perte de chance mais en un gain manqué, c’est à dire le manque à gagner certain qui aurait été perçu en l’absence de faute de la FDJ.
Elle prétend que si la FDJ n’avait pas commis de fautes, il est certain qu’elle aurait cédé son contrat à M. [L] au prix convenu, en sorte qu’il n’existe aucun aléa, et que le manque de gains qui en est résulté doit être indemnisé sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice laquelle est exclusive de toute perte de chance, étant souligné le caractère dolosif des fautes commises de manière délibérée et intentionnelle. Rappelant les dispositions de l’article 1142 ancien du code civil, elle précise que la nature des sommes demandées consiste en des dommages et intérêts et non en une indemnité contractuelle de résiliation et que par conséquent le coefficient de 1,65 pour calculer le montant de son indemnité n’a aucune légitimité économique.
Elle expose que l’offre de M. [L], qui portait sur le rachat de 100% du capital de la société valorisé à hauteur de 1 910 000 euros par un expert-comptable, s’est faite sur la base des commissions de l’année 2011 (797 516 euros) multiplié par un coefficient de deux, soit 1 595 032 euros.
Invoquant la jurisprudence Ganteille, les indemnités de résiliation déjà versées par la FDJ et le rapport [K], elle soutient que le quantum de son préjudice, correspondant au montant du gain dont elle a été privé, peut être évalué à la somme de 587 000 euros en se basant sur un coefficient de 2,38 fois le montant des commissions de l’année 2011 ce qui le situe dans une fourchette très raisonnable.
Après avoir critiqué la décision des premiers juges qui ont estimé que le préjudice subi par la société DP Jeux s’analysait en une perte de chance tant de présenter un successeur à son agrément dans le contrat de courtier-mandataire que de céder son activité à un cessionnaire qui aurait pu être désigné, la FDJ soutient en premier lieu que l’appelant n’a subi aucun préjudice indemnisable dès lors que seule la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable alors qu’à l’inverse si l’événement qui ne s’est finalement pas produit n’était qu’hypothétique, le préjudice escompté de sa réalisation n’est qu’éventuel et ne peut donner lieu à réparation. Elle considère en effet, que la société DP Jeux ne peut pas se prévaloir d’une perte de chance de présenter un successeur à son agrément dans la mesure où elle a proposé deux candidats qui ont été légitimement écartés et, qu’il est très peu probable qu’elle aurait trouvé un cessionnaire à ses propres conditions puisqu’il n’aurait pas été agréé compte tenu de la réorganisation en cours de son réseau de distribution.
En deuxième lieu, et considérant que les décisions sur lesquelles la société DP Jeux se fonde pour indiquer que le propre de la réparation serait de remettre la victime des faits fautifs dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n’avait pas été commise, ont été rendues dans des affaires qui n’ont rien à voir avec le présent litige, la FDJ soutient également que le préjudice allégué ne peut pas s’analyser en un gain manqué car M. [L] n’aurait pas été agréé en qualité de cessionnaire, en sorte que la cession du secteur concerné à celui-ci était loin d’être certaine.
Elle fait valoir, que faute de preuve de la nature du préjudice invoqué, l’indemnisation à hauteur de 1,65 fois les commissions de l’année précédente, qui a été instituée pour pallier l’impossibilité de céder le courtage en dehors de la procédure d’agrément et qui correspond à une réalité tant juridique qu’économique, est la seule applicable en l’espèce.
Elle critique enfin l’évaluation du préjudice faite tant par le tribunal que par la société DP Jeux, cette dernière représentant un coefficient de 2,38 fois ses commissions de l’année précédente, en indiquant notamment que la proposition formulée par M. [L] qui n’a justifié d’aucun accord ferme de financement, n’était qu’une mascarade, que la valeur du courtage telle que retenue par l’expert-comptable de l’appelante n’est pas objective, que la jurisprudence invoquée n’est pas transposable en l’espèce, que les coefficients spéciaux ne peuvent pas s’appliquer à la situation de la société DP Jeux et que le rapport [K] ne présente aucune pertinence dans le cadre de la présente instance.
Aux termes des articles 1142 et 1149 anciens du code civil, toute inexécution contractuelle se résout par l’allocation au créancier de dommages et intérêts qui sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
En refusant abusivement d’agréer M. [L], la FDJ a privé la société DP Jeux du prix de cession proposé par celui-ci, en sorte que l’appelante est bien fondée à solliciter réparation du préjudice subi lequel s’analyse justement en un gain manqué.
Il résulte de la lettre adressée le 26 mars 2012 par le GIE Bourgogne Franche Comté à la FDJ que M. [L] s’était engagé à reprendre la totalité des actions de la société DP Jeux moyennant ‘un prix égal à la situation nette au 31 décembre 2011 de DP Jeux tenant compte de la valeur incorporelle du courtage (commissions 2011 x coefficient égal à 2)’. Bien que non accompagnée d’un accord ferme de financement, cette proposition était signée de M. [L] lui-même en sa qualité de président du GIE et a été confirmée par celui-ci lorsqu’il a, par lettre du 10 mai 2012, sollicité de la FDJ qu’elle se prononce sur sa candidature.
Pour évaluer la valeur de marché du contrat de la société DP Jeux, le tribunal a retenu un coefficient moyen de 1,77 appliqué au chiffre d’affaires réalisé en 2011 soit 1 408 481 euros.
Le tableau récapitulatif des cessions de courtage produit par la FDJ, pour invalider tant ce coefficient que celui de 2,38 auquel prétend la société DP Jeux, dont il résulte un coefficient moyen de 1,598, ne peut être seul retenu dès lors que les cessions qui y figurent, qui datent de 1998 à 2002, sont trop anciennes pour servir de base à une cession de 2012.
Les éléments communiqués par l’appelante, dont il ressort que les offres d’achat formulées par les candidats repreneurs en 2012 pour les 13 secteurs qui se libéraient du fait du départ à la retraite de courtiers-mandataires étaient en moyenne de 2,18 fois les commissions de l’année précédente pour une cession d’actions et de 2,57 fois pour une reprise directe du contrat, sont probants contrairement à ce qui est soutenu par la FDJ dès lors que s’il n’est pas démontré que ces offres se seraient concrétisées par des cessions il ne peut en être conclu que c’est en raison d’un désaccord sur le prix alors que celles-ci étaient soumises à la condition suspensive de l’agrément du cessionnaire par la FDJ.
L’offre de prix de M. [L], qui appliquait un coefficient de 2, inférieur à la moyenne entre les trois coefficients susvisés (1,598 ; 2,18 et 2,57), soit 2,11, au chiffre d’affaires 2011 (797 516 euros selon le bilan 2012) montre que celle-ci se situait dans la fourchette économiquement admise et ne pouvait pas être qualifiée de ‘mascarade’.
La société DP Jeux est dès lors fondée à fixer son préjudice à la somme de 282 041,37 euros (1 595 032 – 1 312 990,63 euros) correspondant au prix le moins élevé proposé par le candidat cessionnaire présenté par le courtier-mandataire cédant dont la candidature n’a pas été agréée par la FDJ, conformément à l’article 10.4 du contrat, déduction faite de l’indemnité de résiliation déjà perçue, seule cette somme constituant le gain manqué et non celle calculée en appliquant un coefficient de 2,38.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
La disposition du jugement fixant le point de départ des intérêts au taux légal non pas à compter de sa date mais à partir du 2 août 2012, date de la mise en demeure, sera confirmée en ce qu’elle permet l’indemnisation totale de la société DP Jeux.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’appel de la SAS DP Jeux ;
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2012, condamné la société La Française des jeux au paiement d’une indemnité procédurale ainsi qu’aux dépens et ordonné la capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau,
Dit qu’en ne respectant pas les stipulations du contrat de courtier-mandataire la liant à la société DP Jeux dans la mise en oeuvre de la procédure contractuelle de cession de ce contrat la société La Française des jeux a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;
Condamne la société La Française des jeux à payer à la société DP Jeux la somme de 282 041,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
Condamne la société La Française des jeux à payer à la société DP Jeux la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société DP Jeux du surplus de ses prétentions ;
Condamne la société La Française des jeux aux dépens d’appel avec droit de recouvrement au profit de maître Pascale Regrettier Germain, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,