Jeux et Paris > Litiges : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02775

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Jeux et Paris > Litiges : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02775
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19 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02775

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/02775

N° Portalis DBV3-V-B7F-UX2V

AFFAIRE :

[T] [B]

C/

S.A.R.L. BARTHE DIFFUSION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Août 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : AD

N° RG : 20/00064

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI METIN & ASSOCIES

la AARPI 107 Université

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [T] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 – N° du dossier 19.149

APPELANTE

****************

S.A.R.L. BARTHE DIFFUSION

N° SIRET : 435 232 335

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Frédéric SAUVAIN de l’AARPI 107 Université, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0521

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2023, Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [B] a été embauchée à compter du 9 novembre 2015 en qualité de ‘chargée de relation client’ par la société Barthe Diffusion, ayant pour activité la gestion et la commercialisation des jeux de la Française des Jeux auprès des points de vente.

Par lettre du 12 août 2019, la société Barthe Diffusion a convoqué Mme [B] à un entretien préalable un éventuel licenciement.

Par lettre du 26 août 2019, la société Barthe Diffusion a notifié à Mme [B] son licenciement pour cause réelle et sérieuse à caractère disciplinaire.

Le 9 mars 2020, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Barthe Diffusion à lui payer une indemnité à ce titre et d’autres sommes à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 4 août 2021, le conseil de prud’hommes (section activités diverses) a :

– dit que le licenciement de Mme [B] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [B] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société Barthe Diffusion de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé à la charge de Mme [B] les dépens.

Le 23 septembre 2021, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 27 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [B] demande à la cour de :

1°) à titre principal, annuler le jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire, infirmer le jugement attaqué sur le licenciement et le débouté de ses demandes et statuant à nouveau de :

– condamner la société Barthe Diffusion à lui payer les sommes suivantes :

* 20 000 euros net de CSG et de CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, subsidiairement, 13 560 euros net de CSG et de CRDS à ce titre ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages relatifs à un licenciement pour motif économique ;

* 3 390 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de mise en place des institutions représentatives du personnel ;

* 4 300 euros au titrede l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

– débouter la société Barthe Diffusion de l’ensemble de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions du 13 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Barthe Diffusion demande à la cour de :

– déclarer illicites et irrecevables ‘ les enregistrements audios communiqués par Mme [B] ‘;

– confirmer le jugement attaqué sur le licenciement et le débouté des demandes de Mme [B] ;

– condamner Mme [B] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 février 2023.

SUR CE :

Sur la demande de la société intimée tendant à écarter des pièces des débats :

Considérant que l’examen des pièces n° 52 et 55 produites par Mme [B] n’est pas nécessaire à la solution du litige ; qu’il y a donc lieu de rejeter la demande ;

Sur la nullité du jugement :

Considérant qu’en application de l’article 455 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé ;

Qu’en l’espèce, il ne ressort pas du jugement que ce dernier se borne à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d’appel de la société Barthe Diffusion défenderesse ; qu’aucun vice de motivation n’est donc établi ; qu’il y a donc lieu d’écarter la demande de nullité du jugement formée par Mme [B] ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse notifiée à Mme [B], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : ‘(…) Vous avez notamment pour fonctions de récupérer auprès des clients revendeurs, les jeux et produits de grattage de la Française des jeux, dont la limite de vente va expirer.

Le 15 juillet 2019, lors d’un inventaire de notre stock de carnets, nous avons découvert qu’un carnet complet de tickets de jeu X 20 (…) était placé dans les stocks.

Comme vous le savez, tous les carnets sont nécessairement conditionnés sous cellophane scellé et, compte tenu de la nature de ces produits, notre société Barthe Diffusion a une traçabilité de chacun des carnets.

En l’espèce, ce carnet (…) est parti de l’entrepôt de préparation le 8 octobre à destination de notre client Monsieur [N] [W]. (…)

Ce carnet a indûment été repris par vos soins le 6 juin 2019 à 9h41 alors même que s’agissant d’un carnet incomplet, il n’avait pas à être repris.

Du fait de votre comportement, la Française des jeux a été obligée de réaffecter le 14 juin 2019 ce carnet à notre client puisque, celui-ci était incomplet et certains tickets se présentaient au paiement. Pour cette opération ce carnet a donc été retiré de notre stock physique détenu au siège. Monsieur [W] aurait donc dû rester en possession de ce carnet.

Il convient de rappeler que la date limite de vente était fixée au 24 mai 2019 et de paiement en point de vente au 23 juin 2019. Monsieur [W] a donc continué à vendre des produits après la date limite de vente et même après la date limite de paiement en point de vente. Car en effet, des tickets ont été envoyés au service relations joueurs pour demander à être payé après cette date.

Votre reprise indue et trop tardive du carnet à Monsieur [W] a donc eu pour conséquence la facturation du prix de vente de 142,20 euros à notre client. Vous auriez dû reprendre ce carnet s’il avait été complet lors de votre précédente visite effectuée le 23 mai 2019 et si ce carnet s’avérait déjà incomplet l’informer sur l’impossibilité de reprise et de sa prochaine facturation.

Le 15 juillet 2019, ayant pris connaissance de ce manquement de votre part, je vous ai donc demandé pourquoi ce carnet été placé dans les stocks et pourquoi vous l’aviez repris au client alors même que, vous saviez pertinemment que vous ne deviez pas le reprendre, et encore moins le placer dans les stocks. Vous n’avez pas apporté de réponse.

Le lendemain, soit le mardi 16 juillet 2019, j’ai souhaité effectuer des recherches afin de comprendre pourquoi le carnet se trouvait au siège de l’entreprise. Or, ledit carnet ne se trouvait pas dans nos locaux.

Je vous ai donc interrogée sur cette disparition et vous m’avez indiqué que vous l’aviez mis par erreur dans votre sacoche spécifique aux retours des carnets. Je vous ai demandé de me le rendre, ce à quoi vous m’avez rétorqué que cette sacoche était à votre domicile.

Vous n’avez rendu le carnet que le mercredi 17 juillet 2019, sans toutefois apporter d’explication valable sur vos deux manquements que sont la reprise d’un carnet incomplet placé ultérieurement dans les stocks, et la disparition inexpliquée de ce carnet des stocks.

Votre attitude est contraire à nos procédures que vous ne pouviez ignorer étant salariée de notre entreprise depuis près de quatre années.

En effet, vous avez, sans motif légitime, commis successivement deux fautes qui portent préjudice à notre client ainsi qu’à l’image de l’entreprise vis-à-vis de son donneur d’ordre la Française des jeux.

Car, le client ayant dû payer le carnet, nous devons lui rendre tout en lui demandant de détruire les tickets puisque à présent, aucun gagnant ne pourra être payé, la date limite de vente et de paiement étant dépassés (…).

Mais aussi par votre faute dans la reprise de ce carnet incomplet, vous mettez à mal l’image et la crédibilité de l’entreprise vis-à-vis de la Française des jeux puisque ce carnet est apparu dans nos stocks alors qu’il n’avait pas lieu d’être. (…)

Pour l’ensemble de ces motifs, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse (…)’ ;

Considérant que Mme [B] soutient qu’aucune faute ne peut lui être imputée et que le véritable motif du licenciement est d’ordre économique ; qu’elle en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’elle demande en conséquence l’allocation d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en invoquant à titre principal l’inconventionnalité des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige au regard de stipulations l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne ;

Que la société Barthe Diffusion soutient que les faits reprochés à Mme [B] sont établis et sont constitutifs d’une faute ; qu’elle en déduit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’il convient de débouter Mme [B] de sa demande d’indemnité à ce titre ;

Considérant qu’en application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du grief tiré de la reprise par Mme [B], le 6 juin 2019, d’un carnet de jeux incomplet auprès d’un revendeur (M. [W]), il ressort des débats et des pièces versées que la société Barthe Diffusion n’établit pas que ce carnet était, contrairement à ce qu’elle affirme, manifestement et visiblement incomplet et que l’appelante l’a ainsi délibérément repris en violation des procédures internes ; qu’en effet, la photographie du carnet litigieux censée montrer qu’il était incomplet d’un tiers, a été réalisée, plusieurs semaines après sa reprise par la salariée, dans un placard libre d’accès au sein des locaux de l’entreprise, ce qui ne permet pas de prouver son état originel au 6 juin 2019 ; que les déductions sur le nombre de tickets manquants au sein de ce carnet faites par la société Barthe Diffusion à partir de statistiques sur le nombre de tickets gagnants dans un carnet ne sont qu’hypothétiques ; que par ailleurs, la société Barthe Diffusion affirme dans ses conclusions qu’elle ne reproche pas à la salariée une reprise tardive du carnet, alors que ce grief était formulé dans la lettre ; qu’aucune faute de Mme [B] n’est donc établie à ce titre ;

Que s’agissant du grief relatif à la ‘disparition’ de ce carnet des locaux de l’entreprise le 16 juillet 2019 et sa restitution par la salariée à l’employeur le lendemain, la lettre de licenciement reproche seulement à Mme [B] à ce titre une ‘attitude contraire aux directives’ et non, comme il est mentionné dans les conclusions de la société Barthe Diffusion, une ‘subtilisation’ aux fins de dissimulation de preuves ; que la société Barthe Diffusion ne produit aucun élément sur l’existence de directives sur ce point ; qu’aucune faute de Mme [B] n’est donc établie à ce titre ;

Qu’il résulte de ce qui précède que le licenciement disciplinaire de Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse contrairement ce qu’ont estimé les premiers juges ;

Qu’en conséquence, Mme [B] est fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre trois et quatre mois de salaire brut en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l’appelante faute d’effet direct dans le présent litige ; qu’eu égard à son âge (née en 1980), à sa rémunération moyenne mensuelle qui s’élève au vu des pièces versées à 3 390 euros brut, à l’absence d’élément sur sa situation postérieure au licenciement, il y a lieu d’allouer une somme de 13 000 euros brut à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur les dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages relatifs à un licenciement pour motif économique :

Considérant, en l’espèce, que Mme [B] ne démontre pas que le réel motif de son licenciement est d’ordre économique et qu’elle a ainsi été victime d’une perte de chance de bénéficier des avantages afférents ; que de plus et en tout état de cause, elle ne justifie en rien du préjudice allégué ; qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les dommages-intérêts pour absence de mise en place des institutions représentatives du personnel :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2311-2 du code du travail dans sa version applicable au litige : ‘Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d’au moins onze salariés./ Sa mise en place n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs’ ; qu’aux termes de l’article 6 du code de procédure civile : ‘A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder’;

Qu’en l’espèce, Mme [B] se borne à alléguer que la société Barthe Diffusion ’employait habituellement plus de onze salariés’ et n’allègue donc pas que l’effectif d’au moins onze salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs ainsi que prévu par les dispositions légales mentionnées ci-dessus ; qu’elle n’allègue donc pas de faits propres à fonder un manquement de l’employeur aux obligations de mise en place d’institutions représentatives du personnel ; qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande de dommages-intérêts ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ; que la société Barthe Diffusion sera condamnée à payer à Mme [B] une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de nullité du jugement,

Rejette la demande tendant à écarter les pièces n° 52 et 55,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur les dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages relatifs à un licenciement pour motif économique et pour absence de mise en place des institutions représentatives du personnel,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [T] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Barthe Diffusion à payer à Mme [T] [B] les sommes suivantes :

– 13 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Barthe Diffusion aux dépens de première instance et d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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