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Contexte du litigeLes sociétés indiennes Antrix Corporation Limited et Devas Multimedia Private Limited ont signé un contrat commercial incluant une clause compromissoire stipulant que l’arbitrage se tiendrait à New Delhi, selon les règles de la Chambre de commerce internationale ou de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international. Suite à un différend, Devas a initié une procédure d’arbitrage auprès de la CCI, tandis qu’Antrix a contesté cette intervention. Décision du tribunal arbitralLe 14 septembre 2015, le tribunal arbitral a confirmé sa compétence et a condamné Antrix à verser des dommages et intérêts à Devas. Cette décision a conduit Devas à demander l’exécution de la sentence en France, ce qui a été contesté par Antrix par un appel contre l’ordonnance d’exequatur. Interventions des sociétés actionnairesLes sociétés actionnaires de Devas, ainsi que Devas Multimedia America Inc., ont demandé la révocation de l’ordonnance de clôture et ont déposé des conclusions d’intervention volontaire dans la procédure en cours. Liquidation de DevasUn jugement du National Company Law Tribunal de Bangalore a placé Devas en liquidation judiciaire, décision confirmée par le National Company Law Appellate Tribunal. M. [L], devenu M. [P], a également demandé à intervenir dans la procédure en tant que liquidateur. Arguments de M. [P]M. [P] a contesté la décision du 22 mars 2022 qui a déclaré son intervention irrecevable, arguant que la qualité à agir d’un mandataire désigné par un jugement étranger ne dépend pas du dessaisissement de la société concernée. Réponse de la CourLa cour d’appel a jugé que les décisions indiennes relatives à la liquidation de Devas n’avaient pas d’exequatur en France, ce qui signifiait que les dirigeants de la société n’étaient pas dessaisis de leur pouvoir de représentation. Par conséquent, le liquidateur ne pouvait pas agir en leur nom. Le moyen soulevé par M. [P] a été déclaré non fondé. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 592 FS-B
Pourvois n°
B 22-16.580
N 22-19.327
K 23-15.649 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2024
I – M. [P], venant aux droits de M. [L], domicilié [Adresse 3] (Inde), agissant en qualité de liquidateur de la société Devas Multimedia Private Limited, a formé le pourvoi n° B 22-16.580 contre un arrêt rendu le 22 mars 2022 par la cour d’appel de Paris (Chambre commerciale internationale – pôle 5, chambre 16), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Antrix Corporation Limited, dont le siège est [Adresse 2] (Inde),
2°/ à la société Devas Multimedia Private Limited, dont le siège est [Adresse 5] (Inde),
3°/ à la société CC/Devas (Mauritius) Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Ile Maurice),
4°/ à la société Telcom Devas Mauritius Limited,
5°/ à la société Devas Employees Mauritius Private Limited,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 4] (Ile Maurice),
6°/ à la société Devas Multimedia America INC, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis),
défenderesses à la cassation.
II – 1°/ La société CC/Devas Mauritius Ltd,
2°/ La société Telcom Devas Mauritius Limited,
3°/ La société Devas Employees Mauritius Private Limited,
4°/ La société Devas Multimedia America Inc,
ont formé le pourvoi n° N 22-19.327 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à M. [P], venant aux droits de M. [L], pris en qualité de liquidateur de la société Devas Multimedia Private Limited,
2°/ à la société Antrix Corporation Limited,
3°/ à la société Devas Multimedia Private Limited,
défendeurs à la cassation.
III – La société Antrix Corporation Limited, a formé le pourvoi n° K 23-15.649 contre l’arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d’appel de Paris (Chambre commerciale internationale – pôle 5, chambre 16), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Devas Multimedia Private Limited,
2°/ à M. [P], venant aux droits de M. [L], pris en qualité de liquidateur de la société Devas Multimedia Private Limited,
3°/ à la société CC / Devas Mauritius Limited,
4°/ à la société Telcom Devas Mauritius Limited,
5°/ à la société Devas Employees Mauritius Private Limited,
6°/ à la société Devas Multimedia America Inc.,
défenderesses à la cassation.
Sur le pourvoi n° K 23-15.649 :
M. [P], venant aux droits de M. [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° B 22-16.580 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les demanderesses au pourvoi n° N 22-19.327 invoquent, à l’appui de leur recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi principal n° K 23-15.649 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident n° K 23-15.649 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [P], venant aux droits de M. [L] en qualité de liquidateur de la société Devas Multimedia Private Limited, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés CC/Devas (Mauritius) Limited, Telcom Devas Mauritius Limited, Devas Employees Mauritius Private Limited et Devas Multimedia America Inc, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Antrix Corporation Limited, et l’avis écrit de Mme Cazaux-Charles, avocat général, pour le pourvoi n° K 23-15.649 et observations orales pour le même pourvoi de M. Salomon, avocat général ; l’avis écrit et observations orales de M. Salomon, avocat général, pour les pourvois n° B 22-16.580 et N 22-19.327, après débats en l’audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Bruyère, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 22-16.580, N 22-19.327 et K 23-15.649 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à la société Antrix Corporation Limited du désistement partiel de son pourvoi n° K 23-15.649 en ce qu’il est dirigé contre la société CC/Devas (Mauritius) Limited, la société Telcom Devas Mauritius Limited, la société Devas Employees Mauritius Private Limited et la société Devas Multimedia America Inc.
3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 22 mars et 28 juin 2022) rendus sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-22.019, publié) les sociétés de droit indien Antrix Corporation Limited (la société Antrix) et Devas Multimedia Private Limited (la société Devas) ont conclu un contrat commercial comportant une clause compromissoire, aux termes de laquelle le siège de l’arbitrage serait situé à New Delhi et la procédure d’arbitrage conduite conformément aux règles et procédures de la Chambre de commerce internationale (CCI) ou de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). A la suite d’un différend, la société Devas a saisi la CCI d’une demande d’arbitrage et aux fins de constitution du tribunal arbitral. La société Antrix a protesté contre l’intervention de ce centre d’arbitrage en l’absence d’accord des parties sur le règlement de la CCI.
4. Le 14 septembre 2015, le tribunal arbitral, siégeant à New Delhi, a rendu une sentence aux termes de laquelle il retenait sa compétence et condamnait la société Antrix à payer à la société Devas une certaine somme à titre de dommages et intérêts.
5. La société Devas en a poursuivi en France l’exécution et la société Antrix a fait appel de l’ordonnance accordant l’exequatur.
6. Les sociétés CC/Devas Mauritius Limited, Telcom Mauritius Limited et Devas Employees Mauritius Private Limited, actionnaires de la société Devas (les sociétés actionnaires), ainsi que la société Devas Multimedia America Inc. (la société DMAI) ont demandé la révocation de l’ordonnance de clôture et déposé des conclusions d’intervention volontaire.
7. Par ailleurs, invoquant un jugement du National Company Law Tribunal de Bangalore du 25 mai 2021 plaçant la société Devas en liquidation judiciaire et le désignant en qualité de liquidateur, confirmé le 8 septembre 2021 par le National Company Law Appellate Tribunal de Chennai, le recours contre cette dernière décision ayant été rejeté le 17 janvier 2022 par la Cour suprême de New Delhi, M. [L], aux droits duquel se trouve désormais M. [P], a également demandé à intervenir volontairement, ès qualités.
Sur le moyen du pourvoi n° B 22-16.580 et le moyen du pourvoi incident n° K 23-15.649, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
8. M. [P], ès qualités, fait grief à l’arrêt du 22 mars 2022 de déclarer irrecevable son intervention volontaire ès qualités, alors « que la qualité à agir d’un mandataire désigné par un jugement étranger, rendu au titre d’une procédure d’insolvabilité ou de liquidation d’une société, s’apprécie indépendamment du dessaisissement de cette société procédant de l’exequatur de ce jugement ; qu’en retenant que la décision rendue par la juridiction de Bengalore (Inde) établissait la qualité de liquidateur de M. [L] – désormais M. [P] – de la société Devas Multimedia Private Limited, mais en jugeant néanmoins que cela ne pouvait suffire à le rendre recevable à intervenir en cette qualité dans une procédure judiciaire en France concernant cette société, pour la circonstance impropre qu’une telle intervention aurait eu pour objet de dessaisir les dirigeants de cette société, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 509 du code de procédure civile, ensemble les principes généraux du droit international privé. »
9. Ayant relevé que les décisions des juridictions indiennes, relatives à la procédure de liquidation de la société Devas et à la désignation d’un liquidateur, n’étaient pas revêtues de l’exequatur en France et qu’aucune demande incidente n’était formée en ce sens, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que les représentants légaux de cette société n’étaient pas dessaisis de leur pouvoir de représentation de sorte que l’effet de titre attaché à ces décisions ne pouvait pas conférer au liquidateur un droit d’agir en leur lieu et place.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.