Injonction de payer : la saisie-attribution entre les mains de la banque

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Injonction de payer : la saisie-attribution entre les mains de la banque

La société [J] [B] a effectué une saisie-attribution des sommes détenues par la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL pour le compte de Monsieur [Z] [F] suite à une ordonnance d’injonction de payer. Cette saisie a été dénoncée le 18 avril 2024. En réponse, Monsieur [Z] [F] a assigné la société [J] [B] devant le juge de l’exécution le 17 mai 2024, demandant la nullité de la saisie, sa mainlevée, des délais de paiement, ainsi qu’une indemnisation. Lors de l’audience du 9 juillet 2024, les deux parties ont présenté leurs arguments, la société [J] [B] demandant le déboutement de Monsieur [Z] [F] et des condamnations à son encontre. Le jugement est attendu pour le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Caen
RG
24/02301
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAEN

JUGE DE L’EXECUTION

MINUTE N° : 24/
AFFAIRE N° RG 24/02301 – N° Portalis DBW5-W-B7I-I2QM
Code NAC 78F Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

JUGEMENT DU 17 Septembre 2024

Laurène POTERLOT, Juge de l’Exécution au Tribunal judiciaire de CAEN,

Assistée lors des débats de Séverine HOURNON, Greffière ;

DANS L’INSTANCE

ENTRE

Monsieur [Z] [F]
né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 5] (TUNISIE)
demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/002871 du 15/05/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Caen)

EN DEMANDE
représenté par Me Hélène ROULLIN, avocat au Barreau de CAEN, Case 138

ET

S.E.L.A.R.L. [J] [B]
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 1]

EN DEFENSE
représenté par Me Marie BOURREL, avocat au Barreau de CAEN, Case 23, substituée par Me Laura VALERY, avocat au Barreau de CAEN

Après débats à l’audience publique du 09 Juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024.

La présente décision a été signée par Laurène POTERLOT, et par Séverine HOURNON, Greffière, présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance portant injonction de payer rendue le 23 août 2023, la société [J] [B] a fait pratiquer, le 12 avril 2024, une saisie-attribution entre les mains de la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL des sommes détenues pour le compte de Monsieur [Z] [F].

Cette saisie lui a été dénoncée le 18 avril 2024.

Par acte de commissaire de justice du 17 mai 2024, Monsieur [Z] [F] a fait assigner la société [J] [B] devant le juge de l’exécution aux fins de :
– Juger recevable le requérant en sa présente contestation,
– Juger nulle la saisie-attribution pratiquée le 12 avril 2024 et dénoncée le 18 avril 2024, compte tenu de l’absence de décompte lisible et ordonner sa mainlevée,
– Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution inutile et abusive pratiquée le 12 avril 2024 et dénoncée le 18 avril 2024,
– Accorder à Monsieur [F] des délais de paiement sur une période de 2 ans, au moyen de versements de 100 euros par mois,
En tout état de cause,
– Condamner la SELARL [J] [B] à la somme 1.000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
– Condamner la SELARL [J] [B] aux dépens.

A l’audience du 9 juillet 2024, les parties sont représentées par leurs conseils qui se réfèrent oralement à leurs écritures.

Monsieur [Z] [F] maintient ses demandes introductives d’instance.

La société [J] [B] sollicite du juge de l’exécution de :
– Débouter purement et simplement Monsieur [Z] [F] de ses demandes,
– Condamner Monsieur [Z] [F] à verser à la SELARL [J] [B] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Monsieur [Z] [F] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.

Le jugement a été mis en délibéré au 17 septembre 2024.

MOTIFS

Sur le caractère abusif de la mesure de saisie-attribution

Sur le caractère abusif

Sur la mise à disposition d’une somme à caractère alimentaire

L’article L. 162-2 du code de procédure civile, permet au débiteur saisi de conserver sur son compte de plein droit une somme égale au montant forfaitaire du revenu de solidarité active

L’article R. 162-3 du code des procédures civiles d’exécution prévoit cependant qu’il un débiteur ne peut bénéficier d’une nouvelle mise à disposition qu’en cas de nouvelle saisie intervenant à l’expiration d’un délai d’un mois après la saisie ayant donné lieu à la précédente mise à disposition.

En l’espèce, la nouvelle saisie est intervenue un jour avant l’expiration du délai d’un mois de la précédente. De sorte que Monsieur [Z] [F] a été valablement privé d’une nouvelle mise à disposition d’une somme à caractère alimentaire.

Au surplus, aucune intention de nuire de la société [J] [B] ne peut s’en déduire, étant observé que cette date relève davantage de l’organisation du commissaire de justice instrumentaire que de la volonté du créancier.

Sur la multiplication des saisies

L’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

Conformément aux dispositions de l’article L. 121-2 du même code, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, la société [J] [B] avait fait pratiquer une saisie-attribution le 12 mars 2024 pour les mêmes causes auprès du même tiers saisi à l’encontre de Monsieur [Z] [F], laquelle a permis de recouvrer la somme de 1.088,56 euros.

Cette saisie-attribution a fait l’objet d’une contestation devant le juge de l’exécution par acte de commissaire de justice du 12 avril 2024, dénoncée le jour même au commissaire de justice ayant procédé à la saisie conformément aux dispositions de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution.

Il ne peut cependant se déduire un abus de saisie du seul fait que la société [J] [B] a fait procéder à une nouvelle saisie-attribution le 12 avril 2024 sans attendre l’expiration du délai de contestation dès lors que la somme recouvrée le 12 mars 2024 était inférieure au montant de la créance invoquée et qu’il n’est prévu aucun délai légal minimum entre deux saisies.

Au surplus, il est relevé que le 18 avril 2024, la société [J] [B] a offert à Monsieur [Z] [F] de cantonner des saisies, pour la première à hauteur de 500 euros et pour l’autre à hauteur de 400 euros avec un échelonnement de la dette pour le surplus moyennant des versements de 150 euros et une renonciation à la procédure initiée devant le juge de l’exécution s’agissant de la contestation de la première mesure.

Cette proposition, par son caractère raisonnable, démontre une volonté de conciliation et de prise en compte de la situation de Monsieur [Z] [F] et des répercussions des saisies successives et exclut toute intention nuisible à son encontre.

L’abus de saisie n’est donc pas caractérisé.

Sur le caractère inutile

Le caractère inutile de la mesure ne peut se déduire du fait que Monsieur [Z] [F] ait émis plusieurs chèques en règlement de la note d’honoraires en ce que conformément à l’article 1342-4 du code civil, la société [J] [B] était en droit de refuser un paiement partiel.

Au surplus, la société [J] [B] a procédé à plusieurs mesures de recouvrement avant les saisies-attribution de mars et avril 2023 et les sommes saisies ne couvrent pas le montant de la créance.

Enfin, Monsieur [Z] [F] ne justifie pas d’une alternative ayant permis à la société [J] [B] de recouvrer les sommes qu’il reconnait partiellement devoir.
Sur la demande de dommages et intérêts

Les solutions précédemment retenues ne permettent pas de caractériser une faute de la société [J] [B] dans la mise en œuvre des mesures de saisie et exclut ainsi l’allocation de dommages et intérêts au profit de Monsieur [Z] [F].

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail ».

L’erreur sur le montant des sommes dûes n’est pas une cause de nullité mais oblige le juge de l’exécution à cantonner la saisie au montant qu’il fixe après avoir tranché les contestations sur le montant de la créance cause de la saisie ou d’en limiter les effets, après avoir tranché les contestations sur le montant de la créance objet de la saisie en cas de saisie attribution.

Monsieur [Z] [F] admet devoir la somme principale de 2.400 euros mais conteste les sommes sollicitées au titre des intérêts et des frais d’huissier. Il explique ainsi que son créancier était en possession de la somme de 2.500 euros qu’il n’a pas encaissée de sorte qu’il estime qu’il ne peut réclamer les intérêts. Il ajoute que les sommes de 168,79 euros au titre « des actes en cours de signification » et 1.024,54 euros au titre de « nos frais exposés à ce jour » ne sauraient être dûes en raison de leur imprécision et de l’absence de détail.

La société [J] [B] oppose qu’elle ne pouvait accepter un échelonnement au-delà de 90 jours de sorte qu’à défaut de règlement dans les trois mois, le taux d’intérêt légal pouvait être appliqué. Elle ajoute que le débiteur s’était engagé à deux reprises à régler la somme de 250 euros par mois, engagement qu’il n’a pas tenu. Enfin, elle souligne que l’ordonnance d’injonction de payer enjoint au règlement de la somme de 2.400 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 2023. S’agissant des frais d’huissier, elle détaille les sommes qui lui sont dûes.

En l’espèce, l’ordonnance d’injonction de payer mentionne à titre de créance principale la somme de 2.400 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, laquelle est intervenue le 31 août 2023.

En conséquence, la société [J] [B] est fondée à solliciter des intérêts seulement depuis cette date.

S’agissant des frais d’huissier, la société [J] [B] justifie des sommes suivantes :

Frais accessoires (conformément au titre exécutoire)
109,73 €
Signification de la requête et d’ordonnance d’injonction de payer
71,97 €
Commandement de payer aux fins de saisie vente le 15 novembre 2023
123,94 €
Procès-verbal de saisie-attribution du 1er décembre 2023
115,22 €
Dénonciation de saisie-attribution du 6 décembre 2023
89,85 €
Procès-verbal de saisie-attribution du 12 mars 2024
115,22 €
Dénonciation de saisie-attribution du 13 mars 2024
88,36 €
Signification du certificat de non-opposition à l’ordonnance d’injonction de payer du 23 août 2023, le 15 novembre 2023
70,48 €
Procès-verbal de difficultés d’exécution du 6 décembre 2023
57,71 €
Procès-verbal de saisie-vente du 14 décembre 2023
98,56 €
Signification de date de vente en date du 28 février 2024
59,36 €
Certificat d’accomplissement des formalités de publicité de vente
98,56 €
Total
1.099,05 €

Dans ces conditions, compte tenu du montant saisi à hauteur de 958,70 euros, inférieur au montant de la créance, il n’y a pas lieu de prévoir un cantonnement de la saisie.

Il sera toutefois précisé que les intérêts au taux légal ne sont dûs qu’à compter du 31 août 2023.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du Code civil, qui encadre les délais qui pourraient être accordés par le juge de l’exécution, prévoit que sa décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées. Cependant, cette suspension, qui ne saurait être assimilée à une mainlevée, s’opère nécessairement dans l’état où se trouve la mesure d’exécution au jour de l’octroi des délais.

Or, en matière de saisie-attribution, la suspension des voies d’exécution visée par l’article 1343-5 du Code civil, ne peut avoir pour effet de faire obstacle à l’attribution matérielle des fonds au créancier dans le mois suivant la mise en place de cette voie d’exécution, puisqu’en application des dispositions de l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie a déjà emporté attribution juridique des fonds au saisissant.

En l’espèce, il ressort des déclarations des tiers saisis, que la saisie-attribution a été efficace pour la somme de 958,70 euros.

La créance étant supérieure à la somme saisie, la demande de délais de paiement est recevable.

Il résulte des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment ».

Monsieur [Z] [F] sollicite d’être autorisé à s’acquitter de sa dette par mensualités de 100 euros. Il explique travailler en qualité de cariste en intérim et percevoir à ce titre un revenu mensuel moyen de 1600 euros parfois complété par des indemnités chômage. Il est marié et a trois enfants à charge, des jumeaux de 9 ans et une fille de 4 ans. Sa conjointe perçoit des revenus modestes de 400 euros par mois outre une prime d’activité de 186 euros et des allocations familiales de 323,91 euros et un complément familial de 277,23 euros. En sus des charges courantes, le couple règle un loyer de 288 euros, APL déduites, ainsi que plusieurs dettes, de sorte qu’ils estiment leurs charges fixes à la somme de 1.052,82 euros.

Pour s’opposer à sa demande, la société [J] [B] fait valoir qu’il lui a déjà été accordé à deux reprises des délais de paiement.

Toutefois, il convient de relever la bonne foi de Monsieur [Z] [F] caractérisée par sa volonté de s’acquitter dès l’origine de sa dette par les règlements échelonnés et du montant élevé des mensualités ne lui ayant pas permis de tenir ses engagements en raison de sa situation familiale et de la fragilité de sa situation financière.

En outre, la dette a été considérablement diminuée en raison des sommes pour lesquelles les saisies-attribution de mars et d’avil ont été fructueuses.

Enfin, il apparait nécessaire de suspendre les mesures d’exécution forcée à son encontre qui ont été multipliées par la société [J] [B] et qui ont généré des frais importants venant aggraver la dette initiale de Monsieur [Z] [F].

Dans ces conditions et en l’absence d’élément sur la situation de la société [J] [B] s’y opposant, il sera fait droit à la demande de délais de paiement de Monsieur [Z] [F] selon les modalités précisées au dispositif.

Sur les dépens

Monsieur [Z] [F] qui bénéficie d’une mesure de clémence au détriment des droits de son créancier, sera tenu des entiers dépens.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ou de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Enfin, il est rappelé qu’en vertu de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution, les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe de la juridiction,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [F] de ses demandes de nullité et de maintevée de la saisie-attribution pratiquée le 12 avril 2024 ;

REJETTE la demande indemnitaire de Monsieur [Z] [F] ;

DIT que les intérêts au taux légal ne sont dus qu’à compter du 31 août 2023 ;

AUTORISE Monsieur [Z] [F] à se libérer de sa dette par 23 mensualités de 100 euros, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;

DIT que les mensualités seront exigibles le 20 de chaque mois à compter du mois suivant la notification de la présente décision ;

DIT qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme exact, et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, l’intégralité des sommes restant dues sera immédiatement exigible ;

RAPPELLE que conformément à l’article 1343-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

CONDAMNE Monsieur [Z] [F] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit dès sa notification.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

S. HOURNON L. POTERLOT


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