Invendus et commande de stock disproportionnée : la responsabilité du salarié

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Invendus et commande de stock disproportionnée : la responsabilité du salarié

Contexte de l’affaire

Le Comité Social Economique (C.S.E.) d’Etablissement STELIA AEROSPACE est impliqué dans une affaire de licenciement contesté par Mme [B] [Z], une ancienne responsable de cuisine. Embauchée en 2010, elle a été mise à pied à titre conservatoire en septembre 2019 avant d’être licenciée pour faute le 20 septembre 2019, en raison de commandes jugées disproportionnées de produits périssables.

Licenciement et contestation

Mme [Z] a contesté son licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en juin 2020, demandant la nullité de son licenciement. Le jugement du 27 mai 2021 a reconnu que son licenciement n’était pas fondé et a condamné le C.S.E. à lui verser des dommages et intérêts.

Appel du CSE

Le C.S.E. a interjeté appel de ce jugement, demandant l’infirmation de la décision de première instance et la reconnaissance de la légitimité de son licenciement. Il a également demandé le déboutement de Mme [Z] de toutes ses demandes.

Arguments des parties

Le C.S.E. a soutenu que Mme [Z] avait commis des erreurs de commande qui justifiaient son licenciement. En revanche, Mme [Z] a fait valoir qu’elle n’avait jamais été sanctionnée auparavant et que les erreurs de commande étaient en partie dues à des informations manquantes sur la fréquentation du restaurant. Elle a également souligné que les commandes de poisson avaient été passées par l’économe.

Distribution des invendus

Le C.S.E. a reproché à Mme [Z] d’avoir redistribué des invendus, en violation du règlement intérieur. Mme [Z] a contesté cette accusation, affirmant qu’elle n’était pas présente lors de la distribution et que cette pratique était tolérée par la direction. Plusieurs témoignages ont corroboré cette affirmation, indiquant que la redistribution des invendus était une pratique courante.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que le licenciement de Mme [Z] était sans cause réelle et sérieuse. Elle a noté que les manquements reprochés à Mme [Z] n’étaient pas exclusivement de sa responsabilité et que la gravité des faits ne justifiait pas un licenciement.

Dommages et intérêts

La cour a également confirmé l’octroi de 15 000 euros de dommages et intérêts à Mme [Z] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la remise d’une attestation Pôle Emploi rectifiée.

Remboursement des indemnités de chômage

Le C.S.E. a été condamné à rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [Z] depuis son licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de six mois d’indemnités.

Condamnation aux dépens

Enfin, le C.S.E. a été condamné aux dépens de la première instance et de l’appel, ainsi qu’à verser 2 000 euros à Mme [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
21/04064
8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°433

N° RG 21/04064 –

N° Portalis DBVL-V-B7F-RZRQ

CSE STELIA AEROSPACE

C/

Mme [B] [Z]

Sur appel du jugement du 27/05/2021 du CPH de [Localité 4] -RG : 20/00089

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Dominique CADIOT

-M. [P] [D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Nadège BOSSARD, Présidente de la chambre,

Assesseur : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Septembre 2024

devant Madame Anne-Laure DELACOUR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [O] [W], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANTE et intimée à titre incident :

Le Comité Social Economique (C.S.E.) d’Etablissement STELIA AEROSPACE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique CADIOT de la SELARL GILLES RENAUD ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [B] [Z]

née le 15 Octobre 1980 à [Localité 4] (44)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante à l’audience et représentée par M. [P] [D], Défenseur syndical C.G.T. de [Localité 4], suivant pouvoir

Le CSE Stelia est le comité social et économique d’établissement de la société Stelia Aerospace.

Mme [Z] a été embauchée en qualité de responsable de cuisine le 2 novembre 2010, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, par le Comité d’Etablissement Aerolia de [Localité 4], devenu le CSE Stelia.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie.

Mme [Z] a été placée en congé maternité du 30 septembre 2018 au 12 avril 2019 puis en congés payés du 23 au 30 avril 2019.

Entre le 1er juin et le 30 septembre 2019, elle a bénéficié d’un temps partiel à 80%.

Par lettre remise en main propre contre décharge du 10 septembre 2019, Mme [Z] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un licenciement prévu au 17 septembre suivant.

Le 20 septembre 2019, Mme [Z] a été licenciée pour faute, et dispensée d’exécuter son préavis. Il lui était fait grief d’avoir procédé à des commandes disproportionnées de produits périssables et de les avoir distribués au personnel.

Par courrier du 10 octobre 2019, Mme [Z] a contesté son licenciement.

Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire le 29 juin 2020 aux fins de voir juger son licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 27 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a :

‘ Dit que Mme [Z] n’avait pas été victime de discrimination et dit n’y avoir lieu à réintégration,

– Dit que le licenciement de Mme [Z] n’était pas fondé et devait être considéré comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné le C.S.E. Stelia Aerospace à lui payer les sommes suivantes :

– 15.000 € nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Dit que le montant des condamnations portait intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et que les intérêts se capitaliseraient par application de l’article 1343-2 du Code civil,

‘ Condamné le C.S.E. Stelia Aerospace à délivrer à Mme [Z] une attestation Pôle Emploi rectifiée, comportant l’exacte qualification de la rupture, conformément au présent jugement,

‘ Ordonné le remboursement par le C.S.E. Stelia Aerospace aux organismes concernés, de l’intégralité des indemnités chômage payées à Mme [Z] du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités,

‘ Rappelé que l’exécution provisoire du paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du Code du travail et de la remise de certificat de travail, de bulletin de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer, est de droit dans la limite de neuf mois de salaire en application du dernier article,

‘ Fixé la moyenne des salaires de Mme [Z] à la somme de 2 430 €,

‘ Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

‘ Débouté Mme [Z] de ses autres demandes,

‘ Débouté le C.S.E. Stelia Aerospace de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Mis les dépens à la charge du C.S.E. Stelia Aerospace, ainsi que les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la présente décision.

Le CSE Stelia Aerospace a interjeté appel de ce jugement le 1er juillet 2021.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022, le CSE Stelia Aerospace demande à la cour de :

‘ Déclarer le C.S.E. Stelia Aerospace recevable en son appel principal,

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en ce qu’il a :

– dit le licenciement de Mme [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamné le C.S.E. Stelia Aerospace à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

– 15.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 800 € nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonné le remboursement par le C.S.E. Stelia Aerospace aux organismes concernés de l’intégralité des indemnités de chômage payées à Mme [Z] du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Statuant à nouveau,

‘ Dire le licenciement de Mme [Z] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, ainsi que celles formulées au titre de son appel incident,

‘ Condamner Mme [Z], au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à tous les dépens.

Selon ses écritures notifiées par courrier recommandé le 1er décembre 2021, Mme [B] [Z] demande à la cour de :

‘ Confirmer que le licenciement de Mme [Z] est sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner le C.S.E. Stelia Aerospace à lui verser la somme de 21.873,87 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,

‘ Ordonner la délivrance d’une attestation Pôle Emploi rectifiée,

‘ Ordonner le paiement des intérêts légaux,

‘ Condamner le C.S.E. Stelia Aerospace à lui régler la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Condamner le C.S.E. Stelia Aerospace aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2024.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l’espèce, la lettre de licenciement de Mme [Z] est rédigée comme suit :

‘[…]

Nous avons découvert qu’au cours des mois de juillet et août dernier, vous aviez commandé en quantité disproportionnée et sans rapport tant avec la fréquentation de notre restaurant qu’en considération de la période, des produits frais très périssables (en l’espèce, du boeuf et du poisson) dont vous avez organisé la distribution à vos subordonnés ; cette pratique contrevenant clairement à notre règlement intérieur.

Ainsi, nous vous avons demandé de vous expliquer sur votre commande le 2 juillet de 450 brochettes de boeuf et agneau alors qu’habituellement, il ne s’en consomme qu’entre 230 et 270.

De fait, le 3 juillet 2019, il s’est vendu, au restaurant 237 brochettes.

Dès le lendemain, le gérant du restaurant ainsi qu’une de nos cuisinières vous ont alertée verbalement sur le niveau trop élevé de marchandises commandées ; point qui a à nouveau été abordé lors de la réunion de manager la semaine suivante.

Le reliquat important de brochettes en stock a été vendu pour partie (soit 130 brochettes) au service du vendredi 5 juillet 2019 et vous avez décidé de la distribution du stock restant (86 brochettes) à vos subordonnés.

Nous vous avons ensuite demandé de vous expliquer sur vos deux commandes successives de poisson frais les 12 et 13 août 2019.

Ainsi le 12 août 2019 vous avez commandé 10 kilos de poisson frais qui n’a été consommé qu’à hauteur de 3,360 kilos (soit 17 assiettes).

Plutôt que d’utiliser le reliquat non consommé, vous avez le lendemain commandé de nouveau 9 kgs de poisson frais lequel ne s’est consommé qu’à hauteur de 2,270 kilos (soit 9 assiettes).

Il a résulté de ces achats disproportionnés un surstock de 14,880 kilos de poisson au 14 août au soir, veille de jour férié et de fermeture du restaurant pour le pont du 15 août.

Là encore, en votre présence, ce reliquat de produit a été distribué à vos subordonnés le 14 août midi.

Vous nous avez indiqué qu’en réalité ces sur-commandes étaient le fait de l’économe.

[…]’

L’employeur reproche ainsi à Mme [Z] d’avoir, en qualité de responsable de cuisine, commandé une quantité disproportionnée de nourriture ayant conduit à des invendus de 86 brochettes de boeuf et15 kilos de poisson. Il lui est également reproché d’avoir ensuite redistribué le reliquat de ces marchandises à ses collègues et ce en violation de l’article 5.2.3 du règlement intérieur.

Sur les commandes passées

Le CSE, qui sollicite l’infirmation du jugement de première instance en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [Z], rappelle d’abord que celle-ci était responsable de cuisine depuis 2010, et référente de l’économe en matière de commandes, achats et stocks. Selon l’employeur, Mme [Z] gérait les menus, ordres de commandes, achats, respect des normes d’hygiène et sécurité, et la direction de l’équipe en place.

Mme [Z] fait état d’une disproportion dans la sanction au motif que la commande d’un trop grand nombre de brochettes ou de poisson ne saurait revêtir une gravité suffisante justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, alors même qu’en plus de 8 ans d’activité au sein du CSE, elle n’a jamais fait l’objet ni de sanction ni de reproche. Elle ajoute que s’agissant des commandes de poisson, elles ont été passées par l’économe, M. [G] [J], qui a expressément reconnu s’être trompé sur les quantités.

Mme [Z] a reconnu lors de l’entretien préalable à licenciement du 17 septembre 2019 avoir commis une erreur de commande de brochettes le 2 juillet 2019, ayant conduit à un reliquat de 86 brochettes invendues.

Elle a également expliqué lors de ce même entretien qu’étant de retour de congés après deux mois d’absence, elle n’avait pas été informée de la baisse de fréquentation du restaurant et qu’elle n’avait ainsi pas pu adapter le volume de la commande ; qu’aucune passation ou réunion n’avait été organisée avec le second de cuisine sur ce point.

S’agissant des commandes de poissons des 12 et 13 août 2019, le CSE établit, sans être utilement contredit, que sur les 19 kilos achetés, seuls 6 kilos ont été vendus au restaurant.

Il résulte par ailleurs des bons de commande versés aux débats que le montant de cet achat de poisson s’élève à la somme de 190,75 euros.

Si le CSE indique qu’en sa qualité de responsable de cuisine, il appartenait à la salariée de s’informer des éventuels changements quant à la fréquentation du restaurant et aux commandes à réaliser, il ne résulte d’aucune des pièces produites, et spécialement des contrats de travail de Mme [B] [Z] et de M. [G] [J], l’énonciation et le détail des missions attribuées à chacun, de sorte qu’il n’est pas formellement établi que la gestion des stocks et des commandes relevait strictement des fonctions et tâches attribuées à Mme [Z].

De plus, l’organigramme plaçant Mme [Z] et M. [J] au même niveau de hiérarchie, il n’est pas davantage établi que M. [J], économe, était le subordonné de Mme [Z].

Dans ces circonstances, si la matérialité des faits reprochés à Mme [Z], à savoir une erreur de commande s’agissant des quantités, est caractérisée, les griefs ainsi reprochés à la salariée ne lui sont toutefois pas exclusivement imputables. Par ailleurs, ces manquements ne revêtent pas, en soi, un caractère suffisamment sérieux permettant de justifier un licenciement pour faute.

Sur la distribution des reliquats

L’article 5.2.3 du règlement intérieur du CSE Stelia prévoit l’interdiction faite aux salariés d’emporter des produits vendus ou stockés dans le restaurant.

Le CSE indique que Mme [Z], qui encadrait une équipe de 5 personnes, a validé la distribution de denrées alimentaires, dont elle a été informée.

La salariée objecte que son amplitude horaire étant de 7h00 à 12h00, elle n’a pas pu distribuer les brochettes ou le poisson en fin de service à 15 heures, ni en avoir pris l’initiative.

Elle précise que, s’agissant du poisson, c’est son second, M. [N] [I], qui a pris l’initiative de la distribution du reliquat, dont la quantité n’était que de 12 portions ; qu’en outre, l’accord était donné par le gérant du restaurant.

Il résulte du compte rendu d’entretien préalable au licenciement versé aux débats que Mme [Z] était informée de la redistribution d’une partie du reliquat de poisson, réalisée selon elle par son second de cuisine, et avec l’accord du gérant et du coordinateur, même si ces derniers étaient absents la semaine concernée.

L’employeur communique des attestations dont il résulte que plusieurs salariés ont reconnu avoir profité du système de redistribution de denrées alimentaires périssables non consommées, sous l’égide de Mme [Z].

Ainsi, Madame [F] [R], salariée du CSE, précise : ‘ Le personnel travaillant le vendredi pouvait récupérer les denrées périssables qui n’étaient pas consommées. J’en ai moi-même profité occasionnellement, avec l’aval de la hiérarchie présente. Donc Madame [Z] [B] préparait la distribution’

Mme [S] [L], employée, atteste que : ‘Le vendredi 5 juillet 2019, […] On nous a distribué des brochettes de boeuf qui n’avaient pas été servies pour le service du midi. J’ai eu l’information par une cuisinière que c’était [B] [Z] qui lui avait dit de distribuer au personnel. Le 14/08/2019 on a pu récupérer du poisson qui était en prépa. Tous les vendredis matins après le service [B] faisait des boîtes pour tout le personnel du restaurant’;

M. [V] [C], cuisinier, déclare : ‘J’atteste sur l’honneur que Madame [Z] [B] organisait des distributions de nourriture ou demandait à un cuisinier de le faire à sa place et ce tous les vendredis, en sa présence et plus particulièrement le 5/07/19 une distribution de brochettes pour le personnel ainsi que le 14/08/19 une distribution de poissons au personnel du restaurant. Ces distributions étaient régulières d’une sur-commande de sa part’ ;

M. [N] [I], chef de cuisine, indique : ‘Le 14/08/2019 il restait 15 kilos de poissons. J’ai trouvé ma chef de cuisine dans le bureau lui demandant ce que j’en faisait sachant que nous étions fermés le reste de la semaine et qu’il y en avait trop pour le soir. Je lui ai demandé ce que l’on en faisait, elle m’a confirmé de le donner au personnel du restaurant’.

Afin d’établir que la distribution des invendus était tolérée par sa hiérarchie, Mme [Z] produit d’autres attestations mentionnant que cette distribution d’invendus n’a pas été orchestrée par elle et qu’elle était tolérée par la hiérarchie.

Madame [H] [Y] indique notamment : ‘à aucun moment la distribution des ‘non-vendus’ des marchandises en fin de service les vendredis n’a été orchestré par [B]. C’est une tolérance que notre hiérarchie nous laissait jusque là.’ .

De même, Monsieur [U] [T] déclare : ‘Quant à la distribution habituelle du surplus de denrées au personnel du restaurant en fin de service, ceci était connue des dirigeants du restaurant. En tous les cas [B] n’a pas pu organisé ni assisté à cette distribution, n’étant pas présente à la fin du service.’ ;

Enfin, Monsieur [A] [X] indique : ‘La distribution habituelle du surplus de denrées au personnel du restaurant s’est toujours fait et était connue des responsables du restaurant. En tous les cas Madame [Z] n’a pas pu organiser ni assister à cette distribution, lors de la distribution en fin de service elle n’était d’ailleurs pas présente. Les brochettes avaient d’ailleurs été remises à la consommation des usagers la semaine suivante’

A l’examen de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que s’il est établi que la redistribution du reliquat de portions de nourriture invendues s’est faite en violation des dispositions du règlement intérieur de l’entreprise, ces manquements ne sont pas directement et exclusivement imputables à Mme [Z], plusieurs salariés ayant attesté qu’une telle pratique était jusqu’alors autorisée ou a minima tolérée par la direction du restaurant.

De plus, au regard de la quantité d’invendus distribués, de l’absence de passé disciplinaire de la salariée et de la faible importance du préjudice subi par la société, de l’existence d’une pratique antérieure et de l’absence de remise en cause expresse ou d’avertissement délivré à Mme [Z], ces manquements, bien qu’établis, ne sont pas d’une gravité suffisante pour permettre de justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En conclusion, par confirmation du jugement entrepris, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux, qui, pour une ancienneté de 8 années, s’élèvent entre 3 et 8 mois de salaire.

En l’espèce, au regard du salaire moyen perçu par la salariée qui sera fixé, à l’examen des pièces produites, à la somme de 2 294 euros bruts, de son âge et de sa qualification, du temps qui lui a été nécessaire pour retrouver un emploi (elle justifie de plusieurs CDD conclus entre le 16 décembre 2019 et le 31 décembre 2020, ainsi que des contrats d’engagement à durée déterminée passés avec la région Pays de la Loire comme cuisinière contractuelle entre mars 2021 et juillet 2022 au sein d’un lycée), le préjudice par elle subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros.

Le jugement entrepris est ainsi confirmé de ce chef.

Sur la remise de documents sociaux :

En application de l’article R 1234-9 du Code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l’institution mentionnée à l’article L 5312-1.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a condamné le CSE Stelia Aerospace à remettre à Mme [Z] une attestation rectifiée destinée à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

L’article L1235-4 du code du travail prévoit que dans les cas où le licenciement est nul ou dénué de cause réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

En l’espèce, le licenciement de Mme [Z] étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a ordonné le remboursement par le CSE Stelia Aerospace de l’intégralité des indemnités chômages payées à Mme [Z] du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le CSE Stelia Aerospace, partie succombante, est condamnée aux dépens de la première instance et d’appel et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

Condamne le CSE Stelia Aerospace à payer Mme [B] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le CSE Stelia Aerospace aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


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