Intervention forcée et responsabilité des constructeurs : enjeux de la qualité et de l’intérêt à agir dans le cadre des litiges automobiles

·

·

Intervention forcée et responsabilité des constructeurs : enjeux de la qualité et de l’intérêt à agir dans le cadre des litiges automobiles
Ce point juridique est utile ?

Entre 2012 et 2018, le groupe Nissan a développé un moteur, le « DiG-T 1.2 », pour plusieurs de ses véhicules. Des propriétaires de ces véhicules, rencontrant des problèmes d’utilisation, ont assigné en référé la société Nissan West Europe en juin 2022, demandant la communication de documents et des compensations financières. Le tribunal de Versailles a rejeté leur demande en mars 2023. Les plaignants ont interjeté appel en octobre et décembre 2023. En mai 2024, le président de la chambre a ordonné la jonction des dossiers. Les appelants ont formulé des demandes précises de communication de documents techniques et d’analyses concernant le moteur, ainsi que des astreintes en cas de non-communication. Nissan Automotive Europe a contesté la recevabilité des demandes à son encontre, tandis que Nissan West Europe a soutenu qu’elle n’était qu’un importateur local sans responsabilité sur les documents demandés. L’ordonnance de clôture a été rendue en juillet 2024, confirmant le rejet des demandes des appelants et les condamnant aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/07013
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50D

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 OCTOBRE 2024

N° RG 23/07013 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WEBP

AFFAIRE :

[T] [Z] AGENT DE GESTION FINANCIERE

C/

S.A.S. NISSAN WEST EUROPE

SAS NISSAN AUTOMOTIVE EUROPE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 14 Mars 2023 par le Président du TJ de VERSAILLES

N° RG : 22/00802

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10.10.2024

à :

Me Véronique BROSSEAU, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Sophie PORCHEROT, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [T] [Z] AGENT DE GESTION FINANCIERE

née le 20 Juillet 1982 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Monsieur [W] [J]

né le 03 Février 1959 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 11]

Monsieur [U] [S]

né le 18 Août 1985 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 3]

Monsieur [B] [D]

né le 23 Mars 1985 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 6]

Monsieur [K] [N]

né le 21 Décembre 1996 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Monsieur [A] [Y]

né le 15 Décembre 1981 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 1]

Monsieur [M] [X]

né le 10 Mars 1963 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentant : Me Véronique BROSSEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 653

Ayant pour avocat plaidant Me Christophe LEGUEVAQUES, du barreau de Paris, substitué par Me Pierre DELIVERET, du barreau de Toulouse

APPELANTS

****************

S.A.S. NISSAN WEST EUROPE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B699 809 174

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentant : Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 – N° du dossier 383659

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles SERREUILLE, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

SAS NISSAN AUTOMOTIVE EUROPE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 443 089 990

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 43302

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre-Yves MICHEL, du barreau de Paris

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Septembre 2024, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Entre 2012 et 2018, les différentes sociétés composant l’ensemble des sociétés Nissan ont mis au point, conçu et fabriqué un moteur sous l’appellation commerciale « DiG-T 1.2 » destiné à équiper plusieurs véhicules de la marque Nissan.

De 2012 à ce jour, l’ensemble des sociétés du groupe Nissan ont continué de commercialiser ces véhicules directement ou indirectement par le réseau des concessionnaires et autres garages agréés.

Mme [T] [Z], M. [W] [J], M. [U] [S], M. [B] [D], M. [K] [N], M. [A] [Y] et M. [M] [X] sont ou ont été propriétaires et usagers d’un véhicule automobile de la marque Nissan équipé de ce moteur et ont rencontré des difficultés à l’occasion de son utilisation.

Par acte d’huissier de justice délivré le 17 juin 2022, Mme [T] [Z], M. [W] [J], M. [U] [S], M. [B] [D], M. [K] [N], M. [A] [Y] et M. [M] [X] ont fait assigner en référé la société Nissan West Europe aux fins d’obtenir principalement :

– la communication forcée des pièces et de documents,

– la condamnation de la société à une astreinte de 10 000 euros par jour de retard et pour chaque document dont la communication a été ordonnée, passé un délai de 25 jours suivant la signification de l’ordonnance,

– la condamnation de la société au paiement de l’intégralité des frais de communication et/ou transport des pièces, documents et éléments demandés,

– la condamnation de la société au paiement de la somme de 159 euros à chaque demandeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamnation de la société aux entiers dépens de la procédure.

Par ordonnance contradictoire rendue le 14 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

– rejeté la demande de communication des pièces formée à l’encontre de la société Nissan West Europe (Nissan France),

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge des demandeurs.

Par déclaration reçue au greffe le 13 octobre 2023, Mme [T] [Z], M. [W] [J], M. [U] [S], M. [B] [D], M. [K] [N], M. [A] [Y] et M. [M] [X] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Par déclaration reçue au greffe le 13 décembre 2023, M. [W] [J] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Par ordonnance du 28 mai 2024, le président de la chambre a ordonné la jonction des deux dossiers et dit que les procédures seront suivies sous le numéro n°23/7013.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 27 mai 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [T] [Z], M. [U] [S], M. [B] [D], M. [K] [N], M. [A] [Y] et M. [M] [X] demandent à la cour, au visa des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile, L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, 1104 du code civil et L.111-1 à L. 111-8 du code de la consommation, de :

‘- recevoir et déclarer bien fondée l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre de la société Nissan Automotive Europe dans la procédure actuellement pendante devant la cour d’appel de Versailles et enregistrée sous le n° de RG 23/07013.

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle rejette les demandes de communication de documents formées à l’encontre de la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS sauf en ses dispositions relatives à la reconnaissance du motif légitime, au sens de l’article 145 du code de procédure civile, des appelants.

et statuant de nouveau :

– ordonner la communication forcée de la part de la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et/ou de la société Nissan Automotive Europe des pièces et documents suivants :

ordonner la communication forcée de la part de la SAS Nissan West Europe

(Nissan FRANCE) des pièces et documents suivants :

– 1. La note Nissan Technical Bulletin EM 15/O5 du 18 décembre 2015 et sa mise à

jour 15/05b du 23 décembre 2019 ;

– 2. Le bulletin d’information produit ” PIB-VVES-EM-20-O08-fr ” au sujet des modèles

J11, FIS et C13 en date du l0 juillet 2020;

– 3. La NDQ 1833 en date du 15 août 2018 intitulée ” 1.2 HSft (HRAZDDT) Goodvvill

extension ” ; `

– 4. L’étude de sensibilité Thermique Soupape (HRl2DDT Thermique Soupape),

– 5. Les analyses moteurs 1.2 DiG-T I-IRADDT, aussi appelé HRAZDDT ou I-IRA2,

(Global moteur) sur T1/T2/T3/T4 pour les années 2012, 2013, 2014, 2015,20l6,20l7,2018, 2019, 2020 et 2021 ;

– 6. Les informations documentées pour la gestion des produits et des processus de fabrication liés à la sécurité comprenant toute les dispositions prévues par l’IATF16949 – FR 4.4.1.2 sécurité du produit;

– 7. Les informations documentées comme preuve des résultats des analyses de risques pour les moteurs 1.2 DiG-T I-IRA2, aussi appelé HRADDT ou HRAZDDT (ISO 900l:2015, ISO 9001:2008 et IATF 16949 – FR 6.1.1 et 6.1.2 incluant:

7.1- “Les enseignements tirés des rappels de produits, des audits de produits, des

retours et réparations clientèle, des réclamations, des rebuts et des retouches” (IATF 16949 -FR 6.1.2. Analyse des risques) pour les années 2012, 2013, 2014,2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 ;

7.2 – “Les AMDEQ, le diagramme de flux du processus, les plans de surveillance

et les instructions de travail” (IATF ‘16949 -FR 8.3.2.1 Planification de la conception et du développement- Supplément d) ;Et plus précisément : les AMDEC Produit, les AMDEC Système, les AMDEC Processus, les AMDEC Projet, les APQP, le cahier des charges, les tests et simulations effectuées afin de permettre ce cahier des charges, les méthodes des AMDEC, des tests et simulations effectuées, le diagramme de flux Produit, le diagramme de flux système, le diagramme de flux processus, les diagrammes d’Ishikawa (aussi appelé diagramme de causes et effets) utilisés dans le processus de résolution des problèmes et défaillances, les arbres de défaillances, les analyses des risques, les analyses fonctionnelles, les standards de conception (avec son application spécifique) et de spécification ;

– 8. Les Revues de direction pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018,2019, 2020 et 2021 (ISO 9001:2015, ISO 9001 :2008 et IATF 16949 – FR 9.3 Revue de direction) comprenant :

8.1 – Les éléments d’entrée de la revue de direction (ISO 9001-:2015, ISO 9001 :2008 et IATF16949 -FR 9.3 .2 Eléments d’entrée de la revue de direction) devant comprendre 1’ensemble des éléments prévus par IATF 16949 9.3.2.1 Eléments d’entrée de la revue de direction -Supplément) ;

8.2 – Les éléments de sortie de la revue de direction (ISO 900112015, ISO9001:2008 et LATFI69/19 -FR 9.3 .3 Eléments de sortie de la revue de direction) devant comprendre l’ensemble des éléments prévus par IATF 16949 9.3.3.1 Eléments de sortie de la revue de direction – Supplément) ;

– 9. Le document (la matrice) issu du Manuel Qualité de l’organisme Nissan indiquant la prise en compte des exigences spécifiques client et ses mises ajour (IATF 16949 – FR 7.5.1.1 Document relative au Système de Management de la Qualité) ;

– 10. Les documentations LUP (Liste Uniques des problèmes), les études et plans d’action qui en découlent pour les pannes immobilisantes des moteurs 1.2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRA2DDT ;

– 11. Les audits internes pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017,2018,2019,2020 et 2021 (ISO 900l:20l 5, ISO 9001:2008 et IATF16949 -FR 9.2.1,9.2.2 et .9. 2. 2.1 Programme d’audits internes) ;

– 12, Les documentations exigées par le 10.2 Non-conformité et action corrective de l’IATF 16949 – FR relatives à la non-conformité, aux actions correctives et à la résolution de problèmes des moteurs 1.2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRAZDDT, comprenant :

12. 1 – La définition de démarches pour divers types et tailles de problèmes (par exemple, le développement d’un nouveau produit, les problèmes de fabrication actuellement rencontrés, les incidents clientèle et les constats d’audit) ;

12.2 – L ‘isolement des produits, les mesures provisoires et les activités connexes nécessaires pour maîtriser les produits non conformes (voir clause 8. 7 de 1’1SO .9001);

12.3 – L’analyse des causes racines, la méthode utilisée, l’analyse et les résultats;

12.4 – La mise en oeuvre des actions correctives systémiques, y compris la recherche d’i1npacts sur des produits et des processus similaires ;

12.5 – La vérification de l’efficacité des actions correctives mises en oeuvre ;

12.6 – Le réexamen et, si nécessaire, l’actualisation des informations documentées pertinentes de type AMDEC processus ou plan de surveillance par exemple. (IATF 16949 – FR 10.2.3 Résolution de problèmes) ;

– 13. Les plans de surveillance pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017,2018, 2019, 2020 et 2021 (qui doivent être conformes avec l’Annexe A de l’IATF 16949 – FR) de 1’Usine Nissan motor Manufacturing UK Ltd située [Adresse 24], Royaume-Uni :

13 .1 – Les contrôles utilisés pour la maîtrise du processus de fabrication, y compris les vérifications au démarrage de poste ;

13 .2 – La validation des premières ou dernières pièces d’un cycle de production (si applicable) ;

13.3 – Les méthodes de surveillance, de contrôle définies par le client et l’organisme pour vérifier la maîtrise des caractéristiques spéciales (voir annexe A),

13 .4 – Les informations requises parle client (le cas échéant) (ISO 9001 :2015, ISO 9001 :2008 et IATF 16949 – FR 8.5.1 Maîtrise de la production et de la prestation de service et les a) à d) du 8.5.1.1 Plan de surveillance) ;

– 14. Les plans de réaction (prévu à l’Annexe A de l’IATF 16949 – FR) relatifs aux moteurs 1 .2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRA2DDT (IATF 16949 -FR ) du 8.5.1.1) ;

– 15. Dossier constructeur pour homologation CE et ses mises à jour ;

– 16. Dossier de réception de chaque véhicule pour homologation CE et ses mises à jour ;

– 17. L’audit de conformité du produit du véhicule pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 20l7,20l8,2019, 2020,2021 ;

– 18. Les guides pour réaliser les diagnostics et les instructions après-vente du véhicule

pour les années 2012, 2013, 2014,2015, 2016, 2017,l 2018, 2019, 2020,2021 ;

– 19. Remontées clients relatives aux dysfonctionnement pour les années 2012, 2013, 20l4,20l5, 2016, 2017,20l8, 2019, 2020,2021 ;

– 20. Audit produit du véhicule pour les années 2012, 2013, 20l4,2015, 2016, 2017,2018, 2019, 2020,2021 ;

– 21. les audits de processus de fabrication de véhicule pour les années 2012, 2013, 20142015, 2016, 20112018, 2019, 2020,2021 ;

– 22. Tous les rapports, notamment mémorandums, notes, alertes internes ou externes, relatives aux moteurs DiG-T 1.2 entre 2012 et 2020 émanant de la base (réseau, contrôleur qualité, sav, service de R/D en direction des décideurs exécutifs et notamment vers les organes décisionnaires du Groupe Nissan et du Groupe RENAULT > bottom to top) ;

– 23. Toutes les délibérations, notamment décisions, instructions, recommandations entre 2012 et 2020 émanant des organes décisionnaires du Groupe Nissan et du Groupe RENAULT vers les différentes services et les membres du réseau relatifs aux moteurs DiG-T 1.2 (> top to bottom) ;

– 24. Toutes les notes techniques, informations, alertes, recommandations communiquées entres 2012 et 2020 par le Groupe Nissan et par le Groupe RENAULT aux chefs d’ateliers des garages ou en relation indirecte pour les garages indépendants ;

– 25. Tous les échanges, notamment réponses, lettres, rapports, notes, études communiqués par le Groupe Nissan et le Groupe RENAULT aux autorités publiques (et en particulier à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), en sa qualité d’autorité de surveillance du marché des véhicules à moteur) relatives aux moteurs DiG-T 1.2 entre 2012 et 2020, notamment eu égard aux conséquences réglementaires résultant de mises à jour logicielles intervenues après 2017 ;

– ordonner que la mesure de communication de pièces soit à la charge de la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et/ou de la société Nissan Automotive Europe,

– ordonner que la transmission des pièces et des documents se fasse, à chaque fois que cela est matériellement possible, par format numérique,

– ordonner à la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et/ou à la société Nissan Automotive Europe de communiquer les documents et pièces aux appelants, sous une astreinte de 10 000 euros, par jour de retard et pour chaque document dont la communication aura été ordonnée, à compter du 25ème jour suivant la notification de l’arrêt à venir,

– -débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires la société Nissan West Europe (Nissan France) et la société Nissan Automotive Europe ;

– condamner in solidum la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et la société Nissan Automotive Europe à chacun des appelants susvisés la somme de 489 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et la société Nissan Automotive Europe aux éventuels dépens, dont recouvrement au profit de Me Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 mai 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [W] [J] demande à la cour, au visa des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile, L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, 1104 du code civil et L.111-1 à L. 111-8 du code de la consommation, de :

‘- recevoir et déclarer bien fondée l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre de la société Nissan Automotive Europe dans la procédure actuellement pendante devant la cour d’appel de Versailles et enregistrée sous le n° de RG 23/07013.

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle rejette les demandes de communication de documents formées à l’encontre de la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS sauf en ses dispositions relatives à la reconnaissance du motif légitime, au sens de l’article 145 du code de procédure civile, des appelants.

et statuant de nouveau :

– ordonner la communication forcée de la part de la société Nissan West Europe (Nissan France)

SAS et/ou de la société Nissan Automotive Europe des pièces et documents suivants :

ordonner la communication forcée de la part de la SAS Nissan West Europe

(Nissan FRANCE) des pièces et documents suivants :

– 1. La note Nissan Technical Bulletin EM 15/O5 du 18 décembre 2015 et sa mise à jour 15/05b du 23 décembre 2019 ;

– 2. Le bulletin d’information produit ” PIB-VVES-EM-20-O08-fr ” au sujet des modèles J11, FIS et C13 en date du l0 juillet 2020;

– 3. La NDQ 1833 en date du 15 août 2018 intitulée ” 1.2 HSft (HRAZDDT) Goodvvill extension ” ; `

– 4. L’étude de sensibilité Thermique Soupape (HRl2DDT Thermique Soupape),

– 5. Les analyses moteurs 1.2 DiG-T I-IRADDT, aussi appelé HRAZDDT ou I-IRA2,

(Global moteur) sur T1/T2/T3/T4 pour les années 2012, 2013, 2014, 2015,20l6,20l7,2018, 2019, 2020 et 2021 ;

– 6. Les informations documentées pour la gestion des produits et des processus de fabrication liés à la sécurité comprenant toute les dispositions prévues par l’IATF16949 – FR 4.4.1.2 sécurité du produit;

– 7. Les informations documentées comme preuve des résultats des analyses de risques pour les moteurs 1.2 DiG-T I-IRA2, aussi appelé HRADDT ou HRAZDDT (ISO 900l:2015, ISO 9001:2008 et IATF 16949 – FR 6.1.1 et 6.1.2 incluant:

7.1- “Les enseignements tirés des rappels de produits, des audits de produits, des retours et réparations clientèle, des réclamations, des rebuts et des retouches” (IATF 16949 -FR 6.1.2. Analyse des risques) pour les années 2012, 2013, 2014,2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 ;

7.2 – “Les AMDEQ, le diagramme de flux du processus, les plans de surveillance

et les instructions de travail” (IATF ‘16949 -FR 8.3.2.1 Planification de la conception et du développement- Supplément d) ;Et plus précisément : les AMDEC Produit, les AMDEC Système, les AMDEC Processus, les AMDEC Projet, les APQP, le cahier des charges, les tests et simulations effectuées afin de permettre ce cahier des charges, les méthodes des AMDEC, des tests et simulations effectuées, le diagramme de flux Produit, le diagramme de flux système, le diagramme de flux processus, les diagrammes d’Ishikawa (aussi appelé diagramme de causes et effets) utilisés dans le processus de résolution des problèmes et défaillances, les arbres de défaillances, les analyses des risques, les analyses fonctionnelles, les standards de conception (avec son application spécifique) et de spécification ;

– 8. Les Revues de direction pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018,2019, 2020 et 2021 (ISO 9001:2015, ISO 9001 :2008 et IATF 16949 – FR 9.3 Revue de direction) comprenant :

8.1 – Les éléments d’entrée de la revue de direction (ISO 9001-:2015, ISO 9001:2008 et IATF16949 -FR 9.3 .2 Eléments d’entrée de la revue de direction) devant comprendre 1’ensemble des éléments prévus par IATF 16949 9.3.2.1 Eléments d’entrée de la revue de direction -Supplément) ;

8.2 – Les éléments de sortie de la revue de direction (ISO 900112015, ISO9001:2008 et LATFI69/19 -FR 9.3 .3 Eléments de sortie de la revue de direction) devant comprendre l’ensemble des éléments prévus par IATF 16949 9.3.3.1 Eléments de sortie de la revue de direction – Supplément) ;

– 9. Le document (la matrice) issu du Manuel Qualité de l’organisme Nissan indiquant la prise en compte des exigences spécifiques client et ses mises ajour (IATF 16949 – FR 7.5.1.1 Document relative au Système de Management de la Qualité) ;

– 10. Les documentations LUP (Liste Uniques des problèmes), les études et plans d’action qui en découlent pour les pannes immobilisantes des moteurs 1.2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRA2DDT ;

– 11. Les audits internes pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017,2018,2019,2020 et 2021 (ISO 900l:20l 5, ISO 9001:2008 et IATF16949 -FR 9.2.1,9.2.2 et .9. 2. 2.1 Programme d’audits internes) ;

– 12, Les documentations exigées par le 10.2 Non-conformité et action corrective de l’IATF 16949 – FR relatives à la non-conformité, aux actions correctives et à la résolution de problèmes des moteurs 1.2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRAZDDT, comprenant :

12. 1 – La définition de démarches pour divers types et tailles de problèmes (par

exemple, le développement d’un nouveau produit, les problèmes de fabrication actuellement rencontrés, les incidents clientèle et les constats d’audit) ;

12.2 – L ‘isolement des produits, les mesures provisoires et les activités connexes nécessaires pour maîtriser les produits non conformes (voir clause 8. 7 de 1’1SO .9001); 12.3 – L’analyse des causes racines, la méthode utilisée, l’analyse et les résultats;

12.4 – La mise en oeuvre des actions correctives systémiques, y compris la recherche d’i1npacts sur des produits et des processus similaires ;

12.5 – La vérification de l’efficacité des actions correctives mises en oeuvre ;

12.6 – Le réexamen et, si nécessaire, l’actualisation des informations documentées pertinentes de type AMDEC processus ou plan de surveillance par exemple. (IATF 16949 – FR 10.2.3 Résolution de problèmes) ;

– 13. Les plans de surveillance pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017,2018, 2019, 2020 et 2021 (qui doivent être conformes avec l’Annexe A de l’IATF 16949 – FR) de 1’Usine Nissan motor Manufacturing UK Ltd située [Adresse 24], Royaume-Uni :

13 .1 – Les contrôles utilisés pour la maîtrise du processus de fabrication, y compris les vérifications au démarrage de poste ;

13 .2 – La validation des premières ou dernières pièces d’un cycle de production (si applicable) ;

13.3 – Les méthodes de surveillance, de contrôle définies par le client et l’organisme pour vérifier la maîtrise des caractéristiques spéciales (voir annexe A),

13 .4 – Les informations requises parle client (le cas échéant) (ISO 9001 :2015, ISO 9001 :2008 et IATF 16949 – FR 8.5.1 Maîtrise de la production et de la prestation de service et les a) à d) du 8.5.1.1 Plan de surveillance) ;

– 14. Les plans de réaction (prévu à l’Annexe A de l’IATF 16949 – FR) relatifs aux moteurs 1 .2 DiG-T HRA2, aussi appelé HRADDT ou HRA2DDT (IATF 16949 -FR ) du 8.5.1.1) ;

– 15. Dossier constructeur pour homologation CE et ses mises à jour ;

– 16. Dossier de réception de chaque véhicule pour homologation CE et ses mises à jour ;

– 17. L’audit de conformité du produit du véhicule pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 20l7,20l8,2019, 2020,2021 ;

– 18. Les guides pour réaliser les diagnostics et les instructions après-vente du véhicule

pour les années 2012, 2013, 2014,2015, 2016, 2017,l 2018, 2019, 2020,2021 ;

– 19. Remontées clients relatives aux dysfonctionnement pour les années 2012, 2013, 20l4,20l5, 2016, 2017,20l8, 2019, 2020,2021 ;

– 20. Audit produit du véhicule pour les années 2012, 2013, 20l4,2015, 2016, 2017,2018, 2019, 2020,2021 ;

– 21. les audits de processus de fabrication de véhicule pour les années 2012, 2013, 20142015, 2016, 20112018, 2019, 2020,2021 ;

– 22. Tous les rapports, notamment mémorandums, notes, alertes internes ou externes, relatives aux moteurs DiG-T 1.2 entre 2012 et 2020 émanant de la base (réseau, contrôleur qualité, sav, service de R/D en direction des décideurs exécutifs et notamment vers les organes décisionnaires du Groupe Nissan et du Groupe RENAULT > bottom to top) ;

– 23. Toutes les délibérations, notamment décisions, instructions, recommandations entre 2012 et 2020 émanant des organes décisionnaires du Groupe Nissan et du Groupe RENAULT vers les différentes services et les membres du réseau relatifs aux moteurs DiG-T 1.2 (> top to bottom) ;

– 24. Toutes les notes techniques, informations, alertes, recommandations communiquées entres 2012 et 2020 par le Groupe Nissan et par le Groupe RENAULT aux chefs d’ateliers des garages ou en relation indirecte pour les garages indépendants ;

– 25. Tous les échanges, notamment réponses, lettres, rapports, notes, études communiqués par le Groupe Nissan et le Groupe RENAULT aux autorités publiques (et en particulier à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), en sa qualité d’autorité de surveillance du marché des véhicules à moteur) relatives aux moteurs DiG-T 1.2 entre 2012 et 2020, notamment eu égard aux conséquences réglementaires résultant de mises à jour logicielles intervenues après 2017 ;

– ordonner que la mesure de communication de pièces soit à la charge de la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et/ou de la société Nissan Automotive Europe,

– ordonner que la transmission des pièces et des documents se fasse, à chaque fois que cela est matériellement possible, par format numérique,

– ordonner à la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et/ou à la société Nissan Automotive Europe de communiquer les documents et pièces à M. [W] [J], sous une astreinte de 10 000 euros, par jour de retard et pour chaque document dont la communication aura été ordonnée, à compter du 25ème jour suivant la notification de l’arrêt à venir,

– -débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires la

société Nissan West Europe (Nissan France) et la société Nissan Automotive Europe ;

– condamner in solidum la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et la société Nissan Automotive Europe à M. [W] [J] la somme de 489 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Nissan West Europe (Nissan France) SAS et la société Nissan Automotive Europe aux éventuels dépens, dont recouvrement au profit de Me Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Nissan Automotive Europe demande à la cour, au visa des articles 4, 905-2, 910-1, 910-4, 11, 32, 47, 122, 145 et 555 du code de procédure civile et 6§1 de la convention européenne des droits de l’Homme, de :

‘sur les fins de non recevoir

– déclarer irrecevables les demandes des appelants dirigées contre Nissan Automotive Europe formées et introduites dans l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée le 22 avril 2024, en application des articles 4, 905-2, 910-1 et 910-4 du code de procédure civile.

– déclarer irrecevables les demandes des appelants dirigées contre Nissan Automotive Europe formées et introduites dans l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée le 22 avril 2024, en application des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile.

– déclarer irrecevables pour défaut de qualité à agir les demandes des appelants à l’encontre de Nissan Automotive Europe.

– déclarer irrecevables pour défaut d’intérêt à agir les demandes de Mme [Z], M. [D], M. [R], M. [Y] et M. [J] à l’encontre de Nissan Automotive Europe.

sur les demandes

– débouter les appelants de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de Nissan Automotive Europe.

subsidiairement :

– débouter les appelants de leurs demandes dirigées contre Nissan Automotive Europe tendant à ce que la production forcée des documents demandés soit assortie d’une astreinte.

– débouter les appelants de leurs demandes dirigées contre Nissan Automotive Europe relatives à la forme de transmission des documents dont la communication est demandée.

en toute hypothèse :

– débouter les appelants de leurs demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

– condamner M. [S], Mme [Z], M. [D], M. [N], M. [Y], M. [X] et M. [J], à verser chacun la somme de 1 500 euros à Nissan Automotive Europe en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [S], Mme [Z], M. [D], M. [N], M. [Y], M. [X], et M. [J] en tous les dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Anne Laure Dumeau, selarl Anne Laure Dumeau avocat au barreau de Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Nissan West Europe demande à la cour, au visa des articles 145, 11, 32, 47, 122 et 564 du code de procédure civile, de :

‘à titre principal,

– confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Versailles le 14 mars 2023 en ce qu’elle a débouté les appelants de leurs demandes dirigées à l’encontre de Nissan West Europe, simple importateur local, en France, de certains véhicules neufs et pièces détachées de ladite marque,

– débouter les appelants de leurs demandes dirigées à l’encontre de Nissan West Europe, dès lors qu’elle est un simple importateur local, en France, de certains véhicules neufs et pièces détachées de ladite marque et, qu’à ce titre, elle ne dispose pas des documents dont il est sollicité la communication,

– au besoin, déclarer les appelants irrecevables en leurs demandes dirigées à tort contre Nissan West Europe, dès lors qu’elle est un simple importateur local, en France, de certains véhicules neufs et pièces détachées de ladite marque et, qu’à ce titre, elle ne dispose pas des documents dont il est sollicité la communication, dont pour certains réclamés pour la première fois en cause d’appel, et les débouter de leurs demandes,

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions susceptibles d’être dirigées contre Nissan West Europe au titre des faux griefs avancés pour justifier l’assignation en intervention forcée qu’ils ont fait délivrer à Nissan Automotive Europe,

à titre subsidiaire,

– déclarer Nissan West Europe recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Versailles le 14 mars 2023 en ce qu’elle a estimé que le motif légitime était caractérisé pour solliciter une mesure probatoire alors que les demandes des parties adverses ont été rejetées par la même décision en ce qu’elles étaient dirigées à tort contre Nissan West Europe,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Versailles le 14 mars 2023 en ce qu’elle a retenu que le défaut de qualité à agir et/ou d’intérêt à agir devaient être soulevés in limine litis,

– déclarer irrecevables les demandes de M. [S] et M. [X] dirigées à l’encontre de Nissan West Europe, qui n’a ni construit, ni vendu, ni importé en France les véhicules visés leur appartenant ou leur ayant appartenu, pour défaut de qualité et/ou d’intérêt à agir,

– déclarer irrecevables les demandes de Mme [Z], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [J] dirigées contre Nissan West Europe, pour défaut d’intérêt et/ou de qualité à agir,

en conséquence,

– débouter M. [S], Mme [Z], M. [D], M. [N], M. [Y], M. [X] et M. [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Nissan West Europe,

à titre infiniment subsidiaire,

– déclarer mal fondés les appelants en leurs demandes totalement disproportionnées au regard de l’enjeu du litige, et les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Nissan West Europe,

en tout état de cause,

– débouter les appelants de leurs demandes dirigées contre Nissan West Europe visant à ce que la production forcée de pièces soit assortie d’une astreinte, ou encore de toutes leurs demandes concernant les modalités de transmission de pièces et de leur coût, et enfin, de leurs demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

en toute hypothèse,

– condamner M. [S], Mme [Z], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] à verser chacun la somme de 1 500 euros à Nissan West Europe au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] à verser la somme de 5 000 euros à Nissan West Europe au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner en tous les dépens tant de première instance que d’appel dont distraction au profit de la selarl Reynaud Avocats ‘ Maître Sophie Porcherot, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’intervention forcée en appel de la société Nissan Automotive Europe

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] affirment que la société Nissan Automotive Europe a la qualité de défendeur potentiel dans le cadre des actions au fond qu’ils envisagent puisqu’elle a la qualité et le rôle de constructeur au sens du Règlement européen 2018/858 et qu’elle est responsable des activités de distribution de véhicules et pièces détachées en Europe aux côtés de la société Nissan West Europe.

Ils en déduisent que l’intervention forcée de cette société doit être déclarée recevable.

Concluant au rejet des fins de non-recevoir soulevées par la société Nissan Automotive Europe, les appelants exposent que l’assignation en intervention forcée n’a pas le même régime que l’appel provoqué et n’est notamment pas soumise au délai prévu à l’article 905-2 du code de procédure civile.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] soutiennent avoir intérêt et qualité à agir dès lors qu’ils démontrent être ou avoir été en possession d’un véhicule équipé du moteur litigieux, faisant valoir qu’ils n’ont pas à ce stade à justifier avoir connu des désordres sur leur véhicule dès lors que le défaut d’information et le délit de tromperie sont notamment susceptibles d’être caractérisés du seul fait de leur possession.

Les appelants indiquent que le groupe Nissan et la société Nissan West Europe se sont rendus coupables de manoeuvres ayant pour objectif de leur cacher des informations pourtant déterminantes à la solution du litige :

– dissimulation de l’existence de la société Nissan Automotive Europe ayant la qualité et le rôle de constructeur, notamment dans les courriers échangés avec eux qui faisaient mention d’une société de droit anglais, sans révéler l’existence d’une société de droit français disposant pourtant de la qualité et du statut de constructeur depuis le 11 mai 2021 ;

– manquements à leur devoir d’information puisqu’ils n’ont jamais informé leurs cocontractants de l’identité de la personne morale ayant la qualité de constructeur et/ ou distributeur des véhicules et pièces détachées (les ‘conditions générales de réparation’ ne faisant par exemple mention que de la société Nissan West Europe, la société Nissan West Europe faisant usage de la dénomination ‘Nissan France’) ;

– impossibilité pour eux d’avoir connaissance de l’existence de la société Nissan Automotive Europe et de sa qualité de constructeur, l’activité principale de celle-ci mentionnée sur les sites officiels étant notamment erronée ;

– manquements au principe de loyauté des débats par la mention de la seule société de droit anglais Nissan Motor UK et la révélation de l’existence de la société Nissan Automotive Europe postérieurement à la décision attaquée.

Les appelants indiquent que l’objet social de la société Nissan Automotive Europe est clair et permet de conclure sans équivoque que cette société est le véritable constructeur au sens de la réglementation internationale, européenne et nationale depuis le 11 mai 2021.

Ils exposent que la société Nissan Automotive Europe détient en tant qu’actionnaire unique la société Nissan West Europe et que cette dernière, filiale, ne dispose d’aucune réelle autonomie et d’aucun pouvoir décisionnel. Ils indiquent qu’ils pouvaient légitimement penser que la société Nissan West Europe détenait les documents sollicités, et ce d’autant que les deux sociétés ont leur siège social à la même adresse.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] affirment que la société Nissan Automotive Europe en qualité constructrice de véhicules dispose des informations relatives à la conception et à la construction des véhicules équipés du moteur litigieux et par conséquent de l’ensemble des documents et pièces qu’ils demandent, la société Nissan West Europe ayant tenté de les tromper en expliquant que leurs demandes auraient dû et devraient être dirigées contre la société de droit anglais Nissan Motor UK.

Concernant l’évolution du litige au sens de l’article 555 du code de procédure civile, les appelants font valoir qu’il ne disposaient pas devant le premier juge des éléments qui leur auraient permis d’assigner directement en première instance la société Nissan Automotive Europe et que l’expression « évolution du litige » doit être comprise comme pouvant recouvrer la révélation d’un fait préexistant.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] affirment que la révélation de nouvelles données juridiques du litige peut constituer l’évolution du litige, ce qui est le cas en l’espèce selon eux dès lors que, du fait du manquement de la société Nissan West Europe à son obligation contractuelle et à son devoir d’information ‘ a minima s’agissant de Mme [G] qui a signé des ‘conditions générales de réparation’ avec la société précitée ‘ ils n’ont pu découvrir la qualité de constructeur de la société Nissan Automotive Europe qu’en avril 2024, soit postérieurement à l’ordonnance attaquée.

Ils en déduisent que leur intervention forcée doit donc être déclarée recevable.

La société Nissan Automotive Europe invoque l’irrecevabilité de la demande en intervention forcée des appelants sur le fondement des articles 905-2, 910-1 et 910-4 du code de procédure civile au motif que, dans leurs premières conclusions du 1er décembre 2023, ceux-ci n’avaient présenté aucune demande à son encontre et que, par analogie avec le régime des appels provoqués, elle aurait dû être assignée au plus tard le 7 décembre 2023, alors qu’elle indique n’avoir été assignée que le 22 avril 2024.

Elle expose que Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] connaissaient parfaitement son existence dès la déclaration d’appel puisque, dans leurs premières conclusions du 1er décembre 2023, ils indiquaient que la société Nissan West Europe pouvait solliciter la communication de documents que détiendraient d’autres sociétés du groupe Nissan et notamment la société Nissan Automotive Europe, ce qui implique qu’ils envisageaient à cette date que les pièces demandées soient détenues par elle.

La société Nissan Automotive Europe soulève ensuite l’irrecevabilité de la demande en intervention forcée en cause d’appel à défaut d’évolution du litige, au visa de l’article 555 du code de procédure civile

Réfutant l’existence de toute circonstance nouvelle modifiant les données juridiques du litige en cours de procédure d’appel, l’intimée fait valoir n’avoir acquis la qualité de constructeur qu’à compter du 1er juin 2021, soit postérieurement à la période 2012/ 2018 correspondant à la période de mise sur le marché des véhicules concernés par le litige et souligne que la société Nissan West Europe a désigné aux appelants dès le 4 juillet 2022 la société Nissan Motor Manufacturing United Kingdom comme constructeur du véhicule, ce qui les mettait en mesure de s’adresser à elle pour réclamer les documents qu’ils sollicitent.

La société Nissan Automotive Europe indique d’autre part que les circonstances nouvelles invoquées par Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] sont antérieures à l’ordonnance de référé attaquée et auraient dû être connues des appelants dès lors que la circonstance qu’elle ait acquis la qualité de constructeur le 1er juin 2021 résulte du procès-verbal de décision de ses associés qui a été rendu public le 31 mai 2021, du rapport de son commissaire aux comptes du 31 mars 2022 enregistré au greffe du tribunal de commerce avec les comptes sociaux de l’exercice et de son Kbis modifié depuis le 1er juin 2021, cette donnée ayant au surplus été relayée sur toutes les bases accessibles librement.

Elle rappelle que son existence et le lieu de son siège social étaient mentionnés dans les premières écritures des appelants du 1er décembre 2023 et soutient que ceux-ci ne justifient pas avoir découvert de nouveaux éléments en mars 2024.

La société Nissan West Europe explique avoir diffusé aux appelants une information loyale et conforme à la situation, la société NMUK étant bien le constructeur des voitures concernées et indique que les statuts de la société Nissan Automotive Europe n’ont pas été modifiés depuis l’introduction de l’instance, reprenant pour le surplus la même argumentation de la seconde intimée relative à l’article 555 du code de procédure civile.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, ‘peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité’.

L’article 555 dispose quant à lui que ‘ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause’.

L’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel, au sens de l’article 555 du code de procédure civile, n’est caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige (Ass Plén 11 mars 2005 n° 03.20.484).

Si l’article 905-2 du code de procédure civile, applicable au litige, prévoit que ‘l’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.’, l’appelant n’est quant à lui soumis à aucun délai pour effectuer cette intervention forcée.

En effet, dès lors que la recevabilité de l’intervention forcée implique une évolution du litige dont les appelants n’avaient par définition pas connaissance et dont la date est nécessairement inconnue, c’est par erreur que la société Nissan Automotive Europe affirme que les appelants auraient dû respecter les délais prévus à cet article ou le principe de concentration des moyens, l’article 910-4 du même code disposant que ‘demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.

En revanche, il n’y a pas d’évolution du litige de nature à faire échec au principe du double degré de juridiction lorsque les éléments dont se prévaut le demandeur en intervention étaient déjà connus en première instance.

Or en l’espèce, la société Nissan Automotive Europe justifie que, si elle est devenue constructeur à compter du 1er juin 2021, cette information est mentionnée dans :

– le procès-verbal de décision des associés de la société Nissan Automotive Europe du 11 mai 2021 et de la modification de l’objet social dans les statuts de la société, enregistré au greffe du tribunal de commerce de Versailles le 31 mai 2021 ;

– le rapport des commissaires aux comptes de la société Nissan Automotive Europe pour l’exercice social clos au 31 mars 2022, enregistré au greffe avec les comptes sociaux de l’exercice ;

– l’extrait Kbis de la société depuis le 1er juin 2021,

tous éléments qui étaient donc publics et auraient dû être connus des appelants dès avant l’introduction de leur première instance.

La circonstance que la société Nissan West Europe ait indiqué le 4 juillet 2022 au conseil des appelants qu’elle ‘n’était en rien le constructeur des véhicules de la marque Nissan, qualité dévolue à des sociétés de droits étrangers dont en particulier la société de droit anglais Nissan Motor UK’ ne constitue pas une manoeuvre frauduleuse dès lors qu’en effet, il est constant que c’est cette société anglaise qui était constructeur à l’époque de la réalisation des véhicules comprenant le moteur litigieux.

Au surplus, Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X], qui mentionnaient la société Nissan Automotive Europe dans leurs premières écritures d’appel du 1er décembre 2023 comme étant susceptible de détenir les pièces qu’ils réclamaient, ne peuvent se prévaloir de l’ignorance de l’existence ou des statuts de cette société alors que sa situation juridique, antérieure au litige, aurait dû être connue d’eux s’ils avaient fait les vérifications nécessaires.

En conséquence, les appelants ne peuvent arguer d’une évolution du litige, dans les conditions de l’article 555 du code de procédure civile et l’intervention forcée de la société Nissan Automotive Europe sera déclarée irrecevable. Il sera ajouté à l’ordonnance querellée de ce chef.

Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt ou de qualité

Concluant au rejet des fins de non-recevoir invoquées au titre du défaut d’intérêt ou de qualité, Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] affirment d’une part qu’il n’est plus contesté qu’ils sont ou ont été détenteurs de véhicules équipés du moteur contesté et d’autre part, que la société Nissan West Europe confond le défaut d’intérêt ou de qualité à agir relevant de l’article 122 du code de procédure civile et l’absence de motif légitime au sens de l’article 145 du même code.

La société Nissan West Europe invoque l’irrecevabilité des demandes des appelants pour ‘défaut de qualité et/ ou d’intérêt à agir’, faisant valoir sur ce premier point que, sur la période antérieure au 1er juin 2021 et alors que tous les appelants ont acquis des véhicules mis en circulation avant cette date, elle n’avait aucune implication dans la commercialisation des véhicules Nissan en France ou en Europe. Elle précise que le véhicule de M. [S] a été acquis en Pologne et n’a jamais été importé ou vendu par elle ou par la société Nissan West Europe, de même que le véhicule de M. [X] acheté en Tchéquie.

S’agissant du défaut d’intérêt à agir de Mme [T] [Z], M. [W] [J], M. [B] [D], M. [K] [N] et M. [A] [Y], l’intimée expose que :

– ni Mme [Z] ni M. [Y] ne l’ont contactée pour l’informer de désordres affectant leur véhicule et ils ne démontrent aucun fait générateur d’un préjudice ;

– le moteur du véhicule de M. [D] a été remplacé sans coût pour lui le 20 août 2021;

– le véhicule de M. [N] a été réparé en dehors du réseau Nissan et celui-ci ne l’a pas entretenu régulièrement ;

– le véhicule de M. [J] a été réparé depuis le 22 février 2022 (la réparation étant prise en charge à hauteur de 75% par la société Nissan West Europe).

La société Nissan West Europe affirme que sa responsabilité ne peut être engagée en cas de faute du groupe Nissan, que les appelants ne justifient d’aucun préjudice et que la simple imputation non démontrée d’un défaut d’information est insuffisante pour établir un motif légitime pour les appelants.

Sur ce,

L’article 122 du code de procédure civile dispose que ‘constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée’, l’article 123 précisant que ‘Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt’.

Selon l’article 31 du code de procédure civile l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé et selon l’article 32 suivant, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’intérêt à agir ou à défendre peut être défini comme l’avantage ou l’utilité de la prétention formée par un plaideur ou un défendeur tandis que la qualité pour agir peut être définie comme l’appartenance à la catégorie des personnes investies par la loi du droit de soumettre au juge une prétention donnée.

En l’espèce, dès lors qu’il n’est pas contesté que Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] sont ou ont été propriétaires ou détenteurs d’un véhicule de marque Nissan, ceux-ci disposent d’un intérêt et qu’une qualité à agir, les circonstances qu’ils aient acquis leurs voitures en dehors de la zone d’intervention de la société Nissan West Europe, qu’ils n’aient connu aucun désordre affectant leur véhicule ou qu’ils ne justifient d’aucun préjudice ayant vocation à être examinées lors de l’appréciation de l’existence d’un motif légitime à solliciter une mesure d’instruction.

Les fins de non-recevoir invoquées par la société Nissan West Europe seront donc rejetées.

Sur la demande de communication de pièces

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X], qui affirment en avoir été eux-mêmes victimes, exposent que la société Nissan West Europe a connaissance depuis l’origine de sa production en 2012 de désordres inhérents au moteur DiG-T 1.2 (code HRA2DDT) sur le territoire français, entraînant une surconsommation d’huile et, dans certaines conditions, une casse-moteur précoce et soudaine, mettant en danger le conducteur, les passagers et les autres usagers de la route.

Reprenant les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile et rappelant l’arrêt rendu par la présente cour le 18 janvier 2024 relatif à un moteur similaire commercialisé par les sociétés du groupe Renault, ils affirment faire état d’éléments circonstanciés et corroborés constituant le motif légitime qui justifie leur demande de communication de documents.

Ils se fondent notamment sur des pièces qu’ils versent aux débats qui font état à leurs dires des désordres structurels affectant le moteur litigieux :

– l’article du magazine Que Choisir intitulé ‘ Moteur 1.2 Renault 400 000 voitures en dangers’ ;

– la réponse ministérielle du 24 avril 2020 ;

– la question parlementaire de la députée Mme Laurence Trastour – Isnart du 7 janvier 2020 ;

– les cahiers de doléances des intimés faisant état d’une perte très importante de puissance de leurs véhicules respectifs alors qu’ils circulaient sur autoroute ;

– les notes internes techniques éditée par Nissan : les Bulletins techniques « TB EM 15/05 » et « TB EM 20/02 » ainsi que le Bulletin technique « PCB-NES-16-050 » émises entre 2015 et 2020 par le Groupe Nissan et dans lesquelles il est fait état du défaut affectant le moteur, soulignant par ailleurs que le groupe Nissan était parfaitement informé de ces défectuosités puisqu’il a mis en place des contre-mesures.

Les appelants indiquent chercher à savoir si les sociétés Nissan avaient listé et noté que ces problématiques risquaient de survenir et expliquent qu’ils ont besoin pour ce faire d’accéder aux AMDEC, les Analyses des modes de défaillances, de leurs effets et de leur criticité.

Les appelants indiquent que les pièces dont il est demandé la communication visent à leur permettre de poursuivre l’une ou l’autre des sociétés du groupe Nissan afin d’obtenir l’indemnisation de l’intégralité de leur préjudice. Ils détaillent les actions civiles et pénales qui leur semblent ainsi ouvertes (nullité pour vice du consentement, responsabilité du fait des vices cachés, responsabilité du fait des produits défectueux, tromperie, pratiques commerciales trompeuses, escroquerie, risques causés à autrui), affirmant que la prescription n’est pas acquise.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] en déduisent faire état d’éléments circonstanciés rendant probables, crédibles et plausibles les faits susceptibles d’être invoqués dans un éventuel litige futur, caractérisant ainsi un motif légitime à solliciter une mesure de communication de pièces.

Ils font valoir que les pièces demandées sont utiles à la solution du litige et que leur production ne revêt aucun caractère illicite dès lors que :

– aucune atteinte au secret des affaires des sociétés du groupe Nissan n’est caractérisée et ils ne s’opposent pas au caviardage de certaines pièces ou à l’application de la procédure prévue par l’article L. 153-1 du code de commerce si nécessaire,

– les demandes sont limitées dans le temps et dans leur objet.

Les appelants contestent que les pièces qu’ils sollicitent pourraient ne pas être détenues par les sociétés Nissan Automotive Europe et Nissan West Europe et affirment que le statut d’importateur de la société Nissan West Europe permet de lui réclamer des documents et informations, étant au surplus précisé que l’article 11 du code de procédure civile permet au juge d’enjoindre à des tiers de produire des documents qu’ils détiennent.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] réfutent l’appréciation par le premier juge du statut et des obligations de l”importateur de voitures’ de la société Nissan West Europe, tels que définis par la Directive européenne 2007/46/CE puis le Règlement européen 2018/858 et soulignent que l’importateur endosse une responsabilité qui l’oblige à avoir accès aux informations en lien avec les véhicules qu’il doit pouvoir transmettre aux distributeurs ou réparateurs et implique en conséquence qu’il détienne des pièces techniques et administratives internes.

Ils indiquent que la société Nissan West Europe ne peut se voir qualifiée de ‘mandataire auto’ dès lors qu’elle n’agit pas comme intermédiaire pour le compte d’un particulier mais qu’à l’inverse elle se présente comme l’administrateur du réseau Nissan France et de son développement.

Les appelants soutiennent que la société Nissan West Europe est une société polyvalente et précisent que ses statuts ne circonscrivent pas ses missions à la seule importation de véhicules et aux actes qui en découlent mais offrent, bien au contraire un très large panel de compétences et de missions qui l’amènent à détenir les pièces qu’ils souhaitent se voir communiquer.

Ils exposent ainsi que cette société joue un rôle particulier dans la ‘relation client’ puisqu’elle doit tenir un registre des plaintes et rappels dont font l’objet les véhicules et informer le constructeur des plaintes reçues, tous éléments ayant pour conséquence qu’elle est le seul interlocuteur des clients du groupe Nissan et qu’elle leur propose un service d’assistance pour les conducteurs accidentés.

Ils expliquent ensuite que la société Nissan West Europe est la principale gestionnaire des affaires du réseau Nissan en Europe puisqu’elle choisit les concessionnaires, elle chapeaute le réseau des réparateurs agréés et elle est l’organisateur du réseau national

Ils font valoir que la société Nissan West Europe entretient des échanges très importants avec les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qu’elle a nécessairement été informée dans ce cadre des anomalies techniques relatifs aux véhicules qu’elle importait, qu’elle a été amenée à émettre des notes internes et à recevoir des notes émises par d’autres sociétés du groupe.

Enfin, Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] exposent que la société Nissan West Europe est une interlocutrice des autorités publiques nationales.

Ils font valoir que la société Nissan West Europe détient plusieurs des documents dont la communication est sollicitée, ce qu’elle a reconnu à leurs dires, tandis que la société Nissan Automotive Europe, dispose, en sa qualité de constructeur, de l’ensemble des pièces demandées.

Reprenant chacune des pièces dont ils sollicitent la communication, les appelants affirment justifier de leur caractère pertinent et utile et contestent qu’elles pourraient ne pas être détenues par les sociétés du groupe Nissan puisqu’il s’agit selon eux de documents obligatoires au regard de la réglementation européenne et internationale, notamment au regard de la norme IATF 16949.

Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] demandent la mise en oeuvre d’une astreinte afin d’assurer l’effectivité de la mesure de communication et la production des pièces en format numérique.

La société Nissan West Europe indique n’être en mesure de produire que les pièces numérotées 1 à 3 sollicitées par les appelants qui sont selon elle déjà en leur possession.

Elle affirme que Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] ne justifient pas que les pièces qu’ils demandent existent ni qu’elles seraient en sa possession, précisant que les moteurs Renault et Nissan ne sont pas identiques et que les éléments dont se prévalent les appelants relatifs aux problèmes rencontrées par le moteur Renault sont donc inopérants.

L’intimée soutient qu’elle ne met pas sur le marché, au sens juridique et administratif, les véhicules produits et destinés à l’état neuf au marché de l’UE, mais qu’elle est importateur local de ces véhicules neufs, déjà homologués pour le marché de l’UE, aucune obligation de détenir les données techniques réclamées ou de les communiquer ne pouvant en conséquence être mise à sa charge.

Si elle reconnaît avoir développé un centre de relations clientèle qui répond aux clients de la marque, la société Nissan West Europe affirme que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne s’agit pas du seul interlocuteur des clients de la marque, lesquels peuvent s’adresser directement au constructeur et/ou à tout concessionnaire du réseau Nissan.

Elle indique que les désordres dont se plaignent certains des appelants sont consécutifs à un défaut d’entretien de leurs véhicules.

La société Nissan West Europe expose distribuer les voitures via un réseau de concessionnaires français, commerçants juridiquement indépendants, qu’elle conteste ‘chapeauter’ mais auxquels elle confère leur agrément et à qui elle répercute les informations dont elle dispose concernant les véhicules aux fins de leur permettre d’assurer au mieux leurs activités de vendeurs et de réparateurs de véhicules de marque Nissan.

Outre qu’elle en rappelle la portée limitée, elle conteste être soumise au Règlement européen n°2018/858 dès lors qu’elle n’est pas importateur au sens de ce texte, les véhicules litigieux ayant été produits au sein de l’UE et elle conclut que les voitures en cause ne sont en tout état de cause pas concernés par ce Règlement puisqu’aucun n’a été mis en circulation après le 1er septembre 2020.

La société Nissan West Europe soutient qu’elle ne saurait contraindre d’autres entités du groupe Nissan à lui communiquer des pièces qu’elle ne détient pas.

Elle dénie de même toute obligation d’information précontractuelle lors de la réparation des véhicules au motif qu’elle n’est pas partie à ce contrat, l’ordre de réparation concernant exclusivement les relations entre un client et un réparateur agréé, juridiquement indépendant.

Subsidiairement, la société Nissan West Europe, faisant valoir que, même si finalement le premier juge a reconnu que l’action engagée à son encontre était mal dirigée et ne pouvait de ce fait prospérer, elle entend ‘en tant que de besoin et dans un souci de cohérence’ solliciter l’infirmation de la décision querellée en ce qu’elle a retenu l’existence d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile.

Elle expose en effet que les appelants ne peuvent justifier d’aucun motif légitime à solliciter auprès d’elle des documents qu’elle ne détient pas.

Elle demande également l’infirmation de l’ordonnance attaquée en ce qu’elle mentionne de façon erronée que les fins de non-recevoir doivent être soulevées in limine litis et que le défaut de qualité ou d’intérêt à agir à agir des appelants devait conduire, selon elle, à les déclarer irrecevables à agir et, partant, de retenir l’absence de motif légitime à solliciter une mesure de communication de pièces.

La société Nissan West Europe précise l’absence de qualité à agir de MM. [X] et [S] qui ont acquis leurs voitures dans des pays étrangers, qu’elle n’a donc ni importés ni vendus et invoque l’absence d’intérêt à agir des autres appelants au motif qu’ils ne justifient d’aucun préjudice dont la cause soit établie.

A titre infiniment subsidiaire, la société Nissan West Europe conclut au caractère général et disproportionné des demandes de Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] au regard de l’objectif poursuivi, exposant que :

– la communication des documents sollicités n’est pas de nature à améliorer la situation probatoire des appelants dès lors que seule une expertise de leur véhicule permettrait d’établir avec certitude l’existence pour eux d’un préjudice certain susceptible de leur ouvrir un droit à indemnisation,

– les demandes générales telles qu’elle sont formulées porteraient nécessairement atteinte au secret des affaires et leur feraient perdre un temps excessif,

– il n’est pas justifié de l’utilité ou même de l’existence de chacun des documents demandés.

Enfin, l’intimée sollicite le rejet des demandes relatives à la forme des pièces sollicitées et à l’astreinte.

Sur ce,

sur le motif légitime

Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.

L’application de ces dispositions suppose que soit constaté qu’il existe un procès non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés par les défendeurs, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.

Il résulte de l’article 145 que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer le bien-fondé de l’action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu’il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.

Il résulte de la combinaison de l’article 10 du code civil et des articles 11 et 145 du code de procédure civile qu’il peut être ordonné à une partie ou à des tiers de produire tout document qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu’elle ne détient pas (Com. 8 nov. 2023, no 22-13.149). Cependant la production forcée peut être demandée à une société appartenant à un groupe, sans avoir à rechercher quelle société du groupe détient effectivement la pièce (Civ. 2e, 23 septembre 2004, n°02-15-782).

En l’espèce, il il ressort de l’extrait Kbis du 27 décembre 2023 concernant l’entreprise Nissan West Europe que son activité principale est le ‘commerce de voitures et de véhicules automobiles légers’.

L’extrait des inscriptions du Registre national des entreprises daté du 4 décembre 2023 mentionne qu’elle a pour activité principale ‘la commercialisation, l’assemblage, la distribution, l’importation et l’exportation, l’achat et la vente, la location, la location avec option d’achat, l’échange de véhicules automobiles neufs et d’occasion particuliers ou utilitaires, de chariots élévateurs, de pièces, de pièces détachées, de composants, d’accessoires et plus généralement de toute marchandise ainsi que l’exploitation de tout service se rapportant à un commerce’, que son siège social se situe à Montigny-Le-Bretonneux et qu’elle a pour nom commercial ‘Nissan France’.

La société Nissan West Europe indique sans être démentie que le véhicule de M. [X] provient du marché tchèque, qu’il n’a jamais été vendu ni importé en France par elle et elle en déduit qu’elle n’est ni le fabricant, ni l’importateur, ni le vendeur de cette voiture et qu’elle ne peut donc être tenue d’aucune responsabilité de ce chef. Il en est de même du véhicule de M. [S], acquis en Pologne.

Il convient en conséquence de dire qu’aucun procès en germe concernant la société Nissan West Europe n’apparaît caractérisé concernant ces deux appelants et que ceux-ci sont donc dépourvus de motif légitime à solliciter une mesure d’instruction à son encontre.

Les pièces produites par Mme [Z] et M. [Y] font apparaître que, s’ils affirment avoir constaté une surconsommation d’huile sur leurs véhicules, aucune pièce ne vient corroborer cette allégation, étant souligné qu’ils ne font état d’aucun autre désordre affectant leur voiture. Ils ne justifient en conséquence d’aucun élément rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe à l’encontre de la société Nissan West Europe.

Concernant M. [D], il est acquis aux débats que celui-ci a bénéficié d’un remplacement du moteur de son véhicule pris en charge par Nissan. Il produit un courrier du service clients Nissan du 28 mars 2022 qui mentionne notamment : ‘Dans le cadre du traitement de votre dossier, nous avons pu constater que le changement de moteur a été réalisé chez votre concessionnaire Nissan de [Localité 14] avec succès. Celui-ci nous informe qu’à l’issue des interventions effectuées sur votre véhicule par le responsable technique de leur concession et en partenariat avec le service technique de Nissan France, votre véhicule a été reconnu comme étant conforme aux normes de qualité et de fiabilité établies par Nissan. Il répond donc aux spécifications techniques mises en place par le constructeur.’ Dès lors, faute de verser aux débats aucun autre élément, celui-ci ne justifie d’aucun préjudice et ne démontre donc l’existence d’aucun procès en germe.

M. [N] affirme avoir connu des désordres affectant le moteur de son véhicule ayant conduit à le lui faire remplacer moyennant le prix de 6 949, 41 euros. Il justifie que son véhicule a dû être remorqué mais ne produit pas la facture de réparation. Il fournit un document qu’il indique être le diagnostic de la panne de son véhicule qui fait état de 5 défauts :

‘- sonde Lambda : coupure,

– système tension d’alimentation : tension inférieure à valeur seuil,

– cylindre 1 : dysfonctionnement,

– cylindre 2 : dysfonctionnement,

– centrale de commande : ‘plausibilisation’ signal erroné’,

tous éléments qui ne permettent pas de démontrer que le moteur devait être remplacé ni ne donnent d’indication sur la cause des désordres constatés.

M. [J] justifie que le moteur de sa voiture a été remplacé, la société Nissan West Europe ayant accepté de prendre en charge les frais de pièces, soit 9 683, 39 euros, la somme de 1 457, 28 euros correspondant à la main d’oeuvre restant à sa charge. Il verse aux débats plusieurs factures de location d’une voiture de remplacement durant le temps des travaux d’un montant total de 1 178, 22 euros.

Il convient de dire qu’au regard de l’absence d’éléments techniques quant à l’origine de la panne et de l’existence d’une indemnisation amiable, même partielle, déjà octroyée, M. [J] ne justifie d’aucun motif légitime à solliciter une mesure d’instruction.

A titre surabondant, une telle communication de pièces est inutile à M. [J] puisqu’il résulte de la prise en charge des frais concernant les pièces par Nissan West Europe que cette dernière a reconnu sa défaillance et que le requérant dispose donc des éléments nécessaires pour une éventuelle demande d’indemnisation.

Enfin, les mesures sollicitées apparaissent disproportionnées au regard de l’équilibre entre d’une part le nombre et l’ancienneté des pièces réclamées et d’autre part, le droit à la preuve de M. [J], étant souligné que celui-ci ne produit pour sa part aucune pièce technique relative à son véhicule qu’il lui aurait pourtant été loisible de faire établir.

En conséquence, il convient de débouter Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] de leur demande de communication de pièces faute pour eux de démontrer l’existence d’un motif légitime à la solliciter. L’ordonnance attaquée sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens d’appel avec application au profit des avocats qui le demandent des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser aux sociétés Nissan Automotive Europe et Nissan West Europe la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. Les appelants seront en conséquence condamnés, ensemble, à leur verser chacune une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable l’intervention forcée de la société Nissan Automotive Europe en cause d’appel ;

Confirme l’ordonnance querellée ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] aux dépens d’appel avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande ;

Condamne Mme [Z], M. [J], M. [S], M. [D], M. [N], M. [Y] et M. [X] ensemble à verser à la société Nissan Automotive Europe et à la société Nissan West Europe, chacune, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x