Jeux et Paris > Litiges : 1 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00840

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Jeux et Paris > Litiges : 1 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00840
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1 juin 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/00840

N° RG 22/00840 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JAYL

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 01 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00328

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’EVREUX du 8 février 2022

APPELANTE :

S.A. PACIFICA

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Marie LEPRETRE de la SCP MESNILDREY LEPRETRE, avocat au barreau de L’EURE

INTIMES :

Mme [C], [L], [P] [O] épouse [B] agissant à titre personnel et en sa qualité d’héritière de Mme [U] [M] décédée

née le 21 Décembre 1978 à [Localité 10]

[Adresse 13]

[Localité 4]

M. [D], [W], [H] [O] agissant à titre personnel et en sa qualité d’héritier de Mme [U] [M] décédée

né le 06 Juin 1987 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 8]

M. [H] [O]

né le 08 Mars 1957 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentés par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD – LAFONT – DESROLLES, avocat au barreau D’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 février 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 22 février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 4 mai 2023 puis prorogée au 17 mai 2023 puis au 25 mai 2023 puis à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 1er juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par M. Guyot, Greffier lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [M] et M. [H] [O], qui étaient alors mariés, ont acquis en 2011 un fonds de commerce de bar-tabac brasserie situé [Adresse 1] à [Localité 11]. Les époux ont divorcé le 8 septembre 2015. Mme [M] est restée seule exploitante du fonds, M. [O] en demeurant propriétaire pour la moitié.

Mme [M] était assurée auprès de la SA Pacifica.

Le 16 mai 2017, un incendie est survenu dans le commerce. Par ailleurs, un vol par effraction a été perpétré dans les lieux le 30 juillet suivant.

L’assureur a fait diligenter des expertises amiables.

Le 12 juin 2018, l’assureur a offert une indemnité de 29 104,11 euros n’incluant aucune indemnisation de la perte d’exploitation, du rééquipement à neuf ni de la somme de 2 127,72 euros que Mme [M] avait déclaré avoir dû rembourser à la Française des Jeux.

L’assureur a avisé Mme [M] de ce qu’il avait reçu diverses oppositions au paiement à hauteur de 46 420,35 euros émanant de tiers se déclarant créanciers.

Le 18 juillet 2018, l’assureur a offert une indemnité complémentaire de 1 170 euros au titre du vol ne comprenant ni l’indemnisation de la porte d’entrée dégradée ni celle des cartons de tubes et papiers à rouler.

Le 22 juillet 2018, Mme [M] est décédée laissant pour lui succéder ses deux enfants Mme [C] [O] et M. [D] [O], qui sont venus en indivision avec leur père, M. [H] [O] sur la propriété du fonds de commerce.

Par ordonnance de référé du 14 août 2019, le président du tribunal de grande instance d’Evreux a désigné M. [T] en qualité d’expert afin de déterminer les préjudices subis. M. [T], a déposé son rapport le 30 juillet 2020.

Par acte d’huissier du 5 février 2021, M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] ont fait assigner la SA Pacifica devant le tribunal judiciaire d’Evreux en paiement de diverses indemnités d’assurance et en réparation de leur préjudice moral.

L’assureur a appelé l’un des créanciers opposants à la cause, la Société Européenne de Cautionnement.

Par jugement du 8 février 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a :

– condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C], [D] et [H] [O] la somme de 39 151 euros, au titre de l’indemnisation de la perte d’exploitation,

– condamné la société anonyme Pacifica à payer a [C], [D] et [H] [O] la somme de 55 385,41 euros, au titre de l’indemnisation des matériels et marchandises,

– condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C] et [D] [O] la somme de 3 647,92 euros, au titre de l’indemnisation des frais bancaires,

– condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C], [D] et [H] [O] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société anonyme Pacifica et la société anonyme Européenne de Cautionnement de leurs demandes fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société anonyme Pacifica aux dépens de l’instance, en ce compris les dépens de l’instance en référé dont le coût de l’expertise judiciaire,

– autorisé la SCP Brulard Lafont Desrolles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, à recouvrer directement, contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,

– rejeté toutes les demandes autres ou plus amples formées par les parties,

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

La SA Pacifica a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 mars 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SA Pacifica qui demande à la cour de :

– débouter Madame [C] [O] et Messieurs [D] et [H] [O] de leur appel incident,

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evreux le 8 février 2022 en ce qu’il a :

* condamné la société Pacifica à payer à [C], [D] et [H] [O] la somme de 39 151 euros au titre de l’indemnisation de la perte d’exploitation,

* condamné la société Pacifica à payer à [C], [D] et [H] [O] la somme de 55 385,41 euros au titre de l’indemnisation des matériels et marchandises,

* condamné la société Pacifica à payer à [C], [D] [O] la somme de 3 647,92 euros au titre de l’indemnisation des frais bancaires,

* condamné la société Pacifica à payer à [C], [D] [O] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Pacifica aux dépens de l’instance, en ce compris les dépens de l’instance en référé dont le coût de l’expertise judiciaire,

Y faisant droit,

A titre principal,

– débouter [C], [D] et [H] [O] de leur demande au titre la perte d’exploitation,

Subsidiairement,

– fixer à 13 050 euros l’indemnisation due par Pacifica à ce titre,

En tout état de cause :

– fixer à la somme de 2 000 euros l’indemnisation due au titre du matériel endommagé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 18 285,41 euros l’indemnisation due au titre de la perte de stock (tabac, tabletterie et boissons),

– débouter les consorts [O] de leurs plus amples demandes,

– les condamner aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Madame [C] [O], Monsieur [D] [O] et Monsieur [H] [O] qui demandent à la cour de :

– dire et juger la société Pacifica mal fondée en son appel et l’en débouter purement et simplement,

– confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d’Evreux le 8 février 2022 en ce qu’il a condamné la société Pacifica à payer à Madame [C] [B] née [O] et Monsieur [D] [O] tant à titre personnel qu’en leur qualité d’héritiers de Madame [U] [M] ainsi qu’à Monsieur [H] [O] les sommes suivantes :

– 39 151 euros au titre de la perte d’exploitation,

– 55 385,41 euros au titre du préjudice matériel,

– 3 647,92 euros au titre des frais bancaires,

– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire Madame [C] [B] née [O], Monsieur [D] [O] tant à titre personnel qu’en leur qualité d’héritiers de Madame [U] [M] ainsi que Monsieur [H] [O] bien fondés en leur appel incident du jugement du 8 février 2022 qui les a déboutés de leurs demandes concernant les loyers impayés, les frais de procédure engagés par la société Européenne de Cautionnement et leur préjudice moral,

Infirmer le jugement du 8 février 2022 sur ce point et en conséquence :

– condamner la société Pacifica à payer à Madame [C] [B] née [O], Monsieur [D] [O] tant à titre personnel en leur qualité d’héritiers de Madame [U] [M] ainsi qu’à Monsieur [H] [O] les sommes suivantes :

– 6 762,75 euros au titre des loyers impayés,

– 1 825,12 euros au titre des frais de procédure engagée par la société Européenne de Cautionnement,

– 15 000 euros au titre de leur préjudice moral,

– condamner la société Pacifica à payer à Madame [C] [B] née [O], Monsieur [D] [O] et Monsieur [H] [O] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

– condamner la société Pacifica aux entiers dépens comprenant ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé et les honoraires de l’expert judiciaire, la procédure de première instance ainsi qu’aux entiers dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Brulard Lafont Desrolles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient à l’assurée ou à ses ayants-droits qui affirment que la garantie de l’assureur est due de démontrer que les conditions de la garantie sont réunies.

Sur la perte d’exploitation :

Exposé des moyens :

La SA Pacifica soutient que :

– la police d’assurance ne prévoit l’indemnisation de la perte d’exploitation qu’en conséquence d’une interruption temporaire de l’activité à la suite d’un dommage direct garanti et non d’une cessation définitive d’activité ; or un compromis de vente du fonds de commerce avait été signé par Mme [M] le 23 mars 2017 mentionnant qu’elle avait fermé son commerce depuis le 6 janvier précédent pour raisons de santé de sorte qu’elle n’exploitait plus ; ni l’assurée ni ses ayants droits n’ont repris l’activité ; M. [H] [O] ne justifie pas qu’il avait obtenu l’autorisation des douanes pour reprendre la gérance du fonds de commerce ;

– s’il devait être fait droit au principe de l’indemnisation de la perte d’exploitation, elle ne devrait pas excéder 14 mois pour une somme de 13 050 euros, durée pendant laquelle des travaux de réhabilitation ont été effectués et à l’issue de laquelle l’exploitation aurait pu reprendre, le fonds ayant depuis été cédé ; les travaux immobiliers dépendaient du propriétaire de l’immeuble et non de la SA Pacifica ; aucun des consorts [O] n’a effectué de démarche pour rouvrir le fonds de commerce, l’assureur n’est pas garant de l’inertie de l’assuré ou d’une difficulté successorale ;

– la SA Pacifica avait reçu de la part de créanciers, de nombreuses oppositions à paiement excédant le montant de l’indemnisation à laquelle Mme [M] avait droit ;

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] soutiennent que :

– l’expert a limité la perte d’exploitation à 14 mois eu égard au décès de Mme [M] en considérant qu’aucune exploitation n’était possible postérieurement ; toutefois, Mme [M] n’avait aucune intention de cesser d’exploiter et ses héritiers viennent aux droits de leur mère à cet égard ;

– la police d’assurance limite la perte d’exploitation à la date à laquelle il est possible de reprendre normalement l’activité ; à la date de l’expertise, le propriétaire de l’immeuble n’avait pas fait débuter les travaux permettant la réouverture du commerce pas plus que l’assureur n’avait versé la moindre somme permettant de racheter du matériel nécessaire à l’activité ; les travaux immobiliers achevés, l’assureur n’a versé aucune somme au titre du matériel de sorte que l’activité ne pouvait reprendre ; M. [H] [O] a entrepris toutes les démarches pour pouvoir bénéficier nominativement de la licence de vente de tabac et les loyers du bail commercial ont toujours été réglés ;

– le compromis de vente signé par Mme [M] le 23 mars 2017 est devenu caduc car M. [O], propriétaire de la moitié du fonds a refusé de le signer. Mme [M] a continué d’exercer son activité entre janvier et mi-mai 2017, toutefois la caisse enregistreuse du commerce ayant brûlé, le chiffre d’affaires du mois de mai 2017 n’a pu être déterminé ; la cessation d’activité ne résulte que du décès de Mme [M] ; la perte d’exploitation a duré du 16 mai 2017 jusqu’au jour de la cession du fonds le 4 décembre 2020 et l’expert a établi une base de 11 186 euros par an à ce titre ;

– la société Pacifica n’avait aucun titre pour déduire du montant de l’indemnité les créances invoquées par des tiers ; par ailleurs certaines de ces « oppositions » sont contestées, et en tout état de cause, l’ensemble des créances invoquées dans ces « oppositions » sont aujourd’hui réglées ;

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l’article L121-13 du code des assurances que les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie sont attribuées sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang. La SA Pacifica justifie avoir reçu un acte d’opposition du Comptoir Fiduciaire de [Localité 9] le 16 octobre 2017 pour la somme de 28 048,61 euros, une opposition de M. [H] [O] le 18 décembre 2017 pour 14 000 euros et une opposition de la BNP Paribas Leasing Solutions du 17 novembre 2017 pour 1447,37 euros. Il est constant que des règlements sont intervenus de sorte qu’il n’existe plus aucune difficulté sur ce point.

Il résulte des conditions générales de la police d’assurance, que la perte d’exploitation est garantie lorsqu’elle est « générée par la réduction ou l’interruption temporaire de l’activité de votre entreprise, à la suite d’un dommage direct garanti » et la période d’indemnisation prend fin « au jour de la reprise normale de votre activité (à dire d’expert)’ » (page 22).

Il est constant entre les parties que la société Pacifica est tenue de garantir la perte d’exploitation. Il ressort de la fiche sur les caractéristiques du risque versées aux débats par les intimés que ce risque est garantie dans la limite de 67 00 euros .

A l’appui de son allégation selon laquelle le fonds de commerce n’était plus exploité depuis le début de l’année 2017 et qu’elle ne devrait dès lors aucune indemnité pour perte d’exploitation, la SA Pacifica verse aux débats un compromis de vente du 23 mars 2017 entre Mme [M] et les époux [Z] [E]. Mme [M] y a indiqué que le fonds était fermé depuis le 6 janvier 2017 pour cause de santé. Mais ce même compromis mentionne expressément que « Mme [M] envisage de reprendre son activité dans les prochains jours et jusqu’à la réalisation de la vente définitive ». Par ailleurs, il est constant que ce compromis n’a jamais abouti à défaut d’avoir été signé par M. [H] [O], cotitulaire du fonds de commerce.

Les intimés versent aux débats un relevé certifié par le cabinet Fiducial Expertise, du chiffre d’affaires généré par l’activité de Mme [M], du 1er janvier au 14 janvier 2017 pour la somme de 5 167,66 euros puis du 29 mars au 29 avril 2017 pour 21 410,18 euros. Il en résulte que si Mme [M] n’a pas exercé son activité au début de l’année 2017, elle l’avait reprise en mars 2017 jusqu’à la fin du mois d’avril. L’expert a tiré la même conclusion en page 5 in fine de son rapport en indiquant « il est donc contestable de considérer, comme Pacifica le fait, que Mme [M] avait cessé son activité avant l’incendie du 16 mai 2017 ».

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] démontrent ansi que Mme [M] n’avait pas cessé son activité au jour du sinistre et que l’interruption antérieure n’était que temporaire.

L’expert a considéré que lors du décès de Mme [M] survenu le 22 juillet 2018, M. [H] [O] et les ayants droit de la défunte n’étaient pas exploitants, de sorte qu’il était difficile de déterminer une date de reprise d’activité. Il a retenu une perte d’exploitation allant du 16 mai 2017 jusqu’au 22 juillet 2018.

Toutefois, il a précisé en page 6 de son rapport qu’au 21 novembre 2019, date d’une de ses visites, il avait constaté que le propriétaire des lieux, par ailleurs bailleur de Mme [M], « n’avait pas procédé aux travaux de réaménagement qui lui incombaient » et que le remplacement du mobilier « aurait été de peu d’utilité pour rouvrir le commerce ».

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] affirment que la reprise normale d’activité était impossible eu égard à l’état dans lequel se trouvaient les lieux. L’expert judiciaire a constaté que les lieux n’avaient pas été réaménagés par le bailleur. Le 30 juillet 2020, date du dépôt de son rapport, il n’a pu affirmer que les lieux permettaient une reprise normale d’activité. Le procès-verbal de constatation et d’évaluation des dommages notamment immobilier du 12 janvier 2018, signé des experts désignés par les compagnies Pacifica et Thelem Asurances ne justifie pas de l’exécution des travaux de remise en état des lieux permettant l’exploitation du commerce.

Il appartient aux consorts [O], qui demandent le bénéfice de la garantie de démontrer que cette garantie est due jusqu’à la cession du fonds, le 4 décembre 2020. A cet égard, ils doivent rapporter la preuve qu’ils n’ont pu reprendre une activité normale pour une cause qui leur était étrangère et que le fonds a été vendu hors d’état d’être exploité. Le 30 juillet 2020, date des constatations de l’expert, la reprise était impossible eu égard à l’état de l’immeuble qui ne relevait que du propriétaire. Le fonds a été cédé le 4 décembre 2020 et les consorts [O] ne produisent aucun élément de nature à démontrer qu’entre le 30 juillet et le 4 décembre, c’est par l’effet d’une cause qui leur était étrangère que le fonds n’a pas été exploité. Par voie de conséquence, ils ne rapportent pas la preuve de la réunion des conditions de la garantie au-delà du 30 juillet 2020. Il s’ensuit que la perte d’exploitation ne peut couvrir que la période allant du 16 mai 2017, jour de l’incendie, au 30 juillet 2020 soit 38,5 mois.

L’expert ayant estimé que la perte d’exploitation annuelle devait s’établir à 11 186 euros soit 932,17 euros par mois, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la SA Pacifica à payer à M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] la somme de 39 151 euros correspondant à 42 mois de perte d’exploitation et la société et la SA Pacifica sera condamnée à leur payer 932,17 x 38,5 = 35 888,55 euros correspondant à 38,5 mois de perte d’exploitation.

Sur l’indemnisation des matériels et marchandises :

Exposé des moyens :

La SA Pacifica soutient que :

– l’indemnisation en valeur à neuf du mobilier, matériels et embellissements et immeubles par destination n’est due par l’assureur qui si les trois conditions suivantes sont réunies : les biens endommagés ont moins de dix ans, ils étaient en état de fonctionnement et couramment utilisés avant le sinistre, ils ont été remplacés ou réparés dans les deux ans du sinistre ; à défaut, seule est due la valeur de remplacement, vétusté déduite ; en l’espèce, les conditions d’âge, d’utilisation et de remplacement n’étaient pas réunies ;

– il appartient à l’assuré d’apporter la preuve que les biens endommagés avaient moins de dix ans ;

– s’agissant de l’absence de remplacement des biens dans les deux ans du sinistre, le propriétaire de l’immeuble a tardé à exécuter les travaux nécessaires de sorte que le bar ne pouvant rouvrir, les biens n’ont pas été remplacés. En outre, les consorts [O] n’ayant jamais retourné la lettre d’acceptation permettant le déblocage des fonds, l’assureur n’a pu faire le versement ;

– la société Pacifica devait en priorité régler les oppositions au paiement ;

– dès lors qu’aucun remplacement n’a été effectué, le contrat prévoit une indemnisation à la valeur de remplacement, vétusté déduite ;

-l’assureur a offert une indemnité de 29 104,11 euros comprenant en outre les pertes subies par des tiers y compris la Française des Jeux qui leur ont été réglées directement, soit un solde restant dû à l’assurée de 18 493,15 euros

– les consorts [O] ne démontrent pas avoir réglé la somme de 2 100 euros au titre de carnets de jeux détruits à la Française des Jeux et ne justifient pas de la consistance et de la valeur des meubles sinistrés.

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] soutiennent que :

– les biens avaient moins de 10 ans au jour du sinistre puisque le matériel a été acquis avec le fonds de commerce en 2011 ; le matériel était utilisé puisqu’il n’y a pas eu de fermeture définitive ;

– la SA Pacifica n’ayant pas versé d’indemnité, M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] n’ont pu remplacer les biens détruits dans les deux années suivant le sinistre ;

– des carnets de jeux de la Française des Jeux ont été détruits lors de l’incendie et Mme [M] les a réglés à hauteur de 2 100 euros ; les sommes versées par la SA Pacifica à la Française des Jeux ont concerné les machines de jeux mais pas les carnets. Outre l’indemnisation du rééquipement à neuf du mobilier, ils demandent le paiement d’une somme de 20 385,41 euros comprenant celle de 2 100 euros au titre des tickets de jeux dont ils affirment que Mme [M] l’a payée à la Française des jeux ainsi que l’indemnisation des mesures conservatoires de la SPEB.

Réponse de la cour :

Il est constant que la garantie souscrite par Mme [M] prévoit le « Rééquipement à neuf ». Il ressort des conditions générales de la police d’assurance que l’option « Rééquipement à neuf’ne peut être appliquée que si les trois conditions suivantes sont remplies :

– les biens endommagés ont moins de dix ans ;

– les biens endommagés sont en état de fonctionnement et couramment utilisés lors du sinistre ;

– vous remplacez ou réparez les biens endommagés dans un délai de 2 ans à compter de la date du sinistre’» (page 31).

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] doivent démontrer, quelle que soit la date d’acquisition du fonds de commerce, qu’au jour du sinistre, soit le 16 mai 2017, les meubles garnissant les lieux avaient moins de dix ans.

Ils ne produisent aucune facture ni aucune autre pièce de nature à justifier ce point.

L’une des conditions de la garantie n’étant pas démontrée, la SA Pacifica n’est redevable que d’une indemnisation vétusté déduite.

L’évaluation des éléments corporels du fonds à 2 000 euros figurant dans le compromis de vente du 23 mars 2017 est reprise par l’expert judiciaire en page 7 de son rapport. Cette somme de 2000 euros sera retenue.

La SA Pacifica offre la somme de 18 493,15 euros comprenant le montant du mobilier à hauteur de 2000 euros et elle précise qu’elle a déjà déduit de ce montant :

– une somme de 2 100 euros correspondant à des tickets de la Française des Jeux qui ont brûlé lors de l’incendie, dont cette dernière a réclamé le paiement et dont la SA Pacifica déclare que ce montant « a dû être réglé directement par cette assurance à la FDJ » ;

– les sommes de 1 320 euros et de 576,14 euros réglées à la SPEB au titre des mesures conservatoires après l’incendie et le vol.

La SA Pacifica verse aux débats sa pièce n° 15 qui est le décompte de ses pertes établi par Mme [M] adressé à l’assureur. Ce décompte comporte l’indication de la perte de nombreux tickets de la Française des Jeux pour 2 100 euros. Des commentaires ont été apposés au stylo rouge par l’assureur sur diverses pages de ce décompte. S’agissant des tickets de jeux, le commentaire de l’assureur est « Réclamation présentée par la Française des Jeux de 2 127,72 euros ».

La pièce n° 9 des intimés est une facture de la Française des Jeux de 2 127,72 euros du 14 mars 2018 adressée à Mme [M] et portant sur le paiement de deux terminaux de jeux et non de tickets de jeux.

La pièce n° 3 de la SA Pacifica est une capture d’écran relative au paiement de cette facture du 14 mars 2018.

Il résulte de la comparaison de ces trois pièces que la Française des Jeux a réclamé deux indemnisations à Mme [M] et que la SA Pacifica a versé uniquement la somme de 2 127,72 euros à la FDJ.

La SA Pacifica se bornant à soutenir qu’elle a indemnisé directement la Française des Jeux sans démontrer qu’elle a versé la somme correspondant aux tickets, la somme de 2 100 euros sera mise à sa charge.

En revanche, les frais induits par les mesures conservatoires ayant été directement réglés par la SA Pacifica, ils seront déduits de l’indemnité à verser aux consorts [O].

Au titre de l’indemnisation du préjudice matériel subi par Mme [M], la SA Pacifica doit dès lors 18 493,15 + 2 100 = 20 593,15 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société anonyme Pacifica à payer a [C], [D] et [H] [O] la somme de 55 385,41 euros, au titre de l’indemnisation des matériels et marchandises, et la SA Pacifica sera condamnée à leur payer la somme de 20 593,15 euros à ce titre.

Sur la charge des frais bancaires de Mme [M] par la SA Pacifica et l’appel incident formé par M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] :

Exposé des moyens :

La SA Pacifica soutient que :

– le retard avec lequel elle a réglé l’indemnité aux consorts [O] est dû aux oppositions qui ont été formées par les créanciers dont l’une, la Société Européenne de Cautionnement, n’a été payée que lors de la procédure de première instance ; aux demandes excessives des consorts [O] et au temps passé dans la recherche des causes de l’incendie, Mme [M] ayant déclaré qu’elle ne fumait pas dans son commerce jusqu’à ce que l’expert retrouve un mégot sur les lieux du sinistre ;

– les frais exposés par M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] à l’égard de la Société Européenne de Cautionnement ne la concernent pas ;

– les loyers que Mme [M] a dû régler pour son habitation personnelle ne concernent pas l’assureur qui ne garantissait que le fonds de commerce.

M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] soutiennent que :

– du fait des atermoiements de la SA Pacifica, Mme [M] a été privée de tout revenu et celle-ci a dû se débattre dans une situation financière très difficile ayant entraîné son expulsion de son logement à la suite d’impayés locatifs et l’accumulation de frais bancaires ;

– les consorts [O] ont subi un préjudice financier et moral.

Réponse de la cour :

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il appartient à celui qui prétend subir un préjudice de le démontrer.

Les consorts [O] ne produisent aux débats ni justificatif de frais bancaires pour une quelconque somme, ni pièce de nature à justifier de la situation financière de Mme [M] après le sinistre. A défaut pour eux de rapporter la preuve de l’existence du préjudice allégué, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C] et [D] [O] la somme de 3 647,92 euros, au titre de l’indemnisation des frais bancaires et ils seront déboutés de cette demande.

Dès lors que la situation financière de Mme [M] après le sinistre n’est pas justifiée, M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] ne démontrent pas que les impayés locatifs de Mme [M] ont été en lien direct avec l’absence de paiement des indemnités dues par la SA Pacifica et ne justifient pas plus du préjudice moral qu’ils invoquent.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] au titre des loyers impayés et du préjudice moral.

S’agissant des frais de justice à hauteur de 1825,12 euros au titre des frais de procédure engagés par la société Société Européenne de Cautionnement, les consorts [O] se bornent à verser aux débats un décompte émanant du Comptoir Fiduciaire de [Localité 9], mentionnant au titre d’une « décision du TC de Bernay du 12/12/2017 » des frais de greffe, des frais accessoires, des intérêts dus, un article 700 du code de procédure civile, des frais de procédure et une signification pour un total de 1 825,12 euros. Faute de production du jugement considéré, M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] ne démontrent l’existence d’aucun lien direct entre l’absence d’indemnisation de la SA Pacifica et ces frais de justice.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire d’Evreux du 8 février 2022 en ce qu’il a :

– condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C], [D] et [H] [O] la somme de 39 151 euros, au titre de l’indemnisation de la perte d’exploitation ;

– condamné la société anonyme Pacifica à payer a [C], [D] et [H] [O] la somme de 55 385,41 euros, au titre de l’indemnisation des matériels et marchandises,

– condamné la société anonyme Pacifica à payer à [C] et [D] [O] la somme de 3647,92 euros, au titre de l’indemnisation des frais bancaires,

Statuant à nouveau :

Condamne la SA Pacifica à payer à M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] la somme 35 888,55 euros correspondant à 38,5 mois de perte d’exploitation ;

Condamne la SA Pacifica à payer à M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] la somme de 20 593,15 euros, au titre de l’indemnisation des matériels et marchandises,

Déboute M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] de leur demande en paiement formée contre la SA Pacifica pour la somme de 3 647,92 euros au titre de l’indemnisation des frais bancaires ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] solidairement aux dépens de la procédure d’appel ;

Déboute M. [H] [O], Mme [C] [O] et M. [D] [O] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,

 


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