Invalidité d’un commandement de paiement : enjeux de la notification et du titre exécutoire

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Invalidité d’un commandement de paiement : enjeux de la notification et du titre exécutoire

Contexte de l’affaire

La Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion (CGSSR) a délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente à l’encontre de Monsieur [V] [D] [N] le 18 janvier 2024, en raison d’une contrainte signifiée le 13 novembre 2019. Le montant réclamé s’élève à 14.286,50 euros.

Demande de Monsieur [V] [D] [N]

Monsieur [V] [D] [N] a assigné la CGSSR devant le juge de l’exécution, demandant la nullité du commandement de payer, l’annulation de l’acte litigieux, le débouté de la CGSSR, ainsi qu’une indemnisation de 2.500 euros pour les frais de justice. Il conteste la validité du commandement, arguant que la contrainte ne lui a jamais été signifiée et que l’acte ne mentionne pas la forme juridique de la CGSSR.

Arguments de la CGSSR

La CGSSR, représentée par son conseil, a soutenu que le juge de l’exécution n’a pas compétence pour examiner la validité du titre exécutoire. Elle a affirmé que la contrainte avait été signifiée le 5 décembre 2023 et qu’elle était donc régulière, justifiant ainsi le commandement de payer.

Examen des faits par le juge

Le juge a constaté que Monsieur [V] [D] [N] ne contestait pas la contrainte elle-même, mais son absence de signification. Il a également noté que la CGSSR n’a pas prouvé la signification de la contrainte du 13 novembre 2019, et que la contrainte produite par la CGSSR ne correspondait pas à celle mentionnée dans le commandement de payer.

Décision du juge de l’exécution

Le juge a déclaré le commandement de payer délivré le 18 janvier 2024 nul, en raison de l’absence de titre exécutoire valide. Il a ordonné la mainlevée de ce commandement et a statué que la CGSSR, partie perdante, devait supporter l’intégralité des dépens de l’instance.

Conclusion de la décision

La décision est exécutoire à titre provisoire, et le juge a rejeté toute autre demande, n’ordonnant pas l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG
24/00812
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 24/00812 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GTJ5
NAC : 78B

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 07 novembre 2024

DEMANDEUR

Monsieur [V] [D] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Eloïse ITEVA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION et Me Ana Cristina COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

Caisse Générale de Sécurité Sociale de La Réunion
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

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COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution : Audrey AGNEL,
Greffier : Dévi POUNIANDY

Audience publique du 05 septembre 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 07 novembre 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Audrey AGNEL, Vice-présidente, assistée de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée le 07 novembre 2024 à Me ITEVA, Maître BARRE,
Expédition délivrée le 07 novembre 2024 aux parties

EXPOSE DU LITIGE:

Se prévalant d’une contrainte en date du 13 novembre 2019 régulièrement signifiée, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion (CGSSR) a fait délivrer, le 18 janvier 2024, à l’encontre de Monsieur [V] [D] [N] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour obtenir paiement de la somme totale de 14.286,50 euros.

Par un acte de commissaire de justice du 27 février 2024 délivré à personne morale, Monsieur [V] [D] [N] a fait assigner la CGSSR devant le juge de l’exécution de ce tribunal aux fins de faire :
– déclarer l’acte de commandement de payer aux fins de saisie-vente nul et de nul effet ;
– annuler l’acte de commandement de payer aux fins de saisie-vente litigieux et en ordonner la mainlevée ;
– débouter la CGSSR de l’ensemble de ses demandes ;
– la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

A l’audience du 5 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été évoquée, Monsieur [V] [D] [N], représenté par son conseil, maintient l’intégralité de ses demandes dans les termes de l’acte introductif d’instance et reprend oralement ses conclusions du 4 septembre 2024.

Il conteste la validité du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 18 janvier 2024 à son encontre faisant valoir, d’une part, que l’acte ne mentionne pas la forme juridique de la requérante personne morale, pas plus que les voies et délais de recours, et d’autre part, que la contrainte du 13 novembre 2019 ne lui a jamais été signifiée ou notifiée, de sorte que la défenderesse ne dispose d’aucun titre exécutoire.

La CGSSR, représentée par son conseil, reprend oralement ses dernières conclusions du 25 avril 2024. Elle conclut au débouté de l’ensemble des demandes adverses et sollicite la condamnation de Monsieur [V] [D] [N] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que des entiers dépens.

Elle fait valoir que le juge de l’exécution n’a pas compétence pour connaître de la validité du titre exécutoire que constitue la contrainte délivrée par l’organisme de sécurité sociale. Elle affirme que la contrainte du 17 novembre 2023 a bien été signifiée le 5 décembre 2023. Elle en déduit que cette contrainte est régulière et qu’elle a acquis tous les effets d’un jugement. Elle réfute les arguments adverses pour le surplus et demande au juge de l’exécution de valider le commandement aux fins de saisie-vente du 18 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et observations orales.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 7 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la validité du commandement de payer aux fins de saisie-vente

Aux termes de l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Constituent des titres exécutoires, aux termes de l’article L. 111-3 6° du Code des procédures civiles d’exécution, les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

En vertu de l’article L.244-9 du Code de la sécurité sociale, la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d’un jugement.

L’article R. 133-3 du même code précise que la contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En l’espèce, la CGSSR a fait délivrer, le 18 janvier 2024, à l’encontre de Monsieur [V] [D] [N] un commandement de payer aux fins de saisie-vente en vertu d’une contrainte décernée à son encontre le 13 novembre 2019 par le Directeur de la CGSSR.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, Monsieur [V] [D] [N] ne conteste pas la validité de la contrainte mais fait valoir que la contrainte, en vertu de laquelle la mesure d’exécution contestée a été opérée, ne lui a été ni signifiée, ni notifiée.

Il conteste donc la validité du commandement de payer aux fins de saisie-vente qui lui a été délivré le 18 janvier 2024 en l’absence de titre exécutoire et le juge de l’exécution est bien compétent pour statuer sur la régularité de la mesure d’exécution contestée.

Or, la CGSSR produit une contrainte du 17 novembre 2023 d’un montant de 5.308 euros, signifiée le 5 décembre 2023, qui ne correspond nullement à la contrainte du 13 novembre 2019 portant sur des cotisations de 13.170 euros mentionnée dans le commandement de payer aux fins de saisie-vente litigieux.

Il y a donc lieu de constater que la CGSSR ne justifie pas de la signification de la contrainte du 13 novembre 2019, pas plus que de sa notification par lettre recommandée avec avis de réception.

Par suite, et faute pour la CGSSR de démontrer l’existence du titre exécutoire en cause, il y a lieu de prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 18 janvier 2024 à l’encontre de Monsieur [V] [D] [N] pour un montant de 14.286,50 euros et d’ordonner, par voie de conséquence, la mainlevée de ce commandement de payer aux fins de saisie-vente, et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens développés par le demandeur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La CGSSR, partie perdante, supportera la charge de l’intégralité des dépens de l’instance.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire en application des dispositions des articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT que le juge de l’exécution est compétent pour statuer sur la régularité de la mesure d’exécution contestée.

PRONONCE la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 18 janvier 2024 par la CGSSR à l’encontre de Monsieur [V] [D] [N] pour un montant de 14.286,50 euros.

EN CONSÉQUENCE,

ORDONNE la mainlevée de ce commandement de payer aux fins de saisie-vente.

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande.

CONDAMNE la CGSSR au paiement des entiers dépens.

CONSTATE l’exécution provisoire de plein droit la présente décision.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION


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