Jeu excessif et pathologique : la responsabilité du PMU écartée

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Jeu excessif et pathologique : la responsabilité du PMU écartée
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La loi n’impose pas aux opérateurs de bloquer l’ouverture de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire des joueurs victimes de pathologie de jeu excessif.

L’article 3 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 dans sa version en vigueur du 13 février 2011 au 15 novembre 2015, n’édicte pas, comme le soutient le PMU, d’interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire ; il en est de même de la version en vigueur du 15 novembre 2015 au 1er janvier 2020.

L’ article 26 de la même loi, dans sa version d’origine prévoit entre autres mesures, la mise en place de mécanismes d’auto-exclusion mais n”interdit pas l’ouverture de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire ; la version en vigueur du 14 mars 2014 au 9 octobre 2016 ajoute des dispositifs d’auto-limitation des dépôts et des mises et énonce une interdiction des communications commerciales à l’égard des anciens titulaires de comptes inscrits sur les fichiers des interdits ; la version en vigueur du 9 octobre 2016 au 1er janvier 2020 prévoit de nouvelles dispositions dont la fermeture des comptes des joueurs figurant sur la liste des interdits.

Ces versions applicables aux mises litigieuses n’interdisent donc pas comme le PMU le soutient d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire.

Il en est de même de l’article 18 du décret du 19 mai 2010 qui dans sa version applicable jusqu’au 6 juin 2015 prévoit la mise en place de dispositifs permettant au joueur de demander son exclusion ; la version applicable du 6 juin 2015 au 1er octobre 2020 énonce que l’exclusion définitive emporte la clôture du compte par l’opérateur et l’impossibilité de solliciter l’ouverture d’un nouveau compte avant trois ans .

En l’absence d’interdiction légale ou réglementaire, aucun dol ni aucun manquement résultant de la méconnaissance de la dite interdiction ne saurait être caractérisé.

En l’absence de preuve d’un dol ou d’un manquement à une obligation légale ou réglementaire le joueur a été débouté de sa demande de nullité des mises comme de ses demandes de dommages-intérêts, tant pour les montants sollicités à titre principal que pour ceux sollicités à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire.

Pour rappel, en application de l’ article 1116 du code civil en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016 comme de l’article 1137 dans sa version applicable à compter du 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité du contrat. Le dol, qui implique l’existence de manœuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du contractant, ne se présume pas et doit être prouvé ; c’est à celui qui prétend à l’existence d’une faute dolosive de l’établir .

En vertu de l’article 1147 du code civil dans sa dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 comme de l’article 1231-1 nouveau du même code dans sa version entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le débiteur est condamné s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’un cas de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Retenir la responsabilité contractuelle d’une partie à une convention nécessite de caractériser un manquement aux obligations contractuelles, un préjudice et un lien de causalité.

Résumé de l’affaire : Monsieur [Z] [T], secrétaire administratif, a ouvert quinze comptes sur le site PMU.fr entre 2011 et 2016, période durant laquelle il a demandé 32 auto-exclusions temporaires et a déposé un total de 43.500 euros. Reconnaissant des comportements de jeu addictifs, il a demandé au PMU ses données personnelles, qui lui ont été fournies par l’ARJEL et la CNIL. En octobre 2017, il a réclamé 100.000 euros en indemnisation pour préjudice moral, que le PMU a refusé, arguant qu’il n’avait commis aucun manquement. Après une assignation en justice en septembre 2018, l’affaire a été réinscrite en juin 2020. Monsieur [T] a formulé plusieurs demandes de réparation, tandis que le PMU a contesté la recevabilité de certaines demandes et a demandé des condamnations à son encontre pour procédure abusive. Le tribunal a rendu son jugement le 12 septembre 2024, déclarant irrecevables les demandes de Monsieur [T] sur plusieurs points, le déboutant de ses demandes de dommages-intérêts et le condamnant à payer des frais au PMU.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
20/04452
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre
2ème section

N° RG 20/04452 –
N° Portalis 352J-W-B7E-CSC42

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Septembre 2018

JUGEMENT
rendu le 12 Septembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Z] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Matthieu ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0473

DÉFENDERESSE

G.I.E. PARI MUTUEL URBAIN « PMU »
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Lauren SIGLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0007

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Thierry CASTAGNET, 1er Vice-Président adjoint, assesseur
Monsieur Matthias CORNILLEAU, Juge, assesseur

assistés de Madame Chloé GAUDIN, Greffière
Décision du 12 Septembre 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 20/04452 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSC42

DÉBATS

A l’audience du 02 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition le 04 Juillet 2024 et prorogée le 12 Septembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

__________________

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Entre 2011 et le 31 janvier 2016, monsieur [Z] [T] qui exerce la profession de secrétaire administratif a ouvert quinze comptes sur le site en ligne du PARI MUTUEL URBAIN, PMU.fr [https:// www.pmu.fr/]. Les comptes ont depuis été clôturés. Au cours de la période susvisée, monsieur [T] a sollicité du PMU 32 auto-exclusions temporaires ou suspensions de dépôts. Sur la même période, monsieur [T] a par ailleurs déposé la somme totale de 43.500 euros.

En vue d’établir un bilan de ses pertes et comprendre les effets de ses jeux qu’il a commencé à considérer comme addictifs, monsieur [T] a demandé au PMU de lui fournir ses données à caractère personnel. Les fichiers lui ont été communiqués par l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (« ARJEL »), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (« CNIL »), le PMU communiquant également, sur injonctions de l’ARJEL et de la CNIL, un état récapitulatif de sa situation.

Le 18 octobre 2017, monsieur [T] a par l’intermédiaire de son conseil adressé une demande en paiement de la somme de 100.000 euros en indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi du fait de la violation par le PMU de ses obligations relatives au jeu excessif et pathologique.

Le PMU a refusé d’accéder à la demande considérant n’avoir commis aucun manquement ni méconnu aucune de ses obligations.

C’est dans ce contexte qu’en l’absence de règlement amiable du différend, monsieur [Z] [T] a suivant acte du 20 septembre 2018 fait délivrer assignation au PARI MUTUEL URBAIN (ci-après « le P.M.U. ») groupement d’intérêt économique régi par l’ordonnance du 23 septembre 1967 et constitué en application du décret du 5 mai 1997, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de PARIS d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Paris.
L’affaire radiée par ordonnance du 12 mars 2020 a été réinscrite sur demande adressée le 2 juin 2020 par monsieur [T].
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 septembre 2022 ici expressément visées, monsieur [Z] [T] demande au tribunal judiciaire de Paris de :

« Vu les articles 1147, 1376 et 1382 de l’Ancien Code civil ;
– Vu les articles 1231-1, 1240 et1302-1 du Nouveau Code civil ;
– Vu les articles L. 111-1 et L. 11-5 du nouveau Code de la consommation,
– Vu l’article L. 111- 1 de l’ancien Code de la consommation ;
– Vu la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ;
– Vu le décret 19 mai 2010 relatif à la mise à disposition de l’offre de jeux et de paris par les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne ;
– Vu la délibération du 22 juin 217 n°2017-C-01 portant communication de l’ARJEL relative à la mise en œuvre des mécanismes d’auto-exclusion temporaire et d’autolimitation des approvisionnements de compte et d’engagement des mises ;
– Vu les articles 515 et 700 du Code procédure civile.

– Constater les manquements graves réitérés du PMU à son obligation de prévention du jeu excessif et pathologique ;
– Constater la mauvaise foi, la malice et la désinformation du PMU à l’égard de Monsieur [Z] [T] ;
– Dire et juger le PMU fautif ;
A titre principal :
– Annuler les contrats de paris conclus par Monsieur [T] postérieurement au 20 mai 2013 ;
– Condamner PMU au paiement de la somme de 86 312,21 euros pour la réparation du préjudice de Monsieur [T] au titre des mises engagées non prescrites et postérieures au 20 mai 2013 ;
A titre subsidiaire :
– Condamner PMU au paiement de la somme 43 156,11 euros pour la réparation du préjudice de Monsieur [T] au titre de la moitié des mises engagées non prescrites et postérieures au 20 mai 2013 ;
A titre infiniment subsidiaire :
-Condamner PMU au paiement de la somme de 24 583,50 euros pour la réparation du préjudice de Monsieur [T] au titre des dépôts non prescrits et postérieur au 20 mai 2013 ;
En tout état de cause :
– Condamner PMU au paiement de la somme de 15 000 euros au titre du préjudice relatif au défaut d’exécution de l’obligation d’information ;
– Condamner PMU au paiement de la somme de 23 912 euros au titre du préjudice complémentaire occasionné ;
– Condamner PMU au paiement de la somme de 100 000 euros à Monsieur [Z] [T] au titre de la réparation du préjudice moral justifié par les circonstances, la mauvaise foi du PMU et la longueur dans le temps des manquements graves et réitérés ;
– Ordonner la publication de la décision sur le site internet de PMU à la page [https://www.pmu.fr/] et dans 3 journaux au choix de Monsieur [T] aux frais de PMU ;

– Condamner PMU au paiement de 8 000 euros d’indemnité à Monsieur [Z] [T] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner PMU aux entiers dépens ;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement ».

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 1er décembre 2022 ici expressément visées, le groupement d’intérêt économique PARI MUTUEL URBAIN (ci-après le P.M.U) demande au tribunal judiciaire de Paris de :

« Vu l’article 1231-1, 1240, 2224, 2238 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

-Dire et juger Monsieur [Z] [T] irrecevable en ses demandes antérieures au 20 septembre 2013 ainsi qu’en sa demande fondée sur la pratique commerciale déloyale et trompeuse,
-Dire et juger Monsieur [Z] [T] mal fondé en toutes ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
En conséquence :
-Débouter Monsieur [Z] [T] de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
Reconventionnellement :
-Condamner Monsieur [Z] [T] à payer au PMU la somme de 10.000 € au titre de la procédure abusive,
En tout état de cause :
-Condamner Monsieur [Z] [T] à verser au PMU la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ».

Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.

MOTIFS

Sur le moyen tiré de la prescription partielle des demandes soulevée par le PMU

Le PMU soutient que par application de l’article 2229 du code civil, les demandes antérieures portant sur des mises antérieures au 20 septembre 2013 sont prescrites, aucune suspension du délai ne pouvant être admise en l’absence d’accord sur l’organisation d’une médiation à laquelle elle s’est toujours opposée.

Plus particulièrement pour les demandes présentées sur le fondement de l’article L.121-1 du code de la consommation, le PMU relève que celles-ci ont été présentées pour la première fois par conclusions du 19 septembre 2022, qu’elles sont donc prescrites, les faits allégués s’inscrivant dans la période du 10 décembre 2011 au 30 janvier 2016.

Monsieur [T] concède une prescription pour les mises antérieures au 20 mai 2013, à l’exception de toutes les autres, les délais ayant été suspendus par application des dispositions de l’ article 2238 relatif à la médiation.
Sur ce,

En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 2224 du code civil édicte : “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer”.

Aux termes de l’ article 2238 du code civil alinéa 1, « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».

Selon l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

En l’espèce monsieur [T] justifie par le moyen d’une attestation du médiateur de la FEVAD avoir saisi ce dernier le 19 février 2016, demande jugée recevable; le médiateur précise toutefois que le processus n’a pu aboutir, le dossier étant clôturé ; l’attestation va donc dans le sens de ce que le PMU soutient à savoir qu’il n’a pas accepté la médiation requise par monsieur [T], ce que confirme ce dernier, notamment en page 4 de ses écritures.

Les parties n’ayant pas convenu au sens de l’ article 2238 alinéa 1 d’une médiation, les délais de prescriptions n’ont pas été suspendus.

L’assignation en nullité et en responsabilité ayant été délivrées le 20 septembre 2018, les actions à ces fins, distinctes de celles fondées sur les dispositions de l’article L.121-1 du code de la consommation, sont donc prescrites pour les mises antérieures au 20 septembre 2013.

S’agissant plus particulièrement des demandes présentées sur le fondement de l’article L.121-1 du code de la consommation, l’examen de la procédure relève que celles-ci ont été présentées pour la première fois par conclusions du 19 septembre 2022 ; les faits allégués ayant eu lieu entre le 10 décembre 2011 et le 30 janvier 2016, soit à une date antérieure au délai quinquennal de prescription, ces demandes apparaissent intégralement prescrites.

Les demandes susvisées sont par conséquent irrecevables.

Au fond sur les demandes formées par monsieur [T] à l’encontre du P.M.U

A titre liminaire, il est rappelé qu’en procédure écrite, la juridiction n’est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l’ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n’y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.

Il est également rappelé qu’en application de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion».

Ont donc été jugées recevables les demandes autres que celles fondées sur les dispositions de l’article L.121-1 du code de la consommation, soit les actions en nullité et en responsabilité relatives aux mises postérieures au 20 septembre 2013.

Monsieur [T] sollicite sur la base des manquements dont s’est selon lui rendu coupable le PMU, l’annulation des contrats de paris et une indemnisation formée à hauteur de 86.312,21 euros à titre principal. Monsieur [T] invoque les dispositions de l’arrêté du 9 avril 2021, les articles 3 et 26 de la loi du 12 mai 2010, l’article 18 du décret du 19 mai 2010 et la délibération de l’ARJEL du 22 juin 2017. Monsieur [T] fait plus précisément grief au PMU de lui avoir permis d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire. Il ajoute que le dol est une cause de nullité du contrat par application de l’ article 1116 du code civil. Il soutient que son préjudice financier s’élève à 86.312,21 euros correspondant au montant des primes engagées à compter du 20 mai 2013 et ajoute s’être endetté et avoir fait l’objet de procédures d’exécution forcée à l’origine d’un préjudice complémentaire d’un montant de 23.912 euros .

Le PMU s’oppose en faisant valoir que monsieur [T] ne justifie ni d’un état pathologique, ni d’une addiction ni d’une altération de ses facultés mentales à la date des mises, le certificat médical produit étant très postérieur à ceux-ci. Il soutient ensuite qu’à la date des mises litigieuses, les textes en vigueur n’édictaient aucune interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire, les textes invoqués en demande étant pour l’essentiel inapplicables, seuls l’étant l’ article 3 de la loi du 12 mai 2010, l’article 26 l’étant dans sa version d’origine, de même que l’article 18 du décret du 19 mai 2010 ; selon le PMU la délibération du 22 juin 2017 de l’ARJEL n’est pas davantage applicable. Le PMU ajoute que monsieur [T] procède par voie d’affirmations, ne rapporte pas la preuve du moindre manquement de sa part, ni ne démontre un quelconque préjudice en lien avec un manquement, n’explicite ni ne détaille nullement quel compte serait concerné par quel manquement et quel préjudice aurait été généré. Le PMU précise encore que le préjudice réel ne saurait correspondre qu’aux montants réellement dépensés ; or les mises intègrent des gains rejoués, des bonus et des remises de fidélité ; en outre l’annulation emporterait restitution des gains, des bonus et des
remises. Le PMU conclut en indiquant que la réalité de l’endettement ne saurait résulter d’une attestation délivrée par un proche , toute dette ne constituant en outre pas un appauvrissement. La partie défenderesse considère que le préjudice moral n’est pas davantage établi.

Sur ce,

En application de l’ article 1116 du code civil en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016 comme de l’article 1137 dans sa version applicable à compter du 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité du contrat. Le dol, qui implique l’existence de manœuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du contractant, ne se présume pas et doit être prouvé ; c’est à celui qui prétend à l’existence d’une faute dolosive de l’établir .

En vertu de l’article 1147 du code civil dans sa dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 comme de l’article 1231-1 nouveau du même code dans sa version entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le débiteur  est condamné s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’un cas de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Retenir la responsabilité contractuelle d’une partie à une convention nécessite de caractériser un manquement aux obligations contractuelles, un préjudice et un lien de causalité.

Le PMU conteste en premier lieu l’état d’addiction de monsieur [T], condition d’application des dispositions particulières par ailleurs invoquées et qui seront examinées infra.

Sur la preuve de l’addiction de monsieur [T]

Selon l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. ».

Au cas présent monsieur [T] verse en procédure un certificat médical établi par le docteur [V], psychiatre et addictologue lequel certifie que le demandeur est suivi en addictologie pour une addiction aux jeux de hasard et d’argent.

Si le certificat est daté du 6 juillet 2021 quand les faits en cause se sont déroulés entre 2011 et le 31 décembre 2016, soit entre 10 et 5 ans en arrière, il est constant que les addictions dont celles aux jeux de hasard et d’argent sont des pathologies susceptibles de durer de longues années avant que la personne qui en souffre n’effectue de démarche thérapeutique pour tenter de les soigner.

En dépit d’une date d’émission récente et postérieure à l’assignation, le certificat médical permet d’établir l’addiction de monsieur [T], contrairement à ce que soutient le PMU. Ce moyen est infondé.

Sur le manquement relatif l’interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire

L’article 3 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 dans sa version en vigueur du 13 février 2011 au 15 novembre 2015, n’édicte pas, comme le soutient le PMU, d’interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire ; il en est de même de la version en vigueur du 15 novembre 2015 au 1er janvier 2020.

L’ article 26 de la même loi, dans sa version d’origine prévoit entre autres mesures, la mise en place de mécanismes d’auto-exclusion mais n”interdit pas l’ouverture de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire ; la version en vigueur du 14 mars 2014 au 9 octobre 2016 ajoute des dispositifs d’auto-limitation des dépôts et des mises et énonce une interdiction des communications commerciales à l’égard des anciens titulaires de comptes inscrits sur les fichiers des interdits ; la version en vigueur du 9 octobre 2016 au 1er janvier 2020  prévoit de nouvelles dispositions dont la fermeture des comptes des joueurs figurant sur la liste des interdits.

Ces versions applicables aux mises litigieuses n’interdisent donc pas comme le PMU le soutient d’ouvrir de nouveaux comptes pendant des périodes d’auto-exclusion temporaire.

Il en est de même de l’article 18 du décret du 19 mai 2010 qui dans sa version applicable jusqu’au 6 juin 2015 prévoit la mise en place de dispositifs permettant au joueur de demander son exclusion ; la version applicable du 6 juin 2015 au 1er octobre 2020 énonce que l’exclusion définitive emporte la clôture du compte par l’opérateur et l’impossibilité de solliciter l’ouverture d’un nouveau compte avant trois ans .

Les faits en cause s’étant déroulés entre 2011 et le 31 janvier 2016, la délibération du 22 juin 2017 de l’ARJEL, postérieure, ne leur est pas applicable.

Comme le soutient le PMU, l’interdiction fondant tant la demande de nullité que les demandes de dommages-intérêts n’est édictée par aucun texte en vigueur à la date des faits.

En l’absence d’interdiction légale ou réglementaire, aucun dol ni aucun manquement résultant de la méconnaissance de la dite interdiction ne saurait être caractérisé.

En l’absence de preuve d’un dol ou d’un manquement à une obligation légale ou réglementaire monsieur [T] sera débouté de sa demande de nullité des mises comme de ses demandes de dommages-intérêts, tant pour les montants sollicités à titre principal que pour ceux sollicités à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire. Monsieur [T] sera par conséquent débouté de l’intégralité de ses demandes d’indemnisation.

Sur le manquement à l’obligation d’information

Monsieur [T] qui se borne à affirmer que « la désinformation dont se rend coupable PMU est également un manquement à son obligation d’information ce qui occasionne un préjudice distinct et réparable » ne démontre ni ne justifie de la sorte le manquement qu’il allègue.
Il sera débouté des demandes formées sur ce fondement.

Sur la demande reconventionnelle du PMU au titre de l’abus de procédure

Ester en justice constitue un droit. L’exercice de ce droit ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.

L’indemnisation d’une partie au titre de l’abus de procédure implique en outre pour celle-ci de rapporter la preuve d’un préjudice lequel n’est en l’espèce ni explicité ni prouvé.

Par application des dispositions de l’article 1240 du Code civil, le PMU sera donc débouté du chef de sa demande d’indemnisation au titre de l’abus de procédure.

Sur les autres demandes et sur les demandes accessoires

Monsieur [T] qui succombe à l’ensemble de ses demandes à l’égard du PMU sera débouté de sa demande de publication du présent jugement.

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne, sauf considération tirée de l’équité, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce monsieur [T] qui succombe , supportera les dépens et payera au PMU la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

L’assignation a été délivrée antérieurement au 1er janvier 2020 ; les articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 ne sont donc pas applicables ; l’exécution provisoire n’est pas de droit. S’agissant d’un litige qui dure depuis plus de cinq années, il apparaît toutefois nécessaire d’ordonner l’exécution provisoire par ailleurs compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS, le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré:

DECLARE irrecevables comme prescrites les demandes présentées sur le fondement de l’article L.121-1 du code la consommation ;
DECLARE irrecevables comme prescrites l’action en nullité et l’action en responsabilité relatives aux mises antérieures au 20 septembre 2013 ;
DEBOUTE monsieur [Z] [T] de sa demande de nullité des mises ;

DEBOUTE monsieur [Z] [T] de l’intégralité de ses demandes de dommages-intérêts ;

DEBOUTE monsieur [Z] [T] de sa demande de publication du présent jugement ;

DEBOUTE le PARI MUTUEL URBAIN de sa demande d’indemnisation au titre de l’abus de procédure.

CONDAMNE monsieur [Z] [T] à supporter les dépens de l’instance ;

CONDAMNE monsieur [Z] [T] à payer au PARI MUTUEL URBAIN (groupement d’intérêt économique régi par l’ordonnance du 23 septembre 1967) la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 12 Septembre 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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