→ Résumé de l’affaireM. [V] [D], un kurde de nationalité turque, a été placé en rétention administrative par le Préfet du Nord pour exécuter une obligation de quitter le territoire français. Un recours en annulation de cet arrêté a été déposé, et une prolongation de la rétention a été ordonnée par le juge des libertés et de la détention. M. [V] [D] a fait appel de cette décision, arguant d’une erreur manifeste d’appréciation et du défaut de diligences de l’administration, notamment en ce qui concerne l’absence d’affichage du règlement intérieur en langue kurde au centre de rétention. |
→ L’essentielIrregularité de la procédure de placement en rétentionLa régularité de la décision de placement en rétention est essentielle pour garantir les droits des étrangers retenus. L’obligation de motivation des actes administratifs doit être existante, factuelle et en rapport avec la situation de l’intéressé. Dans le cas présent, l’arrêté de placement en rétention est motivé de manière circonstanciée et individualisée, en conformité avec les dispositions légales. Cependant, le non-affichage du règlement intérieur du centre de rétention en langue kurde constitue une irrégularité qui remet en cause la légalité de la mesure de rétention. Violation de l’article R.744-12 du CESEDAL’article R.744-12 du CESEDA impose que le règlement intérieur des lieux de rétention soit affiché dans les langues les plus couramment utilisées par les étrangers retenus. Dans le cas présent, le non-respect de cette disposition au centre de rétention de [Localité 2], où des étrangers de nationalité turque s’exprimant en kurde sont retenus, constitue une violation flagrante de la loi. Cette violation entraîne l’irrégularité du placement en rétention de M. [V] [D] et justifie la main levée de la mesure de rétention. Conséquences de l’irrégularité sur la décision de placement en rétentionEn raison de l’irrégularité constatée dans la procédure de placement en rétention, la décision de première instance doit être infirmée. Il est impératif de garantir le respect des droits des étrangers retenus et de veiller à ce que les mesures administratives soient prises dans le strict respect de la loi. Par conséquent, la main levée de la mesure de rétention doit être ordonnée afin de rétablir la légalité et de protéger les droits fondamentaux des personnes concernées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01512 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VWIK
N° de Minute : 1478
Ordonnance du vendredi 26 juillet 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [V] [D]
né le 01 Janvier 1982 à [Localité 1]
de nationalité Turque
Actuellement retenu au Centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Justine Duval, avocat au barreau de Douai, avocat commis d’office et de M. [X] [W] interprète assermenté en langue kurde, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M.LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT DELEGUE : Camille COLONNA, conseillère à la cour d’appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assisté de Anaïs MILLESCAMPS, Greffière
DÉBATS : à l’audience publique du vendredi 26 juillet 2024 à 15 h 00
Les parties comparantes ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue par mise à disposition au greffe à Douai le vendredi 26 juillet 2024 à 18h55
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l’ordonnance rendue le 25 juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [V] [D] ;
Vu l’appel interjeté par M. [V] [D], ou son Conseil, par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 25 juillet 2024 ;
Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;
M. [V] [D] né le 01 janvier 1982 à [Localité 1] (Turquie), kurde de nationalité turque, a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par M. Le Préfet du Nord le 21 juillet à 19h00 pour l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français notifiée le même jour par la même autorité.
Un recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l’article L 741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
‘ Vu l’article 455 du code de procédure civile,
‘ Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille date du 25 juillet 2024 à 14h29, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [V] [D] pour une durée de 26 jours,
‘ Vu la déclaration d’appel de M. [V] [D] du 25 juillet 2024 à 17h30 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d’appel, l’appelant soutient les moyens suivants :
– l’erreur manifeste d’appréciation et le caractère injustifié de la prolongation de la rétention administrative, en l’absence d’affichage du règlement intérieur en langue kurde au centre de rétention administrative
– le défaut de diligences de l’administration.
I Sur la régularité de la décision de placement en rétention
L’obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l’acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l’intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n’est pas tenue de reprendre l’ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l’intéressé dès lors qu’elle contient des motifs spécifiques à l’étrangers sur lesquels l’autorité préfectorale a appuyé sa décision.
En l’espèce, l’arrêté de placement est motivé en fait et en droit, de manière circonstanciée et individualisée.
Cet arrêté détaille les motifs pour lesquels au regard des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l’article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la mesure de rétention est proportionnée.
La motivation de la décision de placement en rétention satisfait aux exigences légales.
Cependant, l’article R.744-12 du CESEDA qui dispose que :
‘Dans chaque lieu de rétention, un règlement intérieur, dont les modèles sont fixés, pour les centres et les locaux de rétention, par arrêté conjoint du ministre chargé de l’immigration et du ministre de l’intérieur, organise la vie quotidienne, dans des conditions conformes à la dignité et à la sécurité de ses occupants. Il rappelle notamment les droits et devoirs des étrangers retenus, ainsi que les modalités pratiques d’exercice par ces derniers de leurs droits. Il mentionne notamment les conditions dans lesquelles s’exerce la circulation des étrangers dans le lieu de rétention, notamment, le cas échéant, l’accès aux espaces à l’air libre.
Le règlement intérieur est établi par le responsable du lieu de rétention et approuvé par le préfet territorialement compétent.
Il est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l’immigration. Un exemplaire en langue française et traduit dans ces langues est affiché dans les parties communes du lieu de rétention.’
Or, il ressort du courrier reçu le 26 juillet 2024 au greffe de la cour d’appel, du greffe du centre de rétention de Lesquin, à la demande du magistrat que ‘ pour faire suite à votre demande, le réglement intérieur du CRA n’est pas affiché en langue kurde’.
Compte tenu ce que des étrangers de nationalité turque, s’exprimant en kurde, font l’objet de mesure de rétention administrative de manière récurrente, le non respect de la disposition précitée au centre de rétention de [Localité 2] emporte l’irrégularité du placement en rétention de M. [V] [D].
Sur ce motif et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la prolongation de la mesure, la décision de première instance doit être infirmée et la main levée de la mesure rétention ordonnée.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d’être relevé d’office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
DÉCLARE l’appel recevable ;
INFIRME l’ordonnance entreprise ;
ANNULE la décision de placement en rétention ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande d’infirmation de la prolongation de la mesure ;
ORDONNE la main levée de la mesure de placement en rétention de M. [V] [D] ;
LAISSE les dépens à la charge de l’Etat.
Anaïs MILLESCAMPS, Greffière
Camille COLONNA, conseillère
N° RG 24/01512 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VWIK
A l’attention du centre de rétention, le vendredi 26 juillet 2024
Bien vouloir procéder à la notification de l’ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l’interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué :M.[X] [W]
Le greffier
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 1478 DU 26 Juillet 2024 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l’intéressé au greffe de la cour d’appel de Douai par courriel – [Courriel 3]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le 26 juillet 2024
– M. [V] [D]
– interprète :
– décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [V] [D] le vendredi 26 juillet 2024
– décision transmise par courriel pour notification à M.LE PREFET DU NORD le vendredi 26 juillet 2024
– décision communiquée au tribunal administratif de Lille
– décision communiquée à M. le procureur général
– copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le vendredi 26 juillet 2024
N° RG 24/01512 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VWIK