Interprétation des règles de forclusion et de solidarité dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Interprétation des règles de forclusion et de solidarité dans le cadre d’un crédit à la consommation

La société Banque Française Mutualiste a accordé un crédit personnel de 19 000 euros à Mme [T] [B] et M. [O] [Y] en mars 2015, remboursable en 96 mensualités. En décembre 2021 et janvier 2022, la banque a assigné les emprunteurs pour le paiement du solde du prêt. Le tribunal a déclaré l’action recevable, constaté la déchéance du terme et des intérêts, et condamné les emprunteurs à payer 13 744,77 euros, sans intérêts. Mme [B] a demandé la désolidarisation du prêt, qui a été refusée. Elle a interjeté appel, soutenant la forclusion de la créance et un défaut de conseil de la banque. La banque a contesté ces demandes et a demandé le paiement du solde dû avec intérêts. M. [Y] a également interjeté appel, arguant de la forclusion et de la non-réception de la notification de déchéance. La cour d’appel a confirmé en partie le jugement, condamnant les emprunteurs à payer 14 031,07 euros avec intérêts, tout en déboutant Mme [B] de sa demande de désolidarisation.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/15124
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/15124 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKBK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2022 -Juge des contentieux de la protection de MELUN – RG n° 12/00216

APPELANTE

Madame [T] [B] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 9] (95)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/033104 du 31/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉS

Monsieur [O] [Y]

né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 10] (77)

[Adresse 8]

[Localité 7]

représenté par Me Elisabete DOS SANTOS MARTINS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

LA BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE ‘BFM’, société anonyme coopérative de banque prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 326 127 784 00048

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 29 mars 2015 n° 300 158 67, la société Banque Française Mutualiste, ci-après dénommée BFM, a consenti à Mme [T] [B] et M. [O] [Y] un crédit personnel d’un montant en capital de 19 000 euros remboursable en 96 mensualités de 265,33 euros hors assurance, soit une mensualité de 288,13 euros avec assurance, incluant les intérêts au taux nominal de 7,66 %, le TAEG s’élevant à 9,20 %.

Par actes en date des 14 décembre 2021 et 7 janvier 2022, la société Banque Française Mutualiste a fait assigner Mme [B] devenue épouse [Y] et M. [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun en paiement du solde du prêt, lequel par jugement réputé contradictoire en date du 17 juin 2022, a :

– déclaré l’action recevable,

– constaté l’acquisition de la déchéance du terme du contrat de prêt n° 300 158 67 en date du 29 mars 2015 signé entre la société Banque Française Mutualiste d’une part, et M. [O] [Y] et Mme [T] [B] d’autre part,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts relatifs au contrat de prêt n° 300 158 67 en date du 29 mars 2015 signé entre la société Banque Française Mutualiste d’une part, et M. [O] [Y] et Mme [T] [B] d’autre part,

– condamné solidairement M. [Y] et Mme [B] à payer à la société Banque Française Mutualiste la somme de 13 744,77 euros au titre du capital restant dû, outre la somme d’un euro au titre de la clause pénale et ce sans intérêts contractuels ni légaux,

– débouté Mme [B] de sa demande de désolidarisation du prêt,

– débouté la société Banque Française Mutualiste de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [Y] et Mme [B] aux dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Aux termes de la décision, il a estimé l’action en paiement de la banque non forclose après avoir vérifié la date du premier incident de paiement non régularisé.

Il a considéré que la déchéance du terme était acquise en raison de l’envoi d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Il a par ailleurs déchu la banque de son droit aux intérêts en raison de la consultation tardive du FICP et considéré qu’afin d’assurer le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convenait de prévoir que la somme due ne serait assortie d’aucun intérêt même au taux légal.

Il a déduit du montant des financements, 19 000 euros, le montant des versements depuis l’origine, 5 255,23 euros, et a réduit le montant de la clause pénale à la somme d’un euro.

Il a enfin rejeté la demande de Mme [B] de désolidarisation du prêt au motif qu’elle était infondée.

Le jugement a été signifié par acte délivré à M. [Y] à étude le 8 juillet 2022 et à Mme [Y] par acte en date du 21 juillet 2022 délivré selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 11 août 2022, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris.

Par ordonnance en date du 7 mars 2023, le conseiller de la mise en état de la cour de d’appel de Paris a déclaré irrecevables les conclusions déposées par M. [Y] le 22 février 2023 ainsi que son bordereau de pièces.

Par arrêt en date du 28 septembre 2023, la cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance rendue et dit n’y avoir lieu de prononcer l’irrecevabilité des conclusions de M. [Y] du 22 février 2023 ni de son bordereau de pièces du 28 février 2023.

Aux termes de ses conclusions déposées par RPVA le 2 novembre 2022, Mme [B] divorcée [Y] demande à la cour que soit infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a refusé de prononcer la forclusion du crédit, refusé de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de la banque Française mutualiste en raison de son insolvabilité, refusé de reconnaître le défaut de conseil et de vigilance de la société, et que :

– statuant à nouveau,

– à titre principal,

– soit jugée la créance de la banque Française mutualiste forclose,

– à titre subsidiaire,

– soient déclarées irrecevables et mal fondées les demandes de la banque Française mutualiste en raison de l’insolvabilité de Mme [B],

– à titre infiniment subsidiaire,

– soit jugé que la banque Française mutualiste a manqué à son devoir de conseil et de vigilance en lui accordant un crédit affecté alors qu’elle ne disposait pas du permis de conduire,

– en conséquence,

– que soit ordonnée la désolidarisation avec M. [Y] seul bénéficiaire du prêt et solvable,

– que soit déboutée la banque Française mutualiste de l’ensemble de ses chefs de demandes dirigées à l’encontre de Mme [B],

– que soit condamnée la banque Française mutualiste aux entiers dépens.

À l’appui de ses prétentions, elle expose que le premier incident de paiement non régularisé date du 30 janvier 2017 et que le délai biennal de forclusion était donc acquis au 31 janvier 2019, que, lorsque la commission de surendettement a rendu sa décision, la dette était déjà forclose.

Elle estime qu’en suivant le raisonnement du premier juge sur la suspension du délai de forclusion pendant le moratoire, la créance était forclose au 31 décembre 2021.

À titre subsidiaire, elle estime que la banque n’a pas vérifié correctement sa solvabilité alors que ses ressources de l’époque ne lui permettaient pas de conclure un prêt à la consommation lié à l’achat d’un véhicule avec une durée de remboursement de 96 mois.

Elle ajoute que M. [Y] était quant à lui solvable et a conservé la jouissance exclusive du véhicule puisqu’elle ne dispose pas du permis de conduire et considère que l’ensemble de ces éléments doit conduire à sa désolidarisation du prêt.

À titre infiniment subsidiaire, elle estime que la banque a manqué à son devoir de conseil en ne vérifiant pas si elle était titulaire du permis de conduire et si elle était en capacité financière d’assumer un tel crédit.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 27 février 2023, la société Banque Française Mutualiste demande à la cour de :

– déclarer irrecevable et mal fondée Mme [Y] en son appel,

– déclarer irrecevable et mal fondée Mme [Y] en ses demandes fins et prétentions et l’en débouter,

– déclarer recevable et bien fondée la banque Française mutualiste en son appel incident et ses demandes,

– déclarer irrecevable et mal fondé M. [Y] en son appel incident,

– déclarer irrecevable et mal fondé M. [Y] en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts entre la société banque Française mutualiste d’une part et M. Mme [Y] autre part,

– statuant à nouveau,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 17 601,12 euros au titre du solde débiteur du prêt à la date du 10 août 2021 augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,66 % à compter du 10 août 2021,

– à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du contrat pour manquements graves et répétés des emprunteurs à leurs obligations contractuelles et condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 17 028,64 euros au titre du solde débiteur du prêt augmenté des intérêts au taux de 7,66 % de la délivrance de l’assignation,

– à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement déféré,

– en tout état de cause,

– débouter M.et Mme [Y] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

Elle fait valoir que la demande du débiteur adressée à la commission de surendettement interrompt la forclusion, qu’ainsi les époux [Y] ont sollicité le bénéfice de la procédure de surendettement et les mesures imposées par la commission de surendettement de Seine-et-Marne qui lui ont été notifiées le 7 décembre 2018, que le délai de forclusion est susceptible d’être interrompu.

Elle considère que le délai de deux ans débutant à la date du premier incident de paiement non régularisé le 30 janvier 2017 a été interrompu le 15 mars 2018 lors de l’ouverture des mesures imposées ; que le point de départ du délai a commencé à courir à compter du 5 mars 2021 date de la fin du moratoire et que les époux [Y] l’ont assigné les 14 décembre 2021 et 7 janvier 2022 soit avant l’expiration du délai de forclusion.

Elle précise par ailleurs que le contrat litigieux est un prêt personnel et non un crédit affecté souscrit solidairement par M. [Y] et Mme [B], encore divorcée [Y] ; elle estime pouvoir donc demander aux ex-époux [Y] le règlement du solde.

S’agissant du défaut de conseil qui lui est reproché, elle estime avoir évalué correctement la solvabilité des emprunteurs et indique produire la fiche dialogue ; qu’au vu des éléments communiqués, elle considère que les mensualités du prêt étaient en adéquation avec les capacités contributives des emprunteurs à la date de souscription du prêt.

Elle relève par ailleurs avoir consulté le FICP le 13 avril 2015, soit antérieurement à la remise des fonds qui a eu lieu le même jour.

S’agissant de l’exigibilité des sommes dues, elle ajoute que les débiteurs ont fait l’objet de mises en demeure à leur dernière adresse connue, qui sont revenues avec la mention « destinataire inconnu » et qu’elle a par ailleurs sollicité la résiliation judiciaire du contrat pour manquements graves des emprunteurs.

Elle ajoute ne réclamer aucun montant au titre de la clause pénale.

Par conclusions notifiées par RPVA le 22 février 2023, M. [Y] demande à la cour :

– d’être reçu en son appel incident,

– statuant à nouveau,

– de constater que la dette de la banque est forclose et débouter en conséquence la BFM de toutes ses demandes fins et conclusions,

– si par extraordinaire la cour ne constatait pas la forclusion de la créance de la banque,

– statuant à nouveau,

– de constater que la déchéance du terme à l’encontre à l’encontre de M. [Y] n’a pas eu lieu,

– d’infirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions et débouter en conséquence la société BFM de toutes ses demandes fins et conclusions,

– si par extraordinaire la cour ne devait pas retenir ni la forclusion ni la déchéance du terme, de :

– confirmer toutes les dispositions du jugement rendu le 17 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Melun,

– condamner Mme [B] et la BFM au paiement de la somme de 1 500 euros en application de la 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Élisabeth Dos Santos Martins, avocate au barreau de Fontainebleau.

Il estime que le premier incident de paiement non régularisé date du 30 janvier 2017, que le dépôt de l’acceptation du dossier de surendettement suspend la procédure mais ne l’interrompt pas, que la banque est forclose pour avoir agi par assignations en date des 14 décembre 2021 et 7 janvier 2022, soit deux ans après le premier incident de paiement.

Subsidiairement, il fait valoir que la déchéance du terme ne lui est pas opposable puisqu’il n’a jamais été destinataire de la lettre recommandée la lui notifiant.

Très subsidiairement, il soutient que la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts contractuels en raison de la consultation tardive par la banque du FICP, le 29 mars 2015, soit à une date postérieure à l’envoi de l’offre de prêt.

Il considère que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts légaux afin d’assurer le respect du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience le 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 29 mars 2015 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L’article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (devenu R. 312-35), dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.

Il précise que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L .331-7-1. Le délai est dès lors interrompu et non suspendu.

En l’espèce, Mme [B] divorcée [Y] et M. [Y] ont déposé un dossier de surendettement à la commission de Seine-et-Marne à une date inconnue, mais nécessairement antérieure au 15 mars 2018 puisqu’ils ont reçu à cette date un courrier de la commission leur précisant que leur dossier était à l’étude.

Ils ont par la suite bénéficié de mesures imposées de redressement le 7 décembre 2018 avec une mise en application à compter du 31 mars 2019 qui prévoyait, s’agissant de ce crédit, un premier palier de 24 mois sans règlement, c’est-à-dire un moratoire pour cette créance, en même temps que des règlements pour les dettes fiscales, la Banque Postale, la CRCAM de Picardie et le centre ambulancier avec une mensualité de remboursement maximale de 417,62 euros.

Il résulte de l’historique de compte du 10 août 2021 que le premier incident de paiement non régularisé avant le plan de surendettement date du mois de janvier 2017, aucun autre paiement n’a eu lieu depuis.

Le délai de forclusion qui a débuté le 30 janvier 2017 a été interrompu par la décision de la commission imposant les mesures de redressement de la situation le 7 décembre 2018 soit moins de deux ans après.

Le point de départ du nouveau délai de forclusion doit être fixé au premier incident de paiement non régularisé après décision de la commission, soit à l’issue du moratoire dont les époux [Y] ont bénéficié entre le 5 avril 2019 et le 5 mars 2021 pour la créance BFM après envoi d’une lettre recommandée par la banque le 3 mars 2021 (rappelant les termes de la lettre envoyée le 4 mars 2019) demandant aux débiteurs de faire connaitre leurs intentions avant le 31 mars 2021.

Dès lors, le premier impayé non régularisé est fixé au 31 mars 2021.

La société Banque Française Mutualiste qui a assigné par acte délivré les 14 décembre 2021 et 7 janvier 2022 les débiteurs n’est donc pas forclose et doit être déclarée recevable en son action.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du terme

La société Banque Française Mutualiste produit deux courriers avant déchéance du terme et deux avant caducité du plan :

– le premier daté du 19 avril 2017 adressé à M. et Mme [Y] mais sans justificatif d’envoi, met en demeure les débiteurs de régler la somme de 933,51 euros au titre des échéances impayées sous huit jours,

– le second daté du 3 juillet 2017 adressé à M. et Mme [Y] par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 5 juillet 2017, met en demeure les débiteurs de régler la somme de 1 555,85 euros au titre des échéances impayées à régler sous huit jours, sous peine de déchéance du terme,

– le troisième envoyé par lettres recommandées avec accusés de réception du 3 mars 2021 revenus non signés prévenant les débiteurs de l’issue du moratoire et leur demandant leurs intentions,

– le quatrième envoyé par lettres recommandées avec accusés de réception du 10 août 2021 signés le 12 août 2021 met en demeure M. et Mme [Y] de régler le solde du crédit de 17 601,12 euros et prononce la déchéance du terme.

Ainsi, M. et Mme [Y] ont été préalablement avisés de la déchéance du terme encourue et il en résulte que la société Banque Française Mutualiste se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme, de la caducité du plan et de l’exigibilité des sommes dues.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a retenu la déchéance du droit aux intérêts pour une consultation tardive du FICP au motif qu’elle aurait eu lieu le 13 avril 2015 pour un contrat signé le 29 mars 2015.

S’agissant de la consultation du FICP et notamment de sa date, il résulte de l’article L. 311-9 devenu L. 312-16 du code de la consommation que le prêteur doit, avant de conclure le contrat de crédit, consulter ce fichier dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5 devenu L. 751-6 du même code et ce à peine de déchéance du droit aux intérêts.

La date de conclusion du contrat doit s’établir en application de l’article L. 311-13 devenu L. 312-24 du code de la consommation qui énonce que « Le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que ledit emprunteur n’ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L’agrément de la personne de l’emprunteur est réputé refusé si, à l’expiration de ce délai, la décision d’accorder le crédit n’a pas été portée à la connaissance de l’intéressé. L’agrément de la personne de l’emprunteur parvenu à sa connaissance après l’expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l’article L. 311-14 (devenu L. 312-25) vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur ».

En l’espèce, l’offre préalable a été acceptée le 29 mars 2015 et il n’a pas été fait usage du délai de rétractation de 14 jours de l’article L. 312-19. Aucun agrément n’a été formellement notifié et la mise à disposition des fonds est intervenue le 13 avril 2015. C’est donc à cette date que le contrat est devenu parfait et dès lors, la consultation du FICP devait intervenir avant cette mise à disposition des fonds.

Or cette consultation est intervenue le 13 avril 2015, soit le même jour que celui de la mise à disposition des fonds et rien ne permet d’établir que le déblocage des fonds, qui n’est pas horodaté, n’a eu lieu qu’ensuite.

Il y a donc lieu de confirmer la déchéance du droit aux intérêts prononcée par le premier juge.

Sur les sommes dues

Aux termes de l’article L. 311-48 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire du capital emprunté de 19 000 euros la totalité des sommes payées soit 4 968,93 euros.

En revanche, la limitation légale de la créance du préteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation ni solliciter la capitalisation des intérêts.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a réduit la clause pénale à 1 euro, étant précisé que la société BFM a bien précisé ne rien demander à ce titre à hauteur d’appel.

Il convient donc de confirmer le jugement en son principe de condamnation au paiement à la banque d’une somme déchue des intérêts contractuels mais d’en infirmer le montant.

Il convient donc de condamner M. et Mme [Y] à payer à la société BFM la somme de 14 031,07 euros correspondant à la différence entre le financement de 19 000 euros et les règlements de 4 968, 93 euros opérés avant plan selon le décompte arrêté au 10 août 2021, sachant qu’aucun règlement n’est intervenu post-moratoire.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêts annuel fixe de 7,66 % l’an.

Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal apparaissent significativement inférieurs à celui résultant du taux légal sauf en cas de majoration de cinq points. La condamnation sera donc assortie des intérêts au taux légal sans cette majoration prévue par l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Le jugement est donc confirmé s’agissant de l’exclusion de l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier mais infirmé sur l’exclusion du taux légal.

La cour condamne donc Mme [B] divorcée [Y] et M. [Y] à payer la somme de 14 031,07 euros à la société Banque Française Mutualiste avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2021.

Sur la demande de désolidarisation de Mme [Y]

L’article 1201 du code civil applicable à la date de conclusion du contrat dispose que « l’obligation peut être solidaire quoique l’un des débiteurs soit obligé différemment de l’autre au paiement de la même chose ; par exemple, si l’un n’est obligé que conditionnellement, tandis que l’engagement de l’autre est pur et simple, ou si l’un a pris un terme qui n’est point accordé à l’autre ».

L’article 1202 (devenu 1310) du code civil dispose que « la solidarité ne se présume point ; il faut qu’elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi ».

L’article 1208 (devenu 1315) du même code prévoit que « le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l’obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs. Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs ».

En l’espèce, il résulte du contrat conclu le 29 mars 2015 que les parties, concubines à l’époque, (non encore mariées) se sont engagées solidairement à l’égard de la banque au vu des mentions apparaissant sur la première page du contrat : « Melle [B] [T] EMPRUNTEUR et M. [Y] [O] CO-EMPRUNTEUR. En cas de pluralité d’emprunteurs, ceux-ci agissent solidairement entre eux et sont considérés comme un seul débiteur conformément à l’article 1200 du code civil ».

Il n’est pas contesté que Mme [Y] n’a jamais cherché à se désolidariser du prêt en adressant un courrier recommandé avec accusé de réception à la banque.

Elle invoque cependant trois motifs pour justifier sa demande de désolidarisation :

– la vérification de sa solvabilité aurait été faite de manière insatisfaisante par la banque,

– la solvabilité actuelle de son ex-mari qui a gardé la jouissance du véhicule, objet du contrat,

– le défaut de conseil de la banque au regard de son absence de permis de conduire l’empêchant d’user du véhicule.

S’agissant du premier argument, il résulte des pièces du dossier que sa solvabilité a été correctement estimée par la banque qui lui a réclamé et obtenu ses bulletins de paie de novembre 2014, décembre 2014 et janvier 2015, son avis d’imposition 2014 et une attestation d’hébergement du couple par sa mère. À partir de ces éléments, une fiche de dialogue a été établie par la banque faisant état de revenus mensuels pour Melle [B] de 995 euros correspondants aux revenus moyens nets mensuels des bulletins de paie fournis. Les revenus du couple correctement évalués par la banque lui permettaient d’assumer les mensualités du crédit ; la banque n’a donc pas failli à ses obligations.

S’agissant de la solvabilité actuelle de M. [Y], cet argument est de fait inopérant pour écarter la solidarité conventionnelle prévue qui, lors de la conclusion du contrat, a été choisie sans être conditionnée par la situation financière des parties au moment de l’application de ladite clause. Cet élément sur la solvabilité du co-emprunteur, au demeurant non établi, ne permet donc pas d’écarter l’application de la clause.

S’agissant du défaut de conseil de la banque lié à l’absence de permis de conduire de Mme [Y] soulevé subsidiairement, il convient de relever que le crédit souscrit n’étant pas un crédit affecté à l’achat d’un véhicule mais un prêt personnel, l’objet du contrat n’était pas connu par la banque, qui n’avait en tout état de cause pas à mettre en garde Mme [Y] sur son choix d’acheter un véhicule alors qu’elle n’avait pas le permis dans l’hypothèse où cette information aurait été connue par l’établissement de crédit étant au demeurant observé que le fait d’être titulaire du permis de conduire n’est exigé que pour conduire un véhicule mais non pour en être propriétaire.

De surcroit, Mme [Y] ne disposait pas plus d’un permis de conduire lorsqu’elle s’est engagée aux termes du contrat et elle n’a pas entendu conditionner l’application de la clause de solidarité à la jouissance du véhicule et/ou à la détention du permis de conduire.

La banque n’a donc aucunement manqué à ses obligations.

Dès lors, il n’existe aucun motif pour ne pas appliquer la clause de solidarité et la condamnation au paiement des époux [Y] sera donc assortie de la solidarité et le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné in solidum les époux [Y] aux dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté la demande de la société Banque Française Mutualiste sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux [Y] succombant, supporteront in solidum la charge des dépens d’appel.

Au regard de la situation économique respective des parties et étant pris en compte la situation d’établissement bancaire de la défenderesse, la société Banque Française Mutualiste conservera donc la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné solidairement Mme [T] [B] divorcée [Y] et M. [O] [Y] au paiement de la somme de 13 744,77 euros au titre du capital restant dû outre la somme d’un euro au titre de la clause pénale, et ce sans intérêts ni contractuels ni légaux ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [T] [Y] désormais divorcée [Y] de sa demande de désolidarisation ;

Condamne solidairement Mme [T] [B] divorcée [Y] et M. [O] [Y] à payer à la société Banque Française Mutualiste la somme de 14 031,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2021 ;

Constate l’absence de demande au titre de la clause pénale ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [T] [B] divorcée [Y] et M. [O] [Y] aux dépens d’appel.

La greffière La présidente


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