La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire a accordé un prêt professionnel de 94 000 euros à la SAS Space-Time Escapes, garanti par plusieurs cautions solidaires. La SAS a été placée en liquidation judiciaire en juillet 2019, et le Crédit Agricole a déclaré une créance de 70 635,73 euros. Les cautions ont été mises en demeure de régler des sommes dues. En juin 2021, le Crédit Agricole a assigné les cautions devant le tribunal. Le jugement du 9 mai 2023 a condamné les cautions à payer des montants spécifiques, tout en déboutant leurs demandes. Le Crédit Agricole a interjeté appel, demandant une révision des montants dus. Les cautions ont également formulé des demandes reconventionnelles. La cour a confirmé certaines décisions du jugement initial tout en modifiant d’autres, notamment en fixant les montants dus par les cautions et en permettant à l’une d’elles de régler sa dette par mensualités.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 25 Septembre 2024
N° RG 23/00883 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GAIT
VTD
Arrêt rendu le vingt cinq Septembre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d’une décision rendue le 9 mai 2023 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/02334 ch1 cab2)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Cecile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lor du prononcé
ENTRE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE HAUTE LOIRE
Société coopérative à capital et personnel variables immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le n° 380 386 854 0018
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentants : Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM- CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Maître Grégoire MANN de la SELARL LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE (plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [R] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître Marie-Christine SLIWA-BOISMENU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
M. [F] [M]
et
Mme [H] [X] épouse [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]
et
M. [Y] [E]
et
Mme [I] [W] épouse [E]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentant : Maître Laura CHEVIET de la SELARL YTEA AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 13 Juin 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 25 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat de prêt en date du 8 juin 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire (le Crédit Agricole) a octroyé à la SAS Space-Time Escapes [Localité 8] un prêt professionnel n°00001402635, d’un montant de 94 000 euros, au taux de 1,95 %, remboursable en 60 mensualités.
Ce prêt était notamment garanti par :
– le cautionnement solidaire de M. [F] [M], limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 40000 euros ;
– le cautionnement solidaire de Mme [H] [M] née [X], limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 40 000 euros ;
– le cautionnement solidaire de M. [Y] [E], limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 40 000 euros ;
– le cautionnement solidaire de Mme [I] [E] née [W], limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 40 000 euros ;
– le cautionnement solidaire de M. [R] [B], limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 20 000 euros.
La SAS Space-Time Escapes Saint-Etienne a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en date du 24 juillet 2019.
Suivant lettre recommandée (LRAR) du 14 août 2019, le Crédit Agricole a déclaré sa créance auprès du liquidateur de la SAS Space-Time Escapes [Localité 8], à savoir :
– la somme de 70 635,73 euros au titre du prêt professionnel n°00001402635 ;
– la somme de 68,30 euros au titre du solde en compte courant n°72839628553, non objet de la présente procédure.
M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W], ainsi que M. [R] [B], cautions non dirigeantes de la SAS Space-Time Escapes [Localité 8], ont été informés de la situation par LRAR du 14 août 2019. Aux termes de ces courriers, les consorts [M] et [E] ont été mis en demeure de régler sous quinzaine la somme totale de 35 317,86 euros chacun, au titre de leurs engagements de cautions solidaires pour le prêt n°00001402635. M. [B] a été quant à lui mis en demeure de régler sous quinzaine, la somme totale de 20 000 euros, au titre de son engagement de caution solidaire pour le prêt n°00001402635.
Par actes des 23 et 29 juin 2021, le Crédit Agricole a fait assigner les cinq cautions devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin qu’au titre de leurs engagements de cautions solidaires concernant le prêt professionnel n°00001402635, :
– M. [F] [M], soit condamné à lui régler la somme 38 590,43 euros ;
– Mme [H] [M] née [X] soit condamnée à lui régler la somme de 38 590,43 euros ;
– M. [Y] [E] soit condamné à lui régler la somme 38 590,43 euros ;
– Mme [I] [E] née [W] soit condamnée à lui régler la somme 38 590,43 ;
– M. [R] [B] soit condamné à lui régler la somme 20 000 euros.
Par jugement du 9 mai 2023, le tribunal a :
– débouté les défendeurs de :
leur demande aux fins d’enjoindre au Crédit Agricole de justifier de la mise en jeu de la garantie BPI France Financement ;
leur demande aux fins d’enjoindre au Crédit Agricole de justifier du montant sollicité au titre des intérêts au taux contractuel ;
leur demande aux fins de réduire la créance du Crédit Agricole s’agissant de l’indemnité d’exigibilité à l’euro symbolique ;
leur demande aux fins de prononcer la nullité des engagements de caution souscrits par Mmes [M] et [E] pour dol ;
leur demande aux fins de justifier des sommes perçues dans le cadre de la cession du fonds de commerce garanti par le nantissement ;
– condamné M. [F] [M] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné Mme [H] [X] épouse [M] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné M. [Y] [E] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné Mme [I] [W] épouse [E] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné M. [R] [B] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 4 287,83 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– rejeté la demande de délais de paiement de M. et Mme [M], de M. et Mme [E] et de M. [B] ;
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [F] [M], Mme [H] [X] épouse [M], M. [Y] [E], Mme [I] [W] épouse [E] et M. [R] [B] aux dépens ;
– accordé à Me Basset – SCP Basset et Associés, avocat le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– débouté le Crédit Agricole de sa demande de condamnation des défendeurs au paiement des sommes retenues par l’huissier en application de l’article A.444-32 du code de commerce, portant modification du décret du 12 décembre 1996, dans l’hypothèse où une exécution forcée serait nécessaire ;
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 5 juin 2023, la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2024, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1103, 2298, 1231-5, 1343-5 du code civil, 2290 et 2302 anciens du code civil, 643-1 du code de commerce et 700 du code de procédure civile, de :
– juger que son appel est recevable et bien fondé ;
– infirmer partiellement le jugement, uniquement en ce qu’il a condamné :
M. [F] [M] à payer en deniers ou quittances la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
Mme [H] [X] épouse [M] à payer en deniers ou quittances la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
M. [Y] [E] à payer en deniers ou quittances la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
Mme [I] [W] épouse [E] à payer en deniers ou quittances la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
M. [R] [B] à payer en deniers ou quittances la somme de 4.287,83 € au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– évoquer l’affaire ;
– statuer de nouveau, et :
– débouter purement et simplement les intimés de leurs demandes, fins et conclusions ;
– juger que sa créance totale s’élève à la somme de 77 180,87 euros ;
– juger que la garantie Bpifrance ne bénéficie pas aux cautions solidaires dans le cadre de la phase de prise de titre à leur encontre mais qu’elle n’intervient qu’en risque final au bénéfice de la banque dans le cadre de la phase de recouvrement ;
– juger que la clause « indemnité de recouvrement » ne constitue pas une clause pénale ;
– juger que les engagements de cautions solidaires respectifs de M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W] s’élèvent chacun à la somme de 38 590,43 euros ;
– juger que la caution solidaire de M. [R] [B] s’élève à la somme de 20 000 euros ;
– en conséquence, condamner solidairement M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W] à lui verser la somme de 77 180,87 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de leur engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 limité respectivement à la somme de 38 590,43 euros, et M. [R] [B] à la même somme, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 limité quant à lui à la somme de 20 000 euros ;
Ou à défaut :
– condamner M. [F] [M] à lui verser la somme de 17 149,59 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 ;
– condamner Mme [H] [M] née [X] à lui verser la somme de 17 149,59 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 ;
– condamner M. [Y] [E] à lui verser la somme de 17 149,59 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 ;
– condamner Mme [I] [E] née [W] à lui verser la somme de 17 149,59 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 ;
– condamner M. [R] [B] à lui verser la somme de 8 582,51 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021, au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635 ;
– en tout état de cause, condamner in solidum M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W] et M. [R] [B] à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance ;
– condamner in solidum M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W] et M. [R] [B] aux entiers dépens ;
– dire que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article A.444-32 du code de commerce, portant modification du décret du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2023, M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E] et Mme [I] [E] née [W] demandent à la cour de :
– à titre principal, confirmer le jugement à leur égard ;
– à titre reconventionnel, condamner le Crédit Agricole à leur payer et porter la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 27 novembre 2023, M. [R] [B] demande à la cour, au visa des articles 2302 et suivants du code civil dans leur version applicable avant le 1er janvier 2022, 1231-5, 2290 et 1345-5 alinéa 1er du code civil, de :
– reformer le jugement en ce qu’il :
– l’a débouté de sa demande aux fins d’enjoindre le Crédit Agricole de justifier de la mise en jeu de la garantie Bpifrance Financement ;
– l’a débouté de sa demande aux fins de réduire la créance du Crédit Agricole, s’agissant de l’indemnité d’exigibilité, à l’euro symbolique ;
– a rejeté sa demande de délais de paiement ;
– l’a condamné aux dépens ;
– en conséquence, enjoindre le Crédit Agricole de justifier de l’admission de cette créance par le liquidateur dans le cadre de ses opérations de vérification de créances, de la mise en jeu de la garantie Bpifrance Financement et des sommes perçues dans le cadre de cette garantie ;
– à défaut, débouter le Crédit Agricole de l’intégralité de ses demandes à son égard ;
– réduire la créance du Crédit Agricole s’agissant de l’indemnité d’exigibilité à un euro symbolique ;
– confirmer la décision du tribunal en ce qu’elle a fixé le montant de son engagement de caution à la somme de 4 287,83 euros, sauf à déduire de ce montant la clause pénale, de sorte qu’il ne serait tenu qu’à hauteur de la somme de 3 674,04 euros subsidiairement s’il était fait droit aux demandes du Crédit Agricole ;
– déduire de toute condamnation à son égard le montant du trop-perçu à hauteur de la somme de 2 712,17 euros dans l’hypothèse d’une confirmation du jugement ou 3 325,96 euros si la cour devait fixer à un euro le montant de l’indemnité de recouvrement ;
– en toutes hypothèses, condamner en deniers ou quittances compte-tenu des versements d’ores et déjà opérés et lui accorder pour le surplus la possibilité de s’acquitter de sa dette par versements mensuels de 200 euros ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le Crédit Agricole de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article A.444-32 du code de commerce ;
– condamner le Crédit Agricole à lui payer et porter la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024.
– Sur la demande visant à enjoindre la banque de justifier de la mise en jeu de la garantie Bpifrance Financement
M. [B] soutient que le prêt consenti par le Crédit Agricole était assorti d’une garantie souscrite auprès de Bpifrance Financement pour une quotité de 50 % ; qu’il appartenait au Crédit Agricole de mettre en jeu cette garantie au même titre que les cautions personnes physiques ; qu’il ne s’évince nullement des conditions générales de la garantie Bpifrance que cette garantie n’a vocation à être appelée qu’en dernier ou en ‘intervention de risque final’ ; qu’à défaut de justifier des sommes perçues dans ce cadre, l’action entreprise par le Crédit Agricole à son encontre est mal fondée.
Le contrat de prêt mentionne en page 2 plusieurs garanties dont les cautionnements des cinq intimés et l’intervention de Bpifrance Financement pour une quotité de 50 %.
Chaque caution a bien précisé manuellement s’engager solidairement avec la société Space-Time Escapes [Localité 8].
En signant l’acte de cautionnement, elles ont également ‘déclaré avoir pris connaissance des conditions financières, particulières et générales du présent contrat et connaître parfaitement les obligations qui en découlent’.
Or, dans les conditions générales du prêt, figure un paragraphe intitulé ‘Cautionnement solidaire’ précisant :
‘Chaque caution, après avoir pris connaissance des clauses et conditions du présent prêt :
– déclare se constituer caution solidaire de l’Emprunteur envers le Prêteur qui accepte, pour le remboursement des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires, en vertu du présent acte et jusqu’à concurrence des sommes acceptées par chaque Caution ;
– renonce au bénéfice de discussion, c’est à dire qu’au cas où le Prêteur serait le créancier d’une somme quelconque, il pourrait poursuivre indifféremment l’Emprunteur et/ou l’une ou l’autre des cautions ;
– renonce au bénéfice de division, ce qui implique qu’au cas où le Prêteur serait garanti par d’autres cautions, il pourrait réclamer toute la créance à une seule des cautions, dans la limite de son engagement, sans avoir à poursuivre les autres cautions.
Chaque caution déclare :
– avoir reçu un exemplaire du présent acte et en agréer les termes. (…).
Le présent cautionnement s’ajoute à toutes les garanties qui ont été ou seront fournies au prêteur par la Caution, l’Emprunteur ou toute autre personne.’
Par ailleurs, il résulte des conditions générales de la garantie de Bpifrance Financement dont l’opposabilité n’est pas contestée par les intimés que :
– article 2 : la garantie ne bénéficie qu’à l’établissement intervenant, elle ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par le bénéficiaire et ses garants pour contester tout ou partie de leur dette ;
– article 10 : lorsqu’il est constaté en accord avec Bpifrance Financement, que toutes les poursuites ont été épuisées, l’établissement intervenant doit justifier du respect de ces conditions générales et de la convention ; Bpifrance Financement règle alors la perte finale et les intérêts au prorata de sa part de risque.
Ainsi que le soutient le Crédit Agricole, la garantie Bpifrance Financement garantit les banques pour une partie de leur perte finale éventuelle sur des opérations de crédit identifiées ; qu’il ne s’agit pas d’une garantie supplémentaire mais d’un partage de la perte finale avec la banque, elle ne bénéficie qu’à l’établissement financier et ne peut être invoquée par les cautions pour contester tout ou partie de leur dette.
Le tribunal a donc à juste titre débouté les intimés de leur demande visant à enjoindre le Crédit Agricole de justifier de la mise en jeu de la garantie Bpifrance Financement et des sommes perçues dans le cadre de cette garantie.
– Sur la créance du Crédit Agricole et l’indemnité d’exigibilité
M. [B] soutient en premier lieu que le montant de la créance déclaré et admis à la procédure collective doit être déterminé parce que le montant auquel sont tenues les cautions est calculé par rapport à la moitié de l’encours, c’est à dire de la créance du Crédit Agricole. Il estime donc que la banque doit justifier de l’admission de cette créance par le liquidateur dans le cadre de ses opérations de vérification de créance.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a rappelé que le Crédit Agricole avait déclaré sa créance auprès du liquidateur par courrier du 14 août 2019, et énoncé que le créancier pouvait poursuivre et obtenir condamnation des cautions, en établissant l’existence et le montant de sa créance, sans attendre l’admission de celle-ci, de sorte qu’il n’y avait pas lieu pour le Crédit Agricole de justifier l’admission de sa créance par le liquidateur.
En second lieu, M. [B] demande de réduire la clause pénale à un euro symbolique estimant que l’indemnité contractuelle figurant au contrat est stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée, mais aussi comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure ; qu’il en découle que le juge peut moduler cette clause lorsqu’elle est manifestement excessive, ce qui est le cas comparativement au montant à devoir au titre de son cautionnement, le montant de la clause pénale étant de 5 049,19 euros alors que son engagement de caution est de 4 287,83 euros.
Selon l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le contrat stipule en page 5 que ‘si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le Prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l’Emprunteur s’oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2 000 euros.’.
Contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, il s’agit bien d’une clause pénale puisqu’elle prévoit le paiement par avance par l’emprunteur d’une indemnité forfaitaire en cas de non paiement spontané de la créance due au prêteur. Ainsi que l’a retenu le tribunal, elle constitue à la fois un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée, moins coûteuse pour le prêteur, et l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure.
Néanmoins, M. [B] ne rapporte pas la preuve du caractère ‘manifestement excessif’ du montant de la clause pénale : celui-ci compare des éléments non comparables pour apprécier l’existence d’une disproportion, à savoir le montant de la clause pénale par rapport au montant fixé par le tribunal mis à sa charge correspondant à la part qu’il doit supporter de manière définitive au titre de son engagement de caution. Or, la limite de son engagement est de 20 000 euros, et la créance de la banque s’élève à 77 180,87 euros.
Le jugement sera également confirmé quant au débouté de la demande aux fins de réduire la créance du Crédit Agricole s’agissant de l’indemnité d’exigibilité à l’euro symbolique.
– Sur la condamnation des cautions
L’article 2290 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, énonce que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreures.
Selon l’article 2302 ancien du code civil, lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.
L’article 2303 précise que chacune d’elle peut, à moins qu’elle n’ait renoncé au bénéfice de division, exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
Lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions solidaires d’une même dette, elles ne peuvent sauf convention contraire, opposer au créancier le bénéfice de division, même si aucune solidarité des cautions entre elle n’a été stipulée.
Il résulte en outre de la combinaison des articles 2290 et 2302 anciens du code civil, que lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur, le montant total des condamnations mises à la charge des cautions ne peut excéder celui des dettes du débiteur principal ; une caution ne pouvant devoir plus que ce que doit le débiteur principal, le juge ne peut condamner une caution sans rechercher quelle est la somme que le débiteur reste devoir. (Cass. Civ. 1ère, 18 février 1997, n°95-11.024).
Au surplus, il résulte de l’article 1103 du code civil que lorsque deux personnes se sont portées cautions solidaires d’un débiteur par acte séparé, chacune pour un montant limité, le créancier se trouve garanti à hauteur du cumul des deux plafonds, dès lors que les actes prévoyaient que le cautionnement s’ajoutait aux autres garanties fournies par tous tiers (Cass. Civ. 1ère, 8 octobre 1996, n°94-19.986).
En l’espèce, le contrat de prêt mentionne au titre des garanties les cautionnements des cinq intimés. En signant l’acte de cautionnement, les intimés ont également ‘déclaré avoir pris connaissance des conditions financières, particulières et générales du présent contrat et connaître parfaitement les obligations qui en découlent’.
Or, dans les conditions générales du prêt, figure au paragraphe intitulé ‘Cautionnement solidaire’ les précisions suivantes :
‘Chaque caution, après avoir pris connaissance des clauses et conditions du présent prêt :
– renonce au bénéfice de division, ce qui implique qu’au cas où le Prêteur serait garanti par d’autres cautions, il pourrait réclamer toute la créance à une seule des cautions, dans la limite de son engagement, sans avoir à poursuivre les autres cautions.
Chaque caution déclare :
– qu’en cas de cautionnements multiples et partiels, les divers engagements de caution destinés à garantir le crédit sont cumulatifs et non alternatifs, ainsi le Prêteur pourra actionner chacune des cautions à hauteur de son engagement total tant que le crédit cautionné ne sera pas intégralement soldé.(…).
Le présent cautionnement s’ajoute à toutes les garanties qui ont été ou seront fournies au prêteur par la Caution, l’Emprunteur ou toute autre personne.’
M. [M] s’est porté caution solidaire de la société en garantie du prêt, engagement limité à 50 % de l’encours et dans la limite de 40 000 euros.
Les engagements de Mme [M] née [X], M. [E] et Mme [E] née [W] sont formulés dans des termes identiques.
M. [B] s’est quant à lui engagé à hauteur de 50 % de l’encours et dans la limite de 20 000 euros.
La créance du Crédit Agricole telle qu’elle résulte du décompte produit arrêté au 28 mai 2021, s’élève à 77 180,87 euros (pièce n°22 de la banque).
Les intimés se prévalent toutefois des stipulations des conditions générales de Bpifrance Financement qui prévoient en leur article 9 : ‘les cautions personnes physiques sont limitées à une quotité de l’encours et sont au maximum égales solidairement entre elles à la moitié de l’encours du crédit’.
Les intimés sont toutes des cautions personnes physiques, leur engagement était limité à une quotité de l’encours (toutes 50 %), et elles doivent être au maximum égales solidairement entre elles à la moitié de l’encours du crédit (77 180,87 /2 = 38 590,43 euros)
Dans ces conditions, au vu de cette stipulation, il y lieu de condamner solidairement M. [M], Mme [M] née [X], M. [E] et Mme [E] née [W] à payer la somme de 38 590,43 euros outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 au titre de leurs engagements de cautions solidaires, et M. [B] devant être condamné solidairement avec eux dans la limite de son engagement de 20 000 euros. Le jugement sera donc infirmé.
– Sur les délais de paiement
Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
M. [B] sollicite l’octroi de délais de paiement, faisant valoir qu’il a mis en place au profit de la banque, un virement de 200 euros par mois entre le 19 janvier 2021 et le 11 novembre 2023.
Le Crédit Agricole conclut ne pas s’opposer aux délais de paiement sollicités et s’en remettre à l’appréciation souveraine de la cour.
Dans ces circonstances, M. [B] sera autorisé à s’acquitter des sommes dues par des versements mensuels de 200 euros dans la limite de 24 mois, la totalité de la somme due devant être réglée avec la 24ème mensualité.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Parties succombantes, M. [M], Mme [M] née [X], M. [E], Mme [E] née [W] et M. [B] seront condamnés in solidum aux dépens d’appel, sans qu’il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour des raisons tirées de l’équité et sans qu’il y ait lieu de leur faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article A.444-32 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– débouté M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W], et M. [R] [B] de leur demande aux fins d’enjoindre au Crédit Agricole de justifier de la mise en jeu de la garantie Bpifrance Financement ;
– débouté M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W], et M. [R] [B] de leur demande aux fins de réduire la créance du Crédit Agricole s’agissant de l’indemnité d’exigibilité à l’euro symbolique ;
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W], et M. [R] [B] aux dépens ;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– condamné M. [F] [M] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné Mme [H] [X] épouse [M] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné M. [Y] [E] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné Mme [I] [W] épouse [E] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 8 575,65 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– condamné M. [R] [B] à payer en deniers ou quittances au Crédit Agricole la somme de 4 287,83 euros au titre de son engagement de caution solidaire du prêt professionnel n°00001402635, ladite somme portant intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 ;
– débouté M. [R] de sa demande de délais de paiement ;
Statuant à nouveau :
Condamne solidairement M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E] et Mme [I] [E] née [W] à payer la somme de 38 590,43 euros outre intérêts au taux contractuel de 1,95 % à compter du 29 mai 2021 au titre de leurs engagements de cautions solidaires, et M. [R] [B] devant être condamné solidairement avec eux dans la limite de son engagement de caution fixé à 20 000 euros ;
Sursoit à l’exécution des poursuites à l’encontre de M. [R] [B] et autorise ce dernier à se libérer de sa dette en 23 mensualités de 200 euros et le solde avec la 24ème mensualité, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;
Dit que les mensualités seront exigibles le 10 de chaque mois, la première mensualité devant être réglée le 10 du mois suivant la signification de l’arrêt, sous réserve de l’exigibilité immédiate de la dette en cas de défaut de paiement d’une seule échéance à son terme exact ;
Rappelle que conformément à l’article 1345-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [F] [M], Mme [H] [M] née [X], M. [Y] [E], Mme [I] [E] née [W] et M. [R] [B] aux dépens d’appel, sans qu’il y ait lieu de leur faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article A.444-32 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le greffier, La présidente,