Injonction de reprise des travaux : précisions nécessaires pour une exécution forcée efficace

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Injonction de reprise des travaux : précisions nécessaires pour une exécution forcée efficace

Contexte de l’assignation

Monsieur et Madame [X] et [H] [T] ont assigné en référé la société La Coopérative des Bâtisseurs Unis le 26 mars 2024, demandant la reprise des travaux de leur maison située à [Adresse 2], [Localité 5]. L’audience a eu lieu le 26 juin 2024, où les plaignants ont maintenu leurs demandes.

Demandes des plaignants

Les plaignants ont sollicité la condamnation de La Coopérative des Bâtisseurs Unis à reprendre les travaux selon un devis accepté le 11 mars 2022, avec une astreinte de 150 euros par jour de retard. Ils ont également demandé que l’entreprise soit considérée comme défaillante après un délai de 15 jours sans exécution, ainsi qu’une indemnisation de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

État des travaux et abandon du chantier

Les plaignants ont confié à La Coopérative des Bâtisseurs Unis des travaux d’extension et de rénovation pour un montant total de 273 863,41 euros. Malgré des devis complémentaires et des factures s’élevant à 299 746,46 euros, l’entreprise a progressivement abandonné le chantier, ne se présentant pas à plusieurs réunions de suivi. Une mise en demeure a été adressée le 1er juin 2023, mais les travaux n’ont pas été repris.

Absence de comparution de la défenderesse

La Coopérative des Bâtisseurs Unis, bien que régulièrement assignée, n’a pas comparu à l’audience. Le juge a donc examiné la demande des plaignants en se basant sur les éléments fournis dans l’assignation et les écritures déposées.

Analyse de la demande d’injonction

Le juge a rappelé que, selon l’article 835 du code de procédure civile, il peut prescrire des mesures conservatoires même en cas de contestation sérieuse. Cependant, il a noté que la demande de reprise des travaux n’était pas suffisamment précise pour permettre une exécution forcée, en l’absence d’une expertise amiable pour identifier les travaux à réaliser.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur la demande de condamnation à reprendre les travaux, en raison de l’imprécision de la demande. Les plaignants ont été condamnés aux dépens de l’instance et leur demande d’indemnisation au titre de l’article 700 a été rejetée. La décision est exécutoire à titre provisoire.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature de la demande formulée par Monsieur et Madame [X] et [H] [T] ?

Monsieur et Madame [X] et [H] [T] ont formulé une demande en référé devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre. Ils sollicitent principalement la condamnation de la société La Coopérative des Bâtisseurs Unis à reprendre l’exécution des travaux de leur maison, conformément à un devis accepté le 11 mars 2022.

Cette demande est fondée sur l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, qui permet au juge des référés d’ordonner l’exécution d’une obligation même en cas de contestation sérieuse, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

En l’espèce, les requérants soutiennent que les travaux confiés n’ont pas été réalisés et que la mise en demeure de reprendre le chantier n’a pas été suivie d’effet. Ils demandent également une astreinte de 150 euros par jour de retard et une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Quelles sont les conditions pour qu’une injonction de faire soit accordée en référé ?

Pour qu’une injonction de faire soit accordée en référé, plusieurs conditions doivent être remplies, conformément à l’article 835 du code de procédure civile. Cet article stipule que le président du tribunal judiciaire peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse, si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il est également précisé que l’injonction doit être suffisamment précise pour permettre son exécution forcée. Cela signifie que la demande doit porter sur des travaux clairement identifiés et quantifiables, permettant ainsi la liquidation de l’astreinte devant le juge de l’exécution.

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que la demande de reprise des travaux n’était pas suffisamment précise, car elle ne spécifiait pas les travaux à réaliser. En l’absence d’une expertise amiable contradictoire pour identifier les travaux à finir, le juge a estimé qu’il ne pouvait pas faire droit à la demande.

Quelles sont les conséquences de l’absence de comparution de La Coopérative des Bâtisseurs Unis ?

L’absence de comparution de La Coopérative des Bâtisseurs Unis a des conséquences sur la procédure. Selon les articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, le juge ne peut faire droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Dans ce cas, bien que le défendeur n’ait pas comparu, le juge a examiné les éléments présentés par Monsieur et Madame [X] et [H] [T]. Cependant, l’absence de comparution ne signifie pas que la demande est automatiquement acceptée. Le juge doit toujours vérifier la régularité et la fondement de la demande.

Ainsi, même en l’absence de La Coopérative des Bâtisseurs Unis, le tribunal a jugé que la demande de reprise des travaux n’était pas suffisamment précise pour être exécutoire, ce qui a conduit à un rejet de la demande principale.

Quelles sont les implications de la décision sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ?

La décision du tribunal a des implications sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Selon l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens de l’instance.

Dans ce cas, Monsieur et Madame [X] et [H] [T] ont été déboutés de leur demande principale et ont donc été condamnés aux dépens. Cela signifie qu’ils devront supporter les frais de la procédure, y compris les frais d’huissier et d’avocat.

En ce qui concerne l’article 700, qui permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, le tribunal a également débouté les demandeurs de leur demande fondée sur cet article. Cela signifie qu’ils ne recevront pas d’indemnisation pour couvrir leurs frais de justice, ce qui renforce la charge financière qui pèse sur eux suite à cette procédure.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG n° 24/00788
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 12 DECEMBRE 2024

N° RG 24/00788 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZI3E

N° de minute :

[X] [T],
[H] [T]

c/

S.A.R.L. LA COOPERATIVE DES BATISSEURS UNIS

DEMANDEURS

Monsieur [X] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE

Madame [H] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE

Tous deux représentée par Me Shirly COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0486

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LA COOPERATIVE DES BATISSEURS UNIS
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Me Audrey SCHAEFER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 568

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Sophie HALLOT, lors des débats ; Philippe GOUTON, Greffier lors du délibéré

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 26 juin 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte d’huissier du 26 mars 2024, Monsieur et Madame [X] et [H] [T] ont fait assigner en référé la société La Coopérative des Batisseurs Unis devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de la voir condamnée à reprendre l’exécution des travaux de leur maison située [Adresse 2] à [Localité 5].

L’affaire a été évoquée à l’audience du 26 juin 2024.

A l’audience, Monsieur et Madame [X] et [H] [T] maintiennent les prétentions de leur exploit introductif d’instance aux termes duquel ils demandent au juge des référés, au visa de l’article 835 alinea 2 du code de procédure civile, principalement de :
– Condamner La Coopérative des Batisseurs Unis à reprendre l’exécution des travaux confiés selon devis accepté le 11 mars 2022 sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– Dire que faute d’exécution à l’issue d’un délai de 15 jours La Coopérative des Batisseurs Unis sera considérée comme défaillante,
– Condamner La Coopérative des Batisseurs Unis à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Ils exposent avoir confié à La Coopérative des Bâtisseurs Unis par devis signé du 11 mars 2022 les travaux d’extension et de rénovation de leur maison (prolongation, surélévation, réalisation d’un toit terrasse) au prix de 273 863,41 euros sous la maitrise d’œuvre du Cabinet [K] [D] [O] architecte ; que des devis complémentaires ont été émis pendant les travaux ; que des factures ont été émises pour un total de 299 746,46 euros ; que La Coopérative des Bâtisseurs Unis a abandonné le chantier progressivement, et n’est pas venue à la réunion de chantier du 9 mai 2023 ; qu’ils ont mis en demeure le 1er juin 2023 La Coopérative des Bâtisseurs Unis de reprendre le chantier avant le 30 juin 2023 ; qu’une réunion de chantier a eu lieu le 13 juillet 2023 lors de laquelle une liste des travaux à reprendre ou a réaliser à été faite par le maitre d’œuvre avec un planning à fournir par La Coopérative des Bâtisseurs Unis  ; que malgré la convocation à la réunion du 8 décembre 2023 l’entreprise n’est jamais venue reprendre le chantier ; que le bâti n’est pas étanche seul un bâchage provisoire ayant été posé ; que l’obligation de reprendre les travaux n’est donc pas sérieusement contestable et doit faire l’objet d’une injonction de faire.

Bien que régulièrement assignée (remise à étude), La Coopérative des Bâtisseurs Unis n’a pas comparu.
Conformément aux articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

Si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande d’injonction de reprendre les travaux :

Aux termes de l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile :
« le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

En l’espèce,

Au vu des pièces versées aux débats, en particulier les devis du 11 mars 2022 et du 11mai 2022, les factures du 11 mars 2022 au 31 octobre 2022, les listes de réserves du 9 mai 2023 et du 13 juillet 2023 établies par l’architecte [K] [D] [O], la mise en demeure de reprendre le chantier du 1er juin 2023 avant le 30 juin 2023 avec une liste de travaux (pose verrière, étanchéité terrasse, etc) et le constat d’huissier du 8 décembre 2023, il apparaît que les travaux prévus aux devis commandés à la défenderesse ne sont pas terminés, et que la mise en demeure du 1er juin 2023 de finir le chantier n’a pas été suivie d’effet.

Néanmoins, la seule condamnation à reprendre l’exécution des travaux confiés selon devis accepté du 11 mars 2022 ne serait pas suffisamment précise pour pouvoir faire l’objet d’une exécution forcée, l’injonction sous astreinte devant porter sur une demande précise susceptible de permettre la liquidation de l’astreinte devant le juge de l’exécution.

En l’absence d’une expertise amiable contradictoire permettant d’identifier les travaux à finir ou à reprendre, et d’une demande d’injonction à effectuer lesdits travaux, il ne peut être fait droit à une simple demande de reprendre des travaux insuffisamment précisés.

Par ailleurs lorsqu’il est sollicité la condamnation à exécuter une obligation, le juge ne peut statuer que sur la demande qui lui est faite sauf à statuer ultra petita.

Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de condamnation à reprendre les travaux.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur et Madame [X] et [H] [T] , partie perdante, garderont la charge des dépens.

L’équité et les circonstances de l’espèce commandent de débouter Monsieur et Madame [X] et [H] [T] de leur demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation à reprendre les travaux,

Condamnons Monsieur et Madame [X] et [H] [T] aux dépens de l’instance ;

Déboutons Monsieur et Madame [X] et [H] [T] de leur demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

FAIT À NANTERRE, le 12 décembre 2024.

LE GREFFIER

Philippe GOUTON, Greffier

LE PRÉSIDENT

David MAYEL, Vice-président


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