→ Résumé de l’affaireLes époux [C] ont confié à Monsieur [O] la réfection du carrelage de leur maison, mais se plaignent de malfaçons. Suite à une expertise ordonnée par le tribunal, les époux [C] ont assigné Monsieur [O] en justice pour obtenir réparation de leur préjudice financier. Monsieur [O] conteste l’action des époux [C], arguant qu’ils ont vendu la maison et n’ont plus qualité pour agir. Les époux [C] demandent quant à eux l’indemnisation de leur préjudice financier. |
→ L’essentielIrrecevabilité de la demande de réparation des désordres matérielsSelon l’article 31 du code de procédure civile, l’action en justice est ouverte à toute personne ayant un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. Cependant, en l’espèce, les époux [C], ayant vendu l’immeuble affecté de désordres, ont perdu la qualité pour agir en réparation de ces désordres. En effet, en l’absence de clause contraire à l’acte de vente, l’acquéreur d’un bien immobilier a qualité pour agir contre les constructeurs pour les dommages antérieurs à la vente. Ainsi, les époux [C] sont irrecevables à demander réparation des désordres matériels affectant l’immeuble vendu. Recevabilité de la demande de réparation de la moins-value financièreEn revanche, les époux [C] conservent la qualité pour agir en réparation du préjudice financier subi lors de la revente de l’immeuble, du fait des malfaçons affectant le carrelage posé par le défendeur. En effet, ce préjudice financier constitue un préjudice personnel pour les époux [C], indépendamment de la vente de l’immeuble. Ainsi, leur demande de réparation de la moins-value financière est recevable sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. Rejet des demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civileEnfin, en application du principe d’équité, les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées. Chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens, dans l’attente de l’issue du litige sur le fond. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
7EME CHAMBRE CIVILE
INCIDENT
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
54G
N° RG 23/04733
N° Portalis DBX6-W-B7H-X3GW
N° de Minute : 2024/
AFFAIRE :
[L] [G] [K] [C],
[D] [W] épouse [C]
C/
[P] [X] [O], entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne CARO D’AS
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS
Me Isabelle PIQUET
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le DEUX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
Nous, Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 7ème CHAMBRE CIVILE,
Assistée de Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier
Audience d’Incidents du 29 Mai 2024,
délibéré au 12 Juillet 2024, prorogé au 02 Août 2024.
Vu la procédure entre :
DEMANDEURS
Monsieur [L] [G] [K] [C]
né le 07 Avril 1961 à [Localité 9] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Maître Florence BOYE-PONSAN de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE, avocat plaidant
Madame [D] [W] épouse [C]
née le 09 Février 1960 à [Localité 7] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Maître Florence BOYE-PONSAN de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE, avocat plaidant
N° RG 23/04733 – N° Portalis DBX6-W-B7H-X3GW
DEFENDEUR
Monsieur [P] [X] [O], entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne CARO D’AS
né le 03 Janvier 1972 à [Localité 8] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Isabelle PIQUET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis des 06 mars et 03 avril 2019 acceptés par Madame [D] [W] épouse [C] et Monsieur [L] [C], ces derniers ont confié à Monsieur [P] [X] [O], exerçant à titre individuel, la réfection du carrelage au sol de leur maison située [Adresse 1] à [Localité 6] (33).
A la demande des époux [C] se plaignant de malfaçons, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a, par ordonnance du 18 janvier 2021, ordonné une mesure d’expertise et a désigné pour y procéder Monsieur [T], qui a déposé son rapport le 05 juillet 2021.
L’immeuble a été vendu par les époux [C] par acte authentique du 29 avril 2021.
Les époux [C] ont, par acte du 1er juin 2023, fait assigner Monsieur [O] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment, sur le fondement de l’article 1231 du code civil, de condamner Monsieur [O] à leur payer la somme de 16 917, 67 euros TTC au titre des travaux réparatoires et celle de 10 000 euros en réparation de leur préjudice financier.
Par dernières conclusions incidentes notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, Monsieur [O] demande au juge de la mise en état de :
– déclarer l’action de Madame et Monsieur [C] irrecevable,
– débouter Monsieur et Madame [C] de toutes leurs demandes,
– condamner Madame et Monsieur [C] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et d’expertise judiciaire.
Il fait valoir, au visa des articles 31, 32, 122 et 789 du code de procédure civile, que l’action des époux [C] est irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité pour agir depuis le 29 avril 2021, date à laquelle ils ont vendu leur maison. Il précise que selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les actions fondées sur la responsabilité contractuelle se transmettent à l’acquéreur d’un ouvrage sans distinguer les dommages révélés antérieurement ou postérieurement à la vente de sorte qu’en l’espèce, le contrat de vente ne contenant pas de clause contraire, les époux [C] n’ont plus qualité à agir. Il ajoute que les époux [C] sont également dépourvus d’intérêt à agir en l’absence de preuve du préjudice personnel financier allégué, le bien ayant été vendu au prix de 241 500 euros, tel qu’affiché sur l’annonce de l’agence immobilière.
Par conclusions incidentes notifiées par voie électronique le 28 mai 2024, les époux [C] demandent au juge de la mise en état de :
– déclarer recevables l’ensemble de leurs demandes,
– débouter Monsieur [O] de ses demandes,
– condamner Monsieur [O] à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour s’opposer à la fin de non-recevoir, ils soutiennent qu’ils n’agissent pas sur le fondement des dispositions de la garantie décennale des constructeurs mais sur celui de la responsabilité contractuelle des dispositions de l’article 1231-1 du code civil. Ils précisent qu’ils ne demandent pas la réalisation des travaux réparatoires mais l’indemnisation de leur préjudice personnel financier subi en raison du prix de vente de la maison qui aurait pu être plus élevé si le carrelage avait été en bon état et de la perte de jouissance paisible de leur bien ainsi qu’un préjudice esthétique qu’ils ont subi avant la vente.
Aux termes de l’article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Sauf clause contraire de l’acte de vente, l’acquéreur d’un immeuble a qualité à agir contre les constructeurs, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire ( 3e Civ., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-15.923, Bull. 2014, III, n° 105 ; 3e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.627, Bull. 2018, III, n° 84).
Toutefois, le maître de l’ouvrage ne perd pas la faculté d’exercer une telle action quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain et, ainsi, s’il subit un préjudice personnel.
Il est constant qu’en l’espèce aucune clause n’a été stipulée à l’acte de vente du 29 avril 2021, par laquelle les époux [C], vendeurs, auraient conservé le droit d’agir en réparation de dommages matériels consécutifs aux désordres affectant les travaux réalisés par Monsieur [O] malgré la vente de l’immeuble.
Or, aux termes de leurs dernières conclusions au fond notifiées le 8 janvier 2024, les époux [C] persistent à solliciter la condamnation de Monsieur [O] à leur verser, sur le fondement de l’article 1231 du code civil, la somme de 16 917,67 euros au titre des travaux réparatoires à engager pour mettre un terme aux désordres affectant le carrelage de l’immeuble vendu le 29 avril 2021.
Ayant perdu toute qualité à agir en réparation de ce préjudice du fait de la vente intervenue, ils sont irrecevables à agir à ce titre.
En revanche, bien que n’étant plus propriétaires du bien au jour de l’assignation, ils sont recevables à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun en réparation d’un préjudice financier représenté par la moins-value qu’ils affirment avoir subie lors de la revente de l’immeuble du fait des malfaçons affectant le carrelage posé par le défendeur, s’agissant d’un préjudice qui leur est personnel, et ce, quel que soit le bien fondé d’une telle action, dont l’appréciation relève du seul tribunal.
Chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens.
L’équité commande en l’état de rejeter les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Le juge de la mise en état, par ordonnance rendue publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
DECLARE l’action de Madame [D] [W] épouse [C] et de Monsieur [L] [C] en paiement de la somme de 16 917,67 euros TTC au titre des travaux réparatoires irrecevable ;
DECLARE l’action de Madame [D] [W] épouse [C] et de Monsieur [L] [C] en paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice financier recevable ;
RAPPELLE le calendrier de mise en état :
OC : 30/08/2024
Plaidoirie : 02/10/2024 à 9h30 (Juge Unique)
REJETTE les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens.
La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,