Accident de travail de Madame [T] [E]Le 12 septembre 2014, Madame [T] [E], agent de production au sein de la société [5], a subi un accident entraînant une douleur intense à l’épaule pendant ses activités professionnelles. Cet incident a été reconnu comme un accident du travail par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Mayenne. Attribution du taux d’incapacité permanenteLe 25 avril 2016, la CPAM a informé la société [5] de l’attribution à Madame [E] d’un taux d’incapacité permanente (IPP) de 27 %, dont 7 % pour le taux professionnel, en raison d’une limitation fonctionnelle significative de son épaule dominante. Contestation de la société [5]Le 13 juillet 2018, la société [5] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité des Pays de la Loire pour contester le taux d’IPP de 27 % attribué à Madame [E]. Suite à des modifications législatives, l’affaire a été transférée au tribunal judiciaire de Nantes. Audience et expertise médicaleLes parties ont été convoquées à une audience le 14 février 2024, où le Docteur [F] a été désigné comme médecin expert pour évaluer le taux d’IPP de Madame [E]. L’affaire a été renvoyée au 18 septembre 2024 pour permettre à la CPAM de présenter ses conclusions. Demande de renvoi de la CPAMLe jour de l’audience, la CPAM a demandé un renvoi par mail pour ses conclusions, sans se présenter ni expliquer sa demande, malgré un délai de 7 mois pour conclure. Cette demande a été rejetée, et le dossier a été retenu. Arguments de la société [5]La société [5] a demandé au tribunal de déclarer inopposable le taux d’IPP de 27 % pour non-respect des dispositions du code de la sécurité sociale, arguant que son médecin conseil n’avait pas reçu les éléments nécessaires pour contester le taux. Position de la CPAMLa CPAM n’a pas présenté de conclusions ni assisté à l’audience, ayant demandé une dispense de comparution. Le médecin-expert a estimé que le taux médical de l’IPP fixé à 20 % n’était pas surévalué. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré inopposable à la société [5] le taux d’IPP de 27 % attribué à Madame [E], en raison du non-respect par la CPAM de son obligation de communication des documents médicaux. La demande subsidiaire de la société n’a pas été examinée. Dépens et fraisLa CPAM de la Mayenne a été condamnée à supporter les dépens exposés après le 31 décembre 2018, y compris les frais de la consultation judiciaire. Le tribunal a rappelé aux parties leur droit d’interjeter appel dans un délai d’un mois. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les obligations de la caisse primaire d’assurance maladie en matière de communication des documents médicaux ?La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a des obligations précises en matière de communication des documents médicaux, notamment en vertu de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que « Dans les dix jours suivant la réception de la déclaration, le secrétariat du tribunal en adresse copie à la caisse intéressée et l’invite à présenter ses observations écrites, en trois exemplaires, dans un délai de dix jours. Dans ce même délai, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné. » Il est également établi que cette obligation de communication porte sur les documents que la caisse détient en vertu d’une dérogation au secret médical, tels que les certificats médicaux et les avis du service de contrôle médical. En l’espèce, il a été constaté que la CPAM n’a pas satisfait à cette obligation, ce qui a conduit à l’inopposabilité de la décision d’attribution du taux d’IPP à l’employeur. Quels sont les effets de l’inopposabilité de la décision d’attribution d’un taux d’IPP ?L’inopposabilité de la décision d’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) a des conséquences significatives pour l’employeur. Lorsque la décision est déclarée inopposable, cela signifie que l’employeur n’est pas tenu de respecter le taux d’IPP fixé par la CPAM. Cela découle de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui a affirmé que le non-respect de l’obligation de communication des éléments médicaux entraîne l’inopposabilité de la décision à l’employeur. Dans le cas présent, la société [5] a pu contester le taux d’IPP de 27 % attribué à madame [E] en raison de l’absence de communication des documents médicaux nécessaires à une évaluation contradictoire. Ainsi, le tribunal a déclaré la décision d’attribution d’un taux d’IPP de 27 % inopposable à la société [5], ce qui lui permet de ne pas être contraint par cette décision. Quelles sont les conséquences financières pour la caisse primaire d’assurance maladie en cas de condamnation ?En cas de condamnation, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) est tenue de supporter les dépens exposés dans le cadre de la procédure. L’article L. 142-11 du code de la sécurité sociale précise que les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie, mais cela ne s’applique qu’aux recours introduits à compter du 1er janvier 2020. Dans le cas présent, la CPAM de la Mayenne a été condamnée aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018, y compris les frais de la consultation judiciaire. Cela signifie que la CPAM devra rembourser les frais engagés par la société [5] pour la procédure, ce qui peut représenter un coût significatif pour l’organisme. Quels recours sont possibles après la décision du tribunal judiciaire ?Après la décision du tribunal judiciaire, les parties disposent d’un délai d’un mois pour interjeter appel, conformément aux articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire. Cela signifie que si l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision rendue, elle peut faire appel de cette décision dans le délai imparti. L’appel doit être formé par voie de déclaration au greffe du tribunal, et il est important de respecter ce délai pour que le recours soit recevable. En cas d’appel, l’affaire sera réexaminée par une cour d’appel, qui pourra confirmer, infirmer ou modifier la décision du tribunal judiciaire. Il est donc crucial pour les parties de bien évaluer les chances de succès de leur appel avant de décider de poursuivre la procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL
Jugement du 15 Novembre 2024
N° RG 19/06024 – N° Portalis DBYS-W-B7C-KJPT
Code affaire : 89E
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : Frédérique PITEUX
Assesseur : Frédéric FLEURY
Assesseur : Alain LAVAUD
Greffière : Julie SOHIER
DEBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 18 Septembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 15 Novembre 2024.
Demanderesse :
Société [5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, substituée lors de l’audience par Maître Cruse MASSOSSO BENGA, avocat au même barreau
Défenderesse :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE
Service contentieux
[Adresse 1]
[Localité 2]
Dispensée de comparution lors de l’audience
La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la partie présente en ses observations, l’ont avisée, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :
Le 12 septembre 2014, madame [T] [E], salariée de la société [5], a été victime d’un accident alors qu’elle exerçait comme agent de production.
Elle a ressenti une douleur violente au niveau de l’épaule au moment des contrôles.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Mayenne.
Par courrier du 25 avril 2016, la CPAM de la Mayenne a notifié à la société [5] la décision attribuant à madame [E] un taux d’incapacité permanente (IPP) de 27 %, dont 7 % pour le taux professionnel, la décision indiquant « Limitation fonctionnelle importante de l’épaule dominante ».
Par courrier du 13 juillet 2018, la société [5] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité des Pays de la Loire aux fins de contester le taux d’IPP de 27 % attribué à madame [E] à compter du 18 février 2016.
En application des lois n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et n° 2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement du tribunal du contentieux de l’incapacité a été transféré au tribunal de grande instance de Nantes, devenu le 1er janvier 2020, le tribunal judiciaire, spécialement désigné aux termes de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire.
Les parties ont été convoquées à l’audience qui s’est tenue le 14 février 2024 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes au cours de laquelle le Docteur [F] a été désigné en qualité de médecin expert pour donner son avis sur le taux d’IPP de madame [E].
L’affaire a été renvoyée à l’audience du 18 septembre 2024 pour permettre à la caisse de conclure.
A cette date, la caisse a fait savoir par mail adressé le jour de l’audience à 8h24 qu’elle sollicitait le renvoi pour ses « conclusions en réponse ».
Elle n’a pas jugé utile d’être présente ou représentée pour expliciter les motifs de cette demande alors qu’elle disposait déjà d’un délai de 7 mois pour conclure.
Sa demande sera donc rejetée et le dossier retenu.
La société [5] demande au tribunal, aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l’audience, de :
A titre principal,
– Déclarer la décision de la caisse d’attribuer un taux d’IPP de 27 % à madame [E] inopposable à la société [5] pour non-respect des dispositions de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ;
– Déclarer la décision de la caisse d’attribuer un taux d’IPP de 27 % à madame [E] inopposable à la société [5] pour non-respect des dispositions des articles R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale ;
A titre subsidiaire,
– Ordonner la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire ;
– Condamner la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne à supporter les frais d’expertise et aux entiers dépens.
Elle soutient que le médecin conseil de la société n’a pas reçu les éléments du dossier de madame [E] détenus par la caisse, ni le rapport d’évaluation des séquelles, ce qui ne lui permet pas de discuter contradictoirement du taux d’IPP retenu, lequel lui est en conséquence inopposable selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
La caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne n’a pas conclu et n’est pas présente à l’audience, ayant sollicité une dispense de comparution.
Le Docteur [F], médecin-expert désigné par le tribunal aux fins de consultation sur pièces, indique que, compte tenu de la limitation moyenne de tous les mouvements de l’épaule, le taux médical de l’IPP fixé à 20 % ne lui paraît pas surévalué.
La décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.
Sur l’inopposabilité à la société [5] de la décision d’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 27% à madame [T] [E]
Lorsque la juridiction du pôle social est saisi d’un recours de l’employeur relatif au taux d’IPP attribué à l’un de ses salariés, l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2003-614 du 3 juillet 2003 applicable au litige, dispose que «Dans les dix jours suivant la réception de la déclaration, le secrétariat du tribunal en adresse copie à la caisse intéressée et l’invite à présenter ses observations écrites, en trois exemplaires, dans un délai de dix jours.
Dans ce même délai, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné. »
Il est de jurisprudence constante que cette obligation imposée à la caisse porte sur les documents qu’elle détient en vertu d’une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, le certificat de guérison ou de Jonction qui lui sont transmis par le médecin de l’assuré en vertu de l’article L. 441-6 du code de la sécurité sociale, mais aussi les certificats de prolongation visés à l’article R. 441-7 et l’avis du service du contrôle médical prévu à l’article R. 434-31 du même code.
En l’espèce, il résulte des pièces versées au débat que le 27 juillet 2018, le secrétariat du tribunal du contentieux de l’incapacité des Pays de la Loire a demandé à la CPAM de la Mayenne, en application de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, de lui adresser « le dossier administratif et les documents médicaux concernant l’affaire ».
Il n’apparaît pas que la caisse ait satisfait à cette obligation, ni à la suite du courrier, ni ultérieurement puisqu’elle n’a jamais conclu ni produit de pièces.
Ainsi, cette absence de production ne met pas la société [5] en mesure de discuter utilement de l’évaluation de l’IPP retenue.
La Cour de cassation a encore rappelé récemment (Civ. 2e, 11 janvier 2024, n°22-12.288) que le non-respect de l’obligation de communication de l’ensemble des éléments rappelés ci-dessus entraîne l’inopposabilité à l’employeur de la décision fixant le taux d’IPP du salarié.
Par contre, contrairement à ce que soutient la société demanderesse, le rapport d’évaluation des séquelles reçu de la caisse le 6 août 2018, a été envoyé par courrier du 21 août 2018 au Docteur [W], médecin désigné par la société [5].
Il convient en conséquence de déclarer la décision d’attribution d’un taux de 27 % d’IPP à madame [E] inopposable à la société [5].
Le tribunal faisant droit à la demande principale, il n’y a pas lieu d’examiner la demande subsidiaire.
Sur les dépens
L’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale abrogé depuis le 1er janvier 2019 dispose que la procédure est gratuite et sans frais. Cet article reste applicable pour les procédures en cours jusqu’au 31 décembre 2018 et à partir du 1er janvier 2019, s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
L’article L.142-11 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie, n’est applicable qu’aux recours introduits à compter du 1er janvier 2020.
Par conséquent, la CPAM de la Mayenne, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018, y compris les frais de la consultation judiciaire.
Le tribunal judiciaire de Nantes, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,
DÉCLARE inopposable à la société [5], dans ses rapports avec la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne, le taux d’incapacité permanente partielle de 27 % attribué à madame [T] [E] au titre de l’accident du travail du 12 septembre 2014 ;
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne aux dépens exposés postérieurement au 31 janvier 2018 et au paiement des frais de la consultation judiciaire ;
RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 15 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Frédérique PITEUX, Présidente, et par Julie SOHIER, Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE