Interview diffamatoire : conditions de la bonne foi

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Interview diffamatoire : conditions de la bonne foi

L’excuse de bonne foi (qui paralyse la diffamation) suppose que les faits dénoncés soient appuyés par une base factuelle suffisante.

Action en diffamation de la Fédération nationale des sourds de France

Suite à la publication sur Facebook d’une vidéo d’un militant mettant en cause la gestion de ses dons par la Fédération nationale des sourds de France (FNSF), cette dernière a obtenu la condamnation de l’auteur des propos pour diffamation.

Faits précis

Le militant dénonçait notamment le mode de fonctionnement de la fédération (« cercle fermé ») et l’existence d’un système de « piston » ainsi qu’une gestion opaque des dons. Ces faits étaient suffisamment précis pour faire l’objet d’un débat sur la preuve de leur vérité ; ils étaient, si ce n’est pénalement répréhensibles, à tout le moins contraires à la morale communément admise dès lors qu’une association doit utiliser les dons qui lui sont remis pour accomplir ses buts statutaires et en particulier, lorsque ces dons sont affectés à une action déterminée, pour l’accomplissement de cette action.

Conditions de la diffamation

L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’. Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure -caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises. La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

La bonne foi exclue

Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.

Ces critères s’apprécient différemment selon le genre du support en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer, mais une personne elle-même impliquée dans les faits dont elle témoigne.

En l’espèce, le militant n’avait pas profession d’informer mais était personnellement concerné par la défense de la langue des signes et par la lutte contre les discriminations dont les sourds peuvent faire l’objet et à ce titre (membre de la FNSF) il était par conséquent, intéressé par le fonctionnement de cet organisme dont il semblait bien connaître certains membres de la direction. Entendant interpeller les dirigeants de la FNSF sur son fonctionnement et obtenir des explications, notamment sur la gestion financière, le militant disposait d’un but légitime à s’exprimer publiquement. Même si les propos employés étaient vifs rien n’établissait une animosité personnelle, étrangère au but d’information de la vidéo à l’encontre de la fédération. Toutefois, il n’existait aucun élément factuel portant sur l’embauche d’un salarié choisi non pour son professionnalisme mais par piston. Dans ces conditions, le militant ne pouvait pas bénéficier de l’excuse de bonne foi et les éléments constitutifs d’une diffamation publique envers particulier étaient réunis.

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