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La loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire (Art. L. 511-5 du Code de l’éducation) a interdit l’utilisation du téléphone mobile ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques par les élèves dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges. Cette interdiction ne s‘applique pas à l’utilisation des tablettes à titre pédagogique par exemple ou pour les élèves présentant un handicap ou un trouble de santé. L’interdiction est applicable pendant les activités d’enseignement y compris en extérieur. Dans les lycées, le règlement intérieur peut également interdire l’utilisation des terminaux mobiles dans tout ou partie de l’enceinte de l’établissement ainsi que pendant les activités se déroulant à l’extérieur de celle-ci.
La méconnaissance de l’interdiction légale peut entraîner la confiscation de l’appareil par un personnel de direction, d’enseignement, d’éducation ou de surveillance. Le règlement intérieur devra fixer les modalités de la confiscation et de restitution.
L’interdiction légale répond à plusieurs risques et dangers. En premier lieu, un équipement en smartphone généralisé renforce l’exposition aux écrans. Une écrasante majorité des adolescents possède un smartphone : selon l’édition 2017 du Baromètre du numérique, 86 % des jeunes de 12 à 17 ans sont équipés d’un smartphone, soit un taux d’équipement supérieur à celui mesuré pour l’ensemble de la population (73 %). Près de la moitié d’entre eux sont équipés d’une tablette numérique (48 %). L’âge moyen d’obtention du smartphone est de onze ans et demi, soit l’âge d’entrée au collège. Une étude « Junior Connect’ » de 2017 a mis en évidence cette progression : les 13-19 ans sont connectés sur Internet en moyenne 15h11 par semaine, soit 1h30 de plus qu’en 2015 ; les enfants âgés de 7 à 12 ans le sont en moyenne 6h10 par semaine (soit 45 minutes supplémentaires par rapport à 2015) et les enfants âgés de 1 à 6 ans 4h37 (soit 55 minutes supplémentaires).
En second lieu, c’est au titre de la prévention de l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques que la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a encadré l’utilisation des téléphones portables dans les écoles et les collèges. Dans le même esprit, l’article 7 de la loi du 9 février 2015, dite « Abeille », prévoit que, dans les classes des écoles primaires, les accès sans fil « sont désactivés lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour les activités numériques pédagogiques » et prescrit que « dans les écoles primaires, toute nouvelle installation d’un réseau radioélectrique fait l’objet d’une information préalable du conseil d’école ».
L’avis sur l’exposition des enfants aux radiofréquences publié par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) demeure très prudent sur les conséquences sanitaires des radiofréquences sur les enfants ; il conclut à un effet possible de cette exposition sur le bien-être des enfants et leurs fonctions cognitives, même si celle-ci pourrait relever davantage de l’utilisation du smartphone que de l’exposition aux radiofréquences.
En troisième lieu, sont aussi visées les conséquences de l’usage des terminaux en matière cognitive et de santé mentale. Dans son avis, l’ANSES a souligné le fait que « plusieurs études ont mis en évidence une association entre un « usage problématique » (intensif et inadéquat) du téléphone mobile par des jeunes et une santé mentale affectée », qui pourrait se traduire par des problèmes d’ordre relationnel et émotionnel, comme une tendance à l’isolement, des comportements à risques ou des états dépressifs. D’autres études relèvent des comportements d’enfermement, caractérisés par un moindre intérêt pour les relations dans la vie réelle, ainsi que des difficultés à réduire l’usage d’écrans, même si la notion d’addiction aux écrans n’est pas acceptée par la communauté scientifique.
Le dérèglement du sommeil figure également parmi les motivations du législateur. Dans un avis publié en mars 2013, l’Académie des sciences mettait en avant deux effets pervers de la surconsommation d’écrans par les enfants et les adolescents : le surpoids, lié à la sédentarité, et le manque de sommeil. D’autres travaux, à l’instar d’une publication de l’American Academy of Pediatrics d’octobre 2016, ont corroboré le constat de conséquences préjudiciables de l’utilisation des écrans pour le sommeil des enfants, lié notamment à la stimulation exercée sur le cerveau par les écrans ainsi qu’à la lumière bleue (LED) des écrans.
Sont également mis en avant les troubles de l’attention, de la concentration et du comportement auxquels mène une exposition excessive et/ou précoce aux écrans. Cette problématique concerne tout particulièrement les plus jeunes enfants. Dans son rapport d’information sur la formation au numérique, notre collègue Catherine Morin-Desailly fait état des « dangers liés à l’exposition aux écrans des enfants de moins de trois ans, beaucoup n’hésitant pas à parler d’un véritable problème de santé publique. Les orthophonistes entendus se sont inquiétés de l’explosion du nombre d’enfants n’ayant pas encore acquis le langage et présentant des difficultés de communication en raison d’une exposition précoce aux écrans ». C’est le sens des recommandations émises par M. Serge Tisseron, psychiatre dans le cadre de la règle « 3-6-9-12 », relayée à partir de 2011 par l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), pour limiter les risques associés à l’usage des écrans chez les enfants. Articulées autour de quatre étapes essentielles de la vie des enfants : l’admission en maternelle, l’entrée au cours préparatoire, la maîtrise de la lecture et de l’écriture et le passage en collège, ces recommandations peuvent être résumées de la manière suivante : i) pas d’écran avant trois ans, ou tout au moins les éviter le plus possible ; ii) pas de console de jeu avant six ans car dès que les jeux numériques sont introduits dans la vie de l’enfant, ils accaparent toute son attention aux dépens des autres activités ; iii) pas d’Internet avant neuf ans, et une utilisation d’Internet en présence des parents jusqu’à l’entrée en collège ; iv) possibilité d’utiliser Internet de manière autonome à partir de 12 ans, tout en veillant à un accompagnement effectif des parents.
Outre ses conséquences potentielles sur la santé des enfants, l’utilisation des smartphones s’avère également problématique dans la vie des établissements scolaires. Cet usage perturbe les cours et contribue à ce que le temps consacré au maintien de l’ordre dans la classe soit supérieur en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE ; les smartphones constituent également un moyen de triche aux examens et aux contrôles. Outre leurs conséquences en matière de discipline, cet usage abusif détériore les apprentissages, en réduisant l’attention et la concentration des élèves.
L’utilisation des smartphones en milieu scolaire nourrirait également des problèmes de comportement, à l’instar de la mise à l’écart des élèves ne possédant pas de smartphone, mais aussi des querelles et des vols, et constitue le moyen principal des pratiques relevant du cyberharcèlement ; la navigation sur Internet exposerait les élèves à la pornographie et à la cybercriminalité.