Interdiction de services d’investissement non agréés : mesures de blocage des accès en ligne ordonnées par l’autorité compétente

·

·

Interdiction de services d’investissement non agréés : mesures de blocage des accès en ligne ordonnées par l’autorité compétente

Constatation des activités illicites

Le 17 août 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a constaté qu’un site internet, accessible via ixxen.com et www.ixxen.com, offrait des services d’investissement en France sans l’agrément requis par le code monétaire et financier.

Mise en demeure de l’éditeur et de l’hébergeur

Le 23 août 2024, le président de l’AMF a mis en demeure l’éditeur du site de cesser immédiatement ses activités illicites. Le même jour, il a également adressé une mise en demeure à Amazon Technologies Inc, l’hébergeur du site, pour qu’il prenne des mesures afin d’empêcher l’accès au contenu du site.

Constatations supplémentaires et actions entreprises

Le 12 septembre 2024, des constatations similaires ont été effectuées, confirmant que le site continuait d’offrir des services d’investissement. Le 23 septembre 2024, le président de l’AMF a informé les fournisseurs d’accès à internet des mises en demeure précédemment adressées.

Procédure judiciaire engagée

Le 26 et 27 septembre 2024, le président de l’AMF a cité plusieurs fournisseurs d’accès à internet devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des mesures pour bloquer l’accès au site en question.

Demandes du président de l’AMF

Lors de l’audience, le président de l’AMF a demandé au tribunal d’ordonner aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès au site dans un délai de quinze jours, de justifier les mesures prises, et de rappeler que l’exécution provisoire était attachée à la décision.

Réponses des fournisseurs d’accès

Les fournisseurs d’accès, dont Orange et Free, ont formulé diverses demandes, notamment concernant la durée des mesures de blocage, la nécessité d’un délai raisonnable pour leur mise en œuvre, et la prise en charge des coûts associés.

Motifs de la décision

Le tribunal a constaté que le site offrait des services d’investissement sans agrément, ce qui constitue une infraction. Malgré les mises en demeure, l’activité illicite a persisté, justifiant ainsi l’intervention du tribunal.

Mesures ordonnées par le tribunal

Le tribunal a ordonné aux fournisseurs d’accès de mettre en œuvre des mesures pour bloquer l’accès au site dans un délai de quinze jours, tout en leur laissant le choix des mesures techniques à adopter. Les mesures doivent être proportionnées et limitées dans le temps.

Exécution de la décision

La décision est exécutoire par provision, et les dépens sont laissés à la charge du président de l’AMF. Les fournisseurs d’accès doivent informer l’AMF des mesures prises dans les huit jours suivant leur mise en œuvre.

Quelles sont les obligations des prestataires de services d’investissement selon le code monétaire et financier ?

Les obligations des prestataires de services d’investissement sont principalement définies par l’article L. 531-1 du code monétaire et financier. Cet article stipule que les prestataires de services d’investissement incluent les entreprises d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille, ainsi que les établissements de crédit qui ont reçu un agrément pour fournir des services d’investissement.

En effet, seuls les prestataires ayant obtenu cet agrément peuvent proposer des services d’investissement portant sur des instruments financiers.

Il est également précisé dans l’article L. 321-1 que ces services d’investissement peuvent inclure la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers, l’exécution d’ordres pour le compte de clients, ainsi que la gestion de portefeuille.

De plus, l’article L. 321-2 mentionne que la prestation de services connexes est libre, mais doit respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

Ainsi, toute offre de services d’investissement sans agrément est considérée comme illégale et peut entraîner des sanctions, conformément à l’article L. 573-1 qui traite des sanctions encourues pour les infractions à ces obligations.

Quelles sont les conséquences d’une mise en demeure par l’AMF ?

La mise en demeure par l’Autorité des marchés financiers (AMF) est régie par l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier. Cet article stipule que le président de l’AMF peut adresser une mise en demeure aux opérateurs offrant des services d’investissement en ligne non agréés.

Cette mise en demeure rappelle les sanctions encourues en vertu de l’article L. 573-1 et enjoint à ces opérateurs de respecter l’interdiction de proposer des services d’investissement sans agrément.

Les opérateurs ont un délai de cinq jours pour présenter leurs observations. Si, à l’issue de ce délai, l’opérateur ne se conforme pas à la mise en demeure, le président de l’AMF peut saisir le tribunal judiciaire de Paris pour ordonner l’arrêt de l’accès à ces services.

Il est important de noter que la mise en demeure est une étape préalable avant d’engager des actions judiciaires. En cas d’inaction de l’opérateur, cela peut conduire à des mesures de blocage des sites concernés, comme cela a été le cas dans l’affaire en question.

Quels sont les droits et obligations des fournisseurs d’accès à internet dans ce contexte ?

Les droits et obligations des fournisseurs d’accès à internet (FAI) sont encadrés par l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier, qui leur impose de prendre des mesures pour empêcher l’accès à des services d’investissement non agréés.

Les FAI doivent mettre en œuvre, ou faire mettre en œuvre, toutes mesures nécessaires pour bloquer l’accès aux sites concernés dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision.

Ils ont également le droit de choisir la méthode technique de blocage qu’ils jugent la plus appropriée.

En cas de difficulté d’exécution des mesures, les FAI peuvent saisir le président du tribunal judiciaire pour obtenir des clarifications ou des ajustements.

Il est également précisé que les FAI peuvent demander le remboursement des coûts liés à la mise en œuvre des mesures de blocage, mais cela doit être fait sur présentation des factures correspondantes, sans que le tribunal puisse ordonner cette prise en charge.

Comment se déroule la procédure en cas de non-respect des injonctions de l’AMF ?

En cas de non-respect des injonctions de l’AMF, la procédure est régie par l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier. Si l’opérateur ne se conforme pas à la mise en demeure dans le délai imparti, le président de l’AMF peut saisir le tribunal judiciaire de Paris.

Cette saisine se fait selon la procédure accélérée au fond, permettant une réponse rapide aux situations d’urgence. Le tribunal peut alors ordonner l’arrêt de l’accès aux services d’investissement non agréés.

Il est également possible pour le président de l’AMF de saisir le tribunal si l’offre demeure accessible, même après que des mesures aient été prises par les FAI.

Le tribunal a le pouvoir d’ordonner des mesures de blocage, qui doivent être proportionnées et nécessaires, en tenant compte de la nature du trouble causé par l’activité illicite.

Enfin, les parties peuvent toujours saisir le tribunal en cas de difficulté ou d’évolution de la situation, ce qui permet une flexibilité dans l’application des mesures ordonnées.


 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/56518
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56518 – N° Portalis 352J-W-B7I-C55CI

N° : 11/MM

Assignation du :
25,26,27 Septembre 2024

[1]

[1] 5 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT RENDU SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
le 13 novembre 2024

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Madame la Présidente de l’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (AMF), agissant au nom de l’Autorité des Marchés Financiers
[Adresse 5]
[Localité 9]

représenté par Maître Philippe JOUARY de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocats au barreau de PARIS – #J0114

DEFENDERESSES

Société SFR FIBRE
[Adresse 1]
[Localité 13]

non constituée

Société ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 15]

représentée par Me Alexandre LIMBOUR, avocat au barreau de PARIS – #L0064

SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR
[Adresse 4]
[Localité 11]

non constituée

S.A.S. FREE
[Adresse 14]
[Localité 10]
et pour signification :
[Adresse 3]
[Localité 10]

représentée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS – #C2186

S.A. BOUYGUES TELECOM
[Adresse 8]
[Localité 12]

représentée par Maître François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocats au barreau de PARIS – #B0873

S.A.S. COLT TECHNOLOGY SERVICES
[Adresse 7]
[Localité 16]

représentée par Maître Katia BONEVA-DESMICHT de l’AARPI BAKER & MC KENZIE, avocats au barreau de PARIS – #P0445

Société OUTREMER TELECOM
[Adresse 19]
[Localité 17]

non constituée

SOCIETE REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE – SRR
[Adresse 6]
[Localité 18]

non constituée

DÉBATS

A l’audience du 16 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 août 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (ci-après AMF) a fait constater par procès-verbal d’huissier qu’un site internet accessible à partir des adresses ixxen.com et www.ixxen.com proposait sur le territoire français des services d’investissement portant sur des contrats financiers alors que l’opérateur n’avait pas reçu l’agrément prévu par l’article L. 531-1 du code monétaire et financier.

Le président de l’AMF a, par lettre du 23 août 2024, mis en demeure l’éditeur du site de cesser sans délai de proposer de telles offres de services d’investissement, à destination du territoire français, à partir de ces sites internet.

Par courrier du même jour, le président de l’AMF a mis en demeure la société Amazon Technologies Inc (établie aux Etats-Unis), apparaissant être l’hébergeur, de prendre toutes les mesures propres à empêcher l’accès au contenu du service de communication en ligne accessible aux adresses précitées.

Le 12 septembre 2024, les mêmes constatations d’offres de services d’investissement en ligne ont été réalisées à la demande de l’AMF.

Par lettres du 23 septembre 2024, le président de l’AMF a dénoncé aux fournisseurs d’accès à internet les mises en demeure adressées aux opérateurs.

C’est dans ce contexte, et par exploits délivrés les 26 et 27 septembre 2024, que le président de l’autorité des marchés financiers a fait citer, suivant la procédure accélérée au fond, la SAS SFR fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone (SFR), la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology services ainsi que la SAS Outremer Télécom devant le président du tribunal judiciaire de Paris.

*
A l’audience, le président de l’AMF sollicite, au visa des articles L. 532-1, L. 532-2, L. 532-16 à L. 532-22, L. 573-1 et L.621-13-5 du code monétaire et financier, ensemble l’article 481-1 du code de procédure civile, de :
– enjoindre aux défenderesses de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses ixxen.com et www.ixxen.com,
– les enjoindre de justifier et dénoncer sous sept jours, au président de l’AMF, ainsi qu’au président du tribunal judiciaire de Paris, des mesures prises et mises en œuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses précitées,
– dire que la mesure de blocage ordonnée pourra être levée sur simple demande de sa part adressée par lettre recommandée avec accusé de réception aux défenderesses ou par décision du président du tribunal judiciaire en référé par toute personne intéressée,

– rappeler que l’exécution provisoire est attachée à la décision à intervenir,
– dire qui lui en sera référé en cas de difficulté d’exécution des mesures.

Au soutien de ses prétentions, l’AMF fait principalement valoir qu’elle est une autorité publique indépendante ayant notamment pour mission de contrôler et réglementer les marchés financiers ainsi que de veiller à la protection de l’épargne ; qu’en vertu de l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement ; que seuls les prestataires ayant reçu un tel agrément sont en droit de proposer des services d’investissement portant sur des instruments financiers ; que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a introduit un nouvel article L. 621-13-5 du code monétaire et financier permettant de solliciter le blocage de sites proposant, sans agrément préalable, des services d’investissements portant sur des instruments financiers ; qu’il importe en conséquence d’enjoindre aux sociétés défenderesses d’empêcher l’accès en France au service de communication en ligne accessible à partir des adresses relevées.

En réponse, la société Orange demande au président du tribunal judiciaire de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation du président sur le caractère manifestement illicite des contenus dénoncés par le président de l’AMF ainsi que sur la recevabilité des demandes au regard des dispositions de l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier,
– lui donner acte de ce qu’elle serait libre, si elle devait faire droit à une injonction correspondante, de choisir la mesure technique de blocage qu’elle juge adaptée et efficace,
– dire et juger que les mesures de blocage éventuellement ordonnées prendraient fin, sur notification du président de l’AMF aux fournisseurs d’accès internet dans l’hypothèse (i) d’un changement d’état des sites objets de la mesure justifiant la levée de celle-ci ou (ii) de l’adoption par l’hébergeur et/ou de l’éditeur du site internet accessible aux adresses litigieuses de toutes mesures ayant pour effet d’en interdire l’accès à partir du territoire français,
– en tout état de cause, dire et juger que toute mesure de blocage qui serait ordonnée serait provisoire et limitée à une durée de 12 mois à l’issue de laquelle le président de l’AMF devrait saisir le président du tribunal judiciaire afin de lui permettre d’apprécier la situation et de décider s’il convient ou non de reconduire lesdites mesures de blocage,
– dire et juger que les parties pourront saisir le président du tribunal judiciaire en cas de difficulté ou d’évolution du litige,
– dire et juger que les coûts afférents aux mesures qui seraient prises en exécution de l’ordonnance devront être mis à la charge du demandeur sur présentation des factures correspondantes,
– débouter le président de l’AMF de ses plus amples demandes et mettre à sa charge les dépens.

La société Free sollicite de :
– juger qu’elle disposera d’un délai raisonnable de 15 jours pour mettre en œuvre d’éventuelles mesures de blocage, lesquelles seront prises pour une durée déterminée,
– juger que le président de l’AMF devra communiquer sans délai aux fournisseurs d’accès à internet, dont la société Free, toute information utile relative à l’évolution du litige et à la nécessité de lever les blocages qui seraient ordonnés,
– lui donner acte qu’elle se réserve la possibilité de lui demander le remboursement du coût des mesures de blocage ordonnées,
– juger qu’en cas de difficulté, la partie la plus diligente pourra en référer au président du tribunal judiciaire,
– laisser les dépens à la charge du président de l’AMF.

La société Bouygues Telecom demande au président du tribunal judiciaire de :
– apprécier si les conditions de mise en œuvre de l’article L.621-13-5 du code monétaire et financier ont été respectées, ainsi que l’existence et la nature du dommage allégué,
– dire qu’elle disposera d’un délai de 15 jours à compter de la notification pour mettre en œuvre les mesures propres à prévenir l’accès à ses abonnés situés sur le territoire français aux adresses ixxen.com et www.ixxen.com,
– limiter la durée de ces mesures de blocage,
– mettre à la charge du président de l’AMF le remboursement des coûts afférents à la mesure de blocage des sites internet litigieux sur présentation des factures correspondantes,
– débouter le demandeur de toute autre demande et mettre à sa charge les dépens.

Enfin, la société Colt Technology services demande au président du tribunal judiciaire de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures sollicitées par le président de l’AMF au regard des risques de trouble à l’ordre public et social, et de mettre les dépens à la charge de ce dernier.

Bien que régulièrement citées, les sociétés SFR fibre, SFR, SRR et Outremer Télécom n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur le bien-fondé de la demande

Selon l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille ainsi que les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1.

La prestation de services connexes au sens de l’article L. 321-2 du code monétaire et financier est libre, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur applicables à chacun de ces services. Elle ne permet pas, à elle seule, de prétendre à la qualité d’entreprise d’investissement.

Selon l’article L. 621-13-5 du même code, le président de l’Autorité des marchés financiers adresse aux opérateurs offrant des services d’investissement en ligne non agréés en application de l’article L. 532-1 ne figurant pas au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 531-2 ou n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 532-16 à L. 532-22, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l’article L. 573-1 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du deuxième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.

Il adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article et leur enjoint de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au contenu du service de communication au public en ligne proposé par l’opérateur mentionné au premier alinéa. Ces personnes sont invitées à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.

A l’issue de ce délai, en cas d’inexécution des injonctions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ou si l’offre de services d’investissement en ligne reste accessible, le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir le président du tribunal du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée.

Il peut également saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins si l’offre demeure accessible, nonobstant l’éventuelle exécution par les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature.

Le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir par requête le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins lorsque ce service de communication au public en ligne est accessible à partir d’autres adresses.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment les procès-verbaux de constat d’huissier des 17 août et 12 septembre 2024, que le site internet accessible à partir des adresses ixxen.com et www.ixxen.com offre aux internautes, sur le territoire français, des services d’investissement sur contrats financiers.

En effet, le site propose notamment des opérations portant sur l’ouverture de comptes permettant de passer des ordres sur des options binaires et/ou des CFD au moyen d’une plateforme de Trading en ligne sur différents actifs sous-jacents.

Il est en outre démontré que cet opérateur ne dispose pas de l’agrément prévu par les dispositions susvisées dès lors qu’il ne figure pas dans le Registre des agents financiers (Regafi) qui recense l’ensemble des agents financiers disposant d’un agrément pour exercer leur activité de prestation de services d’investissement.

Or malgré la mise en demeure d’avoir à mettre fin à son activité illicite sur le territoire français, qui lui a été adressée le 23 août 2024, l’opérateur n’a pas cessé son activité puisqu’il est établi
par un procès-verbal de constat du 12 septembre 2024 que le site était toujours accessible à cette date. La mise en demeure a par ailleurs été dénoncée à l’hébergeur que les services de l’Autorité ont pu identifier.

Le président de l’AMF est donc bien fondé, et ce sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature, à saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux fournisseurs d’accès à internet.

Sur les mesures ordonnées

Les mesures ordonnées doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées au but poursuivi.

Compte tenu d’une part, de la nature du trouble résultant de l’illicéité du site en cause, qui constitue une infraction susceptible d’être sanctionnée pénalement, laquelle peut avoir des conséquences non négligeables sur les personnes mal informées qui s’engagent dans des investissements risqués, et d’autre part, de l’investissement financier, technique et organisationnel induit pour procéder aux blocages sollicités pour les fournisseurs d’accès, les mesures réclamées par le président de l’AMF n’apparaissent pas disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Elles respectent l’exigence de juste équilibre entre la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’accès à internet et l’absence d’obligation de surveillance générale ainsi que – au-delà desdits prestataires – de la liberté d’information des internautes, d’une part, et la nécessité d’assurer la protection des consommateurs contre les agissements illicites de l’opérateur en cause, d’autre part.

En conséquence, il convient de faire droit aux demandes présentées par le président de l’AMF à l’égard des sociétés défenderesses fournissant un accès à internet, selon les modalités détaillées au dispositif de la présente décision.

Les mesures ainsi ordonnées devront notamment être mises en oeuvre par les fournisseurs d’accès à internet dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance et il sera laissé à ces derniers le choix de la mesure propre à assurer le but poursuivi.

Ces mesures seront en outre limitées dans le temps à ce qui est strictement nécessaire au regard de leur efficacité en ce qu’elles ne devront se poursuivre qu’autant que l’opérateur ne sera pas titulaire de l’agrément prévu par la loi et qu’il permettra l’accès de son site aux internautes se connectant depuis la France et/ou que l’hébergeur, n’aura pas déféré à la mise en demeure qui lui a été faite.

Elles pourront donc prendre fin sur demande du président de l’AMF dès lors qu’elles s’avéreraient inutiles. Il appartiendra dès lors au président de l’AMF d’aviser sans délai les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée.

Par ailleurs, il sera rappelé que toutes les parties peuvent saisir le président du tribunal en cas de difficulté ou d’évolution de la situation de fait, par la voie du référé.

Enfin, il sera relevé que la juridiction ne peut condamner l’AMF à supporter le coût des mesures imposées aux fournisseurs d’accès à internet au regard du principe de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, précision étant faite qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit cette prise en charge. Il appartient dès lors aux fournisseurs d’accès à internet de soumettre les factures correspondant aux coûts supportés à l’AMF pour leur éventuelle prise en charge, sans que celle-ci puisse être ordonnée par le juge judiciaire au vu des textes applicables.

La présente décision est exécutoire par provision en application de l’article 481-1 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature de la décision, il y a lieu de laisser les dépens à la charge du président de l’AMF.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, selon la procédure accélérée au fond, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Enjoint à la SAS SFR fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone, la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone, la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology services ainsi qu’à la SAS Outremer Télécom de mettre en œuvre, ou de faire mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses ixxen.com et www.ixxen.com ;

Dit que la présente injonction doit être exécutée dans les meilleurs délais et au plus tard 15 jours à compter de la signification de la présente décision, délai au-delà duquel il pourra en être référer ;

Les invite à informer le président de l’AMF des diligences effectuées par elles dans les 8 jours de leur réalisation ;

Invite le président de l’Autorité des marchés financiers à aviser, sans délai, les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Dit qu’en cas de difficulté ou d’évolution du litige, il pourra en être référer au président de ce tribunal ;

Rejette le surplus des demandes ;

Laisse les dépens à la charge du président de l’Autorité des marchés financiers ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision ;

Fait à Paris le 13 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,
Minas MAKRIS Lucie LETOMBE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x