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20 juin 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
21/00502
20 JUIN 2023
Arrêt n°
SN/NB/NS
Dossier N° RG 21/00502 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FRVV
[B] [U]
/
S.N.C. LE GRAND CAFE DES ARTS
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 04 février 2021, enregistrée sous le n° 19/00064
Arrêt rendu ce VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [B] [U]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Khalida BADJI de la SELARL BADJI-DISSARD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
S.N.C. LE GRAND CAFE DES ARTS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent PRUNEVIEILLE, avocat suppléant Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l’audience publique du 24 avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [U] a été embauchée en qualité de femme toutes mains par la Snc Coudeyras Charles, exploitant le Grand Café des Arts situé à [Localité 1], à compter du 23 juin 2010.
Le 1er mai 2012, le contrat de travail de Mme [U] a été transféré à la Snc Grand Café des Arts après le rachat du fond commerce à la Snc Coudeyras Charles.
Le 30 avril 2018 l’employeur a notifié à la salariée un avertissement dans les termes suivants :
‘ (…) Par un concours de circonstances, suite à un mail d’insistance de mes comptables qui m’assurent que les ventes de tabac ne sont pas bonnes, je prends le temps de regarder une journée ordinaire ou pour le coup je suis absent de l’entreprise à savoir le 19 avril 2018.
Vous avez dû oublier que nos caisses enregistrent toutes les manipulations effectuées, retours, annulations etc. Mais aussi qu’un système vidéo filme et enregistre nos journées …
Ce 19 avril, je vous surprends à éditer des PCScards à 5h50 sans les régler et la vidéo est très claire, vous sortez bien votre portefeuille de votre sac pour ranger précautionneusement les deux tickets édités mais en aucun cas pour sortir une carte bancaire ou un quelconque moyen de paiements …
Plus tard et à plusieurs reprises, je comprends ce qui m’arrive en vous visionnant effectuer des ventes de tabac, encaisser les clients qui repartent avec leur tabac puis, je ne peux que constater le fait de vous voir reprendre la vente et soit l’annuler dans sa totalité soit partiellement !
Dans les deux cas vous torpillez l’entreprise !
Le 20 avril, alors que je vous laisse seul en fin de service pour faire mes courses à promocash par deux fois vous allez refaire comme la veille la même opération en annulant des ventes effectuées et en vous servant en espèces dans la caisse avec une décontraction et un sang-froid qui peuvent laisser à supposer que ce manège dure depuis longtemps …..
Que va-t-il se passer maintenant ‘
J’ai pris note de vos excuses et reconnaissance des faits dans votre SMS … ainsi que votre souhait de partir mais cela vous appartient …
Avec le service maintenance de strator, je vous ai retiré, mais aussi à l’ensemble des serveuses l’autorisation de ‘corriger une erreur de caisse’ … changer le code d’ouverture du coffre, protéger l’ouverture du logiciel de gestion de l’ordinateur …. (pour info… ce jeudi 19 avril des corrections de stock tabac ont été passé !!! vous savez comme moi que ce jour-là personne n’a compter et vérifier l’état de stock du tabac).
Vous devez travailler avec votre code caissier, en cas d’erreur, éditer le ticket de caisse et annoter la raison puis retaper un ticket corriger pour effectuer la bonne vente. Je corrigerai les erreurs …
Je vous l’ai déjà indiquer mais une copie de la vidéo a été sauvegarder, mais cela va de soi … ainsi que les journaux de caisse qui reprenne à l’analyse détaillée des faits …
Puisque nous sommes au recadrage, j’ai bien remarqué que vous aviez admis l’idée que je ne voulais plus voir votre portable qui n’est pas un outil de travail … nul besoin de l’amener lorsque je suis absent pour passer vos SMS dans les toilettes … j’ai l’impression d’être à l’école … vous avez dû oublié que vous étiez au travail accessoirement pour travailler …
Pour terminer une réorganisation de votre travail va s’effectuer dans les semaines à venir …
Enfin, je ne peux que souhaiter que ceci soit un mauvaise passage, l’entreprise a besoin d’une ‘julie’ mais pas pour faire n’importe quoi … mais en à t’elle encore envie (…)’.
La salariée a été placée en arrêt de travail du 16 au 27 mai 2018.
Le 22 mai 2018, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, fixé au 1er juin 2018.
Le 29 mai 2018, la Snc Grand Café des Arts lui a notifié sa mise à pied conservatoire.
Par courrier du 5 juin 2018, Mme [U] a été licenciée pour faute grave.
Le courrier est ainsi libellé :
« Vous ne vous êtes pas présenté le vendredi 1er juin 2018 à 9h30, à l’entretien auquel nous vous avons convoqué par courrier du 22 mai 2018.
Malgré cela, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, nous vous précisons qu’ils sont les suivants :
Le vendredi 4 mai 2018, vous quittez votre poste de travail à 14 heures au lieu de 15 heures conformément à votre planning. Ce même jour, à 17h30, alors que je suis absent et que vous avez fini votre journée de travail, vous revenez dans les locaux pour vous rendre dans la réserve puis en ressortir avec un sac contenant des cartouches de cigarettes.
Après vérification, je confirme qu’il manque trois cartouches de cigarette dans le stock et qu’aucun règlement de votre part n’a été réalisé.
Nous nous sommes également aperçus que vous avez été l’auteur de faits similaires dans le courant du mois d’avril 2018.
Notamment le 19 avril 2018, vous éditez des recharges pcs mastercard à votre profit, pour une somme de 300 euros mais vous ne procédez pas à leur règlement. Afin de régulariser la caisse, vous procédez par la suite à différents encaissements que vous annulez par la suite afin de réajuster la caisse. C’est donc notamment ainsi que vous procédez à la vente de trois blagues de tabac pour un montant de 30 euros que vous annulez par la suite. De la même manière, vous procédez à l’encaissement de trois cartouches de tabac puis procédez à l’annulation d’une cartouche pour un montant de 80 euros.
Ce même, vous procédez à l’encaissement de cigarette puis procédez à l’annulation de la vente pour ensuite garder à votre profit le montant correspondant à l’annulation.
Le 20 avril 2018, vous procédez par deux fois à des agissements identiques pendant que je m’absente une heure pour faire des courses.
Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive, dans la mesure où nos vérifications ont permis de constater que vous avez agi de la sorte, au préjudice de notre société, à de nombreuses reprises et pour des montants s’élevant à minima à plusieurs centaines d’euros.
Nos investigations ont également révélé que depuis plusieurs mois, systématiquement en mon absence, vous détruisez informatiquement une partie des stocks de tabac et de la française des jeux pour ensuite partir avec la marchandise correspondant aux annulations.
Ces marchandises représentent une valeur de plusieurs milliers d’euros.
Tous ces faits sont constitutifs d’une faute grave nous obligeant à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.
Le licenciement prend effet immédiatement. »
Le 7 juin 2018, Mme [B] [H] a saisi la formation des référés de Vichy pour obtenir un rappel de salaires au titre du mois de mai 2018 ainsi que la délivrance d’un bulletin de paie et le paiement de dommages et intérêts. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 10 juillet 2018 qui a condamné Mme [B] [H] à payer à l’employeur la somme de 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 8 juin 2018, Mme [U] a demandé des précisions sur les motifs de son licenciement. La société lui a répondu le 20 juin 2018.
La salariée a saisi le conseil des prud’hommes de Vichy le 26 juin 2018.
Par jugement du 4 février 2021, le conseil des prud’hommes de Vichy a :
– dit que le licenciement pour faute grave notifié à Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– constaté le non-respect des temps de pause ;
– fixé en application de l’article L.1454-28 du Code du travail le salaire de référence à la somme de 1.398,40 euros pour un horaire mensualisé de 151,67 heures ;
En conséquence,
– débouté Mme [U] de l’ensemble des demandes indemnitaires liées à la requalification du licenciement pour faute grave ;
– condamné la Snc Le Grand Café des Arts à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
– 752,14 euros nets au titre des temps de pause non pris outre 75,21 euros au titre des congés payés afférents ;
– 700 euros nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dit que les sommes s’entendent nettes de toutes cotisations et contributions sociales ;
– débouté Mme [U] de ses autres demandes ;
– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Mme [U] a interjeté appel de ce jugement le 02 mars 2021.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 23 avril 2021 par Mme [U] ;
Vu les conclusions notifiées à la cour le 22 juin 2021 par la Snc Grand Café des Arts ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 27 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, Mme [U] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy en ce qu’il a :
– dit que son licenciement pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– l’a déboutée de toutes ses demandes indemnitaires liées à la requalification du licenciement pour faute grave ;
– l’a déboutée de ses autres demandes ;
– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy pour le surplus ;
En conséquence et statuant à nouveau,
– considérer et juger que le licenciement intervenu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamner la société a :
– 3.425 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 342,50 euros de congés payés afférents ;
– 3.526,48 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– constater qu’elle effectuait des heures supplémentaires dont elle n’a jamais reçu paiement ;
En conséquence,
– condamner la société a :
– 6.551,30 euros à titre de rappel d’heures supplémentaire outre,
– 655,13 euros à titre de congés payés afférents ;
– 10.645,98 euros au titre de l’indemnité de travail dissimulé ;
– constater qu’elle n’a jamais bénéficié des indemnités de nourritures conformément aux dispositions légales ;
En conséquence,
– condamner la société à 1.594,10 euros à titre de rappel d’indemnité nourriture ;
– constater qu’elle n’a jamais bénéficié d’entretiens professionnels ;
En conséquence,
– condamner la société à 1.000 euros de dommages et intérêts ;
– lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner en tout état de cause le défendeur aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions, la Snc Grand Café des Arts demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy du 4 février 2021 en ce qu’il l’a condamnée au règlement d’une somme de 751,14 euros au titre des temps de pause outre 75,21 euros au titre des congés payés afférents et d’une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy du 4 février 2021 en ce qu’il a débouté Mme [U] du reste de ses demandes ;
– débouter Mme [U] de l’intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
– confirmer dans son intégralité le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy du 4 février 2021 ;
– dire que les condamnations se compenseront avec les condamnations dues par Mme [U] à l’encontre de la Snc Le Grand Café des Arts et de son gérant M. [N] au titre du jugement du Tribunal Judiciaire de Cusset du 27 mai 2021 ainsi que de la condamnation au titre de l’ordonnance de référé du 10 juillet 2018 ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [U] à lui porter et payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la même aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle :
– qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures
– les demandes de ‘constater’ ou de ‘dire et juger’ lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, ne saisissent la cour d’aucune prétention, la cour ne pouvant alors que confirmer le jugement.
Sur le licenciement :
Par application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs, il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve, laquelle doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu’il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l’article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.
Le juge doit rechercher si les faits reprochés au salarié, à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait.
Il résulte de l’article L. 1331-1 du code du travail que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.
Selon ce même texte, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Au soutien de sa demande tendant à voir juger que son licenciement est ‘dépourvu de cause réelle et sérieuse’, Mme [B] [H] fait tout d’abord valoir que la lettre de licenciement n’étant pas signée, elle ignore l’identité de son auteur et ne peut donc s’assurer que la personne à l’origine de la rupture du contrat de travail disposait de la compétence pour effectuer une telle notification.
Même si la lettre de licenciement n’est pas signée, il résulte de ses termes et de la mention ‘ M. [G] [N] gérant’ dans les coordonnées de l’émetteur que son auteur est bien le gérant de la société, M. [G] [N].
La parfaite connaissance par la salariée de l’identité de l’auteur de la lettre de rupture est d’ailleurs confirmée par le fait que cette dernière a écrit le 8 juin 2018 à M. [G] [N], pris en sa qualité de gérant de la SNC le grand café des arts, pour lui demander des précisions sur les motifs de la rupture du contrat de travail.
De plus et comme le soutient à juste titre la SNC le grand café des arts, le défaut de signature de la lettre de licenciement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une irrégularité de la procédure de licenciement qui entraîne pour le salarié un préjudice que l’employeur doit réparer et qu’il appartient au juge d’évaluer.
Ce premier moyen n’est donc pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du licenciement.
Mme [B] [H] fait ensuite valoir qu’en application du principe non bis in idem, l’employeur l’ayant déjà sanctionnée par un avertissement le 30 avril 2018 pour les faits fautifs des 19 et 20 avril 2018, a ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire pour ces deux faits et pour ceux antérieurs au 30 avril 2018 et qu’il ne pouvait pas la sanctionner à nouveau par le licenciement.
Elle ajoute que ‘ l’employeur ne peut dans le cadre du licenciement pour faute grave prononcé s’appuyer sur des faits fautifs de Mme [H] ne remontant pas à plus de trois ans, puisque l’avertissement [du 30 avril 2018] n’ayant pas été précédé d’un entretien préalable à sanction et ainsi ne peut avoir d’incidence immédiate ou non sur la présence dans l’entreprise, fonction, la carrière ou la rémunération du salarié’.
En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à Mme [B] [H] les faits fautifs suivants :
– avoir quitté son poste de travail avec une heure d’avance le vendredi 4 mai 2018
– avoir , le vendredi 4 mai 2018, emporté un sac contenant 3 cartouches de tabac entreposées dans le stock situé dans la réserve du commerce sans les payer
– avoir été l’auteur de faits similaires (édition de recharges PCS Mastercards et réajustement de la caisse par plusieurs encaissements annulés par la suite/vente de 3 blagues de tabac pour un montant de 30 euros annulées par la suite/encaissement de 3 cartouches de tabac suivi de l’annulation d’une cartouche pour un montant de 80 euros/ encaissement de cigarettes suivies de l’annulation de la vente pour conserver le montant correspondant à l’annulation) dans le courant du mois d’avril 2018, notamment le 19 avril 2018 et le 20 avril 2018
– avoir agi de la sorte à de nombreuses reprises au préjudice du commerce et pour des montants de plusieurs centaines d’euros au minimum
– avoir depuis plusieurs mois et systématiquement en l’absence du gérant, modifié informatiquement les stocks de tabac et de La Française des jeux pour faire disparaître la marchandise correspondant aux annulations pour une valeur de plusieurs milliers d’euros.
Il est versé aux débats un jugement du tribunal correctionnel de Cusset du 22 avril 2021 par lequel Mme [B] [H] a été condamnée du chef d’abus de confiance commis du 1er janvier 2015 au 15 mai 2018 au préjudice de la SNC le grand café des arts.
Il résulte des motifs de ce jugement qu’à l’issue de l’information judiciaire, ‘Mme [B] [H] a fini par reconnaître avoir détourné, entre septembre 2017 et mai 2018, des sommes d’argent provenant de la vente de tabac et de jeux de La Française des jeux ainsi que des tickets de PCS Mastercard au sein de la société en nom collectif le grand café des arts à [Localité 1] où elle était employée en qualité d’agent polyvalent depuis 2011″ et que ‘ les aveux de la mise en examen ainsi que le mode opératoire décrit par cette dernière sont corroborées par l’exploitation des journaux de caisse du commerce lesquels ont mis en évidence que certaines ventes de tabac avaient été annulées ou non ventilées et qu’une remise à niveau des stocks avait été effectuée informatiquement depuis la caisse enregistreuse afin de dissimuler ces agissements délictueux’.
En outre, il ressort :
– des motifs du jugement du tribunal correctionnel du 27 mai 2021 que, le 19 avril 2018 Mme [B] [H] , a encaissé sur son compte bancaire des tickets PCS MasterCard pour des montants de 250 euros et 50 euros correspondant à deux recharges déstockées et non payées le 19 avril 2018 au grand café des arts
– de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel 24 novembre 2020 que les enregistrements de vidéosurveillance du commerce ont permis de constater que, le 20 avril 2018, Mme [B] [H] portait la main au niveau de la poche arrière de son jean juste après avoir effectué un encaissement.
La SNC le grand café des arts ne conteste pas que les faits des 19 et 20 avril 2018 invoqués dans la lettre de licenciement ont fait l’objet de l’avertissement notifié le 30 avril 2018.
Le fait que cet avertissement n’ait pas été précédé d’une convocation à entretien préalable n’est pas de nature à lui retirer le caractère de sanction disciplinaire dans la mesure où l’article L1332-2 du code du travail n’impose la tenue d’un entretien préalable que dans le cas où l’avertissement a une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière la rémunération du salarié et que tel n’était pas le cas de l’avertissement notifié le 30 avril 2018.
De ce fait, et en application du principe non bis in idem, ces deux faits déjà sanctionnés par l’avertissement du 30 avril 2018, ne peuvent donner lieu à une nouvelle sanction disciplinaire.
En revanche, les termes du jugement du tribunal correctionnel et de l’ordonnance de renvoi démontrent que, postérieurement à l’avertissement du 30 avril 2018 fondé sur les seuls faits d’abus de confiance commis les 19 et 20 avril 2018, la salariée a réitéré des faits fautifs de même nature.
Or, en application de l’article L1332-5 du code du travail, l’employeur peut tenir compte à l’occasion d’une nouvelle procédure disciplinaire des sanctions dont le salarié a déjà fait l’objet dans les trois années précédentes, pour apprécier la gravité de la faute commise.
De ce fait, la SNC le grand café des arts pouvait tenir compte des faits fautifs ayant donné lieu à l’avertissement du 30 avril 2018 à l’occasion de la nouvelle procédure disciplinaire fondée sur des faits commis postérieurement à cet avertissement, pour apprécier la gravité de la faute commise par Mme [B] [H].
La salariée fait également valoir que l’employeur ne rapporte pas la preuve des faits invoqués au soutien du licenciement et que le doute doit lui profiter.
Aucun élément n’est produit pour démontrer que la salariée a quitté son poste de travail avec une heure d’avance le vendredi 4 mai 2018.
De même, la photographie d’une clé USB produite en pièce 35, non accompagnée de la clé USB elle-même, ne permet pas d’établir la matérialité des faits du 4 mai 2018, lesquels sont en réalité survenus le 3 mai 2018 comme reconnu par l’employeur dans son courrier de réponse à la demande de précision des motifs du licenciement.
De même, il résulte des motifs du jugement du tribunal correctionnel du 27 mai 2021 :
– qu’entre le mois de septembre 2017 et le 18 mai 2018, soit pour partie postérieurement aux faits visés par la sanction disciplinaire du 30 avril 2018 pour des faits des 18 et 19 avril 2018, la salariée a détourné des sommes d’argent et des tickets de PCS MasterCard qui lui avait été remis par son employeur et des clients à charge pour elle de les vendre ou de les remettre à son employeur en procédant à l’annulation de certaines ventes de tabac après avoir perçu le prix de la vente puis en effectuant informatiquement, depuis la caisse enregistreuse, une mise à niveau des stocks pour dissimuler ces agissements délictueux
– que la salariée a reconnu des détournements de l’ordre de 300 à 400 euros par mois.
La commission de plusieurs infractions pénales au préjudice de l’employeur, après des faits identiques ayant donné lieu à la notification d’un avertissement peu de temps auparavant, caractérisent des fautes d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien de Mme [B] [H] dans l’entreprise, y compris durant la période de préavis.
Ces faits caractérisent une faute grave du salarié qui justifie la mesure de licenciement prononcée par l’employeur.
En conséquence la cour confirme le jugement de ce chef ainsi qu’en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que le licenciement est fondé sur une faute grave.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires:
La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l’article à l’article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et à l’article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Selon les dispositions de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile : ‘La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.
En l’espèce, le dispositif des conclusions de la SNC le grand café des arts ne reprend pas la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires développée dans les motifs.
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n’en est donc pas saisie.
Pour s’opposer à la demande, la SNC le grand café des arts fait tout d’abord valoir qu’elle a mis en place unilatéralement les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants permettant le recours à ‘l’annualisation’ du temps de travail.
En réponse, Mme [B] [H] conteste l’existence d’une telle ‘annualisation’.
L’annexe 1 de l’Avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants autorise une modulation du temps de travail sur tout ou partie de l’année d’un maximum de 12 mois consécutifs.
Cependant, l’avenant n°19 du 29 septembre 2014 relatif à l’aménagement du temps de travail stipule que : ‘l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à 4 semaines suppose la conclusion d’un accord collectif’.
Or, la SNC le grand café des arts ne justifie pas de l’existence d’un tel accord collectif.
Dans ces conditions, il n’est pas démontré qu’il était dérogé au principe, également rappelé dans l’avenant du 29 septembre 2014, de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures par semaine.
La salariée verse aux débats en pièce 14-1 un décompte des heures supplémentaires qu’elle affirme avoir réalisées, portant sur la période du 18 mai 2015 au 15 mai 2018 et mentionnant pour chaque jour ses heures de départ et d’arrivée ainsi que le récapitulatif des heures travaillées chaque semaine et des heures supplémentaires effectuées. Le montant de sa créance figure dans ses conclusions pour un montant total de 6551,30 euros.
Le décompte des heures supplémentaires est suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Mme [B] [H] prétend avoir accomplie et il incombe à la SNC le grand café des arts d’y répondre en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail.
De son côté, l’employeur verse aux débats en pièce 24, non pas les plannings de travail de Mme [B] [H], mais des tableaux intitulés ‘décomptes du temps de travail établis par la société’ concernant la période juin 2015 à juin 2018. Cependant, outre que l’employeur ne justifie pas qu’il s’agit là de ses éléments de contrôle de la durée du travail, la cour relève que ces tableaux ne sont pas signés par la salariée de sorte que les horaires qui y sont consignés ne présentent aucune garantie de sincérité.
La SNC le grand café des arts fait également valoir que la comparaison entre ses décomptes en pièce 24 et de ceux de la salariée démontre des incohérences et notamment pour la journée du 3 octobre 2017 où Mme [B] [H] soutient avoir terminé son service à 15h30 alors que celui-ci a pris fin 15 heures, la journée du 4 novembre 2017 où elle soutient avoir terminé à 14 heures alors que sa journée de travail a pris fin à 13 heures, ainsi que dans de nombreux autres cas et notamment les 3 et 5 mars, le 2 juillet 2017, le 20 avril 2017 et du 20 au 26 février 2017.
Cependant, faute de preuve de la fiabilité des décomptes figurant en pièce 24, les incohérences alléguées ne sont pas démontrées.
En revanche, la SNC le grand café des arts fait justement valoir :
– que le total des heures supplémentaires figurant dans le tableau de Mme [B] [H] est faux à plusieurs reprises à savoir :
– la semaine du 5 au 11 juin 2017 durant laquelle la salariée a réalisé 33,5 heures et donc aucune heure supplémentaire
– la semaine du 11 au 17 septembre 2017 durant laquelle elle indique avoir réalisé 5 heures supplémentaires alors que le total des heures mentionnées dans le tableau est de 33 heures
– la semaine du 22 au 28 mai 2017 au titre de laquelle elle indique avoir réalisé 10 heures supplémentaires alors que le total des heures supplémentaires réalisées chaque jour fait apparaître 2 heures supplémentaires
– la semaine du 20 au 26 février 2017 durant laquelle elle indique avoir réalisé 7,5 heures supplémentaires alors que le total des heures travaillées cette semaine est de 30 heures.
La SNC le grand café des arts relève en outre pertinemment une autre erreur en ce que le détail des calculs de rappel d’heures supplémentaires figurant dans les conclusions de Mme [B] [H] est effectué sur la base des majorations prévues par le code du travail alors que la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurant prévoit, à l’article 4 de l’avenant n°2 du 5 février 2007 que :
‘Les heures effectuées entre la 36e et la 39e heure sont majorées de 10 %.
Les heures effectuées entre la 40e et la 43e heure sont majorées de 20 %.
Les heures effectuées à partir de la 44e heure sont majorées de 50 %’.
Sur la base du décompte rectificatif non discuté produit en pièce 34 par la SNC le grand café des arts et en appliquant les majorations conventionnelles à la période du 18 mai 2015 au 5 juillet 2015 qui ne figure pas au décompte rectifié de l’employeur, le montant des rappels de salaires au titre des heures supplémentaires s’élève à la somme totale de 3 733 euros (781,03 euros au titre de l’année 2015, 1281,07 euros au titre de l’année 2016, 1138,84 euros au titre de l’année 2017 et 532,05 euros au titre de l’année 2018.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la SNC le grand café des arts à payer à Mme [B] [H] un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires d’un montant de 3 733 euros, outre 373,30 euros de congés payés y afférents.
Sur le travail dissimulé :
L’ article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l’article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Aux termes de l’ article L.8223-1 du code du travail , le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut ainsi se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d’une omission intentionnelle de l’employeur.
La dissimulation d’emploi peut résulter de ce que l’employeur a imposé au salarié de travailler au-delà des jours prévus dans la convention de forfait en jours, sans mentionner ces jours de travail sur les bulletins de paie ou de ce que l’employeur n’a pas respecté son obligation de suivi du temps de travail du salarié soumis au forfait.
En l’espèce, Mme [B] [H] ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande confirmation du jugement qu’il a déboutée de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’intention frauduleuse.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel d’indemnité de nourriture :
L’obligation de nourrir le personnel ou de lui verser une indemnité compensatrice a été instituée par l’arrêté du 22 février 1946 fixant les salaires des ouvriers et employés des hôtels, cafés, restaurants, modifié par l’arrêté du 1er octobre 1947 et maintenu par l’article 2 de la loi nº50-205 du 11 février 1950.
Aux termes de l’article 7, alinéas 1 à 3, de ce texte, l’employeur est tenu, soit de nourrir l’ensemble de son personnel, soit de lui allouer une indemnité compensatrice correspondant, sur la base journalière, à deux fois le salaire horaire du manoeuvre de la métallurgie, classé au coefficient 100.
L’avantage prévu à l’arrêté est accordé dans tous les cas en sus des salaires ou des minima garantis.
Les employés qui ne prennent pas leur repas dans l’établissement perçoivent obligatoirement l’indemnité compensatrice.
L’obligation de nourriture posée par cet arrêté ne trouve application que si l’entreprise est ouverte à la clientèle à l’heure normale des repas et pour autant que le salarié soit présent dans l’entreprise au moment dudit repas.
Ce repas est un avantage en nature sous forme de nourriture. S’ils remplissent les conditions d’attribution, tous les salariés, indépendamment de leur qualification, leur niveau de salaire ou leur durée de travail y ont droit.
Le salarié doit être obligatoirement nourri ou recevoir à la place une indemnité compensatrice de repas dans les hôtels, cafés restaurants, lorsque l’employeur ne prévoit pas dans son établissement de repas, ou ne peut simplement pas s’acquitter de son obligation en nature.
Les articles D. 3231-8 et suivants du code du travail et 17 de l’avenant nº1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale du personnel des hôtels, cafés, restaurants, prévoient les modalités de calcul de l’avantage en nature.
En l’espèce, Mme [B] [H] soutient qu’entre 2015 et 2018, la SNC le grand café des arts lui a payé des indemnités de repas ‘ de manière très aléatoire’, qu’elle ‘ ne pouvait bénéficier d’une pause repas décente’ et que ‘ souvent seule au moment des heures de repas, [elle] ne pouvait prendre de pause repas car elle devait demeurer à la disposition permanente de son employeur en vue de servir les clients’.
La SNC le grand café des arts répond que Mme [B] [H] ne rapporte pas la preuve de sa créance et que la salariée a bénéficié de tous les repas ou indemnités de repas qui lui étaient dus.
La lecture des bulletins de paie de Mme [B] [H] démontre que l’employeur lui a régulièrement payé des indemnités de repas et il résulte de l’attestation de Mme [Y] [A] produite par Mme [B] [H] que celle-ci bénéficiait bien de repas servis par l’employeur même si ce témoin précise que ces repas se prenaient debout en bout de bar.
Il est ainsi établi que Mme [B] [H] a bénéficié de tous les repas ou indemnités de repas qui lui étaient dus par l’employeur.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’entretiens professionnels :
Selon l’article L 6315-1 du travail dans sa version applicable en la cause : ‘A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience.
Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical’.
En l’espèce, Mme [B] [H] soutient qu’elle n’a jamais bénéficié d’entretiens professionnels prévus à l’article L 6315-1 du code du travail.
Elle ajoute que l’absence de formation tout au long de sa carrière l’a privée de la possibilité d’élargir son champ de compétence et de qualification et a eu pour effet de nuire à ses chances de trouver un autre emploi.
La SNC le grand café des arts répond que la salariée ne démontre pas n’avoir pas bénéficié d’entretiens professionnels et qu’elle ne justifie pas d’un préjudice.
La cour relève tout d’abord qu’elle est saisie par le dispositif des conclusions de Mme [B] [H] d’une unique demande de dommages et intérêts pour absence d’entretiens professionnels et non pas d’une demande de dommages et intérêts pour absence de formation.
Aucune des pièces versées aux débats par les parties ne démontre que la SNC le grand café des arts a satisfait à son obligation de soumettre Mme [B] [H] un entretien professionnel d’évaluation depuis son embauche.
Cependant, Mme [B] [H] n’allègue ni ne justifie d’aucun préjudice lié à ce manquement.
En conséquence la cour, confirmant le jugement déféré, rejette la demande de dommages-intérêts pour absence d’entretiens professionnels.
Sur la demande de rappel de salaires au titre des pauses non prises :
En application de l’article L. 3121-33 du code du travail, pris pour l’application de l’article 4 de la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, recodifiée par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes.
L’article L.3121-2 prévoit que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les conditions posées par l’article L3121-2 du code du travail sont réunies.
Selon cet article, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
Il incombe à l’employeur de démontrer que le salarié a effectivement bénéficié d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes dès que le temps de travail quotidien a atteint six heures.
En l’espèce, le jugement déféré a condamné l’employeur au paiement de la somme de 752,14 euros au titre des temps de pause non pris aux motifs que les attestations produites aux débats démontraient qu’il était impossible à la salariée de prendre normalement ses temps de pause tels que prévus au code du travail (20 minutes à partir de six heures de travail consécutif), que cette dernière se tenait à disposition de l’employeur puisqu’elle était tributaire des arrivées de la clientèle et que la SNC le grand café des arts ‘est dans l’incapacité de prouver que la salariée aurait pu prendre ses pauses et vaquer librement durant ce temps à des occupations personnelles’.
Mme [B] [H] ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande de confirmation de ce chef de jugement.
La SNC le grand café des arts demande l’infirmation de ce chef de jugement et le débouté de la ‘ demande de rappel de salaire sur ses temps de pause’. Elle soutient qu’ ‘ il est démontré grâce aux bulletins de paie versés aux débats, que toutes les heures de travail réalisées par Madame [H] au sein de la SNC le grand café ont été rémunérées’.
Les attestations de Mme [Y] [A], M. [Z] [E], Mme [S] [T], Mme [R] et de Mme [F] produites par Mme [B] [H] sont insuffisamment précises sur la situation personnelle de Mme [B] [H] et ne permettent pas de démontrer que cette dernière ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ses pauses et qu’elle était à la disposition de l’employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de rappel de salaires au titre des temps de pause.
Sur la demande de compensation présentée par la SNC le grand café des arts :
Selon l’article 1347-1 du code civil : ‘Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles (…)’.
La SNC le grand café des arts ne justifiant pas du caractère exigible des condamnations prononcées à son profit par le jugement du tribunal correctionnel de Cusset du 27 mai 2021 et par l’ordonnance de la formation des référés du conseil des prud’hommes de Vichy, sa demande de compensation avec les condamnations prononcées par le présent arrêt sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante au principal, la SNC le grand café des arts supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
Par ailleurs, Mme [B] [H] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu’en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SNC le grand café des arts à lui payer la somme de 700 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1300 euros au titre des frais qu’elle a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions ayant :
– rejeté la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires;
– condamné la SNC le grand café des arts à payer à Mme [B] [H] la somme de 752,14 euros au titre des temps de pause non pris et 75,21 euros au titre des congés payés y afférents ;
Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :
DIT que le licenciement de Mme [B] [H] est fondé sur une faute grave;
CONDAMNE la SNC le grand café des arts à payer à Mme [B] [H] la somme de 3 733 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 373,30 euros de congés payés y afférents ;
REJETTE la demande de rappel de salaires au titre des temps de pause non pris ;
REJETTE la demande de compensation présentée par la SNC le grand café des arts ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s’il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
CONDAMNE la SNC le grand café des arts à payer à Mme [B] [H] la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SNC le grand café des arts aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN