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Clôture de l’instruction et audienceUne ordonnance en date du 2 avril 2024 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 4 juin 2024. Contexte de la garantieLa société Hôtelière de Marclaz a souscrit un contrat multirisque professionnel auprès d’Allianz, dont les conditions générales sont applicables au litige. En raison de l’épidémie de covid-19, des mesures sanitaires ont été mises en place, interdisant l’accueil du public dans certains établissements, notamment les restaurants et bars d’hôtels. Les hôtels pouvaient continuer à recevoir des clients, mais sans activité de restauration. La société a fermé son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, puis du 29 octobre 2020 au 9 juin 2021, entraînant des pertes d’exploitation. Clause de garantie et conditions d’applicationLa clause de garantie pour pertes d’exploitation stipule que l’indemnisation est due en cas d’impossibilité d’accès aux locaux ou d’interdiction d’accès émanant des autorités publiques, sous certaines conditions. La société Hôtelière de Marclaz a sollicité la mise en œuvre de cette garantie, arguant que les mesures sanitaires constituaient des cas d’application. Analyse des cas de mise en jeu de la garantieLe tribunal a examiné les deux premiers cas de mise en jeu de la garantie, à savoir l’impossibilité d’accès et l’interdiction d’accès. Il a conclu que la Covid-19 ne pouvait pas être assimilée à un événement ayant causé des dommages matériels dans le voisinage immédiat. De plus, il a été établi qu’il n’y avait pas eu d’impossibilité d’accès aux locaux, car l’hôtel pouvait accueillir des clients, bien que sans activité de restauration. Troisième cas de mise en jeu de la garantieLe troisième cas de mise en jeu de la garantie concerne la fermeture administrative temporaire en raison d’événements survenus dans les locaux. La clause exclut explicitement les épidémies et pandémies. Aucune des conditions d’application de la garantie n’a été réunie, car aucun événement listé dans la clause ne s’est produit dans l’établissement. Obligation de conseil et d’informationLa société Hôtelière de Marclaz a reproché à son courtier de ne pas l’avoir informée de l’exclusion des épidémies. Cependant, la clause d’exclusion était clairement rédigée et visible. Il incombait à l’assurée de prendre connaissance des documents contractuels, et aucun manquement à l’obligation de conseil n’a été établi. Décision finaleLa cour a infirmé le jugement précédent, rejetant les demandes de la société Hôtelière de Marclaz concernant la garantie et la provision. Elle a également confirmé que la garantie d’Allianz n’était pas mobilisable et a condamné la société Hôtelière aux dépens de première instance et d’appel. Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 22 Octobre 2024
N° RG 22/00208 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G5CB
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 27 Janvier 2022
Appelante
SA ALLIANZ IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par l’AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocats plaidants au barreau de PARIS
Intimée
S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE DE MARCLAZ, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
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Date de l’ordonnance de clôture : 02 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 juin 2024
Date de mise à disposition : 22 octobre 2024
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Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate Honoraire, avec l’assistance de Mme Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes, au dépôt des dossiers et communication de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
– Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire
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Faits et procédure
La société Hôtelière de Marclaz, exploitant un fonds de commerce d’hôtel-restaurant sous l’enseigne « Hôtel côté sud Léman ‘ Restaurant Les tournesols » à [Localité 3], a souscrit le 8 juillet 2015 un contrat d’assurance multirisque professionnel auprès de la société Allianz Iard.
Afin d’enrayer le développement de la Covid 19, le gouvernement a pris deux arrêtés, des 14 et 15 mars 2020, ordonnant notamment la fermeture de certains établissements recevant du public (ERP), notamment les restaurants et débits de boissson, sauf pour leur activité de livraison et de vente à emporter. Cette interdiction a été maintenue jusqu’au 2 juin 2020.
Par ailleurs, le Préfet de la Haute-Savoie a pris, les 7 et 15 avril 2020, des arrêtés interdisant aux hôtels du département de louer leurs chambres à des fins touristiques, jusqu’au 11 mai 2020.
Suite à une nouvelle flambée du virus, une mesure d’interdiction visant les restaurants et débits de boissson a ensuite été prise par décret du 29 octobre 2020, jusqu’au 9 juin 2021.
Le 25 janvier 2021, la société Hôtelière de Marclaz a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Allianz afin d’obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation consécutives à ces événements au titre du contrat d’assurance souscrit le 8 juillet 2015.
La compagnie d’assurance a cependant refusé sa garantie, conduisant la société Hôtelière de Marclaz à la faire assigner devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains suivant exploit en date du 12 juillet 2021.
Par jugement du 27 janvier 2022, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– Débouté la Société Hôtelière de Marclaz de ses demandes fondées sur l’application des clauses « impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès » et « interdiction d’accès » uniquement en dehors de la période du 8 avril au 11 mai 2020 ;
– Condamné la société Allianz Iard à verser une provision de 40 000 euros à la société Hôtelière de Marclaz à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui résultera de l’expertise ordonnée ;
– Ordonné une expertise judiciaire aux fins d’évaluer l’indemnisation due à la demanderesse sur la période du 8 avril au 11 mai 2020 exclusivement ;
– Nommé M. [S] [P], expert judiciaire, avec pour mission :
– Evaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute subis par la Société Hôtelière de Marclaz, avec distinction entre les activités exercées (restauration et hôtellerie), Pendant la période allant du 8 avril au 11 mai 2020,
– Evaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation conformément aux conditions du contrat d’assurance et dans le respect du principe indemnitaire, prévu à l’article L.121-1,
– Entendre tout sachant lui permettant de mener à bien sa mission d’expertise,
– Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,
– S’il l’estime nécessaire, se rendre sur place,
– Dit que le montant de l’indemnisation sera définitivement fixé à l’issue des opérations d’expertise et dès lors sursoit à statuer sur la condamnation dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert ;
– Dit que dès lors que l’évènement sera intervenu, il incombera à la partie la plus diligente de saisir à nouveau la juridiction ;
– Débouté la société Hôtelière de Marclaz de sa demande d’astreinte ;
– Débouté les parties de toutes leurs demandes autres ou contraires ;
– Réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Au visa principalement des motifs suivants :
S’agissant des clauses « impossibilité et difficulté matérielles d’accès » et « interdiction d’accès », il n’y a pas eu de difficultés matérielles particulières pour accéder à l’établissement pendant la période de confinement, la société Hôtelière de Marclaz sera donc déboutée de ses demandes fondées sur ses clauses en dehors de la seule période du 8 avril au 11 mai 2020, au cours de laquelle l’interdiction globale d’exploitation de la partie hôtelière a pénalisé de manière importante l’activité globale de la requérante ;
La clause d’exclusion stipulée au titre de la garantie applicable en cas de « fermeture administrative », restreignant le champ de la garantie aux seules maladies infectieuses hors contexte d’épidémie ou de pandémie, est formelle est limitée, de sorte qu’elle doit recevoir aplication ;
Cette garantie n’est au surplus pas mobilisable dès lors qu’aucune maladie infectieuse n’est survenue à l’intérieur des locaux professionnels entraînant une mesure de fermeture administrative ;
La société Hôtelière de Marclaz n’a pas porté à la connaissance de son assureur sa volonté d’être couverte au titre des risques d’épidémie-pandémie, dès lors, la société Allianz Iard n’avait aucune obligation d’attirer l’attention de son assuré sur ce point.
Par déclaration au greffe du 7 février 2022, la société Allianz Iard a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu’il a débouté la société Hôtelière de Marclaz de sa demande d’astreinte et réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières écritures du 27 mars 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Allianz Iard sollicite l’infirmation des chefs critiqués de la décision demande à la cour de :
A titre principal,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains le 27 janvier 2022 en ce qu’il a débouté la société Hôtelière de Marclaz de toutes ses demandes autres et contraires, à savoir ses demandes fondées sur le manquement à son devoir de conseil et d’information de la, ainsi que la mobilisation de la garantie « fermeture administrative » ;
En conséquence, statuant à nouveau,
– Juger que la police d’assurance de la société Hôtelière de Marclaz n’est pas mobilisable sur les conséquences des mesures gouvernementales prises pour lutter contre le développement de la Covid-19 ;
– Juger qu’elle n’a aucunement manqué à son devoir de conseil et d’information ;
– Débouter la société Hôtelière de Marclaz de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre ;
A titre subsidiaire,
– Juger que la garantie n’est mobilisable que pour le restaurant exploité par la société Hôtelière de Marclaz entre le 16 mars 2020 et le 2 juin 2020 et pour l’établissement hôtelier uniquement pour la période du 8 avril au 11 mai 2020 ;
– Juger que les opérations d’expertise judiciaire seront à la charge de la société Hôtelière de Marclaz ;
– Juger que l’expert judiciaire désigné devra évaluer l’indemnisation de la société Hôtelière de Marclaz telle que découlant de la police d’assurance liant les parties et de manière plus générale, respecter le principe indemnitaire, prévu à l’article L.121-1 du code des assurances ;
Y ajoutant,
– Condamner la société Hôtelière de Marclaz à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bollonjeon, avocat.
Au soutien de ses prétentions, la société Allianz Iard fait valoir notamment que :
de nombreux tribunaux et cours d’appel, tout comme la cour de céans, se sont prononcés sur la même police d’assurance pour retenir son absence de garantie;
la Covid-19 n’est pas visée au titre des évènements garantis et ne peut s’assimiler à un événement ayant entraîné des dommages matériels, de sorte que la police n’a pas vocation à couvrir ce risque ;
aucune maladie infectieuse n’est survenue à l’intérieur des locaux professionnels, motivant une mesure de fermeture administrative de l’établissement ;
la clause d’exclusion est rédigée en caractères très apparents et est formelle et limitée, dès lors, elle se trouve donc mobilisable en l’espèce ;
faute du préalable indispensable de fermeture par une autorité compétente la garantie « fermeture administrative » ne peut pas être mobilisée ;
la société Hôtelière de Marclaz ne peut pas prétendre à la mobilisation de cette dernière pour les conséquences en lien avec la Covid-19, ce qui rend donc sa demande de chiffrage de son préjudice sans objet.
Dans ses dernières écritures du 29 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Hôtelière de Marclaz demande à la cour de :
– Infirmer le jugement prononcé le 27 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Thonon les Bains en ce qu’il a :
– L’a déboutée de ses demandes fondées sur l’application des clauses “Impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès” et “interdiction d’accès” en dehors de la période du 8 avril au 11 mai 2020,
– Ordonner une expertise judiciaire en distinguant les activités exercées par la concluante, et en limitant la période d’évaluation de l’indemnisation à la période allant du 8 avril au 11 mai 2020,
– Limité la provision allouée à hauteur de 40 000 euros,
– L’a déboutée de sa demande d’astreinte,
– L’a déboutée de ses demandes autres ou contraires, en ce compris :
– les demandes exposées au titre de la clause « fermetures administratives » en jugeant que la clause d’exclusion y figurant était formelle et limitée au sens de l’article 113 ‘ 1 du code des assurances, et qu’elle ne vidait pas de sa substance la garantie contenue dans la police,
– les demandes tirées du défaut d’information de l’assureur,
– la demande de provision ad (item, sans motivation particulière,
– Réservé les dépens et les frais irrépétibles ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
Sur le droit à indemnisation de la concluante,
Sur la mobilisation de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interruption ou de réduction de l’activité résultant de l’impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès figurant en page 31 des conditions générales N°com16327 ;
– Juger que les critères d’indemnisation de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interruption ou de réduction de l’activité résultant de l’impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès figurant en page 31 des conditions générales N°com16327 du contrat d’assurance n° 55253617, qu’elle a souscrit auprès de la société Allianz le 8 juillet 2015, sont réunis concernant les pertes d’exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public, dès lors qu’aucune interprétation n’est nécessaire relativement à ladite clause, et qu’il en résulte que la garantie est acquise sans restrictions relatives à la survenance de dommages matériels, cette restriction n’ayant vocation à s’appliquer pour le seul poste de garantie dit de 1’« interdiction d’accès à vos locaux assurés émanant des autorités publiques» ;
Subsidiairement,
– Juger qu’il existe plusieurs interprétations possibles relativement à ladite clause 4.1 des conditions générales N°com16327, et lui faire application du sens le plus favorable, conformément à l’article 1190 du code civil ;
En conséquence, et en tout état de cause,
– Condamner la société Allianz Iard à indemniser les pertes d’exploitation qu’elle a subies, sans distinction entre les activités exercées par cette dernière consécutives à la réduction de son activité causée par les impossibilités d’accès ou difficultés d’accès partielles ou totales de son établissement, causées à sa clientèle en raison de l’épidémie de Covid-19, pendant les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public ;
– Juger que le calcul de la perte de marge brute réalisé par l’expert judiciaire désigné devra faire abstraction des aides exceptionnelles qui lui ont été accordées au titre de la solidarité nationale, à charge pour cette dernière de déclarer le montant indemnitaire obtenu judiciairement aux services compétents de l’Etat ;
Subsidiairement,
– Condamner la société Allianz Iard à l’indemniser les pertes d’exploitation qu’elle a subies en distinguant :
– son activité de restauration pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de réduction de son activité causée par les impossibilités d’accès ou difficultés d’accès partielles ou totales de son établissement, causées à sa clientèle en raison de l’épidémie de COVID-19, du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et celle à compter du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021,
– son activité d’hôtellerie pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de fermeture administrative intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 7 avril 2020 au 11 mai 2020 ;
Sur la mobilisation de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interdiction d’accès figurant en page 31 des conditions générales N°com16327,
– Juger que les critères d’indemnisation de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interdiction d’accès figurant en page 31 des conditions générales N°com16327 du contrat d’assurance n° 55253617, qu’elle a souscrit auprès de la société Allianz le 8 juillet 2015, sont réunis concernant les pertes d’exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public, dès lors que l’atteinte aux biens et notamment au fonds de commerce de la concluante est constitutive d’un dommage matériel tel que défini au contrat d’assurance ;
Subsidiairement,
– Juger qu’il existe plusieurs interprétations possibles relativement à ladite clause 4.1 des conditions générales N°com16327, et lui faire application du sens le plus favorable, conformément à l’article 1190 du code civil ;
En conséquence, et en tout état de cause,
– Condamner la société Allianz Iard à l’indemniser les pertes d’exploitation qu’elle a subies, sans distinction entre les activités exercées par cette dernière consécutives aux interdictions d’accès partielles ou totales de son établissement en raison de l’épidémie de COVID-19, pendant les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public ;
– Juger que le calcul de la perte de marge brute réalisé par l’expert judiciaire désigné devra faire abstraction des aides exceptionnelles qui lui ont été accordées au titre de la solidarité nationale, à charge pour cette dernière de déclarer le montant indemnitaire obtenu judiciairement aux services compétents de l’Etat ;
Subsidiairement,
– Condamner la société Allianz Iard à l’indemniser les pertes d’exploitation qu’elle a subies en distinguant :
– son activité de restauration, pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de d’interdiction d’accès partielle ou totale de son établissement intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et celle à compter du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public ;
– son activité d’hôtellerie, pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de fermeture administrative intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 7 avril 2020 au 11 mai 2020 ;
Sur la mobilisation de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » du fait de l’interruption ou de la réduction de l’activité résultant de la fermeture administrative pour cause de maladie infectieuse figurant en page 31 des conditions générales N°com16327,
– Juger que les critères d’indemnisation de de la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interruption ou de réduction de l’activité résultant de la fermeture administrative pour cause de maladie infectieuse figurant en page 31 des conditions générales N°com16327 du contrat d’assurance n° 55253617, qu’elle a souscrit auprès de la société Allianz le 8 juillet 2015, sont réunis concernant les pertes d’exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, dès lors qu’il en résulte que la garantie est acquise en cas de fermeture administrative suite à la survenance d’une maladie infectieuse, ce qui comprend inévitablement le cas de l’explosion de l’épidémie de COVID-19 sur tout le territoire national et donc dans tous les établissements recevant du public ;
– Juger que la garantie « 4.1 – pertes d’exploitation » pour cause d’interruption ou de réduction de l’activité résultant de la fermeture administrative pour cause de maladie infectieuse, comporte in fine la clause d’exclusion suivante : « hors contexte épidémique et pandémique » ;
– Juger non écrite ladite clause d’exclusion de garantie, cette dernière vidant la garantie de sa substance, et ce, quelle que soit la qualification retenue par la Cour, l’article 1170 du code civil devant trouver à s’appliquer en toutes hypothèses ;
– Annuler ladite clause d’exclusion, et la déclarer inopposable à la concluante, en l’absence de caractère formel et limité, cette dernière demeurant sujette à interprétation et ne comportant aucune délimitation particulière ;
En conséquence, et en tout état de cause,
– Juger que la clause de garantie doit donc être appliquée sans référence à l’exclusion susvisée, dans les termes suivants : « – de la fermeture administrative temporaire de votre établissement par les autorités publiques compétentes, consécutive à l’un des évènements suivants survenu dans vos locaux professionnels : maladie infectieuse, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide » ;
– Condamner la société Allianz Iard à l’indemniser des pertes d’exploitation qu’elle a subies, sans distinction entre les activités exercées par cette dernière consécutives aux fermetures administratives partielles ou totales de son établissement pour cause d’épidémie de COVID-19 pendant les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public ;
– Juger que le calcul de la perte de marge brute effectuée par l’expert judiciaire désigné devra faire abstraction des aides exceptionnelles qui lui ont accordées au titre de la solidarité nationale, à charge pour cette dernière de déclarer le montant indemnitaire obtenu judiciairement aux services compétents de l’Etat ;
Subsidiairement,
– Condamner la société Allianz Iard à indemniser les pertes d’exploitation qu’elle a subies en distinguant :
– son activité de restauration pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de fermeture administrative intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et celle à compter du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, date d’autorisation administrative de réouverture au public,
– son activité d’hôtellerie, pour laquelle l’indemnisation portera sur la période de fermeture administrative intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 7 avril 2020 au 11 mai 2020 ;
A titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse ou les garanties susvisées ne trouveraient pas à s’appliquer : sur le défaut de conseil et d’information de la société Allianz,
– Juger que l’agent général Allianz Iard a manqué à son devoir de conseil et d’information, engageant la responsabilité de la société Allianz Iard ;
– Juger que ces manquements lui ont causé un préjudice correspondant aux pertes d’exploitation qui auraient dû être couvertes par le contrat multirisque professionnel régularisé entre les parties le 8 novembre 2013 ;
En conséquence,
– Condamner la société Allianz Iard à lui payer le montant, fixé à dire d’expert judiciaire, des pertes d’exploitation subies par elle consécutives à l’impossibilité d’accès à ses locaux professionnels pour cause d’épidémie de COVID-19 pendant la période du 15 mars au 2 juin 2020, et celle à compter du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021 ;
– Juger que le calcul de la perte de marge brute effectuée par l’expert judiciaire désigné devra faire abstraction des aides exceptionnelles qui lui ont accordées au titre de la solidarité nationale, à charge pour cette dernière de déclarer le montant indemnitaire obtenu judiciairement aux services compétents de l’Etat ;
Avant dire droit sur l’indemnisation définitive,
– Confirmer l’institution de la mesure d’expertise ordonnée en première instance avec infirmation de la mission confiée à l’expert, et ordonner les chefs de mission suivants :
– Prendre connaissance des conditions particulières n° 55253617, et des conditions générales n° COM16327,
– Prendre connaissance de tout élément comptable et du rapport comptable établit par l’expert-comptable de la concluante et des pièces produites par les parties ;
– Procéder aux évaluations suivantes :
1/ Evaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute qu’elle a subie, sans distinction entre les activités exercées (restauration et hôtellerie), pendant les périodes de difficultés d’accès, d’impossibilité d’accès, d’interdiction d’accès ou de fermetures administratives, partielles ou totales de son établissement, soit du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021,
2/ Subsidiairement évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute qu’elle a subie en distinguant : son activité de restauration, pour laquelle la perte sera calculée pendant les périodes de difficultés d’accès, d’impossibilité d’accès, d’interdiction d’accès ou de fermetures administratives, partielles ou totales de son établissement, soit du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’au 9 juin 2021, et son activité d’hôtellerie, pour laquelle la perte sera calculée sur la période de fermeture administrative intervenue pour cause d’épidémie de COVID-19 du 7 avril 2020 au 11 mai 2020.
– Evaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation conformément aux conditions du contrat d’assurance,
– Faire abstraction des aides exceptionnelles qui lui ont été accordées au titre de la solidarité nationale, à charge pour cette dernière de déclarer le montant indemnitaire obtenu judiciairement aux services compétents de l’Etat,
– Entendre tout sachant lui permettant de mener à bien sa mission d’expertise,
– Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,
– S’il l’estime nécessaire, se rendre sur place,
Sur la demande de provisions,
– Condamner la société Allianz Iard à lui payer la somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui résultera de la mesure d’instruction ordonnée, outre intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2021, date de la mise en demeure, avec capitalisation par anatocisme, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
– Condamner la société Allianz Iard à lui payer une provision ad litem de 10 000 euros pour financer l’expertise judiciaire à venir, comprenant notamment la demande de consignation, ainsi que les frais d’assistance à expertise par un expert-comptable et un avocat, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
En toutes hypothèses,
– Débouter la société Allianz Iard de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– Condamner la société Allianz Iard à lui payer la somme de 4 000 euros au des frais irrépétibles exposés en première instance, ainsi qu’une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même aux entiers dépens.
Les principaux motifs développés par l’intimée au soutien de ses prétentions ne seront pas repris dès lors qu’ils sont déjà exposés ci-dessus par le biais des ‘dire et juger’ susvisés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
I – Sur la mise en oeuvre de la clause de garantie
Aux termes de l’article 1103 du code civil, ‘les contrats légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’.
Aux termes des articles 1190 et suivants du code civil, ‘dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé’. Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun. On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.
L’article1192 du code civil prévoit quant à lui qu”on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation “. Il incombe à l’assuré de rapporter la preuve de l’existence de la réunion des conditions d’application d’une garantie dont il sollicite la mobilisation.
En l’espèce, la société Hôtelière de Marclaz a souscrit un contrat multirisque professionnel ‘Allianz ProfilPro Hôtel’ n°55253617, se référant aux conditions générales COM16327, dont l’applicabilité au litige n’est pas contestée.
Pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en application de l’article 1er I et II de l’arrêté du 14 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, rectifié par arrêté du 15 mars 2020, de l’annexe à cet article 1er, puis du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires(article 8 et annexe), certains établissements n’ont plus pu accueillir du public notamment ceux classés dans la catégorie N : les restaurants et débits de boissons, étant précisé que les restaurants et bars d’hôtels ont été considérés comme faisant partie de la catégorie N. En revanche, les hôtels relevant de la catégorie O, pouvaient continuer à recevoir du public mais sans activité annexe de restaurant. Elle a repris ultérieurement par décret n°2020-1310 à partir du 29 octobre 2020. La vente à emporter a été possible.
Par ailleurs, le préfet de Haute-Savoie a pris un arrêté le 8 avril 2020 puis un second en date du 15 avril 2020 interdisant notamment la location touristique des chambres d’hôtels jusqu’au 11 mai 2020.
En outre, à partir du 16 mars 2020, les déplacements des citoyens ont été interdits sauf exceptions (domicile-lieu de travail ; achat de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et achats de première nécessité ; motif de santé ; motifs familial impérieux ; déplacements professionnels ne pouvant pas être différés) puis encadrés à partir du 11 mai jusqu’au 2 juin 2020, l’encadrement ayant à nouveau été de mise en fin d’année 2020 début 2021.
Il est constant qu’en raison de ces mesures sanitaires, la société Hôtelière de Marclaz a décidé de fermer son établissement, comprenant 48 chambres, du 15 mars au 2 juin 2020 puis du 29 octobre 2020 au 9 juin 2021, ce qui a engendré pour elle des pertes d’exploitation importantes.
La clause de garantie dont la société Hôtelière de Marclaz sollicite la mise en oeuvre est prévue à l’article 4.1 Pertes d’exploitation des conditions générale, dans son alinéa 5 commençant par ‘Nous garantissons également’:
« La perte de marge brute que vous subissez du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité résultant :
– de l’impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès à vos locaux professionnels assurés,
– d’une interdiction d’accès à vos locaux assurés émanant des autorités publiques,
par suite d’un événement couvert au titre des garanties « Incendie et événements assimilés », « Tempête, Grêle, Neige », « Dégâts des eaux » et «Catastrophes naturelles », ou de tout autre événement accidentel ayant entrainé des dommages matériels dans le voisinage immédiat de vos locaux professionnels, à l’exclusion d’un ttentat ou d’un acte de terrorisme (tels que définis aux articles 421-1 et 421-2 du Code pénal) survenu à l’extérieur de vos locaux professionnels. »
– de la fermeture administrative temporaire de votre établissement par les autorités publiques compétentes, consécutive à l’un des événements suivants survenu dans vos locaux professionnels : maladie infectieuse hors contexte épidémique ou pandémique, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide. »
Cette partie de la clause comprend donc trois hypothèses différentes qui, selon l’intimée, devraient toutes recevoir application pour conduire à l’indemnisation de ses pertes d’exploitation:
‘ Les deux premiers cas de mise en jeu de la garantie ‘pertes d’exploitation’
Les deux cas seront examinés ensemble :
– premier cas : ‘impossibilité ou difficultés matérielles d’accès à vos locaux professionnels assurés,
– second cas : ‘l’interdiction d’accès à vos locaux professionnels assurés, émanant des autorités publiques,’ par suite d’un événement couvert au titre des garanties « Incendie et événements assimilés », « Tempête, Grêle, Neige », « Dégâts des eaux » et «Catastrophes naturelles », ou de tout autre événement accidentel ayant entrainé des dommages matériels dans le voisinage immédiat de vos locaux professionnels’.
Il convient d’observer à titre liminaire que, comme le fait justement observer la société Allianz Iard, le tribunal de commerce n’a développé, dans le jugement entrepris, aucune argumentation lui permettant de retenir que la garantie fondée sur le premier cas pour la période allant du 8 avril au 11 mai 2020 était due. Les premiers juges ont au contraire indiqué notamment que la Covid 19 ne pouvait être assimilée à un accident ayant entraîné des dommages matériels dans le voisinage immédiat, et semblent avoir fondé leur décision sur la seule considération, non opérante juridiquement, selon laquelle l’interdiction d’exploitation de la partie hôtelière, avait pénalisé de manière importante l’activité globale de l’appelante.
Ceci étant exposé, il doit nécessairement être constaté, tout d’abord, sans qu’il y a lieu à une quelconque interprétation, dès lors que la clause est présentée avec clarté, que l’indemnisation des pertes d’exploitation en cas d’impossibilité ou de difficulté d’accès aux locaux doit être en lien avec un événement couvert. En effet, contrairement à ce que fait valoir l’intimée, la partie de la clause portant sur le rattachement à un événement couvert (commençant par les termes ‘par suite…’ concerne tout aussi bien l’impossibilité ou la difficulté d’accès que l’interdiction d’accès émanant d’une autorité publique. Cette lecture se déduit, de manière évidente, de la structure même du paragraphe litigieux qui a été ci-dessus reproduit, étant observé que l’utilisation d’une virgule témoigne de la volonté de formuler une seule et même phrase.
Ensuite, les locaux de la société Hôtelière de Marclaz n’ont fait l’objet ni d’une impossibilité d’accès totale ou partielle ni de quelconques difficultés matérielles d’accès que ce soit pour l’exploitant, son personnel ou la clientèle, quiconque pouvant rejoindre les locaux, puisque pendant les mesures d’urgence sanitaire, seule l’exploitation en salle des restaurants était interdite, puis pour les hôtels l’hébergement de la clientèle touristique, l’interdiction de fréquenter les plages étant sans lien avec l’accès à l’établissement quand bien même l’hôtel se trouvait en bord de plage.
Surtout, aucune impossibilité même partielle ou aucune difficulté matérielle d’accès aux établissements n’est survenue en raison d’un des événements garantis ou d’un événement matériel ayant entraîné des dommages matériels dans le voisinage immédiat des locaux.
En outre, il n’existe aucun lien entre les mesures gouvernementales et locales d’interdiction d’activité et/ou la Covid 19 et une garantie « Incendie et événements assimilés », « Tempête, Grêle, Neige », « Dégâts des eaux » et «Catastrophes naturelles », ou de tout autre événement accidentel ayant entraîné des dommages matériels dans le voisinage immédiat des locaux professionnels
Enfin, s’agissant du dommage matériel causé à ses biens corporels ou incorporels (fonds de commerce), l’article 1 des dispositions générales définit l’événement accidentel comme étant celui survenu par cas soudain, fortuit, imprévu. En ce qu’elle est apparue de manière brutale et inopinée, l’épidémie de covid-19 répond à une telle définition. Le même article définit également la notion de dommage matériel, lequel s’entend de toute destruction, détérioration ou disparition d’une chose ou substance, toute atteinte physique aux animaux.
Si l’épidémie de covid-19 a affecté la santé humaine, elle n’a toutefois causé aucun dommage matériel au sens de la police litigieuse, le virus n’ayant pas porté atteinte aux biens ni non plus du reste aux animaux. C’est donc vainement que la société Hôtelière de Marclaz soutient que l’épidémie aurait entraîné une dégradation de son mobilier, de ses locaux et/ou une perte de clientèle et de valeur des fonds, aucune de ces pertes n’étant la conséquence intrinsèque du virus, étant au surplus observé qu’aucune d’entre elles n’est survenue dans le voisinage immédiat des locaux assurés au sens de la police, dont les conditions d’application sont claires et non équivoques.
Ainsi, la présente garantie dans ces deux cas n’a pas vocation à s’appliquer.
‘ le troisième cas de mise en jeu de la garantie ‘pertes d’exploitation’
Il est ainsi libellé : « la fermeture administrative temporaire de votre établissement par les autorités publiques compétentes, consécutive à l’un des événements suivants survenu dans vos locaux professionnels : maladie infectieuse hors contexte épidémique ou pandémique, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide. »
Cette partie de la clause de garantie prévoit certes une exclusion ‘hors contexte épidémique ou pandémique’.
Selon l’alinéa 1 de l’article L 113-1 code des assurances, ‘les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police’.Le caractère formel d’une clause d’exclusion doit s’apprécier par rapport à la clarté de ses termes et de ses critères d’application et non pas rapport à la clause définissant l’objet ou les conditions de la garantie. Par ailleurs, l’article 1170 du code des assurances stipule que ‘toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.’
En l’espèce, la circonstance particulière de la mise en oeuvre de la garantie est la survenance d’un événement listé dans la clause, dans les locaux de l’assuré et qui aurait conduit l’autorité administrative à prendre une décision de fermeture. Aucun des événements prévu dans la clause, – maladie infectieuse, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide-, ne s’est produit dans l’établissement géré par la société Hôtelière de Marclaz . Il en est de même de la Covid-19 et c’est justement pour empêcher la contamination de la clientèle au sein des hôtels restaurants que les mesures administratives ont été prises pour interdire ou limiter son accueil.
Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’un cluster ait été signalé dans l’établissement de l’appelante à un moment quelconque. Et la preuve de la survenance de cas de contamination qui seraient survenus en son sein ne saurait être rapportée, comme tente de le faire l’intimée, par de simples présomptions liées à la forte incidence du virus pendant la crise sanitaire, dès lors qu’il lui appartient de démontrer que les conditions d’application de la garantie se trouvent réunies.
L’intimée ne saurait pas non plus être suivie dans son argumentation consistant à arguer de ce que les termes ‘contexte épidémique ou pandémique’ seraient ambigüs au seul motif qu’ils ne seraient pas expressément définis par le contrat, s’agissant de termes non spécifiques à l’assurance, qui ne sont sujets à aucune interprétation. L’exclusion apparaît ainsi parfaitement claire et doit s’appliquer aux mesures réglementaires qui ont interdit aux bars et restaurants d’accueillir du public pendant la créise sanitaire à cause du risque de contagion et d’épidémie par le virus de la Covid 19. Son contenu qui n’est pas susceptible d’interprétation la rend formelle et limitée. Et l’utilisation de caractères gras et en rouge la rend bien apparente.
Sa raison d’être est également parfaitement identifiable. En effet, si une telle exclusion n’était pas stipulée, le risque garanti, concernant une ou quelques fermetures individuelles, passerait à la prise en charge d’un risque collectif par l’assureur. Il s’agirait dans une telle hypothèse d’un risque totalement différent, que la société Allianz Iard n’a de toute évidence pas souhaité couvrir.
Par ailleurs, la garantie couvrant le risque de pertes d’exploitation consécutive à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie infectieuse, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide, survenu dans l’établissement, l’exclusion du cas de la maladie infectieuse s’inscrivant dans une épidémie ou une pandémie, laisse dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes, notamment dans la situation de survenance d’une maladie infectieuse au sein de l’établissement, en dehors d’un contexte d’épidémie ou de pandémie, ce qui recouvre de nombreuses hypothèses, de sorte qu’elle ne vide pas la garantie de sa substance.Cette clause ne saurait donc être réputée non écrire ni annulée.
Ainsi, la garantie de la société Allianz Iard n’a pas non plus vocation à s’appliquer dans ce troisième cas.
Dès lors que la garantie de l’intimée n’est pas mobilisable, la Société Hôtelière de Marclaz ne pourra qu’être déboutée de ses demandes tendant à voir ordonner une expertise et obtenir le versement d’une provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.
II – Sur le manquement à l’obligation de conseil et d’information
Les articles L 112-2 (remise avant la conclusion du contrat d’une fiche d’information, d’un projet de contrat, des annexes ou d’une notice précisant les garanties et les exclusions) et R 112-3 (attestation par écrit de l’assuré de la remise de ces documents) du code des assurances imposent à l’assureur à une obligation d’information et de conseil.
En l’espèce, la société Hôtelière de Marclaz fait grief au courtier en assurances de n’avoir pas attiré son attention sur le fait que la survenance d’une épidémie ou une pandémie n’était pas garantie, alors qu’un assuré profane pouvant penser être garanti dans un tel cas.
Cependant, comme déjà indiqué, l’exclusion contenue dans la clause de garantie est parfaitement visible, écrite en caractères gras mais aussi en couleur (rouge). Il appartenait ainsi à l’assurée de prendre connaissance de l’ensemble des documents contractuels et la lecture de cette clause informait l’intimée du cas d’exclusion. En outre, la société Hôtelière de Marclaz n’allègue ni a fortiori ni démontre avoir manifesté son intention d’être couverte du risque dans un tel cas d’épidémie ou de pandémie, et il ne peut être reproché au courtier en novembre 2013, lorsque le contrat d’assurance a été conclu, de ne pas avoir attiré l’attention sur le risque de survenance d’une pandémie mondiale telle que la covid-19, que nul ne pouvait de toute évidence anticiper à cette époque.
Ainsi, aucun manquement de l’assureur à son obligation de conseil et d’information ne se trouve caractérisé, de sorte que la demande indemnitaire formée de ce chef ne pourra qu’être rejetée.
III – Sur les demandes accessoires
En tant que partie perdante, la société Hôtelière de Marclaz sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de la selurl Bollonjeon, société d’avocats, sur son affirmation de droit. L’équité commande par contre de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– retenu la garantie de la société Allianz Iard au profit de la Société Hôtelière de Marclaz sur le fondement des clauses «impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès» et « interdiction d’accès » pour la période du 8 avril au 11 mai 2020 ;
– condamné la société Allianz Iard à verser une provision de 40 000 euros à la société Hôtelière de Marclaz à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui résultera de l’expertise ordonnée ;
– ordonné une expertise judiciaire aux fins d’évaluer l’indemnisation due à la demanderesse sur la période du 8 avril au 11 mai 2020 ;
– dit que le montant de l’indemnisation sera définitivement fixé à l’issue des opérations d’expertise et dès lors sursis à statuer sur la condamnation dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert ;
– dit que dès lors que l’évènement sera intervenu, il incombera à la partie la plus diligente de saisir à nouveau la juridiction ;
– réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Rejette les demandes formées par la Société Hôtelière de Marclaz sur le fondement des clauses «impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès» et « interdiction d’accès » pour la période du 8 avril au 11 mai 2020 ;
Dit que la garantie de la société Allianz Iard n’est pas mobilisable ;
Rejette la demande de provision formée par la Société Hôtelière de Marclaz ;
Rejette la demande d’expertise ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;
Condamne la Société Hôtelière de Marclaz aux dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de la selurl Bollonjeon, société d’avocats, sur son affirmation de droit ;
Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 22 octobre 2024
à
la SELARL BOLLONJEON
la SAS MERMET & ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le 22 octobre 2024
à
la SELARL BOLLONJEON