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18 mai 1999
Cour de cassation
Pourvoi n°
97-86.442
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Nazir,
– Y…Sourès,
– Z… Nasrodin,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 13ème chambre, du 22 octobre 1997, qui, dans la procédure suivie contre eux pour contrefaçon de marque, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 23 mars 1999 où étaient présents : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Roman, Grapinet, Mistral, Blondet, Ruyssen, Mme Mazars conseillers de la chambre, Mme Agostini conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me BOUTHORS, la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de la l’homme, 66 de la constitution, 713-2, et 713-6 du Code de la propriété industrielle, 111-4 du nouveau Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a condamné solidairement les requérants à verser à la société la Française des jeux la somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;
” aux motifs que la Française des jeux justifie avoir déposé et fait enregistrer auprès de l’I. N. P. I. les marques ” Loto “, ” Banco “, ” Tacotac “, ” Millionnaire “, et ” Keno ” ; que les dispositions de l’article L. 713-2 du Code de la propriété industrielle prohibent la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, sauf autorisation du propriétaire ; qu’il est constant en l’espèce que la société la Française des jeux n’a jamais accordé l’autorisation d’utiliser ses logos, tickets et billets de jeux sollicités par Nasrodin Z… ; que le délit d’usage d’une marque sans autorisation du propriétaire est constitué dès l’instant où son auteur ne peut justifier de cette autorisation ; qu’en l’espèce les prévenus sont dans l’incapacité totale de justifier d’une quelconque autorisation ; qu’en effet l’envoi par la partie civile d’une documentation sur les jeux concernés ne saurait en aucun cas valoir ou même être interprété comme une autorisation tacite d’utiliser des marques déposées ; que par ailleurs les conditions d’application de l’article L. 713-6 du Code de la propriété industrielle ne sont nullement réunies en l’espèce ; que les reproductions de marques critiquées ne sont en rien une ” référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service ” au sens de l’article L. 713-6 ; que vainement les prévenus soutiennent que du fait du monopole de la société la Française des jeux, tous les éditeurs spécialisés dans les magazines de jeux reproduisent nécessairement sa marque et ses logos ; que les prévenus ne pouvaient licitement reproduire, sans autorisation, comme support d’explication à leurs méthodes de jeux, des exemplaires de tickets de jeux de la Française des jeux ; que Nasrodin Z… qui en avait parfaitement conscience a d’ailleurs adressé à cette société une demande d’autorisation qui n’a pas reçu de suite favorable ; que pas davantage les prévenus ne sauraient utilement faire valoir que la Française des jeux ne justifie pas des autorisations par elle accordées aux autres éditeurs utilisant sa marque et ses logos ou des poursuites ” qu’elle devrait avoir engagées pour des pratiques similaires ” ; qu’en effet rien n’impose à la partie civile (qui reste libre du choix des actions à intenter pour protéger l’enregistrement de ses marques) de fournir les justifications exigées par les prévenus ;
que la reproduction sans autorisation, de marques déposées par la Française des jeux, a nécessairement causé un préjudice à cette société ; que par leurs agissements les prévenus ont commis, dans le cadre de la prévention de contrefaçon, une faute entraînant une réparation civile ;
” alors que le délit de contrefaçon se caractérise par la commercialisation, sous une marque usurpée, et sans autorisation du propriétaire, de produits identiques ou similaires ; qu’en l’espèce, la marque litigieuse n’ayant été employée dans un organe de presse que pour l’utilisation d’articles relatifs aux jeux dans le seul but d’informer les lecteurs, information sur laquelle la Française des jeux n’a aucun monopole, il n’y avait aucune contrefaçon punissable ” ;
Vu l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que caractérise, notamment, le délit de contrefaçon prévu par ce texte, l’utilisation d’une marque en violation des droits conférés par son enregistrement et des interdictions qui découlent de celui-ci ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par une plainte avec constitution de partie civile, la société Française des Jeux, titulaire notamment des marques ” Loto ” et ” Keno “, a dénoncé la reproduction sans son autorisation, dans la revue ” Je suis riche “, spécialisée dans les jeux de hasard, de photographies de bulletins du loto et du keno comportant le logo de ses marques ; que Nasrodin Z…, directeur de la publication, Sourès Y…et Nazir X… ont été poursuivis pour usage illicite de marque ; qu’ils ont été relaxés par le tribunal correctionnel ;
Que, sur le seul appel de la partie civile, pour caractériser la contrefaçon et allouer à la victime un franc de dommages-intérêts, la cour d’appel énonce que le délit d’usage illicite de marque est constitué dès l’instant où, comme en l’espèce, son auteur ne peut justifier de l’autorisation du propriétaire ; qu’elle retient que les prévenus ne pouvaient reproduire, sans cette autorisation, des exemplaires de tickets de jeu ” comme supports d’explications à leurs méthodes de jeux ” ;