Investir dans les PME pour obtenir une réduction de l’ISF : l’abus sanctionné

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Investir dans les PME pour obtenir une réduction de l’ISF : l’abus sanctionné
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Il résulte de l’article 885-0 V CGI que les contribuables qui souscrivent au capital d’une société constituant une PME exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion, au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME (2006/C 194/02), peuvent bénéficier d’une réduction d’ISF, à concurrence de 75 % du montant de leur investissement.

Or ces lignes directrices présentent le capital d’amorçage comme ‘le financement fourni pour étudier, évaluer et développer un concept de base préalablement à la phase de démarrage’ ce qui selon la doctrine fiscale correspond ‘à la période au cours de laquelle l’entreprise n’est qu’au stade de projet et n’est donc pas encore constituée juridiquement. La société est donc en phase de formation’.

En droit, l’article 885-0 V du Code général des impôts en sa version applicable avant août 2008 dispose que : ‘I.-1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, à l’exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, (…). Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000 euros.

La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Répondre à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l’annexe I au règlement (CE) n° 70 / 2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de l’Etat en faveur des petites et moyennes entreprises, modifié par le règlement (CE) n° 364 / 2004 du 25 février 2004 ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles. Cette condition n’est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l’article L. 443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

(…)

f) Etre en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02)’.

Résumé de l’affaire : En la cause, le premier juge a constaté que pendant les trois premières années d’existence de la SARL, son actif ‘était en quasi-totalité employé en trésorerie et valeurs de placement’, cette situation caractérisant une activité patrimoniale non éligible à la réduction d’ISF litigieuse. S’agissant de la phase d’amorçage ou de démarrage de la société, il a été retenu que durant les 44 mois ayant suivi sa constitution, la SARL n’a pas eu de réelle activité opérationnelle dès lors que la vente de piscines n’a débuté qu’au cours de l’année 2011 pour des cessions enregistrées pour la première fois en février 2012, soit bien postérieurement aux souscriptions litigieuses.

Les versements effectués pendant cette période par des personnes physiques ne peuvent être éligibles à la réduction d’ISF avant la constitution de la société, dans la mesure où, jusqu’à cette date, ils n’ont pas pour contrepartie l’octroi de droits sociaux.

En revanche, dès lors qu’ils bénéficient à des sociétés éligibles, ces versements sont susceptibles d’être éligibles au bénéfice de la réduction d’ISF (‘) dès que la société est définitivement constituée. La date de constitution de la société s’entend de la date de signature des statuts de la société, qui matérialise l’échange des consentements entre les associés’.

Pour bénéficier de l’avantage fiscal litigieux, la société au capital duquel il est souscrit doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale au jour de la souscription et se trouver à cette même date dans une phase de son développement déterminée.

Or les appelants indiquent en substance que courant 2008, la SARL recherchait le domaine dans lequel elle allait développer son activité (système frigorifique, importation de ‘dentist chair’, commercialisation de baignoires pour personnes âgées, restauration, investissement dans une société rencontrant des difficultés financières et exerçant notamment dans le domaine des arts de la table et des métiers de bouche).

Or la seule recherche d’une activité à développer sans que celle-ci ne soit aucunement définie ne répond aucunement aux exigences de l’article 885-0 b) et f) , cette ‘recherche’ d’un avenir commercial ou financier ne constituant aucunement ‘une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale’ et ne caractérisant aucunement la phase dite de démarrage.

En effet, même pour une société se trouvant dans une telle phase, le produit ou service en attente de commercialisation doit à tout le moins être défini pour retenir que la société développe des moyens financiers aux fins d’assurer sa première commercialisation.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/01195
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

LE/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/01195 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EWN5

jugement du 28 Janvier 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS

n° d’inscription au RG de première instance : 17/03423

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024

APPELANTS :

Madame [T] [P] épouse [D]

Chez Be Spa [Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [I] [D]

Chez Be Spa [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 204512

INTIMEE :

[…]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20200952

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 14 Mai 2024 à 14 H 00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Madame GNAKALE

Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 17 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 juin 2008, M. [I] [D] et Mme [T] [P] son épouse ont constitué, à parts égales, la […] (la SARL), au capital de 67.000 euros et ayant pour objet ‘En France et à l’étranger, les activités d’achat, de vente, de location, d’import-export de tout matériel, véhicule, bâtiment industriel, produits de consommation courante, de prestations de services liés à ces objets et toutes activités s’y rapportant directement ou indirectement (…)’.

Le 9 juin 2009, ils ont procédé à une augmentation du capital de la SARL, portant celui-ci à 132.660 euros, également réparti entre les deux associés.

Les époux [P]-[D] ont imputé :

– sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l’année 2008, une somme de 50.000 euros (correspondant au plafond de la réduction), pour investissements dans les PME, au regard de leurs souscriptions initiales de 50 parts sociales chacun, d’une valeur nominale de 670 euros,

– sur l’ISF dû au titre de l’année 2009, une somme de 50.000 euros au titre de la réduction pour investissements dans les PME en joignant de nouveau à leur déclaration, une attestation de souscription au capital des PME pour un montant de 65.660 euros.

Les contribuables ont bénéficié de réductions d’ISF au titre de ces deux années, à hauteur de 50.000 et 49.245 euros, ainsi que de l’exonération de la valeur de ces titres de l’assiette de leur impôt.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2011, l’administration fiscale a adressé une proposition de rectification aux époux [P]-[D] portant reprise de 102.883 euros de droits, assortie d’intérêts de retard pour 14.624 euros et de majorations (82.306 euros), le tout fondé sur la procédure dite de l’abus de droit.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 26 janvier 2012, les contribuables ont formulé des observations.

Le 4 décembre 2014, l’administration fiscale, précisant au sein d’un premier courrier que la procédure visant à réprimer l’abus de droit était abandonnée, a parallèlement notifié à M. et Mme [P]-[D] une proposition de rectification tendant au rappel d’ISF pour un montant de 100.157 euros, outre les intérêts de retard et majoration (68.745 euros), au titre des années 2008 à 2010 le tout sur le fondement de l’article L 55 du Livre des procédures fiscales.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 2015, les contribuables ont formulé des observations auxquelles l’administration a répondu le 7 avril 2015, en indiquant que les rectifications proposées étaient maintenues en totalité.

Les rappels d’ISF ont été mis en recouvrement selon avis n°15 05 05069 du 29 mai 2015.

M. et Mme [P]-[D] ont contesté cette décision, notamment par courrier du 18 septembre 2015 auquel la Direction départementale des Finances publiques de la Sarthe a répondu négativement le 29 mai 2017.

Suivant exploit du 28 juillet 2017, ils ont fait assigner la […] devant le tribunal de grande instance du Mans aux fins de voir annuler la décision du 29 mai 2017 rejetant leur recours et l’avis de mise en recouvrement du 29 mai 2017.

Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire du Mans a débouté M. et Mme [P]-[D] de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Aux termes d’une déclaration déposée au greffe le 10 septembre 2020, M. et Mme [P]-[D] ont interjeté appel de ce jugement, sollicitant l’annulation voire l’infirmation de cette décision et listant dans leur déclaration l’entier dispositif de celle-ci.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2024 et l’audience de plaidoiries fixée au 14 mai de la même année, conformément aux prévisions d’un avis du 22 février 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 26 avril 2021, M. et Mme [P]-[D] demandent à la présente juridiction de :

– les déclarer recevables et fondés en leur appel et en leurs contestations et demandes, les y déclarer fondés et y faisant droit,

– annuler le jugement entrepris, et à tout le moins l’infirmer, et statuant en toute hypothèse à nouveau,

1) Juger irrégulière la procédure de rectification suivie par l’administration et en conséquence :

– prononcer l’annulation de cette procédure, faute pour la proposition de rectification du 4 décembre 2014 d’avoir été notifiée avant l’expiration du délai de prescription triennal,

– prononcer l’annulation de cette procédure, faute pour l’administration fiscale de s’être placée dans le champ de la procédure prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales,

– prononcer l’annulation de la procédure de rectification suivie, faute pour l’administration fiscale de les avoir mis en mesure de saisir le comité de l’abus de droit fiscal en application des articles L. 64, L. 1653 E et R. 64-2 du Livre des procédures fiscales,

2) Subsidiairement :

– juger que la société […] était bien en phase d’amorçage en juin 2008 et juin 2009 au moment où ils ont effectué leurs souscriptions au capital de cette société et, partant, que les souscriptions susvisées étaient éligibles à la réduction d’ISF visée à l’article 885-0 V bis du Code général des impôts,

– juger nulle et de nul effet, la décision de rejet de la DDFP de la Sarthe du 29 mai 2017,

– annuler l’avis de mise en recouvrement n°15 05 05069 émis le 29 mai 2015,

– prononcer le dégrèvement des droits, pénalités et intérêts de retard mis à leur charge, soit un dégrèvement de 100.157 euros en principal, 40.063 euros au titre de la pénalité de 40% pour un manquement délibéré et 28.682 euros au titre des intérêts de retard, soit encore un dégrèvement d’un montant total de 168.902 euros,

– ordonner la restitution des intérêts moratoires,

– condamner la DGFP à leur payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction pour ceux le concernant au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Aux termes de ses uniques écritures déposées le 26 février 2021, M. le directeur régional des Finances Publiques d’Ile de France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, pôle juridictionnel judiciaire) demande à la cour de :

– dire et juger M. et Mme [P]-[D] mal fondés en leur appel et en conséquence les en débouter,

– confirmer, en conséquence, le jugement du tribunal judiciaire du Mans du 28 janvier 2020 (RG 17/03423), en ce qu’il a débouté M. et Mme [P]-[D] de leurs demandes et les a condamnés aux dépens,

– rejeter toutes les demandes de M. et Mme [P]-[D],

– dire que l’équité ne commande pas le paiement d’une somme de 15.000 euros à M. et Mme [P]-[D] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en toute hypothèse les débouter de leur demande de ce chef,

– condamner M. et Mme [P]-[D] au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminairement il doit être observé que les appelants produisent au sein de leur dossier de plaidoirie une pièce n°2 correspondant à l’AMR du 29 mai 2015, or leur bordereau de communication de pièces (BCP), expose que leur production n°2 correspond à la proposition de rectification du 4 décembre 2014. Au demeurant, il ne peut qu’être observé que leur BCP, ne mentionne aucunement l’AMR ainsi transmis.

Dans ces conditions et dès lors que les appelants ne justifient aucunement avoir eu la volonté de communiquer ce document cette pièce doit être déclarée irrecevable.

Sur la prescription :

En droit, les articles L. 180 et L. 186 du Livre des procédures fiscales disposent notamment que : ‘Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du code général des impôts ou, pour l’impôt sur la fortune immobilière des redevables ayant respecté l’obligation prévue à l’article 982 du même code, jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Toutefois, ce délai n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité ou, pour l’impôt sur la fortune immobilière, par le dépôt de la déclaration et des annexes mentionnées au même article 982, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures’,

‘Lorsqu’il n’est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt’.

Le premier juge a retenu que la prescription triennale invoquée par les contribuables n’est applicable que lorsque l’exigibilité des droits omis est intégralement révélée par la déclaration d’ISF souscrite, sans qu’il soit nécessaire à l’administration de procéder à des recherches ultérieures. Or il a été observé que des investigations complémentaires ont été rendues nécessaires aux fins de vérifier si l’entreprise avait une réelle activité et entrait dans les conditions de la déduction fiscale convoitée, il en a donc été déduit que le délai applicable était celui de l’article L. 186 du Livre des procédures fiscales et non celui de trois ans prévu à l’article L. 180 de ce même livre.

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent que ‘la prescription abrégée de trois ans est applicable dès lors que l’exigibilité des droits a été suffisamment révélée par la déclaration du contribuable, sans qu’il soit nécessaire pour l’administration de recourir à des recherches ultérieures. La prescription longue de six ans est quant à elle applicable dans les autres cas, à savoir principalement soit en l’absence de toute déclaration, soit à l’égard de biens initialement omis dans la déclaration’. A ce titre, ils soutiennent que l’exigibilité de l’impôt litigieux dépend uniquement de la composition de leur patrimoine net permettant la détermination de l’assiette (et partant le dépassement ou non du seuil imposable) et le montant d’imposition éventuellement exigible. Ainsi en déclarant correctement son patrimoine imposable, tout contribuable révèle de manière suffisante à l’administration l’exigibilité de l’impôt, sans qu’il soit nécessaire de procéder à de plus amples recherches. Ainsi à supposer que l’application d’une réduction d’impôt relève de l’exigibilité de l’impôt, ce qu’ils contestent, les appelants soutiennent que leurs déclarations d’ISF, en ce qu’elles mentionnent expressément le montant de réduction pour investissement dans les PME appliqué et étaient accompagnées des attestations idoines, révèlent suffisamment leur ‘impact précis sur le montant [d’impôt] dû’. En tout état de cause, ils soulignent que ‘c’est dans le délai de prescription de droit commun que l’administration fiscale [leur] a adressé une première proposition de redressement en date du 14 décembre 2011, rédigée strictement dans les mêmes termes et portant sur les mêmes impositions au titre des mêmes années que la seconde proposition de rectification du 4 décembre 2014″. Ils concluent donc au caractère tardif de ce second redressement.

Aux termes de ses uniques écritures, l’administration fiscale soutient que l’article L.180 du Livre des procédures fiscales ‘n’opère aucune distinction selon que les droits rappelés résultent de la rectification de l’assiette de l’impôt ou selon qu’il résulte de la rectification de l’application erronée d’abattements, de réductions d’impôt, de mécanisme de plafonnement, d’imputation d’impôt acquitté à l’étranger …’ (sic). Elle précise par ailleurs qu’en matière d’ISF, pour que le délai triennal de reprise s’applique il faut que ‘l’exigibilité des droits dus [ait] été suffisamment révélée par la déclaration déposée par le redevable sans qu’il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures’. A ce titre, l’administration intimée rappelle qu’il lui a fallu vérifier l’éligibilité des investissements invoqués au bénéfice fiscal invoqué et prévu par l’article 885-0 V du Code général des impôts (ISF-PME) et notamment la condition d’activité de la société au capital de laquelle il a été souscrit. Ces contrôles ou vérifications ne peuvent résulter de la seule lecture des déclarations d’ISF accompagnées des attestations de la PME. Elle affirme donc que ‘ce n’est donc que par des recherches extérieures aux déclarations d’ISF que le service a pu mettre en évidence l’absence d’activité réelle de la société […]’. Enfin, l’administration conteste le fait qu’une précédente proposition de rectification prise courant 2011 fasse obstacle à l’application de la prescription sexennale. En effet cet acte ne mentionne aucunement quel serait le délai de reprise applicable, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il s’agisse d’une prise de position de sa part. En tout état de cause, le fait qu’elle ait une première fois agi dans le délai de trois ans, n’établit aucunement qu’elle n’a pas dû faire de recherches ultérieurement aux déclarations d’ISF litigieuses et que ces dernières étaient suffisantes pour établir l’exigibilité des impositions rappelées. Par ailleurs, elle souligne qu”aucune disposition légale [ne l’]oblige à attendre l’expiration du délai de trois ans pour agir, lorsque la prescription de six ans est applicable’. Au demeurant, l’intimée observe que ses contradicteurs ne contestent aucunement ‘l’absence des titres de la société […] dans la composition du patrimoine déclaré à l’ISF des années 2009 et 2010″.

Sur ce :

En l’espèce il est constant que l’application de la prescription abrégée ci-dessus mentionnée, correspondant contrairement aux affirmations des appelants à un délai d’exception, la prescription sexennale étant de droit commun, est subordonnée à la double condition :

– que l’administration ait eu connaissance des droits omis par l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou par l’exécution de la formalité fusionnée,

– que l’exigibilité de ces droits soit établie d’une manière certaine par l’acte ou la déclaration sans qu’il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.

A ce titre, quand bien même l’administration a pu constater antérieurement à l’expiration du délai de trois ans, les éléments lui permettant de remettre en cause les avantages fiscaux invoqués, il n’en demeure pas moins que cette circonstance est sans incidence sur le délai dans lequel elle peut agir aux fins de remise en question de ces mêmes avantages.

Par ailleurs, l’argumentation développée au sein de la proposition de rectification du mois de décembre 2014 se concluait notamment comme suit : ‘Pour l’ensembles des raisons indiquées ci-dessus et notamment :

– en raison de l’absence d’une réelle activité opérationnelle exercée par la société, pendant les 44 mois suivant sa création ;

– en raison de l’exercice principal d’une activité de gestion patrimoniale (gestion de trésorerie sans rapport avec une quelconque activité opérationnelle) ;

– en l’absence de concordance, tant en date qu’en besoin de financement, entre les souscriptions au capital et les phases d’amorçage et/ou de démarrage d’une activité opérationnelle, les versements effectués lors des souscriptions au capital de la SARL […] ne rentrent pas dans les prévisions de l’article 885-0 V bis du Code Général des Impôts et ne peuvent justifier les réductions d’impôt dont vous avez bénéficié.

Par suite, il convient de reprendre les réductions d’impôt obtenues à tort’.

Il résulte de ce qui précède que l’exercice par l’administration de son droit de reprise a impliqué pour celle-ci une analyse tant de l’activité de la société au sein de laquelle il a été investi que de la composition de l’actif de cette dernière. Or ces éléments ne ressortent aucunement des déclarations d’ISF souscrites par les appelants voire même des attestations jointes à celles-ci.

Il ne peut donc aucunement être considéré que l’exigibilité des droits objets du présent litige soit établie d’une manière certaine par les déclarations souscrites et leurs annexes étant souligné que cette exigibilité ne dépend pas exclusivement de la composition du patrimoine des contribuables prétendant à la réduction d’impôt dite ISF-PME, mais également de la situation de la société au sein de laquelle il a été investi.

De l’ensemble, il résulte que les appelants ne justifient aucunement des conditions d’application du délai d’exception de l’article L. 180 de sorte que la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a retenu que l’administration était fondée à exercer son droit de reprise dans le délai sexennal de droit commun.

Sur la loyauté de la procédure fiscale et l’abus de droit :

Aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, “Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles”.

Le premier juge a retenu que l’administration n’était pas tenue, dans le cadre du présent redressement, de donner une suite favorable à la demande de saisine de l’interlocuteur départemental pas plus qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir pris un AMR, 49 jours après réception par les contribuables de la réponse à leurs observations.

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants soutiennent que le recours à la prescription sexennale en suite d’une première proposition de rectification rédigée dans des termes identiques, mais antérieurement fondée sur la procédure de l’abus de droit fiscal, ‘relève d’un détournement de procédure particulièrement déloyal à [leur] égard’. Ils observent qu’au regard du silence gardé par l’administration en suite de leurs observations jusqu’au mois de décembre 2014, ils étaient légitimes à penser que la proposition avait été abandonnée, n’ayant au surplus jamais reçu le courrier de réponse produit. Or ils soulignent que fin 2014, l’administration leur a notifié une nouvelle proposition de rectification, les privant des garanties procédurales accordées en 2011 (saisine du Comité de l’abus de droit), mais ayant également pour conséquence le doublement des intérêts de retard outre la réduction de leur chance de conserver les pièces utiles à leur défense au regard d’un abandon apparent de la procédure initiale. Ils affirment que cette situation démontre ‘une volonté plus générale de l’Administration fiscale d’empêcher un réel débat contradictoire de s’instaurer, comme l’illustre le rappel des événements ci-après :

‘ Interruption pendant près de trois ans de la 1ère procédure de redressement initiée en 2011 sur le fondement de l’abus de droit, sans la moindre explication (…) ;

‘ Réitération en décembre 2014, d’une nouvelle procédure de redressement, strictement identique dans son objet à la précédente, mais menée cette fois selon la procédure “contradictoire” et ne donnant donc plus au contribuable la faculté de porter le litige devant le Comité de l’abus de droit ;

‘ Fins de non-recevoir systématiquement opposées, dans le cadre de cette nouvelle procédure, aux demandes répétées du contribuable de bien vouloir être entendu par l’administration, afin de comprendre notamment la substitution de base légale’ (absence d’issue favorable aux recours hiérarchiques présentés). Ils en concluent donc que le redressement litigieux correspond à ‘un abus de droit ‘rampant”. Ainsi, ils indiquent aux termes de leurs dernières conclusions que ‘dès lors que la proposition de rectification de 2014 entend remettre en cause la réduction d’ISF opérée par M. et Mme [D] au titre de leur souscription au capital de […], au motif que la société n’aurait pas d’activité réelle et en sous-entendant que les époux [D] se seraient livrés à un montage artificiel en “mettant au compte” de la société […] “des facturations qui ne rentraient pas dans l’objet social” de celle-ci, nous considérons que le redressement se devait d’être poursuivi selon la procédure de l’abus de droit fiscal’ et cela conformément à une lecture a contrario des décisions n°2013-01 et 2014-31 du Comité de l’abus de droit fiscal.

Aux termes de ses écritures, l’administration intimée indique que l’existence d’un abus de droit ‘rampant’ ne peut résulter d’une lecture chronologique de la procédure. Elle rappelle qu’une opération est constitutive d’un abus de droit fiscal ‘si elle procède (…) soit d’un acte fictif soit d’un montage artificiel réalisé dans un but exclusivement fiscal’. A ce titre, l’administration souligne que : ‘la proposition de rectification a principalement fondé les rappels sur les éléments de fait suivants :

– l’absence d’une réelle activité opérationnelle exercée par la société, pendant les 44 mois suivant sa création ;

– l’exercice principal d’une activité de gestion patrimoniale (gestion de trésorerie sans rapport avec une quelconque activité opérationnelle) ;

– l’absence de concordance, tant en date qu’en besoin de financement, entre les souscriptions au capital et les phases d’amorçage et/ou de démarrage d’une activité opérationnelle.

Ces faits sont objectifs et n’emportent ni la fictivité de la société, ni la mise en place d’un montage artificiel à des fins exclusivement fiscales’. Elle affirme donc qu’en relevant des erreurs purement matérielles, liées à la multiplicité des structures, d’imputation de certaines prestations à la société […] alors qu’elles auraient dû être créditées à la société BCF Finances ou mêmes directement aux contribuables, elle n’a aucunement sous-entendu le caractère purement fictif de la première personne morale pas plus qu’elle n’a soumis l’hypothèse d’un montage purement artificiel, elle considère donc, comme le Conseil d’Etat l’a retenu le 8 juin 2015, qu’elle ne s’est pas même implicitement placée sur le terrain de l’abus de droit.

S’agissant du devoir de loyauté et le refus du contradictoire, l’intimée expose que suivant courrier du 4 décembre 2014, elle a clairement fait état de l’abandon de la procédure initiée le 20 décembre 2011 mais également du fait qu’elle se réservait la possibilité de reprendre une procédure. Elle souligne par ailleurs qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir admis des voies de recours qui ne sont pas ouvertes en la présente matière (recours hiérarchique ou saisine de l’interlocuteur départemental en cas de contrôle sur pièces Cass. Com. 20 octobre 1998 et 20 mai 2008).

Sur ce :

En l’espèce les appelants, s’agissant de l’abus de droit implicite, indiquent en substance qu’en attribuant à une autre personne des prestations dont ils affirment qu’elles ont été réalisées par la société au capital de laquelle ils ont souscrit, l’administration ne pouvait que recourir à la procédure de l’abus de droit.

Cependant, il doit être souligné que la proposition de rectification de 2014 mentionne notamment : ‘Il apparaît toutefois que ces facturations ont été mises au compte de la SARL […] alors qu’elles ne rentraient pas dans l’objet social de celle-ci. (…)

Enfin, il convient d’observer que, depuis la création de la SARL […] jusqu’à la fin janvier 2012, soit une durée de 44 mois, celle-ci n’a enregistré un chiffre d’affaires (facturation de prestations) que pendant 9 mois. Au demeurant, les prestations facturées ne requéraient aucun moyen matériel, si ce n’est éventuellement le véhicule que M. et Mme [D] ont pu emprunter pour leurs déplacements.

En d’autres termes :

– de juin à décembre 2008 : la SARL […] n’a pas eu d’activité ;

– de janvier à septembre 2009 : la SARL […] a facturé des prestations qui ne rentraient pas dans son objet social et qui ne requéraient aucun moyen en capital ;

– de septembre 2009 à janvier 2012 : la SARL […] n’a à nouveau réalisé aucun chiffre d’affaires’.

Il résulte de ce qui précède que les appelants ne justifient aucunement du fait que l’administration, au sein de sa proposition de rectification, ait ‘écarté, comme ne lui étant pas opposable’ quelque acte que ce soit se bornant à relever des erreurs d’imputation d’actes dont la réalité n’est aucunement contestée. Il en résulte que les dispositions de l’article L. 64 ci-avant repris n’avaient pas à recevoir application de sorte qu’il ne peut être fait grief à l’administration de ne pas avoir permis aux appelants d’avoir recours aux divers droits et dispositifs liés à la procédure dite de l’abus de droit fiscal (cf. notamment Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 11/02/2022, 455794, Inédit au recueil Lebon).

S’agissant du fait que l’administration se soit montrée déloyale en invoquant un délai de prescription sexennal alors même qu’antérieurement, elle avait déjà pris une proposition de rectification identiquement rédigée étant souligné qu’elle s’est montrée particulièrement tardive en sa réponse à leurs observations, il doit être souligné que le délai de prescription n’est aucunement soumis au choix de l’administration mais dépend uniquement des conditions dans lesquelles peut s’exercer son droit de reprise. Il en résulte que l’invocation justifiée du délai de prescription de droit commun ne peut aucunement être considérée comme faisant la démonstration du caractère déloyal de la procédure secondairement suivie par l’intimée quand bien même cette dernière ait été particulièrement lente à répondre aux observations qui lui avaient été formées courant 2012.

A ce titre, si les appelants soutiennent qu’ils étaient fondés à considérer que la procédure de redressement avait été abandonnée du fait de cet important laps de temps, permettant ainsi une perte des éléments de preuve dont ils pouvaient antérieurement disposer et leur faisant globalement grief, il doit être souligné qu’ils n’indiquent pas même quelles seraient les pièces ou la nature des documents qui auraient pu disparaître alors même qu’ils étaient dès l’origine assistés d’un avocat. Au demeurant, il ne peut qu’être constaté que cette procédure a effectivement été abandonnée par l’intimée aux termes d’un courrier du 4 décembre 2014 adressé en la forme recommandée avec avis de réception signé et retourné à l’administration (quand bien même les appelants contestent cette distribution).

Or il ne peut qu’être souligné que les appelants n’affirment aucunement que l’exercice par l’administration de son droit de reprise en invoquant l’abus de droit, lui impose définitivement de poursuivre sous ce seul fondement à l’exclusion de la procédure contradictoire. Ainsi, en exerçant son droit de reprise sur le fondement de la procédure de rectification contradictoire, l’intimée ne peut être considérée comme ayant eu un comportement déloyal voire comme ayant manifesté une volonté de faire échec au principe du contradictoire, le refus de recevoir des voies de droit non ouvertes ne pouvant être considéré comme un tel comportement étant souligné au surplus, que les appelants ont pu faire des observations s’agissant de cette seconde proposition de rectification auxquelles il a été répondu.

Dans ces conditions, les arguments développés par les appelants ne peuvent être accueillis.

Sur le fond :

En droit, l’article 885-0 V du Code général des impôts en sa version applicable avant août 2008 dispose que : ‘I.-1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, à l’exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, (…). Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000 euros.

La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Répondre à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l’annexe I au règlement (CE) n° 70 / 2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de l’Etat en faveur des petites et moyennes entreprises, modifié par le règlement (CE) n° 364 / 2004 du 25 février 2004 ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles. Cette condition n’est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l’article L. 443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

(…)

f) Etre en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02)’.

Le premier juge a constaté que pendant les trois premières années d’existence de la SARL, son actif ‘était en quasi-totalité employé en trésorerie et valeurs de placement’, cette situation caractérisant une activité patrimoniale non éligible à la réduction d’ISF litigieuse. S’agissant de la phase d’amorçage ou de démarrage de la société, il a été retenu que durant les 44 mois ayant suivi sa constitution, la SARL n’a pas eu de réelle activité opérationnelle dès lors que la vente de piscines n’a débuté qu’au cours de l’année 2011 pour des cessions enregistrées pour la première fois en février 2012, soit bien postérieurement aux souscriptions litigieuses. S’agissant des pièces produites par les contribuables, aux fins de démonstration de la réalité de l’activité, le premier juge a observé que pour partie les documents communiqués étaient destinés à une autre société, pour d’autres ne permettaient pas de déterminer la société visée, voire même étaient antérieurs à la création de la SARL. Concernant les discussions avec la société Cristaline, la réalité de ce projet n’a pas été prouvée et s’agissant du contrat de consultant, il a été retenu que cette activité ne se rapportait pas à la société […].

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent qu’au regard de la doctrine fiscale applicable, ‘il était nécessaire – et suffisant – que la société […] soit une société en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion en juin 2008 et juin 2009, au moment où [ils] ont effectué leurs souscriptions au capital de […]’. Ils en déduisent que l’absence de chiffre d’affaires est inopérant dès lors que les phases d’amorçage (entreprise au stade du simple projet) et de démarrage (constitution de la société jusqu’à la première commercialisation) se définissent justement par une telle absence d’activité génératrice de chiffre d’affaires. De plus ils précisent fournir de nombreux éléments ‘pour attester des démarches entreprises par la société […] aux fins de développer son activité.

La société a ainsi prospecté, sur la période 2008-2010, plusieurs pistes de développement portant sur des concepts commerciaux très différents, mais qui n’ont toutefois pas abouti :

‘ 2008 : projet de développement d’un système frigorifique alimenté par les énergies alternatives en collaboration avec l'[5] de [Localité 6] (…).

‘ 2008 : prospection d’usines en Chine par l’intermédiaire de la société ChinaBridge, pour l’importation de matériels médicaux (…).

‘ 2008 : projet de développement d’une activité de ventes de sanitaires adaptés aux séniors (…).

‘ 2008 : projet de lancement d’un concept de restauration sous franchise « Le palais des sables ». (… )

‘ 2008 : projet de reprise de la société France DYNAMIS, société importatrice et distributrice spécialisée dans les métiers « Arts de la table », décoration de la table et métiers de bouche, (…).

‘ En parallèle, pour se doter de moyens financiers complémentaires, […] a exercé une activité de conseil auprès de la société DLBO (nom commercial de la société PAP FINANCES), et ce, tout au long de l’année 2009 (…).

‘ 2010 : discussions avec la société CRISTALINE France pour développer une activité de vente de piscines en kit et hors sol (…)’. Ce dernier projet aboutissant finalement sous une autre forme, dès lors que la SARL s’est limitée à l’acquisition des brevets de la société Cristaline déconfite. Cette cession est intervenue en deux temps, une première convention du mois de juin 2011 entre Cristaline et une société Veni Vidi Vici Limited (3V) et une concession de licence exclusive de brevets et de marque par 3V à la SARL au mois de novembre de la même année. A compter du dernier trimestre 2011, les moyens de production et de commercialisation ont été mis en oeuvre par la SARL qui a au surplus embauché deux salariés (responsable commercial et responsable achat et qualité), et ont permis de dégager entre 2012 et 2015 des chiffres d’affaires compris entre 2,1 M et 3,6 M d’euros. Les appelants concluent donc que ‘la circonstance que la société […] n’ait pu démarrer une activité pérenne dans le secteur des piscines hors sol qu’au cours de l’année 2011, n’est pas, en soi, un élément autorisant le rejet de la réduction ISF [qu’ils ont] opérée en 2008 et 2009 à raison des souscriptions intervenues au capital de […].

En effet, il est établi que […] a déployé une activité effective sur la période 2008-2010, en menant plusieurs études et évaluations sur d’autres concepts de développements commerciaux, qui n’ont tout simplement et malheureusement pas trouvé de réalisations concrètes’.

Aux termes de ses uniques écritures, l’administration rappelle que la société au sein de laquelle il est investi ‘doit exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater du CGI et notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles’. De plus, elle souligne que la condition d’activité, vérifiée à la date du versement, ‘doit être satisfaite au 1er janvier de chaque année, jusqu’à la cinquième année suivant la souscription’. Sur le fond, l’administration rappelle que la SARL a été constituée par acte du 5 juin 2008 et affirme que cette personne morale a, entre 2008 et 2011, uniquement exercé une activité patrimoniale non éligible au bénéfice de l’article 885 0 V bis CGI. A ce titre, elle indique que ses contradicteurs ‘n’établissent aucunement que les capitaux investis ont bien servi au financement du développement des produits dès la date de souscription’, au contraire les capitaux propres ont été conservés en valeurs mobilières et trésorerie jusqu’en 2011, ainsi ‘la quasi-totalité de l’actif de la société aux 31/12/2008 et 31/12/2009 était constituée de valeurs de placement et de trésorerie’ pour une ‘situation nette de la société (…) de :

– 67 000 € au 31/12/2008,

– 153 445 € au 31/12/2009″

qui n’a connu aucune variation jusqu’en 2011, ce qui caractérise une activité patrimoniale. De plus, l’administration soutient que la SARL ne pouvait être considérée comme étant en phase d’amorçage et de démarrage aux jours des souscriptions litigieuses. Ainsi, elle soutient que ‘les souscriptions au capital intervenues en juin 2008 et 2009 ne se rapportent pas à la phase d’amorçage, puisque celle-ci n’inclut pas la constitution qui fait partie de la phase de ‘démarrage’ et que les investissements litigieux ont été effectués à la constitution de la société le 5 juin 2008 pour le premier, et le 9 juin 2009 pour le second’. Elle affirme qu’elles ne sont pas plus intervenues en phase de démarrage puisque cette phase implique que le projet soit défini, or la commercialisation de piscine en kit est un projet qui ne se développe qu’à compter de l’année 2011, correspondant donc à la phase de démarrage (novembre 2011), pas plus que ces souscriptions ne sont intervenues en phase d’expansion qui suppose une commercialisation préexistante de biens ou de services. L’administration en déduit que ‘la société n’a pas eu d’activité opérationnelle au sens de l’article 885-0 V bis du CGI réelle pendant les 44 mois suivant sa création, puisque l’activité de vente de piscines en kit n’a démarré qu’en novembre 2011, et alors même que l’activité n’a généré les premières ventes qu’à partir du mois de février, voire mars 2012″. S’agissant des projets d’activités prospectées, l’administration indique que ‘pour aucun de ces projets il n’a été apporté la preuve de l’implication de la SARL […] ni de la mobilisation d’aucun moyen financier que cela soit pour financer une phase d’amorçage ou de démarrage’. Concernant l’activité de conseil/consultant invoquée, elle soutient que :

– la convention n’a été régularisée qu’au regard de la connaissance par M. [D] de la société Medifroid et fait suite à la cession de cette dernière par le premier et la société BCF Finances,

– cette activité ne relève pas de l’objet social de la SARL mais correspond à celui de la société BCF Finances qui n’a au demeurant jamais entendu la reprendre,

– ‘la facturation des prestations de conseil par la SARL […] constitue un acte anormal de gestion’,

– les souscriptions pour plus de 132.000 euros sont sans rapport avec les nécessités d’une telle activité.

S’agissant de la commercialisation des piscines, l’intimée souligne que ses contradicteurs ne démontrent pas que la SARL se soit intéressée à l’activité de la société Cristaline avant l’automne 2011. De l’ensemble l’administration affirme ‘qu’il n’est pas possible de relier les deux souscriptions avec le démarrage de l’activité, pour des raisons de chronologie, d’une part, et en l’absence de leur inscription dans un plan de financement d’une activité qui aurait été définie dès juin 2008″.

Enfin, sur l’exonération des titres à l’ISF 2009 et 2010, l’administration observe que ses contradicteurs ne développent aucun argumentaire sur ce chef de rectification.

Sur ce :

Il résulte de l’article 885-0 V CGI que les contribuables qui souscrivent au capital d’une société constituant une PME exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion, au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME (2006/C 194/02), peuvent bénéficier d’une réduction d’ISF, à concurrence de 75 % du montant de leur investissement.

Or ces lignes directrices présentent le capital d’amorçage comme ‘le financement fourni pour étudier, évaluer et développer un concept de base préalablement à la phase de démarrage’ ce qui selon la doctrine fiscale correspond ‘à la période au cours de laquelle l’entreprise n’est qu’au stade de projet et n’est donc pas encore constituée juridiquement. La société est donc en phase de formation’.

Les appelants ne contestent aucunement cette définition de la phase d’amorçage de la société dès lors qu’ils indiquent aux termes de leurs dernières écritures que la doctrine administrative pose que ‘La phase d’amorçage correspond à la période au cours de laquelle l’entreprise n’est qu’au stade de projet et n’est donc pas encore constituée juridiquement. La société est donc en phase de formation.

Les versements effectués pendant cette période par des personnes physiques ne peuvent être éligibles à la réduction d’ISF avant la constitution de la société, dans la mesure où, jusqu’à cette date, ils n’ont pas pour contrepartie l’octroi de droits sociaux. En revanche, dès lors qu’ils bénéficient à des sociétés éligibles, ces versements sont susceptibles d’être éligibles au bénéfice de la réduction d’ISF (‘) dès que la société est définitivement constituée. La date de constitution de la société s’entend de la date de signature des statuts de la société, qui matérialise l’échange des consentements entre les associés’.

Ces mêmes conclusions soulignant que le premier juge retenait que la société était en phase de démarrage précisent ‘Monsieur et Madame [D] considère pour leur part que la société était en phase d’amorçage’ (sic) tout en rappelant que ‘la condition liée au stade de développement de la société est appréciée à la date du versement’.

Or la proposition de rectification litigieuse expose que ‘la SARL […] (…) a été constituée aux termes d’un acte sous seings privés en date du 05/06/2008 enregistré au SIE (…) le 12/06/2008″.

Il en résulte qu’au mieux les versements litigieux sont intervenus, pour ceux réalisés en 2008 concomitamment à la constitution de la société, ou pour les souscriptions de 2009 largement postérieurement à cette création. En tout état de cause, l’ensemble de ces versements a eu pour contrepartie immédiate l’octroi, aux appelants, de droits sociaux à concurrence de l’intégralité de leur investissement de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme ayant été réalisés au profit d’une société en phase d’amorçage au regard même des éléments invoqués par les appelants.

S’agissant de la phase de démarrage, les contribuables exposent qu’elle ‘correspond à la période au cours de laquelle l’entreprise est juridiquement constituée, mais n’a encore commercialisé aucun produit ou service. Le point de départ de cette phase correspond donc à la date de constitution de la société et cette période court jusqu’à la première commercialisation de produits ou de services. Aucun chiffre d’affaires ne peut donc avoir été réalisé pendant cette période’. Ils précisent également que les lignes directrices définissent le capital de démarrage comme ‘le financement fourni aux entreprises qui n’ont pas commercialisé de produits ou de services et ne réalisent pas encore de bénéfices, pour le développement et la première commercialisation de leurs produits’.

Ces éléments rappelés par les contribuables correspondent aux définitions présentées par la doctrine fiscale et ne sont au demeurant pas contestés par l’intimée.

Cependant, il doit être souligné que pour bénéficier de l’avantage fiscal litigieux, la société au capital duquel il est souscrit doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale au jour de la souscription et se trouver à cette même date dans une phase de son développement déterminée. Or les appelants indiquent en substance que courant 2008, la SARL recherchait le domaine dans lequel elle allait développer son activité (système frigorifique, importation de ‘dentist chair’, commercialisation de baignoires pour personnes âgées, restauration, investissement dans une société rencontrant des difficultés financières et exerçant notamment dans le domaine des arts de la table et des métiers de bouche). Or la seule recherche d’une activité à développer sans que celle-ci ne soit aucunement définie ne répond aucunement aux exigences de l’article 885-0 b) et f) , cette ‘recherche’ d’un avenir commercial ou financier ne constituant aucunement ‘une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale’ et ne caractérisant aucunement la phase dite de démarrage. En effet, même pour une société se trouvant dans une telle phase, le produit ou service en attente de commercialisation doit à tout le moins être défini pour retenir que la société développe des moyens financiers aux fins d’assurer sa première commercialisation.

Dans ces conditions, il ne peut qu’être considéré que l’administration était fondée à exercer son droit de reprise s’agissant des versements effectués au titre de l’année 2008.

S’agissant des plus amples souscriptions intervenues au cours de l’année 2009, les appelants indiquent que la SARL avait exercé une activité de conseil auprès d’une société tierce. Cependant outre que l’existence d’une telle activité générant un chiffre d’affaires est incompatible avec l’affirmation des appelants selon laquelle la société […] serait en phase d’amorçage voire même de démarrage (étant souligné qu’ils reprennent eux-mêmes les prévisions de la doctrine fiscale soulignant que le capital de démarrage correspond aux financements nécessaires au ‘développement et la première commercialisation de leurs produits’ et qu’en conséquence ‘aucun chiffre d’affaires ne peut donc avoir été réalisé pendant cette période’), il doit être souligné que l’administration expose, sans être contredite que cette activité de conseil est totalement étrangère à l’objet social de la SARL. A ce titre, il doit être souligné que ce domaine d’activité ne correspond aucunement à celui qui sera finalement retenu par la SARL (commercialisation de piscines).

Il en résulte que l’administration était fondée à retenir que cette activité de conseil ne correspondait pas à celle de la SARL mais à celle de son associé.

De l’ensemble il résulte qu’il ne peut aucunement être considéré qu’aux jours des versements de 2008 et 2009, la société […] ait été en phase d’amorçage ou de démarrage l’existence même de quelque activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale n’étant pas réellement établie.

Enfin et ainsi que le relève l’administration, la présente juridiction ne peut que constater que les appelants ne développent aucun moyen ou argument au soutien de leurs demandes portant sur l’exonération des titres à l’ISF 2009 et 2010 en application des dispositions de l’article 885 I ter du Code général des impôts.

Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes formées par les contribuables.

Sur les demandes accessoires :

Les appelants qui succombent doivent être condamnés aux dépens et l’équité commande de les condamner au paiement à l’intimée de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile sans pouvoir prétendre à indemnisation à ce titre.

Enfin, au regard de l’issue du présent litige, les dispositions de la décision de première instance à ces deux derniers titres doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

DECLARE irrecevable la pièce n°2 initialement communiquée par les appelants et correspondant à l’avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015 ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire du Mans du 28 janvier 2020 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [I] [D] et Mme [T] [P] épouse [D] au paiement à M. le directeur régional des Finances Publiques d’Ile de France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, pôle juridictionnel judiciaire) de la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [D] et Mme [T] [P] épouse [D] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

T. DA CUNHA C. MULLER


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