Interdiction du festival « Les Nuits Blondes » confirmée

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Interdiction du festival « Les Nuits Blondes » confirmée

L’absence (ou la sous-évaluation) d’un service de secours à personnes, d’un service d’ordre et d’un dispositif sanitaire au cours d’un festival est de nature à justifier son interdiction.

Interdiction du festival de musique « Les Nuits Blondes »

L’interdiction par le préfet du festival de musique « Les Nuits Blondes » au château de Saint-Bonnet-de-Rochefort a été validée par les tribunaux.

Cet arrêté est motivé par le risque de troubles graves à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques que présenterait le déroulement de ce rassemblement dépourvu d’un service de secours à personnes, d’un service d’ordre et d’un dispositif sanitaire adaptés au nombre de participants estimé à plusieurs centaines de personnes.

Promotion sur les réseaux sociaux

Le festival « Les Nuits Blondes » a été envisagé comme étant, initialement, un évènement ouvert au public, plusieurs réseaux sociaux ayant été mobilisés afin d’assurer la promotion de cet évènement se déroulant sur trois jours par l’intermédiaire desquels une billetterie était, moyennant rétribution, ouverte.

Seuil des 500 personnes

Il résulte de l’instruction qu’au regard de la dimension de l’évènement, relayé par différents réseaux sociaux et de ses modalités d’organisation, le nombre de festivaliers se rendant à l’évènement, est susceptible d’être supérieur à 500 personnes et ce, en dépit des déclarations de ses organisateurs, réitérées à l’audience. Par suite, au regard du caractère manifestement insuffisant des mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité et l’hygiène, la préfète de l’Allier n’a pas, en interdisant la tenue du festival, porté une atteinte manifestement illégale à la liberté de réunion et à la liberté d’association qui doivent être conciliées avec les impératifs d’ordre et de sécurité publiques.

Pouvoir de police sur les rassemblements exclusivement festifs

Pour rappel, aux termes de l’article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure : « Les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondant à certaines caractéristiques fixées par décret en Conseil d’Etat tenant à leur importance, à leur mode d’organisation ainsi qu’aux risques susceptibles d’être encourus par les participants, font l’objet d’une déclaration des organisateurs auprès du représentant de l’Etat dans le département dans lequel le rassemblement doit se tenir () La déclaration mentionne les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publiques. () ». L’article L. 211-7 du même code dispose : « Le représentant de l’Etat dans le département () peut imposer aux organisateurs toute mesure nécessaire au bon déroulement du rassemblement, notamment la mise en place d’un service d’ordre ou d’un dispositif sanitaire.

Il peut interdire le rassemblement projeté si celui-ci est de nature à troubler gravement l’ordre public ou si, en dépit d’une mise en demeure préalable adressée à l’organisateur, les mesures prises par celui-ci pour assurer le bon déroulement du rassemblement sont insuffisantes. ». Enfin, selon l’article R. 211-2 dudit code :  » Les rassemblements mentionnés à l’article L. 211-5 sont soumis à la déclaration requise par cet article auprès du préfet du département dans lequel ils doivent se dérouler lorsqu’ils répondent à l’ensemble des caractéristiques suivantes :  1° Ils donnent lieu à la diffusion de musique amplifiée ; 2° Le nombre prévisible des personnes présentes sur leurs lieux dépasse 500 ;  3° Leur annonce est prévue par voie de presse, affichage, diffusion de tracts ou par tout moyen de communication ou de télécommunication ; 4° Ils sont susceptibles de présenter des risques pour la sécurité des participants, en raison de l’absence d’aménagement ou de la configuration des lieux. « .

De façon générale, il appartient aux autorités de l’Etat d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d’association, la liberté de réunion et la liberté d’expression.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 22 juillet 2022, n° 2201616

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, l’association « Les Nuits Blondes », représentée par Me Rouchon, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté n° 2362022 du 19 juillet 2022 par lequel la préfète de l’Allier a interdit la tenue du festival de musique « Les Nuits Blondes » prévu les 22, 23 et 24 juillet 2022 ;

2°) d’annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la préfète de l’Allier a rejeté son recours gracieux ;

3°) d’enjoindre à la préfète de l’Allier de laisser dérouler le festival ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

— la décision en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de commerce et de l’industrie, à la liberté d’entreprendre, à la liberté d’association et à la liberté de réunion ;

— l’atteinte portée à ces libertés est grave et manifestement illégale dès lors que d’une part, la décision en litige se fonde sur des faits matériellement inexacts, d’autre part, en interdisant la tenue d’un évènement privé destiné à un cadre familial et amical, la préfète de l’Allier a outrepassé ses pouvoirs, enfin, les organisateurs ont prévu un dispositif de sécurité pour cet évènement ;

— la décision en litige n’a pas fait l’objet d’une concertation, les organisateurs n’ont pas été en mesure de présenter leurs observations ;

— la décision en litige est disproportionnée.

Sur l’urgence :

— il y a urgence à prendre les mesures demandées, compte tenu de l’imminence du festival, de l’enjeu financier en cas d’annulation au regard des engagements pris auprès des prestataires et quant à la pérennité de l’association.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, la préfète de l’Allier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie dès lors que l’intérêt public et la sécurité des festivaliers prévaut sur les intérêts privés ;

— les libertés fondamentales, en l’espèce la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que la liberté de réunion ne peuvent s’abstraire des dispositions de sécurité dans ce type d’évènement ;

— la décision en litige est fondée dès lors que l’évènement présente des risques pour la sécurité des participants, en raison de l’absence d’aménagement et de la configuration des lieux, de l’imprécision quant au nombre de festivaliers attendus ;

— la décision en litige a été prise à l’issue de plusieurs échanges téléphoniques et courriels.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référé en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 22 juillet 2022 à 9h30, en présence de Mme Villeneuve, greffière d’audience :

— le rapport de Mme Bentéjac, juge des référés,

— et les observations de Me Rouchon, représentant l’association « Les Nuits Blondes », et celles de M. A, représentant la préfète de l’Allier.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 juillet 2022, la préfète de l’Allier a interdit la tenue du festival de musique ELECTRO POP, POP et VARIETES françaises « Les Nuits Blondes » organisé par l’association « Les Nuits Blondes » les 22, 23 et 24 juillet 2022 au château de Saint-Bonnet-de-Rochefort. Cet arrêté est motivé par le risque de troubles graves à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques que présenterait le déroulement de ce rassemblement dépourvu d’un service de secours à personnes, d’un service d’ordre et d’un dispositif sanitaire adaptés au nombre de participants estimé à plusieurs centaines de personnes. Par décision du 21 juillet 2022, la préfète de l’Allier a rejeté le recours gracieux formé contre l’arrêté du 19 juillet 2022. L’association « Les Nuits Blondes » demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension immédiate de l’exécution de ces deux décisions.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure : « Les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondant à certaines caractéristiques fixées par décret en Conseil d’Etat tenant à leur importance, à leur mode d’organisation ainsi qu’aux risques susceptibles d’être encourus par les participants, font l’objet d’une déclaration des organisateurs auprès du représentant de l’Etat dans le département dans lequel le rassemblement doit se tenir () La déclaration mentionne les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publiques. () ». L’article L. 211-7 du même code dispose : « Le représentant de l’Etat dans le département () peut imposer aux organisateurs toute mesure nécessaire au bon déroulement du rassemblement, notamment la mise en place d’un service d’ordre ou d’un dispositif sanitaire. Il peut interdire le rassemblement projeté si celui-ci est de nature à troubler gravement l’ordre public ou si, en dépit d’une mise en demeure préalable adressée à l’organisateur, les mesures prises par celui-ci pour assurer le bon déroulement du rassemblement sont insuffisantes. ». Enfin, selon l’article R. 211-2 dudit code :  » Les rassemblements mentionnés à l’article L. 211-5 sont soumis à la déclaration requise par cet article auprès du préfet du département dans lequel ils doivent se dérouler lorsqu’ils répondent à l’ensemble des caractéristiques suivantes :  1° Ils donnent lieu à la diffusion de musique amplifiée ; 2° Le nombre prévisible des personnes présentes sur leurs lieux dépasse 500 ;  3° Leur annonce est prévue par voie de presse, affichage, diffusion de tracts ou par tout moyen de communication ou de télécommunication ; 4° Ils sont susceptibles de présenter des risques pour la sécurité des participants, en raison de l’absence d’aménagement ou de la configuration des lieux. « .

4. Il appartient aux autorités de l’Etat d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d’association, la liberté de réunion et la liberté d’expression.

5. A l’appui de sa demande tendant à obtenir la suspension de l’exécution des arrêtés précitées, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, l’association soutient tout d’abord que l’arrêté du 19 juillet 2022 a été pris en l’absence de toute concertation, faisant ici, certainement, référence aux dispositions de l’article L. 211-6 du code de la sécurité intérieure qui prévoit une telle procédure. Toutefois, il résulte des termes mêmes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative que l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient de cet article est subordonné au caractère grave et manifeste de l’illégalité à l’origine d’une atteinte à une liberté fondamentale. A cet égard, la circonstance, manquant en fait, selon laquelle l’arrêté en litige n’aurait pas été précédé d’une procédure contradictoire n’est pas de nature à caractériser une illégalité de cette nature.

6. L’association fait également valoir que le festival, envisagé initialement comme étant ouvert au public, revêt dorénavant un caractère purement privé rassemblant un peu moins de 500 personnes ayant toutes un lien familial ou amical avec les organisateurs de l’évènement ou le propriétaire du château qui accueillera le festival de sorte qu’il doit être assimilé à une fête de type mariage. Elle en conclut que les critères cumulatifs prévus par les dispositions de l’article R. 211-2 du code de la sécurité intérieure n’étant pas remplis, la préfète ne pouvait interdire la manifestation alors d’autant plus que les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publiques sont suffisantes.

7. Il résulte de l’instruction que le festival « Les Nuits Blondes » organisé par l’association du même nom a été envisagé comme étant, initialement, un évènement ouvert au public, plusieurs réseaux sociaux ayant été mobilisés afin d’assurer la promotion de cet évènement se déroulant sur trois jours par l’intermédiaire desquels une billetterie était, moyennant rétribution, ouverte. La programmation comportera une grande scène ouverte pour les groupes d’artistes Electro, Pop française et variétés française de 22h30 à 1h30 le vendredi et de 16h à 2h30 le samedi et une, plus petite, réservée à un « DJ » de 1h30 à 4h30 le vendredi et de 2h30 à 4h30 le samedi. Le nombre des participants, initialement estimé à 650 personnes lorsque l’évènement avait été envisagé comme étant public est, selon les déclarations de ses organisateurs à la préfecture le 13 juillet 2022, réduit à 461 personnes depuis que l’évènement est envisagé comme étant un évènement privé. La majorité d’entre eux, arrivant par l’intermédiaire de navettes spécialement affrétées, dormira sur place dans des toiles de tentes installées sur un terrain herbeux. Le rapport administratif du 16 juillet 2022 de la gendarmerie nationale indique par ailleurs que le maire de la commune de Saint-Bonnet-de-Rochefort a, en prévision de l’organisation du festival, pris un arrêté autorisant l’ouverture temporaire d’un débit de boisson ainsi qu’un arrêté restreignant la circulation sur le chemin jouxtant le château. Si le premier est susceptible de faire l’objet d’un retrait au regard, selon le maire, du caractère devenu « privé » de l’évènement, le second est toutefois maintenu pour des raisons de sécurité.

8. Il résulte par ailleurs de l’instruction qu’à titre de dispositif de secours, les pompiers « ont été alertés », que le dispositif de lutte contre l’incendie prévoit l’utilisation de six extincteurs, que le dispositif d’ordre est composé de cinq vigiles répartis à raison de deux à l’entrée pour le contrôle des billets, un à l’entrée du camping, un devant la scène principale et un sur le secteur « guinguette », qu’aucune demande d’autorisation exceptionnelle d’ouverture au public d’un établissement recevant du public n’est prévue alors qu’en cas d’alerte météorologique, les participants seraient conduit à se replier dans les caves et salles du château qui n’a pas fait l’objet d’une demande d’ouverture d’un établissement recevant du public, enfin, que le dispositif sanitaire est composé de huit toilettes et neuf urinoirs. Ce dispositif a donné lieu, le 8 juillet 2022, à un avis défavorable du SDIS de l’Allier et le 16 juillet 2022, à un avis défavorable des services de la gendarmerie nationale.

9. Il résulte de l’instruction qu’au regard de la dimension de l’évènement, relayé par différents réseaux sociaux et de ses modalités d’organisation, le nombre de festivaliers se rendant à l’évènement, est susceptible d’être supérieur à 500 personnes et ce, en dépit des déclarations de ses organisateurs, réitérées à l’audience. Par suite, au regard du caractère manifestement insuffisant des mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité et l’hygiène, la préfète de l’Allier n’a pas, en interdisant la tenue du festival, porté une atteinte manifestement illégale à la liberté de réunion et à la liberté d’association qui doivent être conciliées avec les impératifs d’ordre et de sécurité publiques.

10. Il résulte de ce qui précède, que les conclusions de la requête de l’association « Les Nuits Blondes » présentées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de l’association « Les Nuits Blondes » est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association « Les Nuits Blondes » et à la préfète de l’Allier.

Fait à Clermont-Ferrand, le 22 juillet 2022.

La juge des référés,

C. BENTEJAC

La République mande et ordonne à la préfète de l’Allier en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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