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C4
N° RG 21/01017
N° Portalis DBVM-V-B7F-KYTE
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES
la AARPI D’HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 31 JANVIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00286)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE
en date du 26 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 25 février 2021
APPELANTE :
S.A. CONDAT SA SA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
SIRET N°713 680 734 00017
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sofia CAMERINO de la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Fanny CHEKHAR, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
INTIMES :
Madame [P], [S] [M], divorcée [Z],
Anciennement Mme [P] [S] [M], acte de naissance rectifié le 11/03/2022,
née le 03/08/1980 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me René DE LAGARDE de l’AARPI D’HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 novembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 31 janvier 2023.
Exposé du litige :
Mme [M] (divorcée [Z]) a été engagée en qualité d’assistante commerciale export dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2003 par la SA CONDAT.
Le 13 mars 2019, la SA CONDAT a informé Mme [M] de sa décision de l’affecter dans un autre service, le Pôle DLI.
Du 18 au 22 mars 2019, Mme [M] a fait l’objet d’un arrêt de travail.
Par courriel du 20 mars 2019, la salariée a fait part à son employeur de son incompréhension quant à cette décision, estimant avoir toujours donné satisfaction et exécuté loyalement le contrat de travail.
A son retour, la SA CONDAT l’a mise en demeure d’accepter le changement de poste dès le 25 mars 2019 et l’a dispensée d’activité jusqu’au 1er avril 2019.
Le 26 mars 2019, la SA CONDAT a confirmé par courrier à Mme [M] sa mutation au Pôle DLI à compter du 1er avril 2019.
Mme [Z] a de nouveau fait l’objet d’un arrêt maladie à compter du 28 mars 2019, pour syndrome anxio-dépressif, renouvelé jusqu’à son licenciement.
Le 10 avril 2019, elle a demandé à la SA CONDAT de revenir sur sa décision de mutation.
Par courrier du 11 avril 2019, la SA CONDAT a répondu par la négative invoquant un risque de transmission d’informations confidentielles à un concurrent.
Par l’intermédiaire de son conseil, Mme [M] a demandé à la SA CONDAT d’être réintégrée à son poste.
Le 15 mai 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement qui s’est tenu le 27 mai 2019.
Par courrier en date du 3 juin 2019, la SA CONDAT lui a notifié son licenciement pour faute, au motif de son refus de changement de poste et de propos dépassant largement la liberté d’expression. La salariée a été dispensée d’effectuer son préavis de deux mois.
Mme [M] a saisi le Conseil de prud’hommes de Vienne, en date du 02 août 2019 aux fins de nullité de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 26 janvier 2011, le Conseil de prud’hommes de Vienne, a :
Jugé que Mme [Z] (désormais divorcée et nommée [M]) a été victime de harcèlement moral et d’un comportement discriminatoire de la part de son employeur durant l’exécution de son contrat de travail ;
Jugé que le licenciement de Mme [Z] est nul ;
Fixé le salaire moyen mensuel brut de Mme [Z] au montant de 3 289,17 euros.
Condamné la SA CONDAT à verser à Mme [Z] les sommes de:
7 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
42 759,21 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 13 mois de salaire
1 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Débouté la SA CONDAT de ses demandes reconventionnelles ;
Ordonné l’exécution provisoire sur l’entier jugement, sur toutes les sommes qui n’en bénéficient pas de plein droit, ce nonobstant appel et sans caution en application des dispositions de l’article 515 du Code de procédure civile ;
Condamné la SA CONDAT aux entiers dépens de l’instance.
La décision a été notifiée aux parties et la SA CONDAT en a interjeté appel et Mme [M], appel incident par voie de conclusions.
Par conclusions N°4 du 7 novembre 2022, la SA CONDAT demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Vienne en ce qu’il a:
Dit et jugé que Mme [Z] a été victime de harcèlement moral et d’un comportement discriminatoire de la part de son employeur durant l’exécution de son contrat de travail ;
Dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] est nul ;
Condamné la SA CONDAT à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
7 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
42 759,21 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 13 mois de salaire,
1 500,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Débouté la SA CONDAT de ses demandes reconventionnelles ;
Condamné la SA CONDAT aux dépens de l’instance.
A titre principal
Juger que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,
Débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,
A titre subsidiaire
Limiter le montant des dommages et intérêts à 9 864 euros bruts (trois mois de salaire brut), en l’absence de preuve d’un quelconque préjudice à la suite de la rupture du contrat de travail ou, tout au plus, à 19 728 euros bruts (six mois de salaire brut), si le licenciement était déclaré nul.
En tout état de cause
Condamner Mme [Z] à verser à la société CONDAT la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Débouter Mme [Z] de sa demande portant sur la condamnation de la société CONDAT à lui verser la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Rejeter la demande de Mme [Z] portant sur la fixation du taux des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2019 et sa demande de capitalisation des intérêts.
Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse du 10 octobre 2022, Mme [M] (anciennement [M]), divorcée [Z] demande à la cour d’appel de :
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Vienne en date du 26 janvier 2021 en ce qu’il a jugé que Mme [M] a été victime de harcèlement moral et d’un comportement discriminatoire de la part de son employeur, que le licenciement est nul et en ce qu’il a condamné la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et celle de 42.759,21 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Condamner la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 15.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Condamner la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 93.624,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2019,
A titre subsidiaire
Juger que le licenciement de Mme [M] est sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence,
Condamner la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 52.671,60 € nets à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2019,
En tout état de cause
Condamner la société CONDAT à verser à Mme [M] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Ordonner la capitalisation des intérêts
Condamner la société CONDAT aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur le harcèlement moral, « le comportement discriminatoire » et la nullité du licenciement :
Moyens des parties :
Mme [M] soutient qu’elle a été victime d’un comportement discriminatoire et de harcèlement moral de la part de son employeur. Elle expose que l’employeur a:
Manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail en, en toute connaissance de sa situation personnelle difficile (divorce), lui imposant un changement d’affectation
Opéré des intrusions répétées dans sa vie privée en l’interrogeant à plusieurs reprises sur l’existence d’une relation intimr avec M. [K] en violation de l’article 9 du code civil
Outrepassé son pouvoir de direction en la dispensant d’activité, en la mettant à pied pour l’isoler hors procédure
Ce comportement de la société ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail ainsi que de son état de santé.
La SA CONDAT conteste la matérialité des faits reprochés. Elle expose que :
Mme [M] a rendu publique sa relation de couple avec M. [K] à l’égard de ses collègues et de sa supérieure hiérarchique et qu’il n’y a donc eu aucune atteinte à sa vie privée. Elle a reçu par ailleurs le soutien de son équipe pendant son divorce.
Son contrat de travail n’a pas été modifié et la modification de la prise ne charge des clients par Mme [M] n’entraine aucune modification de son contrat de travail.
Mme [M] ne justifie pas de la dégradation de ses conditions de travail.
Sur ce,
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l’article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.
En application des dispositions de l’article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En l’espèce, s’agissant de la matérialité des faits allégués par la salariée :
Il n’est pas contesté que par courrier du 26 mars 2019, la SA CONDAT a confirmé à Mme [M] sa décision de faire évoluer son activité d’assistante commerciale export au sein du service Administration des Ventes, et qu’à compter du 1er avril 2019, « la tenue de son poste évolue dans le sens où elle sera en charge du suivi des dossiers du pôle Lubrifiants Industriels (et plus précisément ceux du Département Industrie), en lieu et place des dossiers du pôle TMSI ». L’employeur précisant que cette modification au sein du service Administration des Ventes n’affectait en rien sa rémunération ou son coefficient, ni la pratique de ses langues (anglais et espagnol) ni ses possibilités d’évolution au sein du groupe, ‘et ses modalités d’organisation du travail.
Le 11 avril 2019, la SA CONDAT confirme cette décision par courrier en fondant sa décision sur la relation que Mme [M] « entretient ou entretenait-peu importe- avec M. [K] » qui poursuit une activité concurrente, et afin d’éviter tout conflit d’intérêts, ou risque de conflits d’intérêts, ayant accès à des informations privilégiées sur l’activité TMSI. La matérialité du changement d’affectation par l’employeur est ainsi établie.
Mme [M] qui évoque également des intrusions répétées dans sa vie privée, verse aux débats au soutien de cette allégation :
Un courrier adressé à l’employeur en date du 10 avril 2019 au terme duquel elle dénonce avoir été interrogée le 25 février 2019 par Mme [A], Responsable Administration des Ventes, puis le 4 mars 2019 par M. [I], le Directeur des ressources humaines, sur l’existence d’une relation avec M. [K], ancien salarié de la société et aujourd’hui concurrent.
L’attestation de M. [O], salarié de la SA CONDAT depuis 2003 au sein du service TMSI depuis 2011, qui relate que Mme [M] lui a fait part à plusieurs reprises de la pression psychologique qu’elle subissait depuis plusieurs semaines et qu’il l’a vue revenir très perturbée de ses entretiens ‘souvent les larmes aux yeux’. Elle lui a demandé de l’accompagner à un entretien avec M. [I] fixé au 25 mars 2019 au cours duquel elle est revenue sur les entretiens successifs qui l’avaient choquée notamment celui du 13 mars 2019 où on lui avait notifié sa mutation contre son gré et l’évocation d’une relation privée avec M. [K], insistant sur son profond sentiment d’injustice, sa situation personnelle difficile, sa loyauté sans faille à l’égard de l’employeur, et son souhait de ne pas quitter le service TMSI dans lequel elle a ses amis et collègues de travail depuis plus de 15 années. Il indique « que la société a répondu que sa mutation n’était pas discutable à partir du moment où il y avait une suspicion de conflit d’intérêts et de la relation qu’elle entretenait avec M. [F] [K] », « en plus de la pression déjà existante, M. [I] lui a imposé en fin d’entretien une dispense d’activité d’une semaine pour qu’elle réfléchisse bien à la situation, lui a demandé de récupérer ses affaires, de quitter la société et de réfléchir à la proposition et de revenir pour un nouvel entretien le 1er avril 2019′ ».. Il précise que « je dois dire que j’ai trouvé le ton employé à son encontre particulièrement ferme’ ».
Il est ainsi établi que la SA CONDAT a fait état d’une prétendue relation intime entre Mme [M] et M. [K] dans le cadre des entretiens précédents son changement d’affectation.
Il ressort enfin du mail de Mme [V], Responsable des Affaires sociales de la SA CONDAT, en date du 25 mars 2019, que suite à l’entretien du matin avec M. [I], la salariée est dispensée d’activité jusqu’au vendredi, son salaire étant maintenu et cette dispense d’activité n’engendrant aucune incidence/impact sur ses droits (congés, intéressement etc). Ce fait est établi.
Il résulte de l’examen de l’ensemble des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que Mme [M] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral.
Il incombe dès lors à l’employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
La SA CONDAT qui ne conteste pas avoir changé l’affectation de Mme [M] en raison de sa relation avec M. [K], soutient que la salariée avait déjà rendu publique cette relation avec M. [K] auprès de ses collègues de travail et de sa supérieure hiérarchique et qu’elle n’a ainsi pas porté atteinte à sa vie privée.
Il ne ressort toutefois pas, comme conclu, du compte-rendu d’entretien annuel de progrès du 12 décembre 2018, que la salariée évoque sa situation intime avec M. [K], Mme [M] se contentant d’indiquer dans la case réservée aux observations du collaborateur, que l’année 2018 a été trépidante tant dans le domaine professionnel que privé et qu’elle a été très secouée, contente de venir au bureau et d’avoir le soutien de l’équipe.
Par ailleurs la photographie versée aux débats montrant autour d’une table 8 personnes en train de prendre un repas sans qu’on puisse déterminer avec exactitude le lieu et la date de prise de celle-ci, ne suffit pas à démontrer la proximité intime entre la salariée et M. [K], celui-ci ayant pu être invité à un repas avec ses anciens collaborateurs.
L’employeur ne verse enfin aux débats aucune attestation de collègues ou de la supérieure hiérarchique de Mme [M], confirmant qu’elle leur avait indiqués entretenir une relation intime avec M. [K], ancien salarié de l’entreprise et concurrent.
Il en ressort que l’employeur a interrogé Mme [M] sur une prétendue relation intime relevant uniquement de la sphère privée en contradiction avec les dispositions de l’article 9 du code civil et L.1222-2 du code du travail, et s’est fondée sur l’existence de cette prétendue relation pour modifier les conditions de travail de Mme [M] en la changeant de service et l’affectant à un autre poste sans son accord.
Mme [M] justifie par ailleurs qu’à la suite de la décision de son employeur de la changer de service, il lui a été prescrit un traitement anti-dépresseur et qu’elle a fait l’objet d’un arrêt de travail prolongé du 18 mars au 14 juin 2019 pour, selon le Dr [L], Médecin généraliste, « syndrome anxio dépressif (conflit professionnel relaté par la patiente) « démontrant l’aggravation de son état de santé psychologique ». Le seul fait pour le praticien de préciser « conflit professionnel relaté par la patiente » ressortant uniquement de son obligation déontologique réaffirmée régulièrement par la Cour de se limiter aux constatations médicales objectives sans pour autant remettre en cause les dires du patient.
Par conséquent, la SA CONDAT échoue à justifier, par une cause étrangère au harcèlement moral, le fait d’avoir évoqué auprès de la salariée sa prétendue relation intime avec un tiers, au mépris de vie privée et d’avoir ensuite procédé à un changement de fonction sur ce seul fondement. Le harcèlement moral est établi et sans qu’il soit besoin de répondre au moyen tiré de la discrimination, il convient de prononcer la nullité du licenciement de Mme [M] en lien direct avec les faits susvisés de harcèlement moral par voie de confirmation du jugement déféré.
Il convient également de confirmer la décision déférée s’agissant du quantum des dommages et intérêts pour harcèlement moral compte tenu des éléments de suivi médicaux produits par Mme [M], mais d’infirmer la décision sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul et de condamner la SA CONDAT à lui verser la somme de 45 227 € compte tenu de l’ancienneté de Mme [M] dans l’entreprise et dans le même service (15 ans, 10 mois et 18 jours), la SA CONDAT justifiant de l’embauche de Mme [M] par la société TNL18 dès le 5 septembre 2019 et au vu de sa nouvelle rémunération, faute d’actualisation de la part de la salariée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE la SA CONDAT recevable en son appel principal et Mme [M] en son appel incident,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Jugé que Mme [Z] a été victime de harcèlement moral et d’un comportement discriminatoire de la part de son employeur durant l’exécution de son contrat de travail ;
Jugé que le licenciement de Mme [Z] est nul ;
Fixé le salaire moyen mensuel brut de Mme [Z] au montant de 3 289,17 euros.
Condamné la SA CONDAT à verser à Mme [Z] les sommes de:
7 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
1 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Débouté la SA CONDAT de ses demandes reconventionnelles ;
Ordonné l’exécution provisoire sur l’entier jugement, sur toutes les sommes qui n’en bénéficient pas de plein droit, ce nonobstant appel et sans caution en application des dispositions de l’article 515 du Code de procédure civile ;
Condamné la SA CONDAT aux entiers dépens de l’instance.
L’INFIRME, pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA CONDAT à payer à Mme [M], la somme de 45 227 €au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343- 2 du code civil,
CONDAMNE la SA CONDAT à payer la somme de 2 500 € à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE la SA CONDAT aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,