Jeux et Paris > Litiges : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04057

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Jeux et Paris > Litiges : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04057
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11 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/04057

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 11 MAI 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04057 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSAA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de MELUN – RG n° 17/01362

APPELANTE

Madame [Z] [B]

née le 13 Mars 1972 à [Localité 7] (92)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence IMBERT de la SELARL IFK, avocat au barreau de MELUN

INTIME

Monsieur [E] [M]

né le 18 Février 1971 à [Localité 8] (75)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me François CHASSIN de l’AARPI CHASSIN COURNOT-VERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0210

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Pendant leur concubinage, Mme [Z] [B] et M. [E] [M] ont, suivant acte authentique en date du 20 mai 1996, acquis en indivision un immeuble situé [Adresse 2] et [Adresse 1], cadastré section D n°[Cadastre 6], lieudit [Adresse 1] pour une contenance de 04a 81 ca à [Localité 9] (77).

Le couple s’est séparé en 1998. M. [M] est resté dans les lieux tandis que Mme [B] a fixé son domicile ailleurs que dans le bien indivis.

Par exploit du 25 janvier 2017, Mme [B] a assigné M. [M] devant le tribunal de grande instance de Melun aux fins du partage de l’indivision ayant existé entre eux.

Par jugement du 19 décembre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Melun a statué dans les termes suivants :

– déclare irrecevable l’assignation en partage de Mme [Z] [B],

– rejette les demandes d’indemnité formulées par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne Mme [Z] [B] aux dépens.

Mme [Z] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 février 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 avril 2020, l’appelante demande à la cour de :

– réformer la décision entreprise,

– constater la régularité de l’assignation en partage délivrée par Mme [B] à M. [M],

– dire et juger qu’il sera procédé au partage de l’immeuble situé [Adresse 11] et [Adresse 1], cadastré section D, n°[Cadastre 6], Lieudit [Adresse 1] pour une contenance de 04a 81Ca,

– dire et juger que pour y parvenir, il sera procédé à la licitation de cet immeuble sur le cahier des charges qui sera établi par le conseil de Mme [Z] [B] sur la mise à prix de 130 000 euros,

– dire et juger qu’en cas de carence, il pourra y avoir une baisse de mise à prix de un tiers,

– condamner M. [E] [M] à verser à l’indivision à titre d’indemnité d’occupation la somme de 1 000 euros mensuelle dans les 5 ans précédant l’assignation introductive d’instance avec intérêts de droit capitalisés sur chacune des échéances mensuelles,

– condamner M. [E] [M] à verser à Mme [Z] [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] [M] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Laurence Imbert avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 juin 2020, M. [E] [M], intimé, demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Melun du 19 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

– constater qu’aucune diligence en vue d’un partage amiable n’a eu lieu,

– déclarer irrecevable en ses demandes Mme [Z] [B],

à titre subsidiaire,

– ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation partage de l’indivision existant entre M. [E] [M] et Mme [Z] [B],

– désigner pour procéder aux opérations de partage, M. le Président de la chambre des notaires de seine-et-Marne avec faculté de délégation,

– débouter Mme [Z] [B] de sa demande de licitation du bien indivis,

dans tous les cas,

– condamner Mme [Z] [B] à verser à M. [E] [M] une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

 -condamner Mme [Z] [B] aux entiers dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Par une demande d’observations en date du 22 février 2022, la cour a sollicité les observations des parties sur l’effet dévolutif de l’appel compte tenu de la rédaction de la déclaration d’appel mentionnant uniquement un appel total.

M. [E] [M] répondait par un courrier du 4 mars 2022 que l’effet dévolutif n’a pas opéré en l’absence de mention des chefs du jugement critiqué dans la déclaration d’appel.

Par un courrier du 8 mars 2022, Mme [Z] [B] fait valoir que le jugement critiqué qui l’a déclarée irrecevable en l’ensemble de sa demande, est indivisible de sorte qu’il n’était pas nécessaire de détailler ou de préciser d’avantage les chefs du jugement objets de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 mars 2022.

MOTIFS :

Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’article 4 du code de procédure civile énonce que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsqu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. ».

Selon les termes de l’article 542 du code de procédure civile, « l’appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à la réformation ou à son annulation par la cour d’appel. ».

L’article 562 de ce code dispose que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. ».

En l’espèce, le premier juge saisi par M. [E] [M] de la fin de non recevoir tirée de l’article 1360 du code de procédure civile, ayant fait droit à cette prétention n’a pas statué au fond mais seulement sur les demandes accessoires présentées par les parties et qui ne bénéficiant d’une autonomie procédurale propre, sont indivisibles avec les chefs du jugement ayant statué sur la recevabilité des demandes.

La déclaration d’appel étant l’acte introductif de l’instance devant la cour, il opère seul l’effet dévolutif de l’appel principal déterminant l’objet du litige dont est saisie à l’origine la cour ; l’objet du litige étant indivisible, l’acte d’appel qui comporte la mention appel total a opéré l’effet dévolutif de l’appel pour le tout.

Sur la recevabilité de la demande en partage

L’article 1360 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Pour déclarer Mme [Z] [B] irrecevable en sa demande de partage du bien immobilier, le premier juge a considéré que l’envoi d’un courrier par le conseil de Mme [Z] [B] en date du 29 septembre 2016 à M. [E] [M] alors que les parties sont séparées depuis 1998, le mettant en demeure de procéder au partage amiable du bien par sa vente ou le rachat de ses parts et la délivrance d’une assignation moins de quatre mois après, n’était pas constitutif de démarches amiables au sens de l’article susvisé dans la mesure où aucune tentative de discussion n’a été démontrée.

Mme [Z] [B] relate avoir tenté pendant près de 15 ans de régler à l’amiable la sortie de l’indivision ; rappelant les termes de ce courrier, elle fait valoir que l’article 1360 du code de procédure civile ne prescrit aucun délai entre la tentative de partage amiable et l’assignation, que le délai de quatre mois ayant séparé ces deux événements est raisonnable et que si aucune discussion n’a pu avoir lieu, c’est en raison de l’inertie opposée par M. [E] [M] qui jouissant seul de l’immeuble, avait tout intérêt à faire traîner les choses.

M. [E] [M] expose qu’ayant seul fait les apports nécessaires au financement du bien indivis, les parties s’étaient mises d’accord pour que soit rédigé par devant leur notaire un acte aux termes duquel Mme [Z] [B] renonçait à ses droits dans l’immeuble, précisant qu’en contrepartie le véhicule commun Renault 21 et la moitié des meubles garnissant le logement familial lui avaient été laissés et que sa propre mère avait abandonné la somme qu’elle avait prêtée aux parents de Mme [Z] [B] pour les besoins de leur commerce ; que Mme [Z] [B] n’ayant jamais remis en cause cet accord pendant 18 ans, il pensait que cet acte avait été régularisé ; que l’action en partage de Mme [Z] [B] consécutive à sa séparation avec son précédent compagnon est motivée par son souhait de racheter la part de ce dernier dans le pavillon qu’ils ont acquis et où elle réside toujours actuellement.

M. [E] [M] approuve les motifs retenus par le premier juge pour déclarer Mme [Z] [B] irrecevable en sa demande en partage.

***

Le droit de propriété étant imprescriptible hormis l’hypothèse de l’usucapion non applicable dans la présente espèce, la durée requise n’étant pas écoulée, seul un acte notarié passé entre M. [E] [M] et Mme [Z] [B] pouvait opérer transfert à celui-ci des droits de propriété de cette dernière sur le bien indivis.

Mme [Z] [B] ne fournit aucun élément de nature à rapporter la preuve qu’elle a intenté des démarches en vue de parvenir au partage amiable du bien indivis précédemment à l’envoi du courrier par son conseil en date du 29 novembre 2016, le seul écoulement du temps étant neutre quant à l’accomplissement de ces démarches dans le sens qu’il ne dispense ni n’allège les diligences dont doit justifier le demandeur à l’action en partage en application de l’article 1360 du code de procédure civile.

Le courrier adressé par le conseil de Mme [Z] [B] est rédigé en ces termes : « Ne connaissant pas le nom de votre conseil habituel, je me permets de vous écrire directement la requête de ma client Madame [Z] [B].

Aux termes d’un acte en date du 20 mai 1996, vous avez acquis en indivision avec Madame [Z] [B] un immeuble situé à [Adresse 1] que vous occupez seul depuis votre séparation d’avec [Z] [B] en 1998.

Comme celle-ci nous l’a déjà précisé, elle ne souhaite plus rester dans l’indivision et aux termes des dispositions de l’article 815 et suivants du code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision.

C’est la raison pour laquelle elle souhaite que cet immeuble puisse être mis en vente pour que le prix soit partagé, sauf à ce que vous soyez prêt à lui racheter sa part.

J’attire votre attention sur le fait que, occupant seul l’immeuble indivis, vous restez redevable d’une indemnité d’occupation.

Je vous remercie de me faire connaître très rapidement votre position car, à défaut, je serai contraint d’engager une procédure qui ne manquera pas de générer des frais, tracas et soucis pour chacune des parties.

Je vous invite à remettre la présente à votre conseil habituel;

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués ».

Si ce courrier rappelle certaines règles du régime juridique de l’indivision, exprime les souhaits de Mme [Z] [B] quant au sort du bien indivis et annonce la possibilité d’une action en justice en l’absence de réponse de M. [E] [M], il n’en constitue pas moins une diligence en vue de parvenir à un partage amiable au sens de l’article 1360 précité.

En l’occurrence, M. [E] [M] ne disconvient pas n’avoir fait part après la réception de ce courrier ni par lui même, ni par le truchement de son conseil d’aucune proposition, ni demande, ne serait-ce que de temporisation.

Dans ces circonstances, la délivrance d’une assignation le 25 janvier 2017, soit près de quatre mois après la réception de courrier, délai suffisant à l’expression par M. [E] [M] d’une demande même formelle ne manifeste pas une précipitation de la part de Mme [Z] [B] en vue de faire échec à tout rapprochement amiable alors même que le texte de l’article 1360 du code civil n’impose pas un nombre minimum de diligences.

Partant, infirmant le jugement entrepris, l’action aux fins de partage poursuivie par Mme [Z] [B] est déclarée recevable.

Sur le fond

Sur la demande de partage judiciaire

L’action afin de partage intentée par Mme [Z] [B] étant déclarée recevable, les parties concluent s’agissant de M. [E] [M] à titre subsidiaire, à l’ouverture des opérations de compte liquidation partage du bien qu’ils ont acquis en indivision.

Il est donc fait droit à cette demande dans les termes du dispositif.

Mme [Z] [B] fait valoir que les personnes qui ont acquis un bien en indivision en ont acquis la propriété sans qu’il n’y ait lieu d’avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée et que dans l’hypothèse où le financement par M. [E] [M] du bien indivis a excédé sa quote-part, ce financement excédentaire doit être considéré comme une donation de sa part en sa faveur étant alors sa concubine et la mère de son enfant. Elle ajoute que M. [E] [M] ne démontre pas que l’acquisition du bien indivis a été financé par des fonds provenant de ce dernier.

M. [E] [M] expose que les apports nécessaires au financement du bien indivis proviennent des gains de sa mère qui a perçu de la Française des jeux après avoir joué au loto un gain de 6 414 706 Francs et a établi un chèque de 800 000 Francs au nom de son fils afin qu’il puisse acquérir le bien indivis.

S’il ne conteste pas le droit de Mme [Z] [B] de sortir de l’indivision et que les modalités effectives de financement sont sans incidence sur les quotités d’acquisition, il s’oppose à sa demande de licitation au motif qu’il a apporté les sommes nécessaires à l’achat du bien indivis et revendique l’existence d’une créance contre l’indivision, faisant valoir que l’indivision entre concubins relève du droit commun et est exclusive de toute contribution aux charges du mariage. Il demande la désignation d’un notaire chargé de faire les comptes entre les parties.

***

L’acte d’acquisition du bien immobilier reçu le 20 mai 1996 mentionne que Mme [Z] [B] et M. [E] [M] sont « acquéreurs conjointement pour le tout ou divisément à concurrence de la moitié indivise chacun ».

Les modalités de financement du bien indivis ne sauraient aller contre les mentions du titre de propriété mais peuvent donner lieu à une créance de l’indivisaire qui a payé plus que sa part dans l’indivision.

Il résulte de l’acte d’acquisition que le prix d’acquisition du bien indivis s’est élevé à 830 000 Frs.

L’attestation émanant de Mme [D] [F], qui est la mère de M. [E] [M] qui déclare avoir gagné au cours du tirage du loto de la Française des Jeux du 1er février 1996 la somme de 6 414 706 Frs est corroborée par l’avis émanant de cet organisme lui annonçant un chèque de ce montant. Mme [F] complète son attestation en indiquant qu’elle a désiré en faire profiter son fils [E], et lui a offert le montant de 800 000 Frs.

Un avis de crédit de la Poste en date du 7 février 1996 d’un montant de 800 000 Frs en provenance de la Française des Jeux au nom de M. [M] confirme le versement de cette somme à l’intimé sur le gain de Mme [F]. M. [E] [M] fait par ailleurs la preuve par la production du récépissé d’une opération financière de la Poste que son compte qui porte le numéro 40 226 54 a été débité le 17 mai 1996 de la somme de 807 503 €, somme qui se retrouve sur la comptabilité du notaire qui a reçu la vente.

La mention figurant sur le bordereau de la comptabilité du notaire « [N] [Y] » correspond à l’émetteur d’un chèque de 2 000 Frs qui a été crédité le 5 avril 1996 ; or [Y] [N] sont les prénom et nom du grand-père de M. [E] [M] ; il est donc déduit que c’est ce dernier qui a établi le chèque sur la comptabilité du notaire en vue de l’acquisition du bien indivis.

Ces éléments réunis établissent que le bien indivis a été financé a minima à hauteur de 809 503 € par des fonds en provenance de M. [E] [M].

En revanche, l’origine des fonds de la somme de 83 000 Frs qui figure au crédit de la comptabilité du notaire à la date du 5 avril 1996 n’est pas établie, la seule indication du numéro d’un chèque de la Poste étant insuffisante à défaut d’autres éléments pour établir que ce chèque a été tiré sur le compte personnel de M. [E] [M] et a été crédité par des fonds en provenance de ce dernier.

L’intention libérale ne se présumant pas, il ne peut être déduit des relations de concubinage entre Mme [Z] [B] et M. [E] [M] et de l’existence d’un enfant commun que ce dernier en finançant le bien indivis au delà de sa quote-part indivis a entendu lui consentir une donation.

Il appartiendra au notaire liquidateur chargé d’établir les comptes de l’indivision de calculer le montant de la créance de M. [E] [M] au titre du financement du bien indivis, s’agissant d’une dépense nécessaire à sa conservation au sens de l’article 815-13 du code civil.

Sur l’indemnité d’occupation

Mme [Z] [B] fait valoir que la prescription de l’indemnité d’occupation soulevée par M. [E] [M] est révélatrice de la mauvaise foi de ce dernier qui retarde depuis des années toute demande de partage.

Au vu d’une estimation de la valeur locative du bien indivis à hauteur de 1 000 € par mois, elle demande la fixation de l’indemnité d’occupation due par M. [E] [M] à hauteur de ce montant s’opposant à tout abattement de précarité.

M. [E] [M] soulève la prescription quinquennale de l’indemnité d’occupation réclamée par Mme [Z] [B] ; relevant que l’avis de la valeur locative produit par Mme [Z] [B] est bien inférieur à ce qu’elle réclamait lors de l’introduction de la procédure, il estime prématuré de fixer le montant de l’indemnité d’occupation et rappelle qu’un abattement de précarité doit être pratiqué.

***

L’article 815-9 du code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision.

A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

En vertu de l’article 815-10 du code civil, aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient dû l’être.

La notion de bonne ou de mauvaise foi est sans effet sur la prescription qui peut être soulevée en tout état de cause s’agissant d’une fin de non recevoir ; il est relevé que Mme [Z] [B] avait la faculté à tout moment d’interrompre la prescription.

Il est constant que depuis la séparation intervenue en 1998 du couple que formaient Mme [Z] [B] et M. [E] [M], ce dernier occupe seul le bien indivis. Cette jouissance privative du bien immobilier par M. [E] [M] justifie la mise à la charge de ce dernier d’une indemnité d’occupation.

La première demande en justice formée par Mme [Z] [B] au titre du paiement d’une indemnité d’occupation remontant à l’acte introductif d’instance délivré le 25 janvier 2017, son action est prescrite pour la période antérieure au 25 janvier 2012.

L’avis produit par Mme [Z] [B] estimant la valeur locative du bien indivis à hauteur de 1 000 € par mois n’étant contrarié par aucun élément alors même que M. [E] [M] qui occupe le bien indivis, avait toute latitude pour obtenir de la part de professionnels d’autres estimations, cette valeur locative est retenue.

L’occupation d’un bien indivis étant essentiellement précaire puisqu’en application de l’article 815 du code civil, le partage peut toujours être provoqué, il y a lieu de fixer le montant de l’indemnité due par M. [E] [M] à la somme de 800 € par mois, s’agissant d’une dette de ce dernier à l’égard des deux membres dont lui-même de l’indivision et à proportion de leurs droits respectifs.

Sur les autres chefs de créance

Affirmant avoir acquitté seul le montant de la taxe foncière et de l’assurance et avoir financé des travaux d’entretien et d’amélioration du bien indivis, M. [E] [M] demande qu’il en soit tenu compte au moment de la liquidation du bien indivis.

Mme [Z] [B] explique le paiement par M. [E] [M] de la taxe foncière et de l’assurance habitation par le seul fait qu’il occupait seul le bien indivis depuis sa séparation, ne lui ayant jamais demandé une quelconque participation, espérant ainsi retarder le partage.

Au motif que les travaux effectués par M. [E] [M] dans le bien indivis relèveraient uniquement de son entretien, elle conteste sur le fondement de l’article 815-13 du code civil être redevable d’une quelconque indemnité à ce titre.

***

L’article 815-13 du code civil dispose que «  lorsqu’un coindivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. »

Il est de principe que le paiement par l’un des coïndivisaire de l’impôt foncier constitue une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis ; il en est de même s’agissant du paiement des primes d’assurance du bien indivis.

M. [E] [M] ne formant aucune demande de fixation de sa créance à ce titre, les parties sont renvoyées devant le notaire liquidateur chargé d’établir les comptes de l’indivision auquel M. [E] [M] devra remettre les pièces justificatives afin d’établir sa créance à ce titre.

Les travaux effectués sur le bien indivis pour lesquels M. [E] [M] verse aux débats des justificatifs sans former de demandes particulières à ce titre sont susceptibles d’être pris en compte seulement s’ils étaient nécessaires à sa conservation ou ont apporté une amélioration, étant de principe que les dépenses liées à l’occupation qui constituent des charges dites locatives ne donnent pas droit à indemnisation.

Les parties étant renvoyées devant le notaire pour l’établissement de leurs créances et dettes respectives, il est prématuré d’ordonner la licitation d’un bien indivis que M. [E] [M] occupe depuis 20 ans environ après sa séparation d’avec Mme [Z] [B] et alors même qu’il a financé par des fonds de sa provenance l’essentiel du prix d’acquisition.

Mme [Z] [B] voit sa demande de licitation rejetée à ce stade.

Sur les demandes accessoires

Les dépens d’appel et de première instance seront employés en frais de partage et supportés par chacun des coïndivisaires en proportion de ses droits dans l’indivision.

Compte-tenu de cette répartition des dépens, il n’y pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS

Dit que l’effet dévolutif de l’appel a opéré pour le tout ;

Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré Mme [Z] [B] irrecevable en sa demande de partage judiciaire ;

Statuant à nouveau :

Déclare Mme [Z] [B] recevable en sa demande de partage judiciaire ;

Y ajoutant :

Ordonne l’ouverture des opérations de compte liquidation partage du bien indivis entre Mme [Z] [B] et M. [E] [M] sis à [Adresse 10], cadastré section D n°[Cadastre 6] pour une contenance de 04 a 81 ca ;

Désigne à cet effet le président de la chambre départementale des notaires de Seine-et-Marne avec faculté de délégation ;

Dit que la créance de M. [E] [M] sur les membres de l’indivision dont lui-même au titre du financement du bien indivis s’élève a minima à hauteur de 809 503 € ;

Dit qu’il appartiendra aux parties de fournir au notaire liquidateur les éléments justificatifs de nature à établir l’origine des fonds ayant servi pour le surplus au financement du bien indivis ;

Dit que le paiement par M. [E] [M] de l’impôt foncier et des primes d’assurance ouvre droit à une créance de ce dernier sur les membres dont lui-même de l’indivision ;

Dit que la demande de Mme [Z] [B] en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation du bien indivis pour la période antérieure au 25 janvier 2012 est prescrites ;

Fixe à 800 € le montant mensuel de l’indemnité d’occupation due par M. [E] [M] aux membres de l’indivision dont lui-même ;

Dit qu’il appartiendra aux parties de remettre au notaire liquidateur chargé d’établir les comptes de l’indivision les pièces nécessaires en vue de la liquidation de leurs créances respectives au titre des dépenses d’améliorations et de conservation du bien indivis ;

Rejette à ce stade la demande de Mme [Z] [B] de licitation du bien indivis ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de l’appel et de la première instance seront employés en frais de partage et supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans l’indivision.

Le Greffier, Le Président,

 


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