La SARL ASA Normandie, maintenant SARL Finitech, spécialisée dans le traitement des surfaces en aluminium, a sollicité la société Corelec Équipements pour la mise à niveau de sa chaîne de passivation et la réorganisation de ses rinçages. Un devis a été accepté, mais la commande a été conditionnée à l’obtention d’un financement. Les travaux de la phase 1 ont été réalisés et réceptionnés, mais des désordres ont été constatés par la suite. Finitech a payé un acompte, mais le solde est resté impayé en raison de malfaçons. Après plusieurs procédures, le tribunal de commerce a rendu un jugement partiel, condamnant Corelec à rembourser une somme à Finitech tout en déboutant cette dernière de certaines de ses demandes. Finitech a interjeté appel, demandant la réformation du jugement concernant le remboursement et les dommages. Corelec a également contesté le jugement et a formulé une demande reconventionnelle pour manque à gagner. Les deux parties ont exposé leurs arguments respectifs concernant l’exécution des travaux et les responsabilités.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Décision du Tribunal de commerce de Lyon au fond du 13 septembre 2021
RG : 2020j00413
S.A.R.L. FINITECH
C/
S.A. CORELEC EQUIPEMENTS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 18 Septembre 2024
APPELANTE :
La SARL FINITECH, ayant pour nom commercial ASA NORMANDIE, immatriculée au RCS de LISIEUX sous le numéro 533 069 571, agissant poursuites et diligences de son dirigeant en exercice demeurant en cette qualité au siège social sis [Adresse 1].
Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas MENAGE, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
La société CORELEC EQUIPEMENTS, société anonyme immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 491 988 044, dont le siège social est [Adresse 2], représentée par ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Marie DUVERNE-HANACHOWICZ, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 12 Décembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Juin 2024
Date de mise à disposition : 18 Septembre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
– Véronique DRAHI, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL ASA Normandie, désormais SARL Finitetch (ci-après désigné société Finitech) a pour activité principale le traitement des surfaces de pièces d’aluminium et fonderie d’aluminium à destination de l’industrie et de l’aéronautique contre la corrosion.
Pour la mise à niveau de sa chaîne de passivation, ainsi que la réorganisation et l’aménagement des rinçages avec recyclage, implantés sur son site d'[Localité 3], elle s’est rapprochée de la société Corelec Équipements, laquelle a établi une offre numéro JP/11-15/1041 du 17 novembre 2015 pour la somme totale de 412’000 € HT décomposée en trois lots’:
111’170 € HT pour le lot «’mise à niveau de la chaîne de passivation’»,
162’300 € HT pour le lot «’réorganisation et aménagement des rinçages existants’»,
138’530 € HT pour le lot «’ventilation et traitement des gaz’».
Par courrier du 1er décembre 2015, la société Finitech a confirmé à la société Corelec Équipements son intention de passer commande selon les modalités détaillées au devis mais elle a indiqué que cette commande sera régularisée après réception de l’accord de l’agence de l’eau Seine-Normandie en réponse à sa demande d’aide financière avec demande de dérogation pour pouvoir démarrer les travaux en S52 et S53.
Les travaux de la phase 1 ont été exécutés et les parties ont signé le 31 décembre 2015 un procès-verbal de réception mentionnant des travaux conformes aux spécifications et au cahier des charges et comportant la mention manuscrite «’sous réserve de la mise en route le 4 janvier 2016’».
Le 19 janvier 2016, la société Corelec Équipements a émis deux offres numéro JP/01-16/1083 et JP/01-16/1084, la première portant sur le lot «’ventilation et traitement des gaz’» au prix de 144’200 € HT et la seconde portant sur les lots «’mise à niveau de la chaîne de passivation’» et «’réorganisation et aménagement des rinçages existants’» respectivement aux prix de 116’770 € HT et 151’030 € HT. La société Finitech a régularisé le 4 février 2015 une commande d’achat se rapportant à la seule offre JP/01-16/1083 au prix de 144’200 € HT, soit 173’040 € TTC.
La facture datée du 31 décembre 2015 et mentionnant en objet l’offre JP/01-16/1083 a été annulée par un avoir et une nouvelle facture du même montant a été émise le 5 février 2016 sur la base de laquelle la société Finitech s’est acquittée le 2 mars 2016 d’un acompte de 86’520 € HT représentant l’acompte de 60 % de l’offre JP/01-16/1083.
Bien que la société Corelec Équipements ait sollicité le paiement immédiat du solde de la facture du 5 février 2016 au motif que les travaux facturés avaient fait l’objet d’un procès-verbal de réception le 31 décembre 2015, ce solde est resté impayé malgré relances.
Prétendant que les travaux réalisés présentaient des désordres et malfaçons, la société Finitech a mandaté un huissier de justice, lequel a dressé un procès-verbal de constat le 5 janvier 2017.
En l’absence d’accord des parties sur le paiement du solde de la facture et l’existence de désordres affectant les travaux réalisés, la société Finitech a, par exploit du 19 juin 2018, fait assigner la société Corelec Équipements devant le Tribunal de commerce de Lisieux en paiement d’une provision de 44’544 € TTC et en désignation d’un expert avec mission, d’une part, de valoriser les travaux réalisés, et d’autre part, de constater les désordres occasionnés par ces travaux et de chiffrer le coût des travaux de reprise.
Par ordonnance de référé rendue le 19 octobre 2018, le Président du Tribunal de commerce de Lisieux a constaté l’existence de difficultés sérieuses pour inviter la demanderesse à mieux se pourvoir.
Par exploit du 16 mars 2020, la société Finitech a fait assigner la société Corelec Équipements devant le tribunal de commerce de Lyon en remboursement du trop-perçu de 86’520 € HT et à défaut de 27’240 € HT et en paiement de 24’980 € HT au titre du coût des travaux de reprise.
Par jugement rendu le 13 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a’:
Débouté la société ASA Normandie de sa demande en principal de remboursement par la société Corelec Équipements de la somme de 86’520 €,
Condamné la société Corelec Équipements à payer à la société ASA Normandie la somme de 27’240 €’TTC,
Débouté la société ASA Normandie de sa demande de remboursement par la société Corelec Équipements de la somme de 24’980 €,
Débouté la société Corelec Equipements de sa demande reconventionnelle,
Débouté la société Corelec Equipements de l’ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions,
Condamné la société Corelec Equipements à payer à la société ASA Normandie la somme de 4’000 € au titre des dispositions de l’artic1e 700 du Code de procédure civile,
Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
Condamné la société Corelec Equipements aux entiers dépens.
Le tribunal a retenu en substance’:
Que concernant la valorisation des prestations réalisées par la société Corelec Équipements, la société ASA Normandie ne démontre pas la responsabilité de Corelec pour les fissures sur les bacs de rétention mais qu’en revanche, Corelec a reconnu par mail n’avoir effectué que partie des travaux pour 49’400 € HT, sans justifier avoir émis l’avoir comme elle s’y était engagé’; que dès lors, cette somme vient en déduction de la somme de 86’520 € acquittée, soit un remboursement ramené à 27’240 € TTC’;
Que concernant la demande de réparation de désordres à hauteur de la somme de 24’980 € HT, la société ASA Normandie, en prenant la décision de ne pas commander les phases 1 et 2, a pris la responsabilité d’une remise à niveau incomplète de son outil de production et que le devis est insuffisant’;
Que concernant la demande reconventionnelle en dommages et intérêts liée au manque à gagner subi du fait de la résiliation unilatérale du contrat conclu puisque sa cliente n’a pas commandé les phases 2 et 3 relatives au devis du 17 novembre 2015, la société Corelec Équipements a été informée que l’acceptation du devis était conditionnée par l’accord de l’agence de l’eau, sans que la société ASA Normandie n’ait commis de faute.
Par déclaration en date du 25 novembre 2021, la SARL Finitech, ayant pour nom commercial ASA Normandie, a relevé appel de cette décision pour ceux de ces chefs ayant rejeté ses demandes en remboursement et en paiement de dommages et intérêts.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 19 août 2022 (conclusions récapitulatives), la SARL Finitech, ayant pour nom commercial ASA Normandie, demande à la cour’:
Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil,
A titre principal,
Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu’il a débouté la société ASA Normandie de sa demande en principal en remboursement à hauteur de la somme de 86’520 €,
En conséquence, condamner la société Corelec Équipements à payer à la société Finitech la somme de 86’520 €,
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement du Tribunal en ce qu’il a condamné la société Corelec Équipements à payer à la société ASA Normandie la somme de 27’240 € en remboursement des sommes versées,
En tout état de cause,
Réformer le jugement en ce qu’il a débouté la société ASA Normandie de sa demande de condamnation au paiement de 24’980 € HT pour les désordres enregistrés,
Condamner la société Corelec Équipements à payer à la société Finitech la somme de 24’980 € HT à ce titre,
Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce en ce qu’il a débouté la société Corelec Équipements de sa demande reconventionnelle à hauteur de 124’423,29 €,
Débouter la société Corelec Équipements de l’ensemble de ses demandes,
Condamner la société Corelec Équipements au paiement de la somme de 4’000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En fait, elle expose d’abord qu’elle n’a jamais régularisé l’acceptation de l’offre de 2015 mais que néanmoins, la société Corelec lui a adressé un planning des différentes phases de travaux, puis est intervenue en décembre 2015 pour effectuer des travaux de préparation sur train de cuves. Elle souligne que le procès-verbal de réception établi le 31 décembre 2015 mentionne «’sous réserve de la mise en route le 4 janvier 2016’».
Elle explique ensuite que pour les besoins de son dossier de financement, l’offre de 2015 a été remplacée par deux offres émises en 2016, dont l’une correspondait à des travaux de ventilation, ainsi que la phase préparatoire déjà réalisée en semaines 52 et 53 de 2015. En revanche, elle souligne n’avoir jamais accepté le second devis de 2016 correspondant aux phases 2 et 3 du projet. En tout état de cause, elle indique s’être acquittée de la moitié du devis de 2016 accepté par virement du 2 mars 2016 mais qu’elle a ensuite constaté, lors de la mise en service et d’une inspection plus approfondie, un certain nombre de problèmes. Or, elle déplore que la société Corelec n’ait pas cherché à remédier à cette situation mais se soit d’abord contentée d’adresser factures et relances, puis ait reconnu devoir émettre un avoir, sans que les parties ne s’accordent sur le compte à faire entre elles.
Elle précise pour finir qu’elle avait saisi le juge des référés en provision et expertise à l’effet notamment de vérifier la valorisation de l’acompte de 49’400 € proposé par Corelec et de porter une appréciation sur les désordres, mais qu’elle a été déboutée, le juge consulaire ayant invité les parties à se pourvoir au fond.
En droit, elle discute d’abord le décompte entre les parties au regard des seuls travaux préparatoires effectivement réalisés par Corelec et elle souligne qu’elle ne dispose d’aucun élément lui permettant de valider l’avoir proposé de 49’400 €. Elle indique avoir, pour sa part, proposé d’évaluer les travaux réalisés à 15’000 € mais, qu’en tout état de cause, dès lors qu’elle n’a pas obtenu l’expertise sollicitée en référé au motif d’une contestation sérieuse alors que cette expertise était de droit, elle est fondée à réclamer le remboursement de la totalité de l’acompte versé. A titre subsidiaire, elle réclame la confirmation du jugement de première instance.
Elle sollicite ensuite l’indemnisation des désordres constatés suite à l’intervention de Corelec qui, selon elle, a procédé à des modifications d’implantations sur cuves existantes et, en particulier à des découpes dans la rétention. Elle renvoie au procès-verbal dressé par huissier de justice le 25 janvier 2017 et au devis de la société Plastique de l’Aisne et elle conteste qu’il y ait lieu de tenir compte du fait que les phases 2 et 3 n’aient jamais été commandées puisque la réalité des désordres n’est pas contestée.
Elle s’oppose pour finir à la demande reconventionnelle présentée par Corelec, formulée pour les besoins de la cause puisque ce préjudice n’avait jamais été invoqué avant la phase contentieuse. Elle conteste tout gain perdu puisque le devis de 2015 n’a jamais été accepté et que les factures litigieuses portent sur le devis de 2016.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 20 mai 2022 (conclusions n°1), la SA Corelec Équipements demande à la cour’:
Vu les articles L.134-1, L.134-3, L.134-4, L.134-12, L.134-13 du Code de commerce,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce en ce qu’il a débouté la société ASA Normandie de sa demande en principal de remboursement par la société Corelec Équipements de la somme de 86’520 €,
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce en ce qu’il a débouté la société ASA Normandie de sa demande de remboursement par la société Corelec Équipements de la somme de 24’980 €,
REFORMER le jugement du Tribunal de commerce pour le surplus,
Et, statuant à nouveau,
DEBOUTER la société ASA Normandie de l’ensemble de ses demandes,
CONDAMNER la société ASA Normandie au paiement de la somme de 124’423,29 € au titre du manque à gagner subi par la société Corelec Équipements du fait de la résiliation unilatérale de la commande passée,
CONDAMNER la société ASA Normandie à payer à la société Corelec Équipements la somme 8’000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
En fait, elle expose que l’offre de 2016 n’a été émise que pour les besoins de financement de Finitech qui, en acceptant que les travaux débutent en décembre 2015, s’était engagée sur les 3 phases de travaux mentionnés à l’offre de 2015. Or, elle déplore que sa cliente n’ait jamais passé commande des phases 2 et 3 de sorte qu’après avoir réalisé les travaux préparatoires de la phase 1, elle a suspendu ses prestations et facturé le solde. Elle observe que ce n’est qu’à raison des relances pour paiement de ce solde que Finitech a mandaté un huissier de justice aux fins de constat, soit en janvier 2017.
En droit, elle fait valoir que l’inexécution contractuelle est imputable à Finitech qui s’était engagée à commander l’intégralité des prestations par courrier du 1er décembre 2015, qui a demandé l’exécution par anticipation de la phase 1, mais qui n’a jamais retourné les commandes pour les phases 2 et 3. Elle ajoute que l’exécution de phase 1 est attestée par le procès-verbal de réception de travaux pour 111’170 €, soit un montant supérieur à celui versé à titre d’acompte et elle souligne que la société Finitech a expressément accepté cette réception.
Elle observe que les contestations de l’appelante au sujet de cette réception sont tardives et portent sur des bacs de rétention étrangers à ses prestations puisque la phase 2 était dédiée au remplacement des cuves et à leur raccordement. En tout état de cause, elle fait valoir que son contrat comportait une extension conventionnelle de la garantie légale concernant les défauts et/ou vice de quelque ordre que ce soit que Finitech n’a jamais mobilisée. Elle souligne que l’expertise sollicitée a été rejetée car Finitech était défaillante dans la preuve de malfaçons. Elle demande en conséquence la confirmation du jugement de première instance en ce qu’il a débouté la société Finitech de sa demande aux titres de prétendus désordres.
Elle conteste l’inexécution partielle de la phase 1 puisque l’offre de 2016, qui inclut le remplacement du réseau de ventilation de manière purement formelle pour les seuls besoins de financement de Finitech, n’a eu aucune incidence sur le planning initial des travaux.
Elle reproche à Finitech de se servir des concessions faites pour réclamer un remboursement indu. Elle fait valoir que l’avoir évoqué s’inscrivait dans une phase de négociation qui n’a pas abouti de sorte que cette estimation est caduque. Elle demande la réformation du jugement qui l’a condamnée à rembourser 27’240 €.
A titre reconventionnel, elle considère que Finitech a accepté une offre précise, ferme et définitive, qu’elle n’a jamais justifié ne pas avoir obtenu les subventions mais qu’en tout état de cause, cette société était engagée et a résilié unilatéralement le contrat. Elle sollicite l’indemnisation du manque à gagner consécutif, évalué au regard du taux de marge brut moyen de l’exercice.
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Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l’appui de leurs prétentions.
Sur la demande en remboursement de l’acompte payé’:
Aux termes du premier alinéa de l’ancien article 1134 du Code civil, selon la codification en vigueur avant la réforme du droit des obligations par ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Selon l’ancien article 1156 de ce code, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.
En l’espèce, il résulte des explications convergentes des parties sur ce point que l’offre numéro JP/11-15/1041 du 17 novembre 2015 n’a jamais été formellement acceptée par la société Finitech, qui n’a pas émis une commande d’achat correspondante. De même, les parties s’accordent pour expliquer que les deux offres numéros JP/01-16/1083 et JP/01-16/1084 du 16 janvier 2016 n’ont été émises qu’à la demande de la société Finitech, pour les besoins de son dossier de financement auprès de l’agence de l’eau. La société Finitech expose notamment dans ses écritures que ces offres ne constituent qu’un «’découpage juridique et commercial de l’intervention de la société Corelec’». Dès lors, cette intervention, telle qu’initialement envisagée, constituait, de la commune intention des parties, un tout indissociable.
Dès lors, il en résulte d’abord que l’émission par la société Finitech d’une commande en date du 4 février 2016 se rapportant à l’offre numéro JP/01-16/1083 est quant à elle purement formelle, sans refléter la réalité de la commune intention des parties et l’étendue de leurs engagements réciproques.
Ensuite, la cour relève que la société Finitech a, par courrier du 1er décembre 2015, expressément demandé à la société Corelec d’intervenir sur son site selon le calendrier initialement envisagé aux termes de l’offre du 17 novembre 2015, soit en semaines 52 et 53 de l’année 2015. De même, la société Corelec a expressément accepté, par courriel du 11 décembre 2015, de débuter les travaux selon ce planning initial. Enfin, la réalisation de ces premières prestations a donné lieu à un procès-verbal de réception contradictoire le 31 décembre 2015 visant d’ailleurs l’offre JP/11-15/1041. Ces éléments conjugués attestent de l’existence d’accord tacite, mais non-équivoque, des parties pour conclure un contrat dans les termes de l’offre initiale numéro JP/11-15/1041 du 17 novembre 2015 sans attendre l’issue de la demande d’aide financière formée par la société Finitech auprès de l’agence de l’eau.
Ainsi, même en l’absence de régularisation formelle d’une commande sur la base de l’offre du 17 novembre 2015, il est établi que cette offre est néanmoins celle qui a été acceptée tacitement par les parties et qui a fait l’objet d’un début d’exécution.
A la lueur de ces remarques préalables, il apparaît vain de chercher à valoriser les prestations réalisées sur la base de l’offre numéro JP/01-16/1083 du 16 janvier 2016, non-applicable au présent litige. De même, la cour relève que les parties opèrent une confusion entre, d’une part, le découpage en trois lots de l’offre numéro JP/11-15/1041, et d’autre part, la planification des phases de travaux prévue par cette offre. En effet, si une valorisation par lots est mentionnée page 32 de l’offre (soit le lot «’mise à niveau de la chaîne de passivation’» valorisé pour 111’170 € HT, le lot «’réorganisation et aménagement des rinçages existants’» valorisé pour 162’300 € HT et le lot «’ventilation et traitement des gaz’» valorisé pour 138’530 € HT), ce découpage ne se confond pas avec la planification des phases de travaux arrêtée page 33 de l’offre (soit, en semaines 52 et 53/2015, les travaux de préparation sur train de cuves et la mise en place recyclage des rinçages, en semaine 5/2016, la mise en place de nouvelles cuves et le montage des nouveaux équipements sur cuves avec électricité, et, en semaine 14/2016, la mise en place du nouveau réseau de ventilation et l’installation de recyclage des rinçages).
Or, la cour relève en outre que cette planification correspond très exactement au planning communiqué par la société Corelec en pièce-jointe de son courriel du 11 décembre 2015 prévoyant, au titre de la première phase réalisée en décembre 2015, un relevé préalable et divers travaux préparatoires. Ainsi éclairés, les travaux exécutés consistent effectivement en des travaux préparatoires comme le soutient la société Finitech. Le procès-verbal de réception du 31 décembre 2015, s’il vise l’offre de JP/11-15/1041, précise en entête qu’il se rapporte à la seule phase 1, ce qui ne se confond pas avec le premier lot valorisé 111’170 € HT comme le prétend la société Corelec.
En revanche, la société appelante se méprend sur la charge de la preuve de la valorisation desdits travaux, cette preuve lui incombant en sa qualité de demanderesse à l’action en remboursement de l’acompte versé. La société Finitech n’est ainsi pas fondée à opposer à la société Corelec l’absence d’expertise concernant cette valorisation. De même, la société appelante n’est pas fondée à opposer à Corelec une exception d’inexécution dès lors que ce moyen est contredit par le procès-verbal de réception sans réserve.
Dès lors, le jugement attaqué, en ce qu’il a rejeté la demande présentée à titre principal en remboursement intégral de l’acompte versé, sera confirmé.
Si l’appelante ne justifie pas d’une expertise judiciaire par laquelle un homme de l’art, tiers au litige, se serait prononcé sur la valorisation des travaux exécutés, elle produit un courriel du 29 mai 2017 par lequel la société Corelec a proposé la valorisation suivante’:
Études de l’ensemble du projet par le BE Corelec’: 15’000 € HT ;
Intervention du personnel Corelec et sous-traitant (1+4 personnes) sur 2 semaines pour préparation en vue d’installation des nouvelles cuves et matériels repris dans le devis’: 27’500 € HT ;
Fournitures pour chantier’: 6’900 € HT.
La société intimée, qui prétend que ce courriel s’inscrivait dans une phase de négociation qui n’a pas abouti, ne convainc pas puisque la teneur de ce courriel ne présente pas la valorisation ainsi opérée à titre de concession. Au contraire, la cour relève que cette valorisation est détaillée à la lueur de différents postes, lesquels correspondent effectivement au planning ci-avant mentionné. Ce courriel présente en outre l’avoir dont bénéficie en conséquence Finitech comme une donnée objective, étrangère à toute négociation qui emporterait des concessions réciproques. Dès lors, la société Corelec échoue à établir que l’estimation qu’elle a opérée pour la somme de 49’400 € HT serait caduque.
Cette estimation présentant tout gage de sérieux et d’objectivité, elle est valablement opposée à la société Corelec et le jugement attaqué, qui a retenu la demande subsidiaire de la société Finitech en remboursement de la différence entre l’acompte versé et cette valorisation, soit la condamnation de Corelec à payer la somme de 27’240 €, sera confirmé.
Sur la demande au titre du coût de la reprise des désordres affectant les travaux réalisés’:
Aux termes de l’ancien article 1147 du Code civil, antérieur à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations par ordonnance du n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l’espèce, la société Finitech prétend que les travaux réalisés par la société Corelec ont endommagé son outil de production et elle produit, pour en justifier, un procès-verbal de constat par huissier de justice établi le 25 janvier 2017. L’officier ministériel a ainsi constaté, photographies à l’appui, que les bacs de rétention, disposés sous les cuves pour recueillir les éclaboussures et le trop plein éventuel, ne sont pas étanches. Il a plus particulièrement relevé qu’aucun bac de rétention n’est installé sous les cuves 4 et 6 et que le bac de rétention aux pieds des cuves 9, 11 et 16 est sectionné sur la paroi frontale. Il a encore noté que les parois d’une grande cuve sont incomplètes et que la paroi frontale s’interrompt, sans être raccordée. Ainsi, la réalité des désordres allégués est démontrée.
La cour relève que le planning de travaux pour les semaines 52 et 53 mentionne notamment «’enlèvement des cuves à deux compartiments (décapage/RM ‘ RM/NOO3) et déplacement des cuves existantes’». Si la société Corelec fait justement valoir que l’offre numéro JP/01-16/1083 du 16 janvier 2016 exclut du champs de ses prestations «’tous travaux de revêtement de sol ou de rétention’», la proximité de localisation des cuves et bacs de rétention rend parfaitement artificielle la distinction entre ces deux séries d’équipements dès lors que l’hypothèse de dommages causés à l’existant apparaît sérieuse.
Pour autant, cette hypothèse reste insuffisamment étayée puisque le procès-verbal de constat a été dressé à distance de plus d’un an de la réalisation des travaux litigieux.
Surtout, les parties avaient régularisé un procès-verbal de réception le 31 décembre 2015 comportant pour seule réserve la «’mise en route’» ultérieure de l’installation. Or, les désordres affectant les bacs de rétention, à les supposer apparus suite à l’intervention de la société Corelec, étaient visibles et la cour relève que ces désordres n’ont été allégués pour la première fois qu’aux termes d’un courriel de la société Finitech en date du 12 juin 2017. Cette réclamation tardive, se rapportant pourtant à des désordres apparents, rend hypothétique l’imputabilité desdits désordres à l’intervention de la société Corelec.
La société Finitech échouant à rapporter la preuve de cette imputation, le jugement attaqué, en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation à hauteur de la somme de 24’980 € HT au titre du coût de la reprise des désordres affectant les bacs de rétention, sera confirmé.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour résiliation unilatérale du contrat’:
En vertu du second alinéa de l’ancien article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Lorsque le préjudice résultant des manquements de l’un des co-contractants est constitué par une perte d’une chance souffert par l’autre, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de la probabilité que l’éventualité favorable d’obtenir un gain ou de limiter une perte survienne.
En l’espèce, il a été vu ci-avant que malgré son acceptation tacite et non-équivoque de l’offre du 17 novembre 2015 et sa demande expresse de voir débuter les travaux avant l’accord de l’agence de l’eau pour l’octroi d’aides financières, la société Finitech, en s’abstenant d’accepter formellement les deux offres émises à sa demande le 16 janvier 2016, n’a pas autorisé la société Corelec à poursuivre ses prestations. La société intimée est fondée à analyser ce comportement comme une rupture unilatérale du contrat accepté tacitement.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, la société intimée invoque un manque à gagner financier qu’elle propose de calculer en appliquant au prix du marché résilié unilatéralement un taux de marge brut moyen, tel qu’attesté par son commissaire aux comptes. Or, il n’apparaît pas que la perte de gain alléguée présente un caractère certain dès lors que la société Corelec a accepté, sans aucune commande formalisée par co-contractant, d’effectuer des prestations, s’exposant en conséquence au risque de revirement de ce dernier.
En effet, la société intimée a d’abord pris le risque, qu’elle ne pouvait ignorer, tenant à la possibilité que la société Finitech n’obtienne pas les aides financières sollicitées. Elle a ensuite pris le risque de débuter des prestations sans que les relations contractuelles ainsi nouées ne soient encadrées par les conditions générales habituellement appliquées et ne soient sécurisées.
Au demeurant, la teneur du courriel du 11 décembre 2015, par lequel la société Corelec accepte d’intervenir sans acceptation formelle de son offre, témoigne de sa conscience du risque pris puisqu’elle communique un planning pour les phases 1 à 3, depuis la semaine 50 de 2015 pour les relevés préalables jusqu’à la semaine 18 de 2016 pour la mise en route, en insistant sur le fait que le démarrage des phases 2 et 3 est conditionné par la régularisation formelle d’une commande.
Compte tenu de l’existence de ce risque, la société Corelec ne rapporte la preuve d’un préjudice financier certain mais elle est tout au plus fondée à invoquer la perte de chance d’un gain. Or, la probabilité que la société Finitech obtienne l’aide financière sollicitée était d’autant moins importante que sa demande, dont il n’est d’ailleurs pas justifié mais dont on comprend qu’elle aurait été formalisée entre le 17 novembre (date de l’offre Corelec) et le 1er décembre 2015 (date à laquelle elle en informe son co-contractant), s’accompagnait d’une demande de dérogation pour pouvoir démarrer les travaux en semaines 52 et 53. Dès lors, cette probabilité d’obtention d’une aide financière, de nature à garantir une commande formalisée et complète par Finitech et à écarter tout risque de revirement de cette société, sera évaluée à 20 %. La perte de chance subie par Corelec, suite à la rupture unilatérale des relations contractuelles par Finitech, sera en conséquence indemnisée à hauteur de 25’000 €.
Le jugement attaqué, en ce qu’il a intégralement rejeté la demande indemnitaire de la société Corelec, sera infirmé.
Statuant à nouveau, la cour condamne la société Finitech à payer à la société Corelec la somme de 25’000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la résiliation unilatérale des relations contractuelles.
Sur les autres demandes’:
La société Corelec, partie principalement perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d’appel.
L’équité ne commande pas d’indemniser l’une quelconque des parties des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel. Les parties sont en conséquence déboutées de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La cour,
Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il a rejeté intégralement la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par la SA Corelec Équipements,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la société SARL Finitech à payer à la SA Corelec Équipements la somme de 25’000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la rupture unilatérale des relations contractuelles,
Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Condamne la SA Corelec Équipements aux dépens de l’instance d’appel,
Rejette les demandes des parties au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT