Jeux et Paris > Litiges : 22 juin 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-11.480

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Jeux et Paris > Litiges : 22 juin 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-11.480
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22 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-11.480

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Rejet non spécialement motivé

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10420 F

Pourvoi n° N 21-11.480

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022

La société Financière Bancel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-11.480 contre l’arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l’opposant à la société La Française des jeux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Financière Bancel, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société La Française des jeux, après débats en l’audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Financière Bancel aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financière Bancel et la condamne à payer à la société La Française des jeux la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Financière Bancel.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Financière Bancel fait grief à l’arrêt attaqué, après avoir dit que la Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire à la société Financière Bancel, d’avoir condamné la société La Française des Jeux à lui payer la seule somme de 61.361 € ;

Alors 1°) que la cour d’appel a constaté (arrêt attaqué, p. 13, 2ème §) qu’il n’était pas contesté par la Française des Jeux que le projet de cession du contrat de la société Financière Bancel n’avait fait l’objet ni d’une concertation entre les responsables régionaux et le GIE, ni d’un examen en comité commercial, ainsi que le prévoyaient les principes de sectorisation mis en place en 2003 ; que la cour d’appel a toutefois retenu que ce principe de concertation visait à assurer une équité entre courtiers candidats afin d’assurer une cohérence nationale, et a considéré que la société Financière Bancel ne rapportait pas la preuve « que cette absence de concertation a eu pour conséquence une rupture d’égalité entre courtiers au cas d’espèce alors que la FDJ a écarté les trois candidatures proposées » ; qu’en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations (arrêt attaqué, p. 3 ; p. 10) que la politique commerciale définie par la Française des Jeux avait également pour objet « d’homogénéiser et d’optimiser la carte de France des secteurs » et que les principes de sectorisation prévoyaient notamment « un nombre de détaillants maximum ainsi qu’une superficie maximale », ainsi que « la simplification de l’organisation commerciale : un courtier pour une commune sauf dans les grandes villes avec harmonisation des limites avec celles du département si possible ; sur l’homogénéisation des tailles de secteurs (…), en privilégiant les courtiers présents ayant choisi de poursuivre leur activité et en ne retenant pas l’hypothèse de l’arrivée de nouveaux courtiers ; sur la faveur donnée à un meilleur découpage du territoire », de sorte que l’examen des candidatures présentées en concertation avec le GIE et en comité commercial, aurait pu permettre de modifier ces candidatures afin de les mettre en conformité avec ces critères et d’obtenir l’agrément de la Française des Jeux, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version applicable en l’espèce (nouveaux articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil) ;

Alors 2°) qu’en se bornant à retenir que la Française des Jeux avait manqué à ses obligations contractuelles en ne justifiant pas avoir recherché un cessionnaire pour le secteur de la société Financière Bancel, après le rejet des candidatures transmises par le GIE Rhône-Dauphiné (p. 13 à 16), sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Financière Bancel (ses conclusions d’appel, spéc. p. 27-28), si la Française des Jeux n’avait pas commis une autre faute en écartant l’application de la procédure contractuelle de cession et en résiliant unilatéralement le contrat la liant avec la société Financière Bancel, pour confier le secteur litigieux à sa filiale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 (désormais les articles 1103 et 1231-1) du code civil ;

Alors 3°) que l’article 10.2 du contrat de courtier mandataire conclu entre la société Financière Bancel et la Française des Jeux stipulait que lorsqu’un courtier-mandataire souhaitait cesser son activité ou céder une partie de celle-ci, il devait en informer la Française des Jeux et le GIE dont dépendait ce courtier pouvait proposer un ou plusieurs successeurs, en communiquant notamment à la Française des Jeux les « prix et modalités de financement de l’acquisition » ; que pour dire que la Française des Jeux avait pu écarter la proposition de reprise de la totalité du secteur de la société Financière Bancel par M. [X] [K], la cour d’appel a retenu que cette proposition contenait une promesse de cession de la totalité des actions de la société Financière Bancel, « sous diverses conditions suspensives et notamment celle de votre consentement à Monsieur [X] [K] », l’obtention d’un crédit constituant également une condition suspensive de la réalisation de la cession, et a considéré que cette proposition de financement n’avait fait l’objet d’aucun accord de principe (arrêt, p. 15, 1er §) ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel, qui a ajouté au contrat faisant la loi des parties une condition qu’il ne comportait pas, a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1103 du code civil) ;

Alors 4°) que tout contrat doit être exécuté de bonne foi ; qu’en l’espèce, la société Financière Bancel faisait valoir (ses conclusions, not. p. 24) qu’ainsi qu’il résultait d’une note interne du 25 juin 2010 (« Autres principes importants : il ne peut y avoir de cessions de gré à gré »), la Française des Jeux avait décidé de ne plus accepter la moindre cession de gré à gré de contrat de courtier mandataire, afin de reprendre à son propre compte l’exploitation du réseau de distribution des jeux de hasard auprès des détaillants ; qu’elle soulignait que la Française des Jeux n’avait accordé aucun agrément aux courtiers mandataires candidats à la reprise d’un secteur laissé vacant entre 2010 et 2013 et faisait ainsi valoir que la mise en oeuvre de la procédure de cession de son contrat de courtier mandataire, prévue à l’article 10 de la convention, était totalement artificielle et illusoire dans la mesure où la Française des Jeux avait d’ores et déjà décidé de ne pas autoriser de cession de gré à gré, quels que puissent être les mérites des candidatures qui lui seraient proposées ; qu’en se bornant à retenir, pour dire que la Française des Jeux n’avait pas commis d’abus en refusant les trois propositions de reprise du secteur de la société Financière Bancel qui lui avaient été présentées, que ces différentes candidatures n’étaient pas conformes aux principes de sectorisation qu’elle avait librement définis, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Financière Bancel que la Française des Jeux, ayant en réalité décidé de refuser systématiquement toute cession de gré à gré des contrats de courtier-mandataire, avait mis en oeuvre de mauvaise foi la procédure contractuelle de cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version applicable en l’espèce (nouveaux articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil) ;

Alors 5°) que les critères d’agrément d’un candidat à l’adhésion à un réseau de distribution doivent être objectifs et non-discriminatoires ; que la société Financière Bancel faisait valoir (ses conclusions d’appel, p. 50-51) que l’invocation par la Française des Jeux des critères définis dans le cadre de sa politique commerciale (choix d’un cessionnaire exerçant dans un secteur limitrophe du secteur cédé, refus de candidatures de personnes ne disposant pas du statut de courtier mandataire, limite de chiffre d’affaires) ne constituait qu’un prétexte dès lors qu’à la suite de l’échec de la procédure contractuelle de cession, celle-ci avait confié le secteur concerné à l’une de ses filiales, la société Grenoble Jeux Distribution, laquelle ne répondait pas à l’ensemble des critères de sa propre politique de sectorisation, puisqu’elle n’avait pas la qualité de courtier-mandataire, qu’elle exerçait son activité dans plusieurs départements différents, et que son chiffre d’affaires était nettement supérieur au chiffre d’affaires maximal défini par la Française des Jeux dans ses principes de resectorisation ; qu’en jugeant que la Française des Jeux avait légitimement pu rejeter les candidatures de reprise du secteur exploité par la société Financière Bancel, dans la mesure où celles-ci ne remplissaient pas les critères de sa politique commerciale, tels que définis dans les principes de resectorisation de 2003 (arrêt, p. 13 à 15), sans rechercher si en attribuant le secteur de la société Financière Bancel à l’une de ses filiales qui ne respectait pas elle-même ces critères, la Française des Jeux n’avait pas commis une faute dans la procédure de cession, en appliquant de manière discriminatoire les critères de politique commerciale dont elle se prévalait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version applicable (nouveaux articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil).

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Financière Bancel fait grief à l’arrêt attaqué, après avoir dit que la Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire à la société Financière Bancel, d’avoir condamné la société la Française des Jeux à lui payer la seule somme de 61.361 € ;

Alors 1°) que le préjudice résultant de la résiliation irrégulière d’un mandat d’intérêt commun consiste dans la perte du contrat en cause ; qu’en jugeant que le préjudice causé à la société Financière Bancel par la faute commise par la Française des Jeux pour ne pas avoir recherché de cessionnaire pour le secteur qu’elle exploitait, après le rejet des candidatures de reprise proposées par le GIE, s’analysait uniquement en une perte de chance de céder le contrat de courtier-mandataire à un tiers repreneur, quand il résultait de ses constatations que cette dernière avait résilié de manière irrégulière le contrat dont était titulaire la société Financière Bancel, sans rechercher préalablement de cessionnaire, et qu’elle avait attribué le secteur exploité par cette société à l’une de ses filiales, la société Grenoble Jeux Distribution ; qu’en jugeant que le préjudice résultant pour la société Financière Bancel s’analysait en une simple perte de chance de voir désigner un cessionnaire, quand la Française des Jeux avait résilié de manière irrégulière le contrat dont était titulaire la société Financière Bancel pour confier le secteur d’activité exploité par cette dernière en dehors du statut de courtier-mandataire, faisant ainsi perdre à cette société le bénéfice de son contrat qui constituait un actif patrimonial, de sorte que la société Financière Bancel devait être indemnisée à hauteur de la perte de son contrat, non d’une simple perte de chance de trouver un successeur, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 (devenus 1103, 1104 et 1231-1) du code civil, ensemble les articles 1150 et 1151 (devenus 1231-3 et 1231-4) du même code ;

Alors 2°) en tout état de cause que le préjudice tenant à une perte de chance doit être évalué en déterminant la probabilité de survenance de l’événement favorable, ou de non-survenance de l’événement défavorable, si le fait générateur de responsabilité ne s’était pas produit ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que le préjudice subi par la société Financière Bancel s’analysait en une perte de chance de voir désigner un cessionnaire, qu’elle a évaluée à 70%, et a appliqué ce pourcentage au prix de cession du contrat de la société Financière Bancel, calculé sur la base de critères pondérés ; qu’en statuant de la sorte, quand l’événement favorable dont la réalisation avait été empêchée par la faute commise par la Française des Jeux consistait dans la cession par la société Financière Bancel de son contrat à un repreneur, moyennant un prix supérieur au montant de l’indemnité de résiliation versée par la Française des Jeux, de sorte qu’il lui incombait d’appliquer le pourcentage de perte de chance retenu, non pas à l’intégralité du prix de cession, mais exclusivement à la différence entre le prix du marché du contrat de la société Financière Bancel et le montant de l’indemnité contractuelle due dans l’hypothèse où aucun repreneur n’a été trouvé par la Française des Jeux (acquise en cas de non-survenance de l’élément favorable), la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 (devenus 1103, 1104 et 1231-1) du code civil, ensemble les articles 1150 et 1151 (devenus 1231-3 et 1231-4) du même code, et le principe de réparation intégrale du préjudice ;

Alors 3°) que le préjudice tenant à une perte de chance doit être évalué en déterminant la probabilité de survenance de l’événement favorable, ou de non-survenance de l’événement défavorable, si le fait générateur de responsabilité ne s’était pas produit ; que pour évaluer le préjudice subi par la société Financière Bancel, tenant selon l’arrêt à la perte de chance de voir désigner un successeur, la cour d’appel a appliqué le pourcentage de perte de chance retenu (70%) au prix de cession du contrat de la société Financière Bancel, qu’elle a déterminé par application d’un coefficient pondéré sur la base, d’une part, des offres des candidatures présentées à la Financière Bancel reflétant la particularité du marché local, et d’autre part, de la « valeur des cessions sur l’ensemble du territoire reflétant la multiplicité des cessions au niveau national, telle qu’elle ressort de la moyenne des coefficients retenus par les juridictions » ; qu’en statuant ainsi, quand les juridictions ayant statué sur les litiges entre certains courtiers-mandataires et la Française des Jeux n’avaient pas fixé la « valeur de cession » des contrats de courtiers, mais uniquement déterminé les dommages et intérêts dus aux courtiers en réparation du préjudice résultant pour eux des manquements de la Française des Jeux à ses obligations contractuelles, la cour d’appel a encore violé les articles 1134 et 1147 (devenus 1103, 1104 et 1231-1) du code civil, ensemble les articles 1150 et 1151 (devenus 1231-3 et 1231-4) du même code, et le principe de réparation intégrale du préjudice.

 


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