Installer un système de surveillance sans information des salariés 
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L’obligation d’information préalable du salarié

Ne sont soumis à l’obligation d’information préalable du salarié que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l’activité professionnelle des salariés. L’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n’est pas destiné à contrôler son activité.

L’article L.1222-4 du code du travail dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

L’article 9 du Code civil énonce que ‘chacun a droit au respect de sa vie privée’ et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que ‘ toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.’

Droit de contrôle de l’employeur 

Il est constant que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite. 

Il ne peut donc mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas fait l’objet, préalablement à son introduction, d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise.

Toutefois, ne sont soumis à l’obligation d’information préalable du salarié que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l’activité professionnelle des salariés. L’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n’est pas destiné à contrôler son activité.

Défaut de déclaration d’une vidéosurveillance

En la cause, il n’était justifié, non seulement par aucun élément du dossier mais également par aucune mention du jugement, de l’existence d’un système de surveillance destiné à contrôler l’activité du salarié.

Dès lors, en l’absence également de tout élément permettant de vérifier que la procédure d’installation du système de vidéo-surveillance a été respectée par l’employeur, ainsi que ses préalables, et que le salarié en avait eu connaissance, la juridiction a considéré que les enregistrements de vidéo-surveillance utilisés par l’employeur comme moyen de preuve, comme allégué dans la lettre de licenciement concernant le comportement du salarié (s’être mis à genoux le buste penché dans la position de la prière musulmane, au milieu des bureaux de ses collègues ; debout face à son supérieur hiérarchique, en le pointant du doigt dans une attitude agressive ; la consommation des plats par lui-même ou ses subordonnés) est illicite.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 12 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08889 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPVL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/01046

APPELANT

Monsieur [D] [Y] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1094

INTIMÉE

Société PICKLES, placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny le 24 septembre 2021

PARTIE INTERVENANTE

Me [E] [K] (SELAFA MJA) ès qualités de mandataire liquidateur de la Société PICKLES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N’ayant pas constitué avocat, assignée à domicile le 23 décembre 2021

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier : Mme Nolwenn CADIOU, lors des débats

ARRÊT :

— DÉFAUT

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [Y] [C] a été engagé par la société Pickles dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2016 en qualité de responsable dispatching, assistant manager.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la charcuterie de détail.

Le 3 janvier 2018, la société Pickles a convoqué M. [C] à un entretien préalable qui s’est tenu le 12 janvier suivant.

Le 4 janvier 2018, elle lui a notifié un avertissement puis, le 5 janvier 2018, sa mise à pied à titre conservatoire avant de le licencier pour faute grave le 18 janvier 2018.

Contestant ces mesures et estimant son licenciement infondé, M. [C] a, par acte du 14 février 2018, saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de faire valoir ses droits.

Par jugement du 25 janvier 2019, notifié aux parties par lettre du 18 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :

— requalifié le licenciement pour faute grave de M. [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Pickles à lui verser les sommes suivantes :

* 920 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 2 923,54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 292,35 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 100 euros au titre du salaire de mise à pied,

* 110 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur mise à pied,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu’au jour du paiement,

— rappelé qu’en vertu de l’article R1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

— fixé cette moyenne à la somme de 2 923,54 euros,

— condamné la société Pickles à lui verser la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

— débouté la société SAS Pickles de ses demandes reconventionnelles et l’a condamnée au paiement des dépens.

M. [C] a interjeté appel de cette décision le 5 août 2019.

Le 24 septembre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation de la société Pickles et a désigné la selafa MLA, représentée par Maître [K], en qualité de mandataire liquidateur.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 6 décembre 2021, M. [C] demande à la cour :

— de confirmer le jugement entrepris sur la fixation des créances précitées au passif de la société Pickles et débouter la société Pickles de ses demandes reconventionnelles ainsi que sur la charge des dépens,

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* requalifié le licenciement de Monsieur [C] pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

* débouté Monsieur [C] du surplus de ses demandes,

par conséquent de :

— constater que la société Pickles n’a pas respecté la législation afférente à la vidéo surveillance,

— écarter des débats les extraits de vidéosurveillance produits,

— dire que le licenciement de Monsieur [C] est sans cause réelle et sérieuse,

— fixer au passif de la société Pickles les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 920 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 2 923,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 292,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 100 euros au titre du salaire sur la période de la mise à pied conservatoire du 5 au 19 janvier 2018,

* 110 euros au titre des congés payés sur salaire sur la période du 5 au 19 janvier 2018,

* 5 645,99 euros au titre des heures supplémentaires,

* 564,59 euros au titre des congés payés afférents,

* 500 euros au titre du rappel de prime d’objectif 2017,

* 50 euros au titre des congés payés sur la prime d’objectif 2017,

* 8 770,62 euros au titre des dommages et intérêts pour la non-proposition du CSP,

* 17 541 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

— dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal,

— ordonner la remise d’une attestation Pôle Emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail conforme au jugement avec une astreinte journalière de 50 euros par jour de retard et par document,

— se réserver le droit de liquider l’astreinte,

— fixer au passif de la société Pickles la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— fixer au passif de la société Pickles les entiers dépens,

— rendre opposable aux AGS la décision à intervenir.

La société la selafa MJA prise en la personne de Me [K], en sa qualité de liquidateur de la société Pickles, régulièrement appelée en la cause par acte d’huissier du 23 décembre 2021, n’est pas représentée.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 24 février 2022, l’AGS demande à la cour de :

— confirmer le jugement dont appel,

— débouter M. [C] de ses demandes, fins et conclusions,

— lui donner acte des conditions d’intervention de l’AGS dans le cadre des dispositions du code de commerce rappelées ci-dessus et des conditions, limites et plafonds de la garantie de l’AGS prévus, notamment par les articles L.3253-6 à L.3253-17, L.3253-19 à L.3253-20 du code du travail.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 25 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

SUR QUOI

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé:

M. [C] soutient que lorsqu’il n’était pas cadre, il a effectué de nombreuses heures supplémentaires rendues nécessaires par sa charge de travail et qui n’ont pas été rémunérées.

L’AGS répond que M. [C] n’apporte pas d’élément probant établissant la réalité des heures supplémentaires alléguées.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, il ressort du contrat de travail que M. [C] devait travailler 39 heures par semaine (dont 4 heures supplémentaires) soit 169 heures par mois (pièce n° 2 de l’appelant).

En vertu de l’article 1 de l’avenant du 26 octobre 2007 de la convention collective applicable, les 8 premières heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures (soit de la 36ème à la 43ème heure incluse) sont majorées de 25 %, tandis que toute heure supplémentaire effectuée au-delà des 8 premières heures est majorée à 50 %.

Afin d’établir la matérialité des heures supplémentaires effectuées entre le 4 janvier et 13 août 2017, M. [C] produit un décompte très précis de ses horaires jour par jour ainsi que le cahier en original sur lequel il notait ses heures de présence au sein de l’entreprise.

Ces éléments sont confortés par les attestations de quatre de ses collègues (pièces 18 à 20) qui de manière circonstanciée affirment que :

— «[‘] M. [C] faisait beaucoup d’heures supplémentaires. Ses journées débutaient à 8h30, nous arrivions à la même heure. Il restait très tard au bureau. » (Mme M. N., pièce n° 16) ;

— « J’ai été témoin direct des heures supplémentaires effectuées par [Y], notamment sur des horaires de nuit. [‘] [Y] pouvait travailler parfois jusqu’à 22h30 afin de s’assurer du bon déroulement du service du soir et du retour des livreurs. » ( M. B.J., pièce n° 19) ;

— « Monsieur [C] ne comptait pas ses heures, empiétant régulièrement sur sa pause- déjeuner ou sa coupure pour réaliser les tâches qui lui étaient assignées.

[‘] Il arrivait tôt le matin (généralement avant 9 h) et finissait ses journées très régulièrement à des heures tardives. Il arrivait fréquemment que nous soyons seuls à travailler dans les locaux de l’entreprise situés rue du dessous des berges après 19h, voire 20h ». (Mme C.B. pièce n° 20) ;

— « J’ai pu constater que [Y] [[C]] effectuait de longues journées. Il ouvrait le dépôt

chaque jour vers 8h30 et très souvent il était le dernier à partir du dépôt. J’ai pu le constater étant dispatcheur du soir, ce poste nécessitait de connaître les activités dans

le dépôt. » (Monsieur Y.B. pièce n° 21).

Ces éléments sont suffisamment précis en ce qu’ils mettent l’employeur en mesure de connaître les heures de travail effectives revendiquées et d’y répondre en fournissant ses propres éléments alors qu’il lui appartient de mettre en oeuvre les modalités d’organisation du travail.

En l’espèce, aucun élément ne permet d’établir que l’employeur, qui ne justifie pas avoir procédé au décompte du temps de travail de M. [C] comme il en avait l’obligation, n’avait pas donné son accord implicite pour qu’il exécute des heures supplémentaires afin de répondre aux demandes de la clientèle.

L’effectivité du dépassement du temps de travail doit donc être retenue.

Aussi, au vu des pièces produites et à défaut d’éléments permettant de contredire le décompte précis effectué par le salarié, il y a lieu de fixer la créance d’heures supplémentaires dans les termes de la demande.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Selon les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait, pour l’employeur de se soustraire intentionnellement notamment aux déclarations relatives aux salaires ou cotisations sociales.

Le caractère intentionnel de la dissimulation des heures supplémentaires ne découle pas de la seule constatation de l’inexécution par l’employeur de ses obligations de contrôle de l’amplitude de la charge de travail et de mention sur les bulletins de salaire de la réalité de la durée du travail.

En l’espèce, la preuve n’est pas rapportée de l’intention de l’employeur de se soustraire au paiement des cotisations sociales.

M. [C] est débouté, par confirmation du jugement, de la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

Sur le rappel de prime d’objectif 2017 et de congés payés afférents :

La rémunération fixe de M. [C] s’élevait, par application de l’article 5 du contrat de travail, à la somme de 2 917,70 euros brut augmentée d’une rémunération variable d’un montant annuel de 2 000 euros à compter du 1er octobre 2017 (pièce n° 2 du dossier du salarié).

Il résulte également de cet article que cette prime, d’un montant trimestriel de 500 euros, dépendait pour le 4ème trimestre 2017, payée au mois de janvier 2018, de deux objectifs :

‘ à 30 % : du suivi des recommandations de staffing de livreurs telles que préconisées par l’algorithme,

‘ à 70 % : d’une productivité moyenne pondérée des livreurs supérieure ou égale à 3,8 sur les services du midi.

Aucun élément du dossier n’établissant que M. [C] n’aurait pas respecté ses objectifs, il convient d’infirmer le jugement sur ce point et de faire droit à la demande de fixation de la créance du salarié à la somme de 500 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 50 euros.

Sur le licenciement :

M. [C] fait valoir que les faits au soutien de son licenciement ne sont ni établis ni sérieux et ont déjà été sanctionnés par un avertissement alors que le véritable motif de la rupture du contrat est économique et lié à la suppression de son poste, puis au licenciement de l’ensemble des effectifs.

S’agissant des griefs énoncés, il fait notamment valoir que les extraits de vidéo-surveillance sur lesquels s’est fondé l’employeur est un mode de preuve irrecevable dès lors que la société Pickles ne démontre pas que les caméras ayant prétendument constaté son comportement ont été déclarées à la CNIL et que les délégués du personnel en ont été informés ; que lui-même n’a jamais été informé de l’existence de ces caméras.

L’AGS admet que le licenciement s’analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve, les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Par ailleurs, il appartient au juge de qualifier le degré de gravité de la faute. Si la faute retenue n’est pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis, il appartient au juge, qui n’est pas lié par la qualification donnée par l’employeur, de dire si le licenciement disciplinaire repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement pour faute grave adressée en l’espèce à M. [C] le 18 janvier 2018 fixe les limites du litige.

Il est reproché au salarié d’avoir :

— à plusieurs reprises, lors d’ échanges, fait preuve d’agressivité et de défiance envers l’entreprise avec Madame B, Monsieur M., Monsieur F. ou Monsieur E. et d’avoir régulièrement interpellé et critiqué M. E. en présence d’autres salariés ;

— mal géré, en décembre 2017, le recrutement des livreurs en quantité suffisante occasionnant une baisse de plus de 30 % du chiffre d’affaires entre novembre et décembre 2017 ;

— amplifié les critiques envers la direction, en public le 13 décembre, sur un canal de messagerie partagé avec d’autres salariés de l’entreprise ;

— adopter un langage ‘ironique’ envers des partenaires tiers ;

— le jeudi 14 décembre 2017, en présence de M. F.et M. E., dénigré l’entreprise et eu une attitude menaçante à l’égard de M. E. en se penchant agressivement sur son bureau et le pointant du doigt puis s’être mis à genoux pour simuler une prière musulmane ;

— courant décembre, refusé plusieurs fois de répondre aux clients pendant le service par messagerie ‘chat’ en déclarant sur la messagerie interne le 21 décembre « je ne m’occuperai pas du service client par chat » malgré les demandes de Monsieur E. et réitéré son attitude le 3 janvier midi et le 4 janvier ;

— eu un comportement injurieux lors de l’entretien préalable ;

— eu un regard agressif le 5 janvier à l’égard de Monsieur M., Mme B. et Mme M.;

— mis plus de 25 minutes pour quitter le bureau après la mise à pied en continuant les dénigrements et qualifiant M. E. d’incompétent ;

— avoir laissé plusieurs employés sous sa responsabilité s’adonner à un pillage de la société en consommant des plats sans le déclarer dans l’interface de suivi afin de ne pas être facturé. Alors que depuis le 20 décembre, il n’y a plus aucune déclaration de plats consommés dans l’interface alors que les vidéos de surveillance montrent des consommations de plats. En ce qui le concerne il a été déclaré ;

* en septembre 2017, vous avez indiqué consommer à titre personnel 14 repas,

* en octobre 2017, vous avez indiqué consommer à titre personnel 13 repas,

* en novembre 2017, vous avez indiqué consommer à titre personnel 14 repas,

* en décembre 2017, vous avez indiqué consommer à titre personnel 0 repas ;

— laissé plusieurs salariés sous sa responsabilité quitter l’entreprise avec des sacs remplis de plats.

L’employeur ajoutait qu’il était en cours d’enquête afin d’identifier le niveau de responsabilité du salarié et notamment de comprendre s’il était seulement acteur et avait ‘ fermé les yeux’ sur le comportement de ses subordonnés ou s’il avait organisé et avait incité à ce comportement.

M. [C] critique la licéité des vidéo-surveillances invoquées à l’occasion de son licenciement; à défaut de violation du principe du contradictoire, la demande tendant à ce que ces vidéo-surveillances soient écartées des débats ne saurait être accueillie, alors au surplus que le salarié les revendique et en discute pour que son licenciement soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En premier lieu, l’article L.1222-4 du code du travail dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

L’article 9 du Code civil énonce que ‘chacun a droit au respect de sa vie privée’ et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que ‘ toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.’

Il est constant que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite. Il ne peut donc mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas fait l’objet, préalablement à son introduction, d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise.

Toutefois, ne sont soumis à l’obligation d’information préalable du salarié que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l’activité professionnelle des salariés. L’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n’est pas destiné à contrôler son activité.

En l’espèce, le mandataire de la société Pickles, qui n’a pas conclu, est réputé s’être approprié les motifs du judgement.

Or, il n’est justifié, non seulement par aucun élément du dossier mais également par aucune mention du jugement, de l’existence d’un système de surveillance destiné à contrôler l’activité du salarié.

Dès lors, en l’absence également de tout élément permettant de vérifier que la procédure d’installation du système de vidéo-surveillance a été respectée par l’employeur, ainsi que ses préalables, et que le salarié en avait eu connaissance, il convient de dire que les enregistrements de vidéo-surveillance utilisés par l’employeur comme moyen de preuve, comme allégué dans la lettre de licenciement concernant le comportement du salarié (s’être mis à genoux le buste penché dans la position de la prière musulmane, au milieu des bureaux de ses collègues ; debout face à son supérieur hiérarchique, en le pointant du doigt dans une attitude aggressive ; la consommation des plats par lui-même ou ses subordonnés) est illicite.

Ces griefs ne sont donc pas établis.

En deuxième lieu, il ressort du dossier que la société Pickles a adressé le 4 janvier 2018 à Monsieur [C] un courrier afin de le mettre en garde contre son refus de répondre à des demandes de clients sur le ‘chat’ (pièce n° 5) ; elle a précisé elle-même, dans la lettre de licenciement de Monsieur [C], que ce courrier était un « avertissement » donc une sanction (pièce n° 7).

Il en résulte qu’en application de la règle selon laquelle un même fait ne peut donner lieu à deux sanctions alors que l’employeur n’établit pas que le comportement du salarié a perduré, ce grief n’est pas établi.

En troisième lieu, si le conseil de prud’hommes a jugé que M. [C] n’avait pas pris la mesure des responsabilités et de la nécessaire exemplarité attachées au statut de cadre et que sa manière de s’exprimer, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, inspirée par les réseaux sociaux, est en décalage avec les codes et usages des relations interpersonnelles au sein d’une entreprise et dénote une attitude ouvertement ironique et publiquement critique à l’égard du président de la société Pickles ou d’autres salariés, force est de constater que la motivation ne comporte la référence à aucune pièce et que son libellé reprend l’argumentation de l’employeur, sans relever d’éléments l’objectivant, et ce alors que le salarié a toujours contesté formellement ces attitudes.

Enfin, il n’est justifié d’aucune obligation pour M. [C] d’avoir à répondre aux clients par message ‘chat’ alors qu’il affirme, sans avoir été contredit sur ce point, qu’il n’avait jamais effectué cette tâche.

La preuve de ces deux griefs n’est donc pas rapportée.

Il convient en conséquence de dire le licenciement de M. [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement de ce chef.

Sur l’indemnisation des préjudices :

Il convient de rappeler que les sommes arbitrées par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que du rappel salaire pendant la mise à pied, le tout avec congés payés, ne sont contestées, ni dans leur principe, ni dans leur quantum par l’appelant et l’ AGS.

Ces condamnations sont donc définitives.

Tenant compte de l’âge du salarié (29 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté (14 mois et 15 jours), de son salaire moyen mensuel brut (soit 2 923,54 euros), des justificatifs produits de sa situation de bénéficiaire d’allocation chômage du 22 février 2018 au 24 octobre 2018, il y a lieu de fixer à 3 000 euros la juste réparation du préjudice résultant de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Le jugement de première instance doit donc être infirmé sur ce point.

Il convient de fixer cette créance au passif de la société Pickles, en liquidation judiciaire.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour ‘la non-proposition’ du contrat de sécurisation professionnelle, aucun élément du dossier n’établissant que le véritable motif du licenciement de M. [C] était économique, il convient de confirmer le jugement qui a débouté le salarié de cette demande.

Sur les autres demandes:

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Au surplus, il y a lieu de mettre à la charge du passif de la société Pickles, représentée par Maître [K] en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M.[C].

Les dépens d’appel seront inscrits au passif de liquidation de la société Pickles qui succombe à l’instance.

Il sera enjoint au liquidateur de la société Pickles de délivrer à M. [C], sans qu’il y ait lieu à astreinte, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes à cette décision.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes jusqu’ à l’ouverture de la procédure collective de la société Pickles, laquelle a suspendu le cours des intérêts selon l’article L 622-28 du code de commerce.

Sur la garantie de l’AGS:

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l’Unedic Délégation AGS CGEA IDF Ouest, qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt prononcé par défaut par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la qualification et à l’indemnisation du licenciement, aux heures supplémentaires, au rappel de prime d’objectif 2017 et aux congés payés y afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [T] [Y] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

FIXE au passif de la société Pickles les sommes suivantes :

‘ 5 645,99 euros à titre des heures supplémentaires,

‘ 564,59 euros de congés payés afférents,

‘ 500 euros à titre de rappel de prime d’objectif 2017,

‘ 50 euros à titre de congés payés afférents,

‘ 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

‘ 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que seules les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes jusqu’à l’ouverture de la procédure collective de la société Pickles,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’Unedic Délégation AGS CGEA IDF Ouest, tenue de garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code,

REJETTE les autres demandes,

DIT que les dépens seront inscrits au passif de la société Pickles.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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