Interprétation des clauses d’assurance en période de crise sanitaire : enjeux et conséquences pour les entreprises.

·

·

Interprétation des clauses d’assurance en période de crise sanitaire : enjeux et conséquences pour les entreprises.
Ce point juridique est utile ?

Contexte de l’affaire

Le 10 janvier 2022, la société Mac Marcel a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Malo le 14 décembre 2021. Elle conteste la décision qui a refusé sa demande d’indemnisation pour pertes d’exploitation suite à la fermeture administrative de ses établissements en raison de la pandémie de Covid-19.

Demandes de la société Mac Marcel

Dans ses écritures notifiées le 5 avril 2022, Mac Marcel demande à la cour d’infirmer le jugement initial et de condamner la société Axa France Iard à lui verser 80 554 euros pour indemniser son préjudice, ainsi que 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de prendre en charge les dépens d’instance.

Réponse de la société Axa France Iard

Par ses conclusions notifiées le 1er août 2022, Axa France Iard demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce, arguant que la clause d’exclusion de garantie est conforme aux articles du code des assurances et que les conditions de la garantie ne sont pas remplies. Axa demande également à débouter Mac Marcel de toutes ses demandes et à lui verser 1 000 euros au titre de l’article 700.

Arguments de la société Mac Marcel

Mac Marcel soutient que la fermeture de ses établissements constitue une fermeture administrative au sens du contrat d’assurance, en raison des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la Covid-19. Elle conteste la validité de la clause d’exclusion, affirmant qu’elle est floue et contradictoire, et que les termes utilisés ne sont pas clairement définis.

Arguments de la société Axa France Iard

Axa France Iard rétorque que la clause d’exclusion est claire et que Mac Marcel, en tant que professionnelle, aurait dû comprendre les termes du contrat. L’assureur souligne que la clause d’exclusion s’applique lorsque d’autres établissements dans le même département sont également fermés pour des raisons identiques, ce qui exclut la garantie pour Mac Marcel.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce, considérant que la clause d’exclusion est formelle et limitée, et qu’elle est donc opposable à Mac Marcel. La cour a également noté que la clause d’exclusion ne vide pas la garantie de sa substance et que les pertes d’exploitation résultant des mesures gouvernementales constituent un préjudice anormal qui ne relève pas de la garantie individuelle.

Conséquences de la décision

En conséquence, la société Mac Marcel a été déboutée de toutes ses demandes, et la cour a décidé de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur d’Axa France Iard. Mac Marcel a été condamnée aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/00079
5ème Chambre

ARRÊT N°-347

N° RG 22/00079 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SLPX

(Réf 1ère instance : 2020002168)

S.A.S. MAC MARCEL

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Septembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. MAC MARCEL

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre RIOU de la SARL AR CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Vandrille SPIRE de l’AARPI 186 Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Pascal ORMEN de la SELARL ORMEN PASSEMARD & AUTRES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société Mac Marcel exploite deux restaurants sous les enseignes Mac Marcel et Côté Bistrot à [Localité 4].

Dans le cadre de ses activités, la société Mac Marcel a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la société Axa France Iard avec effet au 15 octobre 2017.

Après la publication des mesures gouvernementales sur la crise sanitaire liée au virus Covid-19, le 29 juillet 2020, la société Mac Marcel a sollicité de la société Axa France Iard la prise en charge de son préjudice au titre de la perte d’exploitation.

Par courrier en date du 14 août 2020, et du 26 octobre 2020 après mise en demeure, la société Axa France Iard a refusé la prise en charge de ce préjudice.

La société Mac Marcel a fait délivrer une assignation à l’encontre de la société Axa France Iard en date du 1er décembre 2020.

Par jugement du 14 août 2021, le tribunal de commerce de Saint-Malo a :

– jugé que les conditions de la garantie Axa France Iard ne sont pas remplies en l’espèce,

En conséquence, débouté la société Mac Marcel de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Axa France Iard,

– condamné la société Mac Marcel à payer à la société Axa France Iard une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Mac Marcel à supporter les entiers dépens de l’instance, dont frais de greffe.

Le 10 janvier 2022, la société Mac Marcel a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 avril 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Malo du 14 décembre 2021 dans toutes ses dispositions,

Par conséquent, statuant à nouveau,

– condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 80 554 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice tiré de sa perte d’exploitation consécutive à la fermeture administrative de ses établissements par application du contrat d’assurance n°10064260404 pour la période du 14 mars au 14 juin 2020,

– condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens d’instance.

Par dernières conclusions notifiées le 1er août 2022, la société Axa France Iard demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé sa constitution et, y faisant droit :

À titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal commerce de Saint-Malo en ce qu’il a jugé la clause d’exclusion conforme aux articles L. 113-1 du code des assurances et 1170 du code civil,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Malo en tout point :

* jugé que les conditions de la garantie ne sont pas remplies en l’espèce,

En conséquence, débouté la société Mac Marcel de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre,

* condamné la société Mac Marcel à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence :

– débouter la société Mac Marcel de toutes ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

Dans l’hypothèse où la cour infirmerait le jugement et considérerait que l’extension de garantie est mobilisable :

– juger que le montant de l’indemnité sollicité par l’appelante n’est pas démontré,

En conséquence :

– désigner un expert judiciaire dont la mission serait fixée comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par l’Assurée et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années,

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur les périodes d’indemnisation consécutives aux fermetures de l’établissement et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,

* donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires-charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d’État perçues par l’assurée,

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,

En tout état de cause,

– débouter la société Mac Marcel de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Mac Marcel à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SAS Mac Marcel explique qu’à la suite de la publication de l’arrêté du 14 mars 2020 et du décret du 29 octobre 2020, elle n’a pu exploiter ses restaurants.

Elle entend se référer aux dispositions des articles 1188, 1189 et 1190 du code civil sur les règles d’interprétation des contrats.

Elle expose que la garantie sur les pertes d’exploitation suppose la réunion de deux conditions, soit une fermeture par une autorité administrative compétente et que cette décision soit la conséquence d’une maladie contagieuse ou d’une épidémie.

Elle considère que les mesures gouvernementales constituent une fermeture administrative au sens du contrat, qui a été ordonnée pour lutter contre le virus de Covid-19, qui est une maladie contagieuse.

Concernant la clause d’exclusion, la SAS Mac Marcel explique que le contrat litigieux est un contrat d’adhésion, que la société Axa France Iard n’a pas défini avec précision les garanties souscrites et les hypothèses d’exclusion, soit les termes épidémie, maladie contagieuse et cause identique. Elle conteste la motivation du tribunal selon laquelle le débat sur l’interprétation de la notion d’épidémie était sans pertinence pour apprécier le caractère formel de la clause d’exclusion.

Elle propose des définitions du terme épidémie et affirme que le sens général du terme est inconciliable avec la possibilité qu’un seul établissement soit affecté.

Elle signale que l’assureur a proposé un avenant à ses assurés où il exclut l’indemnisation des pertes d’exploitation consécutives à une épidémie et définit ce terme.

Pour la SAS Mac Marcel, la clause d’exclusion n’est ni formelle ni limitée.

Elle estime que la garantie et sa clause d’exclusion sont contradictoires et que la clause d’exclusion vide la garantie sur les pertes d’exploitation de sa substance. Elle écrit qu’il est impossible qu’un seul établissement fasse l’objet d’une fermeture pour cause d’épidémie, que les maladies citées par l’assureur (comme la listériose, la fièvre typhoïde, la salmonellose) ne correspondent pas à la définition de l’épidémie.

En réponse, la SA Axa France Iard fait état des nombreuses décisions de justice rendues dans des cas similaires.

Elle expose que :

– un assuré se doit de lire son contrat avant d’y souscrire,

– les termes employés dans la garantie et la clause d’exclusion ne relèvent pas du vocabulaire spécialisé de l’assureur,

– il n’est pas concevable que l’assurée n’ait pas été en mesure de comprendre le cas où la garantie est due (mon établissement est le seul à subir une fermeture administrative) et le cas où la garantie est exclue (d’autres établissements dans le même département sont fermés pour la même cause).

La société intimée explique que la clarté formelle d’une clause d’exclusion s’apprécie uniquement par rapport à la clarté des termes et des critères d’application qu’elle comprend en application de l’article L. 113-1 du code des assurances et ne doit pas s’apprécier par rapport aux clauses définissant l’objet de la garantie ou des conditions de garantie.

Elle affirme que :

– la clause d’exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation et la définition du terme épidémie est sans pertinence pour apprécier le caractère formel de cette clause,

– la compréhension de la clause par l’assurée doit s’apprécier au jour de la souscription, et en sa qualité de professionnelle de la restauration soumise à de nombreuses règles d’hygiène, la société Mac Marcel ne pouvait ignorer les périls sanitaires induits par son activité,

– les épidémies d’origine sanitaire (les toxi-infections alimentaires collectives ou TIAC) constituent la cause de l’engagement des restaurateurs,

– l’épidémie de Covid-19 n’existait pas au moment de la souscription du contrat.

L’assureur prétend que les trois critères d’application de la clause d’exclusion ne souffrent d’aucune imprécision et sont compréhensibles par tous, s’agissant d’un critère de nombre, de territoire ou d’un critère causal.

Il déclare que ce n’est pas la nature de l’épidémie qui importe mais sa conséquence, à savoir une fermeture administrative.

La société Axa France Iard indique que la proposition d’un avenant ne remet pas en cause la clarté de la clause d’exclusion et qu’aucune conclusion ne peut être tirée de l’existence de cette proposition. Elle argue de ce que les réassureurs n’entendaient plus couvrir le moindre risque lié à une épidémie et que tous les assureurs ont proposé des avenants.

Elle mentionne que :

– la survenue d’une épidémie ne fait naître aucune obligation à son égard,

– le risque assuré se traduit par les pertes d’exploitation en lien avec la fermeture et non pas celles pouvant résulter de l’épidémie elle-même, ou d’un meurtre ou un suicide ou une maladie contagieuse,

– des mesures isolées à l’encontre d’un seul établissement sont possibles.

Pour l’assureur, le caractère limité de la clause d’exclusion s’apprécie non pas en considération de ce qu’elle exclut mais en considération de ce qu’elle garantit après la mise en oeuvre.

Elle explique que :

– une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d’un unique établissement,

– le terme ‘épidémie’ n’implique pas nécessairement une dimension étendue,

– il n’y a pas de corrélation entre l’épidémie et la dimension du lieu, une épidémie pouvant n’affecter qu’un nombre limité de personnes au sein d’une collectivité, d’une entreprise ou d’une famille.

La société Axa France Iard donne des exemples de TIAC qui ont donné lieu à la fermeture d’un seul établissement.

Elle signale que les autorités ont le pouvoir d’adopter des mesures de fermeture administrative isolée en application de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique et que ces mesures sont proportionnées aux risques encourus.

Elle rappelle que si la preuve des conditions d’application de l’exclusion pèse sur elle, la preuve de l’invalidité de la clause d’exclusion pèse sur l’assurée.

Elle expose que l’absence de caractère limité de la clause d’exclusion et la substance de l’obligation ne peuvent pas s’apprécier au seul regard de la situation épidémique de Covid-19.

Elle écrit qu’une épidémie, dont le foyer se trouverait à l’extérieur de l’établissement faisant l’objet de la fermeture, aurait vocation à être garantie.

Pour l’assureur, il serait erroné de considérer qu’au jour de la souscription du contrat, l’assurée a souhaité obtenir une couverture d’assurance pour se prémunir contre les conséquences d’une fermeture généralisée liée à une épidémie telle que le Covid-19 (risque totalement imprévisible) plutôt que de se prémunir contre les risques liés à son activité de restauration.

Il déclare qu’il n’a jamais voulu couvrir les conséquences d’un risque systémique et qu’un ou plusieurs assureurs ne pourraient prendre en charge de garantir l’ensemble des conséquences des décisions des autorités publiques, soit des mesures générales nécessaires pour faire face à la propagation du virus de Covid-19 et qui constituent un préjudice anormal ne pouvant relever d’une garantie individuelle.

Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le périmètre contractuel est constitué des conditions générales référencées n° 690200 P et des conditions particulières référencées n° 10064260404.

Les conditions particulières prévoient (en pages 6/10) une extension de garantie rédigée comme suit :

PERTE D’EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication (…)

SONT EXCLUES

LES PERTES D’EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT LA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L’OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L’ETABLISSEMENT ASSURE, D’UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE’.

En application de l’article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et dommages occasionnés par cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exception formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

C’est à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de garantie qu’il incombe de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion et c’est à l’assuré, qui invoque l’invalidité de la clause d’exclusion, de supporter la charge de la preuve.

Le caractère formel d’une clause d’exclusion doit s’apprécier par rapport à la clarté des termes et des critères d’application qu’elle comprend et non pas par rapport aux clauses définissant l’objet de la garantie ou les conditions de garantie.

La compréhension de la clause discutée doit s’apprécier à la date de souscription du contrat. Or en 2017, les parties n’ont pu envisager l’existence d’une pandémie au niveau national et international qui n’avait jamais existé. La commune intention des parties était de couvrir les aléas inhérents à l’exploitation normale d’un restaurant exposé à des risques biologiques notamment, risques pour lesquels les restaurateurs suivent une formation et subissent des contrôles de la part de l’administration.

La société Axa France Iard conclut à juste titre que les pertes d’exploitation résultant des mesures gouvernementales sont le résultat d’une fermeture collective et constituent un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas de la garantie individuelle de droit privé.

Il convient de noter que la clause d’exclusion litigieuse ne contient aucun terme technique difficile à appréhender.

La cour observe que le terme ‘épidémie’ n’est pas mentionné dans la clause d’exclusion. L’absence de définition de ce terme n’affecte pas la validité de la clause d’exclusion.

Ce qui est important, ce n’est pas la nature, l’origine et l’étendue de l’épidémie, mais sa conséquence. Le risque couvert est celui des pertes d’exploitation subséquentes à une fermeture administrative et non le risque de survenance d’une épidémie.

La circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’est pas l’épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement a fait l’objet d’une mesure de fermeture pour une cause identique à celles énumérées par la clause d’extension de garantie (soit une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication), de sorte que l’ambiguïté alléguée par l’assuré du terme ‘épidémie’ est sans incidence sur la compréhension par l’assuré des cas dans lesquels l’exclusion s’appliquait.

(Cour de cassation, 2ème chambre civile 1er décembre 2022, 19 janvier 2023 et 25 mai 2023, 15 juin 2023, 12 octobre 2023).

Les autres termes de la clause d’exclusion doivent être entendus dans leur sens commun.

La notion d’établissement peut être traduite, par un non-juriste comme la société Mac Marcel, à toute catégorie de restaurant, ferme, cantine, commerce de bouche susceptible de faire l’objet d’une mesure administrative.

Les termes ‘quelle que soit la nature et l’activité des établissements’ sont certes généraux mais ils ne font pas obstacle au caractère précis et clair de la clause en ce qu’ils désignent un ensemble défini sans exception à savoir les autres établissements au sens de la totalité de ceux-ci, permettant à l’assuré de connaître l’étendue de sa garantie. La nature et l’activité de ces établissements importent peu.

Le périmètre départemental ne peut constituer une difficulté au demeurant non soulevée.

La ’cause identique’ figurant dans la clause d’exclusion renvoie nécessairement aux mêmes événements que ceux figurant dans la clause de garantie à savoir ‘une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication’. Ce terme ’cause identique’ se suffit à lui-même et est donc parfaitement compréhensible sauf à vouloir, comme le fait l’intimée, compliquer à l’extrême toute situation de manière très subjective.

Selon une jurisprudence constante, toute exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée et ne saurait aboutir, sans retirer son objet au contrat d’assurance, à annuler pratiquement toutes les garanties prévues sauf pour une catégorie de dommage très réduite.

Il a été dit que la garantie couvre le risque de pertes d’exploitation consécutives non pas en raison d’une épidémie, mais d’une fermeture de l’établissement à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Contrairement aux écritures de la société Mac Marcel, la clause d’extension et son exclusion ne peuvent être appréciées par rapport à la seule pandémie de Covid-19 mais doivent s’apprécier au regard des 5 événements susceptibles d’entraîner une fermeture que sont la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l’intoxication ou l’épidémie.

La société Axa France Iard fait remarquer utilement que l’extension de garantie a vocation à être mobilisée également lorsque le foyer de l’épidémie se situe à l’intérieur et/ou à l’extérieur de l’établissement concerné, le critère d’application de l’exclusion est seulement la nature isolée de la fermeture administrative.

L’assureur démontre à l’appui d’une documentation circonstanciée, que la fermeture d’un seul établissement dans un même département fondée sur des cas de listériose, salmonellose, grippe aviaire, légionellose ou fièvre typhoïde, donnant lieu à des épidémies, est avérée. Il est d’ailleurs établi qu’un fonds de commerce de restauration supporte un risque non négligeable quant à la propagation de toxi-infections alimentaires collectives (au nombre desquelles figure la salmonellose), dont il peut être le foyer alors que son activité est encadrée par diverses obligations en matière d’hygiène alimentaire et de sécurité sanitaires, susceptibles d’entraîner une fermeture administrative. L’assureur justifie qu’une épidémie peut toucher un nombre restreint de personnes dans un établissement, le terme épidémie ne renvoyant pas nécessairement aux notions de contagion ou de propagation généralisée de la maladie.

Contrairement au postulat de la société Mac Marcel, le risque de fermeture individuelle, qui a pour origine une épidémie, est possible et reste un événement probable correspondant à un risque aléatoire assurable.

Ainsi, la clause d’exclusion ne vide pas la garantie de sa substance.

La proposition d’un avenant à l’assuré par la société Axa France Iard, qui exclut de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie ou une maladie contagieuse est indifférente quant à l’analyse du contrat litigieux, si ce n’est qu’elle atteste que ce dernier n’avait pas été envisagé par les parties au regard d’une épidémie telle que celle de Covid-19.

En conséquence, il convient de juger que la clause d’exclusion de garantie litigieuse est formelle et limitée et donc opposable à la société Mac Marcel.

La société Axa France Iard est fondée à refuser la garantie sur les pertes d’exploitation.

La société Mac Marcel doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Le jugement est confirmé.

* Sur les autres demandes.

Pour des raisons d’équité, il n’est pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Axa France Iard qui est, tout comme la société Mac Marcel, déboutée de sa demande formée de ce chef.

Succombant en toutes ses demandes, la société Mac Marcel est condamnée aux dépens d’appel.

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Mac Marcel aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x