Informations privilégiées : 30 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/03989

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Informations privilégiées : 30 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/03989
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C 9

N° RG 20/03989

N° Portalis DBVM-V-B7E-KUWU

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Sophie BAUER

la SELARL BLOHORN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 MARS 2023

Appel d’une décision (N° RG 17/00358)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Genoble

en date du 19 novembre 2020

suivant déclaration d’appel du 10 décembre 2020

APPELANT :

Monsieur [L] [U]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Me Sophie BAUER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. ARTELIA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Yves BLOHORN de la SELARL BLOHORN, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Bettina SCHMIDT, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS,Greffière

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 février 2023,

Monsieur BLANC, Conseiller, a été chargé du rapport, et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE’:

Début mai 2014, M. [L] [U] a noué des contacts avec la société par actions simplifiée Artelia Eau & Environnement, aux droits de laquelle est venue la société Artelia, en vue d’une éventuelle collaboration. Divers échanges s’en suivent pour aboutir sur une collaboration dans les conditions suivantes’:

– un contrat de sous-traitance de missions d’ingénierie sur les projets hydrauliques du 01 juillet au 31 décembre 2014, signé le 26 juin 2014. M. [L] [U] intervient comme directeur de projet,

– un contrat de travail à durée indéterminée, signé le 18 juin 2014, pour un début de mission au 01 janvier 2015, en tant que cadre dirigeant, avec un temps de travail de référence de 227 jours par an.

Le 29 juillet 2015, M. [L] [U] a été victime d’un accident de trajet qui a entrainé un arrêt de travail de plusieurs mois.

Le 14 janvier 2016, le médecin du travail l’a déclaré apte à une reprise du travail, à temps partiel thérapeutique à hauteur de 8 heures par semaine réparties sur 3 jours et sans déplacement à l’international.

Le 16 mars 2016, ce temps partiel thérapeutique est augmenté à hauteur de 17,5 heures par semaine.

A compter du 3 juin 2016, M. [L] [U] a été en arrêt de travail.

Par courrier du 12 avril 2017, M. [L] [U] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 2 mai 2017.

Par requête en date du 28 avril 2017, M. [L] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

M. [L] [U] s’est vu notifier son licenciement par courrier du 5 mai 2017 à raison de la perturbation causée par son arrêt maladie justifiant son remplacement définitif.

Par requête en date du 25 janvier 2018, M. [L] [U] a de nouveau saisi la juridiction aux fins de contester son licenciement.

Les deux affaires ont été jointes.

La société Artelia s’est opposée aux prétentions adverses sauf à s’engager à régler la somme de 3744,49 euros à titre de prime sur objectifs 2016 au prorata temporis, outre 374,45 euros au titre des congés payés afférents.

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– condamné la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] les sommes suivantes’:

– 4 801,76 € bruts au titre de la prime variable 2015

– 480,18 € bruts au titre des congés payés afférents

– 10 000,00 € bruts au titre de la prime variable 2016

– 1 000,00 € bruts au titre des congés payés afférents déduction faite des sommes de 3 744,49€ bruts et 374,45 € bruts au titre des congés payés afférents, si ces deux dernières sommes ont été payés avant le rendu du jugement,

– 700,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 7 000,00 €,

– ordonné à la SAS Artelia de fournir à M. [L] [U] une attestation Pôle Emploi dûment rectifiée,

– débouté M. [L] [U] de ses autres demandes,

– débouté la SAS Artelia de sa demande reconventionnelle,

– dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 23 novembre 2020 par chacune des parties.

Par déclaration en date du 10 décembre 2020, M. [L] [U] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Selon conclusions du 29 avril 2022, M. [L] [U] a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident de sursis à statuer.

Par ordonnance juridictionnelle en date du 20 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté M. [L] [U] de cette demande.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, M. [L] [U] sollicite de la cour de :

Déclarer recevable l’appel formé par M. [L] [U] le 10 décembre 2020 du jugement du conseil de prud’hommes rendu le 19 novembre 2020 et constater l’effet dévolutif de la déclaration d’appel.

En conséquence, débouter la SAS Artelia de sa demande visant à voir constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel.

Infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de complément de salaire au titre des indemnités journalières de sécurité sociale perçue par l’employeur et non reversé au salarié.

En conséquence condamner la SAS Artelia à verser à M. [L] [U] la somme de 31 741.90 € bruts, déduction faite de la somme nette déjà payée de 6 079.27 € nets, au titre du solde des indemnités journalières de Sécurité Sociale perçues par l’employeur et non reversées au salarié.

A titre subsidiaire, si cette demande est rejetée, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 19 novembre 2020 (RG F 17/00358) qui a condamné la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] les sommes suivantes :

– 4 801.76€ bruts au titre de la prime variable 2015 et 480.18 € bruts au titre des congés payés afférents

– 10 000€ bruts au titre de la prime variable 2016 et 1 000€ bruts au titre des congés payés afférents

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 19 novembre 2020 (RG F 17/00358) qui a :

– condamné la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] la somme de 700€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné la production d’une attestation Pole Emploi rectifiée

– a débouté la SAS Artelia de l’intégralité de ses demandes.

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 (RG F 17/00358) en ce qu’il a débouté M. [L] [U] de ses autres demandes et en conséquence,

Constater que le contrat de sous-traitance doit être requalifié en contrat de travail et que la SAS Artelia a eu recours au travail dissimulé par dissimulation d’emploi.

En conséquence, condamner la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] la somme de 57 500 € à titre de dommages et intérêts forfaitaires en réparation du préjudice subi.

Constater le non-respect des engagements de la SAS Artelia quant à la fonction de cadre dirigeant inscrite dans le contrat travail et la modification unilatérale du contrat sans l’accord du salarié.

En conséquence, condamner la SAS Artelia à verser à M. [L] [U] la somme de 27 500 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la modification de ses fonctions sans son accord.

Constater que M. [L] [U] a été victime d’une discrimination du fait de son état de santé constituée par une prise en compte limitée des restrictions d’aptitude émises par le médecin du travail, un refus réitéré de lui attribuer le poste contractuel de cadre dirigeant et par une pression financière liée au variable et au refus de reverser l’intégralité des indemnités journalières perçues de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie dans le cadre de la subrogation.

Constater que M. [L] [U] a été victime de pressions pour qu’il collabore à la commission d’une fraude à laquelle il n’a pas consenti.

Juger que l’attitude fautive de la SAS Artelia est constitutive de graves manquements lors de l’exécution du contrat de travail qui justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] [U] à ses torts.

Prononcer celle-ci à la date du 5 mai 2017 et dire qu’elle produit les effets d’un licenciement nul, et subsidiairement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la SAS Artelia à verser à M. [L] [U] en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture la somme 115 000 euros nets.

A titre subsidiaire si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était rejetée, constater que le licenciement notifié le 5 mai 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et allouer à M. [L] [U] la somme 115 000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture.

Condamner la SAS Artelia à verser à M. [L] [U] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier lié aux fautes commises suite à la notification de son licenciement dans le cadre du règlement du solde de tout compte, du préavis et de l’établissement de l’attestation Pôle Emploi.

Condamner la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2 500 € bruts outre 250 € bruts au titre des congés payés afférents du fait de la prise en compte du variable.

En tout état de cause,

Préciser que tous les rappels de salaires sont alloués avec intérêts de droit au jour de la demande et que les autres sommes sont allouées avec intérêts de droit au jour de la décision à intervenir.

Condamner la SAS Artelia au règlement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, la SAS Artelia sollicite de la cour de :

Vu les dispositions du code du travail et du code de procédure civile ;

Vu les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale ;

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation et des juridictions de première instance et d’appel’;

Vu les dispositions de la convention collective nationale BETIC ;

A titre principal :

‘ Juger l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté en l’absence de critique des chefs de jugement de première instance ;

‘ Par conséquent, dire n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de M. [L] [U] en l’absence de dévolution ;

‘ Donner acte à la société intimée qu’elle acquiesce au jugement prud’homal entrepris, lequel devient de fait définitif.

A titre subsidiaire :

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société à verser la somme de 4 801.76 € bruts au titre de la prime variable 2015 et 480.18 € à titre de congés payés afférents ;

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société à verser la somme de 10 000 € bruts au titre de la prime variable 2016 et 1 000 € à titre de congés payés afférents ;

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société à verser la somme de 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il fixe la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir à 7 000 euros’;

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il ordonne à la SAS Artelia de fournir à M. [L] [U] une attestation Pôle emploi dûment rectifiée ;

‘ Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

Et statuant de nouveau :

‘ Fixer la rémunération mensuelle moyenne brute de M. [L] [U] à 9 062,04 € bruts

‘ Dire et juger que la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] [U] aux torts de la SAS Artelia est infondée ;

‘ Dire et juger que le licenciement notifié à l’encontre de M. [L] [U] est fondé ;

Par conséquent :

‘ Débouter M. [L] [U] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

‘ Donner acte à la SAS Artelia qu’elle entend régler la somme de 3 744, 49 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2016, prorata temporis.

‘ Condamner M. [L] [U] à verser à la SAS Artelia la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ; venant s’ajouter à 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile relatif à la première instance ;

‘ Condamner le salarié aux entiers dépens ;

‘ Dire que ceux d’appel seront recouvrés par le cabinet Blohorn, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 février 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 22 février 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur l’effet dévolutif de l’appel’:

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.

Par ailleurs, la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel, garanti par les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, la déclaration d’appel de M. [U] est ainsi formulée’:

«’Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 19 novembre 2020

(RG F 17/00358) en ce qu’il a débouté M. [U] des demandes suivantes :

CONSTATER que le contrat de sous-traitance doit être requalifié en contrat de travail et que la société Artelia a eu recours au travail dissimulé par dissimulation d’emploi.

En conséquence, CONDAMNER la société Artelia à payer à M. [U] la somme de 57 500 € à titre de dommages et intérêts forfaitaires en réparation du préjudice subi.

CONSTATER le non-respect des engagements de la société Artelia quant à la fonction de cadre dirigeant inscrite dans le contrat travail la modification unilatérale du contrat sans l’accord du salarié.

En conséquence, CONDAMNER la société Artelia à verser à M. [U] la somme de 27 500 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la modification de ses fonctions sans son accord.

CONSTATER que M. [U] a été victime d’une discrimination du fait de son état de santé constituée par une prise en compte limitée des restrictions d’aptitude émises par le médecin du travail, un refus réitéré de lui attribuer le poste contractuel de cadre dirigeant et par une pression financière liée au variable.

DIRE et JUGER que l’attitude fautive de la société Artelia est constitutive de graves manquements lors de l’exécution du contrat de travail qui justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] à ses torts. Prononcer celle-ci à la date du 5.05.2017 et dire qu’elle produit les effets d’un licenciement nul, et subsidiairement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la société Artelia à verser à M. [U] en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture la somme 115 000 euros nets.

A titre subsidiaire si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était rejetée, constater que le licenciement notifié le 5.05.2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et allouer à M. [U] la somme 115 000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture.

CONDAMNER la société Artelia à verser à M. [U] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier lié aux fautes commises suite à la notification de son licenciement dans le cadre du règlement du solde de tout compte, du préavis et de l’établissement de l’attestation Pole Emploi.

CONDAMNER la société Artelia à payer à M. [U] au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2 500 € bruts outre 250 € bruts au titre des congés payés afférents du fait de la prise en compte du variable.

CONDAMNER la société Artelia au règlement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.’»;

Contrairement à ce que soutient la société Artelia, M. [U] ne s’est pas limité à rappeler ses prétentions de première instance mais a sollicité l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes, en explicitant celles-ci.

En revanche, les dispositions du jugement relatives aux demandes salariales et de reversement d’indemnités journalières ne font l’objet d’aucune critique dans la déclaration d’appel de sorte que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré à ce titre, si bien que la cour d’appel n’est pas saisie des prétentions suivantes’:

«’Infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de complément de salaire au titre des indemnités journalières de sécurité sociale perçue par l’employeur et non reversé au salarié.

En conséquence condamner la SAS Artelia à verser à M. [L] [U] la somme de 31741.90 € bruts, déduction faite de la somme nette déjà payée de 6 079.27 € nets, au titre du solde des indemnités journalières de Sécurité Sociale perçues par l’employeur et non reversées au salarié.

A titre subsidiaire, si cette demande est rejetée, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 19 novembre 2020 (RG F 17/00358) qui a condamné la SAS Artelia à payer à M. [L] [U] les sommes suivantes :

– 4 801.76€ bruts au titre de la prime variable 2015 et 480.18 € bruts au titre des congés payés afférents

– 10 000€ bruts au titre de la prime variable 2016 et 1 000€ bruts au titre des congés payés afférents’».

Aucune déclaration d’appel rectificative n’a en effet été effectuée dans le délai imparti à M. [U] pour déposer ses premières écritures.

Enfin, dès lors que la société Artelia demande à titre principal qu’il soit constaté l’absence d’effet dévolutif de l’appel et même son acquiescement au jugement, la cour considère que l’appel incident formé au titre des dispositions du jugement l’ayant condamnée au paiement de diverses créances salariales, qui n’est que subsidiaire à l’exception tendant à voir constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel à laquelle il est partiellement fait droit, est sans objet.

Sur la demande de requalification du contrat de sous-traitance du 26 juin 2014’en contrat de travail’:

D’une première part, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

D’une seconde part, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D’une troisième part, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

En l’absence de contrat de travail apparent, la preuve du contrat de travail incombe à celui qui s’en prévaut.

En l’espèce, la société Artelia Eau et Environnement et la SARL [L] [U] Consulting ont signé, le 26 juin 2014, un contrat de sous-traitance de missions d’ingénierie entrant en vigueur le 01 juillet 2014 et se terminant le 31 décembre 2014 prévoyant l’intervention de la seconde pour les projets Russumo Falls hydropower Project en qualité de directeur de projet et responsable coordination avec Aecom, interconnection Cameroun-Tchad en qualité de directeur de projet et pour une offre de réhabilitation de la centrale hydroélectrique de Tale en Tanzanie, en qualité de directeur de projet.

Les parties ont notamment convenu que «’le sous-traitant s’engage à se conformer aux instructions du titulaire relatives à ses missions’» et que «’sauf sur instruction écrite du titulaire, le sous-traitant ne pourra apporter aucune modification aux missions dont il est chargé’».

S’agissant des «’modalités financières’», les parties ont stipulé que «’Pour l’exécution du présent contrat, le sous-traitant recevra une rémunération forfaitaire de 15000 euros HT par mois pour laquelle le sous-traitant s’engage à effectuer ses missions dans les conditions définies au présent contrat. Les périodes d’absences du sous-traitant pour congés notamment ne seront pas rémunérées, et la déduction se fera au prorata temporis. (‘)’».

Les parties ont également décidé que «’le titulaire prend à sa charge l’assurance responsabilité civile professionnelle pour le sous-traitant durant la réalisation de missions confiées par le titulaire.’».

Préalablement à ce contrat de prestation de services, la société Artelia Eau & Environnement a adressé, le 18 juin 2014, à M. [U], un courrier pour lui confirmer son engagement en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2015 en qualité de cadre dirigeant moyennant un salaire de 7000 euros bruts par mois, outre pour une année de service, au prorata temporis, une prime annuelle de 100% d’un mois de salaire brut, avec une période d’essai de quinze jours.

Par un autre courrier du même jour, la société Artelia Eau & Environnement a écrit à M. [U] pour l’informer de dispositions spécifiques correspondant au versement d’une prime annuelle complémentaire de deux mois de salaire brut versée en mai de chaque année et d’une prime d’un montant brut de 10000 euros par an, réglée sur la base de l’atteinte d’objectifs qui devront être définis conjointement d’ici le 01 janvier 2015.

Il apparaît que sous couvert d’une convention de sous-traitance précédant un contrat de travail, les parties se sont manifestement inscrites dès l’origine dans le cadre d’une relation de travail en ce que’:

– elles ont négocié en même temps une convention de sous-traitance et un contrat de travail lui succédant sans interruption pour l’exécution en réalité des mêmes missions de directeur de projet, manifestement dans les mêmes conditions si ce n’est une rémunération certes majorée dans le cadre initial mais justifiée par le fait que M. [U] devait assumer via sa société le paiement de ses cotisations sociales, la société Artelia admettant que M. [U] a, dès l’origine, travaillé dans son établissement situé à [Localité 4]’; ce qui traduit incontestablement son intégration au quotidien à un service organisé dans le cadre d’un lien de subordination

– il est particulièrement significatif au vu des échanges préalables par courriels entre les parties de juin 2014 que celles-ci ont effectué l’une et l’autre des correspondances et établi un lien d’interdépendance entre la convention qu’elles ont qualifiée de sous-traitance et le contrat de travail ultérieur, M. [U] sollicitant une majoration, qui a été acceptée par la société, de sa rémunération salariale afin que cela corresponde peu ou prou au montant net du prix fixé en brut dans le premier contrat. De son côté, la société Artelia a ainsi précisé’: «’d’autre part, nous indiquerons une période d’essai de 15 jours sur votre contrat de travail CDI, afin que la période de sous-traitance soit bien considérée comme une période d’essai, et nous permette (à vous comme à nous) de rompre le contrat CDI qui sera signé en même temps que votre contrat de sous-traitance en cas de volonté de l’une ou l’autre des parties’» et a fini, après avoir rappelé les termes du contrat qualifié de sous-traitance et du CDI’: «’au plaisir de vous intégrer à nos équipes, je reste à votre disposition pour tout complément’»

– les modalités mêmes de rémunération stipulées dans la convention qualifiée de sous-traitance mettent en évidence un contrôle par la société Artelia de l’exécution par M. [U] de ses missions puisque les parties ont prévu une rémunération forfaitaire au mois avec d’ores et déjà la déduction au prorata temporis des absences, étant relevé que cette modalité de paiement ne correspond pas à la pratique alléguée par la société Artelia d’une facturation des interventions à la journée des prestataires de services mais s’apparente en réalité à une mensualisation de la rémunération, avec d’ores et déjà la prévision d’une suspension du paiement en cas d’absence alors que l’exécution d’un travail indépendant, même facturé à la journée de travail, implique uniquement une facturation à l’échéance, sous réserve du paiement d’éventuelles avances, pour chaque journée effectivement accomplie

– M. [U] établit qu’il s’est vu remettre, le 05 décembre 2014, un pouvoir de la part de M. [G] l’autorisant à signer le contrat visant à déterminer la meilleure option technique pour la mise en ‘uvre du projet Souapiti, non visé par la convention dénommée de sous-traitance, avec l’énoncé évident d’une consigne dans les termes suivants’: «’ce pouvoir est strictement limité à la signature dudit document tel que présenté à votre hiérarchie. Toute modification devra recueillir son accord préalable’»

– la société Artelia Eau & Environnement a délivré une habilitation électrique le 10 octobre 2014 à M. [U] en qualité explicitée d’employeur, étant au demeurant ajouté que cette circonstance est à rapprocher du fait que dans le cadre de la convention qualifiée par les parties de sous-traitance, M. [U] n’agit manifestement pas en autonomie en assumant la responsabilité de son activité puisqu’il est expressément décidé qu’il est couvert par le contrat d’assurance responsabilité professionnelle de la société Artelia Eau & Environnement

-l’intégration de M. [U] à un service organisé résulte non seulement de la demande qui lui a été faite de travailler dans l’établissement d'[Localité 4] de la société Artelia Eau & Environnement mais encore du fait qu’il s’est vu attribuer une adresse de courriel interne au groupe Artelia avec une signature en qualité de «’projet director’» de la société «’Artelia Eau & Environnement’» avec comme adresses postale et internet visées uniquement celles d’arteliagroup

– par courrier en date du 22 janvier 2017, M. [U] est revenu sur ses conditions d’embauche dans le cadre d’une convention qualifiée de sous-traitance rappelant, en référence à un courriel du 06 mai 2014 de la société, produit aux débats, que la contractualisation était exclusive, qu’il devait se conformer aux instructions, que la convention dénommée de sous-traitance avait été qualifiée de période d’essai du contrat de travail lui succédant, qu’il était rémunéré au temps et non à la tâche, avec déduction de ses absences, qu’il devait participer à la vie du service, notamment aux réunions, qu’il devait utiliser les moyens mis à sa disposition (bureau, ordinateur, logiciels bureautiques fournis par Artelia) et que la société, dans un courrier précédant du 15 novembre 2016, avait procédé à une «’fusion’» des deux contrats, en indiquant qu’il avait été embauché comme cadre dirigeant le 01 janvier 2015 en qualité de directeur de projet, en déduisant que dans les faits, il n’y avait eu aucun changement dans l’exécution des missions entre ces deux contrats et en particulier, qu’il ne s’était pas vu attribuer des responsabilités de cadre dirigeant. Dans son courrier de réponse du 01 mars 2017, l’employeur, exprimant certes un désaccord avec les méthodes prêtées au salarié, reste parfaitement taisant sur les éléments précis avancés par le salarié avant tout pour considérer qu’il ne lui a pas été, dans les faits, confié des responsabilités de cadre dirigeant mais caractérisant également et de manière évidente la continuité d’un lien de subordination de la société Artelia à l’égard de M. [U] au cours de l’ensemble de leurs relations contractuelles, indépendamment de la qualification que les parties ont donnée à leurs conventions successives

– les moyens tirés du fait de savoir qui a proposé ce montage et quelle(s) partie(s) en retirai(en)t un intérêt sont sans portée dès lors que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs

– il est particulièrement significatif que la société Artelia Eau & Environnement puisse ainsi conclure’: «’Enfin, il ne faut pas éluder non plus le risque que la Société a pris par rapport à l’URSSAF : il n’est pas rare que cette administration voit d’un très mauvais ‘il le versement de cotisations sociales et de charges patronales lui échapper dans le cadre de ce genre de schéma contractuel.’» (page n°29 des conclusions d’appel). Il s’en déduit qu’elle avait parfaitement conscience, à tout le moins, du risque de requalification du contrat initial dénommé de sous-traitance en contrat de travail par les organismes sociaux

M. [U] établit de manière certaine que, nonobstant la régularisation de manière concomitante par les parties, de deux contrats successifs dont seul le second était qualifié expressément de contrat de travail, les relations contractuelles entre les parties se sont déroulées dans les mêmes conditions depuis l’origine, M. [U] étant intervenu exclusivement pour le compte de la société Artelia en qualité de directeur de projet exécutant ses missions sur les instructions et le contrôle de cette dernière, dans son établissement d'[Localité 4], avec les moyens mis à sa disposition, sous la responsabilité de la société Artelia tant s’agissant de l’assurance professionnelle que des habilitations techniques ou délégations de pouvoirs juridiques et selon des modalités de rémunérations aboutissant à un salaire net peu ou prou du même ordre de grandeur, payé chaque mois.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de requalifier le contrat dénommé de sous-traitance régularisé entre les parties le 26 juin 2014 à effet du 01 juillet 2014 en contrat de travail.

Sur le travail dissimulé’:

L’article L.8221-5 du code du travail dans sa version en vigueur du 18 juin 2011 au 10 août 2016 prévoit que’:

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L.8221-6 du code du travail dans sa version en vigueur du 23 décembre 2011 au 19 décembre 2014 énonce que’:

I. – Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 213-11 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

4° Les personnes physiques relevant de l’article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat.

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie.

En l’espèce, l’élément matériel du travail dissimulé ayant consisté pour la société Artelia à ne pas déclarer l’emploi salarié de M. [U] sur la période du 01 juillet 2014 au 31 décembre 2014 est établi au regard de la requalification de la convention de sous-traitance du 27 juin 2014 en contrat de travail.

L’élément intentionnel du travail dissimulé résulte incontestablement du fait qu’au vu de la pièce n°79 de M. [U], correspondant à la fiche de prix de revient mission pour le projet [K] Hydroelectric Project couvrant la période de janvier 2004 à mai 2016, M. [U] n’apparaît pas sur le compte 604A au titre des sous-traitances externes CFM1 l’instar de MM. [A], [I] ou [N] de sorte que la société Artelia avait nécessairement conscience qu’elle était liée à l’appelant d’ores et déjà par un contrat de travail dès l’origine des relations contractuelles, admettant elle-même au demeurant le risque de requalification du système mis en place par l’Urssaf.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Artelia à payer à M. [U] la somme de 57500 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par application de l’article L 8223-1 du code du travail.

Sur le statut de cadre dirigeant’:

Selon les dispositions de l’article L. 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires et au repos et jours fériés. Exclus d’un décompte horaire hebdomadaire de la durée du travail, ils ne peuvent réaliser d’heures supplémentaires. Le rejet de prétentions, découlant de l’accomplissement d’heures supplémentaires, peut donc reposer sur la reconnaissance judiciaire de la qualité de cadre dirigeant.

Si l’article 17 de la directive 200/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4novembre 2003 admet que les cadres dirigeants puissent être exclus des dispositions relatives à la durée du travail, c’est, en toute hypothèse, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. La Cour de justice de l’Union européenne rappelle d’ailleurs que les exceptions ne peuvent être interprétées que de façon restrictive (CJUE 10 juin 2010 aff. 395/08 et 396/08).

L’article L. 3111-2 du code du travail doit dès lors être interprétée de manière conforme au droit européen.

Selon cette disposition, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement et qui participent de manière effective à la direction de l’entreprise, devant s’entendre comme l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonomes, autres que celles relevant de la gestion courante ; ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

La qualité de cadre dirigeant ne requérant pas l’existence d’un accord particulier entre l’employeur et le salarié, il appartient au juge d’examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs. Les conditions réelles d’emploi sont donc déterminantes, nonobstant l’existence de dispositions conventionnelles retenant automatiquement, pour une fonction ou un coefficient conventionnel déterminé, la qualité de cadre dirigeant.

En revanche, lorsqu’une convention collective subordonne la reconnaissance du statut de cadre dirigeant à la mention expresse dans le contrat de travail des modalités d’exercice des responsabilités, la détermination de ce statut est nécessairement subordonnée à cette formalité.

En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que M. [U] a été embauché en qualité de cadre dirigeant, à tout le moins à compter du 1er janvier 2015, le litige portant sur le fait que le salarié soutient, contrairement à la société Artelia, qu’il n’avait pas dans les faits les responsabilités devant être dévolues à un cadre dirigeant.

D’une première part, ainsi que le soutient à juste titre M. [U], la société ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe par la seule production en pièce n°45 d’un tableau dressé par ses soins du fait allégué que M. [U], dont la rémunération était certes substantielle, bénéficiait de la seconde rémunération la plus élevée dans l’entreprise en ce qu’aucune pièce justificative, même rendue anonyme, en particulier les bulletins de salaire ou la DSN, n’est produite aux débats.

Le fait résultant des courriers du 13 juin 2019 et 15 février 2021 que M. [U] bénéficie d’un plan de rémunération variable «’réservé à certains cadres en situation d’encadrement et/ou de responsabilités élargies dans la business unit ‘Bâtiments Régions et Equipements”» est sans portée dès lors que cela n’implique pas nécessairement que sa rémunération globale soit parmi celle les plus importantes de la société ou de l’établissement et qu’au demeurant, il est visé des cadres certes spécifiques mais pas nécessairement avec le statut de cadre dirigeant.

D’une seconde part, le critère de participation de manière effective à la direction de l’entreprise, devant s’entendre comme l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonomes, autres que celles relevant de la gestion courante n’est pas davantage rempli, la société Artelia opérant une confusion entre les prérogatives d’un cadre dirigeant et celles d’un cadre supérieur, qui n’a pas nécessairement ce statut en ce que’:

– l’expérience professionnelle et la technicité des missions accomplies par M. [U] en qualité de directeur de projet dans la division barrages-hydroélectricité et infrastructures (BHI) ainsi que ses missions de commandement d’équipes n’impliquent pas ispo facto qu’il participe effectivement à la direction de l’entreprise, les tâches décrites par l’employeur renvoient en effet à la définition d’un cadre, généralement à un niveau élevé de la hiérarchie mais pas forcément avec le statut de cadre dirigeant

– le fait allégué que les directeurs de projet soient embauchés comme M. [U] en qualité de cadre dirigeant est indifférent dès lors que ce statut ne dépend pas tant de l’accord des parties que du fait que les critères cumulatifs sus-rappelés soient effectivement remplis dans les faits

– il est tout aussi indifférent que l’activité BHI soit la plus importante en termes de chiffre d’affaires dans l’entreprise puisque le critère déterminant est la participation effective ou non de M. [U] à la prise des décisions stratégiques et essentielles de cette business unit

-la note d’organisation et de fonction du 04 septembre 2012 du secteur Eau Environnement d’Artelia produite de manière très parcellaire concernant le directeur de projet ne permet aucunement de conclure à cette participation effective à la direction de l’entreprise puisqu’il ne relève pas directement sur le plan hiérarchique du dirigeant mais du directeur de branche et que tout au plus, il a pour mission de «’périodiquement donner un avis sur la stratégie et le fonctionnement de la branche’»’; ce qui n’implique pas qu’il ait un pouvoir décisionnel quant à la définition de la stratégie et du fonctionnement de la branche et ce qui tend même à établir le contraire s’agissant d’un simple avis

– l’organigramme de la société produit en pièce n°85 met en évidence que les directeurs de projet ne sont pas rattachés à la direction générale mais au directeur de la business unit, en l’occurrence, M. [V], en charge de la division ‘barrages hydropower & infrastructures’. Il apparaît d’ailleurs dans la nouvelle organisation mise en place dans l’entreprise en mars 2015 d’après une communication interne que les directeurs de projet, dont M. [U], ont été placés sous la direction d’un directeur opérationnel d’activités, à savoir M. [V] pour la division ‘barrages-hydro power-infrastructures’ et que seuls les directeurs opérationnels d’activité et les directeurs de compétences technique (DOA et DCT) sont membres du CoDir de la filiale. Or, le comité de direction est manifestement l’organe qui définit la politique stratégique de la filiale de sorte que le fait que M. [U], en sa qualité de directeur de projet, en soit exclu, est incompatible dans les faits avec un statut de cadre dirigeant. D’ailleurs, M. [U] fait, à juste titre, remarquer que les objectifs pour l’année 2015 qui lui ont été transmis tardivement le 16 septembre 2015 ne mettent pas en évidence des responsabilités d’un cadre dirigeant puisque dans la fiche de missions générique des directeurs de projet il est fait référence au fait de «’participer le cas échéant à la stratégie et au fonctionnement du domaine d’activité avec le DOA’»’; ce qui correspond à des tâches de mise en ‘uvre et non de définition de la stratégie et du fonctionnement de la business unit. La lettre de mission pour 2016, transmise le 30 mars 2016, s’inscrit par les objectifs fixés dans la continuité de celle de l’année précédente, sans réévaluation des responsabilités. Des échanges de courriels internes entre MM. [U] et [V] du 20 mai 2016 mettent d’ailleurs en évidence que le second donne au premier des consignes assez précises sur des actions prioritaires à mener, M. [F] étant invité à compléter celles-ci en cas d’oubli, plaçant M. [U] dans un rapport relativement étroit de subordination, exclusif du statut de cadre dirigeant

– M. [U] n’a eu de délégation de signatures que le 15 juillet 2015 dont il ressort qu’elle est en définitive relativement encadrée puisque pour la signature d’offres/de marchés/ ou d’accords il doit selon le montant consulter au préalable, effectuer une revue préalable ou conjointe avec son supérieur hiérarchique et que s’agissant des achats, selon le montant et pour certaines catégories uniquement, il doit obtenir la signature du responsable hiérarchique ou le cas échéant celui-ci est seul habilité à signer (seuil à 30000 euros pour la sous-traitance directe sur affaires et les commandes d’achats (hors investissement) sur affaire et accord pour règlement associés. Il est expressément stipulé par ailleurs qu’il n’a pas de délégation pour les commandes d’achats (hors investissements) sur frais généraux et accords pour règlement associés, les commandes d’investissements, et les ressources humaines (embauche, engagement de personnel indépendant, notes de frais et bons de voyages). Il est in fine mentionné en remarque générale’: «’vous exercerez vos pouvoirs dans le respect des procédures internes du groupe Artelia et de son système de management’». Une telle délégation de signature eu égard à son champ limité, aux seuils relativement bas et surtout à la référence généralisée à l’intervention du supérieur hiérarchique est exclusive de la condition de grande autonomie dans la prise de décision et a fortiori de celle de participation à la direction de la société

– celui que la société présente comme le remplaçant définitif de M. [U] sur son poste recruté selon contrat de travail du 08 janvier 2018 a certes le statut cadre mais aucunement celui du cadre dirigeant puisqu’il est embauché position 3.1 coefficient 170 de la convention SYNTEC et est soumis à une convention de forfait-jours s’agissant de la durée du travail

– le moyen, en définitive hypothétique et spéculatif, selon lequel M. [U] ne réclame certes pas des rappels d’heures supplémentaires n’implique pas ipso facto qu’il ait dans les faits rempli les conditions cumulatives pour être considéré comme un cadre dirigeant.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il est jugé que la société Artelia a modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [U] en le privant du statut contractuellement convenu de cadre dirigeant, étant relevé que ce dernier s’est plaint de cette situation à son employeur par courriers des 25 octobre 2016, 22 janvier 2017 et par correspondance de son conseil du 08 février 2017, sans que la société Artelia n’ait revu sa position jusqu’à la rupture du contrat de travail et ne lui ait attribué des responsabilités correspondantes au statut convenu.

Ce manquement contractuel de l’employeur à une de ses obligations essentielles s’agissant du poste convenu, qui s’est prolongé pendant toute la relation de travail nonobstant les protestations circonstanciées du salarié lui a incontestablement causé un préjudice moral significatif de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, il lui est alloué la somme de 15000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, le surplus de la demande indemnitaire de ce chef étant rejeté.

Sur la discrimination prohibée à raison de l’état de santé’:

L’article L1132-1 du code du travail prévoit que :

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

L’article L. 1134-1 du code du travail énonce que :

Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’article L1133-3 du code du travail énonce que’:

Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

En l’espèce, d’une première part, M. [U] n’objective pas suffisamment les éléments de fait suivants’:

– s’il a fait l’objet du paiement, en mai 2016, d’une prime variable de 4000 euros, retirée en juin 2016, il apparaît qu’il n’a sollicité et obtenu aucune somme à ce titre devant le conseil de prud’hommes dont les dispositions du jugement au titre des condamnations salariales sont définitives

– les éléments de fait au titre des indemnités journalières qui n’étaient sollicitées que subsidiairement aux prétentions relatives à la rémunération variable en première instance ne sauraient être retenus dès lors que les dispositions du jugement ayant fait droit à des rappels de salaire sur rémunération variable en 2015 et 2016, retenues par ailleurs comme éléments de fait de la discrimination prohibée, sont définitives.

D’une seconde part, en revanche, M. [U] établit les éléments de fait suivants qui, pris dans leur globalité, laissent supposer l’existence d’une discrimination prohibée à raison de son état de santé’:

– alors qu’ensuite d’un accident de trajet du 29 juillet 2015, M. [L] [U] a été en arrêt maladie pendant plusieurs mois, que selon avis du 14 janvier 2016, le médecin du travail l’a déclaré apte à une reprise du travail, à temps partiel thérapeutique à hauteur de 8 heures par semaine réparties sur 3 jours et sans déplacement à l’international, durée portée selon avis du 16 mars 2016 à hauteur de 17,5 heures par semaine, le salarié étant de nouveau en arrêt maladie de manière continue jusqu’à la notification de son licenciement à partir du 3 juin 2016, il apparait que’:

– la part variable de la rémunération à hauteur de 10000 euros entièrement payée en juin 2015 par la société, a fait l’objet selon courrier du 18 avril 2016 d’une décision de retenue intégrale sur paie sur le mois de juin 2016 au motif allégué qu’elle avait été versée à tort pour être de nouveau versée partiellement en mars 2017 à hauteur de 5198,24 euros bruts au prorata de son temps de présence dans l’entreprise en 2015, ensuite de protestations du salarié et d’échanges de correspondances entre les parties. Le conseil de prud’hommes dans son jugement du 19 novembre 2020 dans une disposition devenue définitive, hors du périmètre de l’appel, a condamné la société Artelia à payer au salarié le reliquat de la part variable à hauteur de 4801,76 euros bruts, outre 480,18 euros bruts au titre des congés payés afférents.

-dans une disposition définitive, le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à payer la totalité de la rémunération variable sur objectifs pour l’année 2016 à hauteur de 10000 euros alors que l’employeur n’avait admis tout au plus en cours de procédure que devoir la somme de 3744,49 euros bruts. M. [U] établit également que les objectifs ne lui ont pas été proposés préalablement au début de la période de réalisation mais par courriel du 30 mars 2016 avec l’invitation à un entretien de finalisation, soit avec plus de 3 mois de retard. M. [U] produit un courriel du 04 avril 2016 à M. [V] faisant observer que les objectifs proposés correspondent à un temps plein alors qu’il est à temps partiel thérapeutique, puis un second du 25 avril 2016 le relançant sur ce point. Il apparaît que les objectifs révisés tenant compte du temps partiel n’ont en définitive été adressés à M. [U] que par courrier daté du 02 juin 2015 (2016) que le salarié a indiqué, dans une correspondance à son employeur du 22 janvier 2017 n’avoir reçu que le 07 juin 2016, soit à une date où il était de nouveau en arrêt de travail de manière continue de sorte qu’il n’était plus en mesure de les approuver. Dans cette même lettre, M. [U] a contesté avoir refusé les objectifs adaptés à son temps partiel lors d’un entretien avec son supérieur hiérarchique du 27 mai, déplorant qu’il ait été «’contraint de déployer des efforts considérables et moralement pénibles durant les mois d’avril et mai, dans ce contexte médical déjà très éprouvant, pour qu’enfin, M. [V] consente à prendre en compte sérieusement ma (sa) demande, le 27 mai, en toute fin d’entretien.’»

– si le fait avéré pour l’employeur de ne pas fournir des responsabilités à hauteur du statut convenu de cadre dirigeant n’était manifestement pas lié à l’origine à l’état de santé du salarié puisque M. [U] a indiqué lui-même qu’il n’en avait jamais bénéficié depuis janvier 2015, que la réorganisation de l’entreprise datait de mars 2015 alors que son accident de trajet était postérieur de plusieurs mois pour être intervenu le 29 juillet 2015, il n’en demeure pas moins que le refus fautif de l’employeur de lui fournir les responsabilités afférentes au statut contractuellement négocié, a persisté nonobstant les courriers circonstanciés de protestations du salarié et de son conseil des 25 octobre 2016, 22 janvier et 8 février 2017, la société Artelia maintenant sa position dans ses réponses des 15 novembre 2016 et 01 mars 2017

-il s’est plaint dans son courrier 22 janvier 2017 à son employeur qu’il lui a été demandé le 11 mars 2016 de réaliser dans un délai très cout une offre pour doublement de la centrale hydroelectrique de Sotuba II sans prise en compte de ses restrictions médicales, étant observé qu’il a également évoqué le fait qu’à l’occasion d’un entretien du 08 avril 2016 M. [V] lui a dit en substance qu’ «’il avait eu une discussion avec M. [G] et vous-même (lui-même) à mon (son) sujet quelques jours plus tôt’; que le maintien de mon (son) salaire pendant l’arrêt de travail et pendant le temps partiel thérapeuti.

que coûtait cher à l’entreprise’; et que l’entreprise regrettait de m’avoir (l’) versé la variable de 2015.’».

La société Artelia n’apporte pas les justifications étrangères à toute discrimination prohibée à raison de l’état de santé du salarié en ce que’:

– les justifications sur le paiement puis la retenue et ensuite de nouveau le versement partiel prorata temporis de la rémunération variable pour l’année 2015 se heurtent au fait que de manière définitive, le conseil de prud’hommes a jugé que M. [U] devait percevoir la totalité de la rémunération variable pour cette année à hauteur de 10000 euros

– l’employeur n’explique pas pourquoi, il a attendu d’ores et déjà trois mois, en mars 2016, pour aborder avec M. [U] la fixation de ses objectifs pour cette année alors que ceux-ci auraient dû être déterminés de manière définitive avant l’exercice et la raison pour laquelle, qui ne saurait résulter des seuls arrêts maladie du salarié qui a relancé à plusieurs reprises son supérieur hiérarchique sur ce point, il a fallu de nouveau attendre début juin 2016, soit quasiment la moitié de l’exercice pour qu’il soit enfin proposé à M. [U] des objectifs tenant compte de son temps partiel thérapeutique, les moyens au titre du caractère adapté de ceux-ci étant superfétatoires puisque le salarié a admis que l’employeur avait finalement tenu compte dans leur fixation d’un temps de travail réduit pour raisons médicales mais n’avait pu signer la lettre de proposition dès lors qu’il avait de nouveau été en arrêt de travail de manière ininterrompue jusqu’à la notification de licenciement

– la justification sur le rejet ou à tout le moins le paiement prorata temporis de la rémunération variable pour l’année 2016 se heurte à la décision définitive du conseil de prud’hommes sur ce point qui a considéré que le montant de 10000 euros était dû, soit l’intégralité de la part variable stipulée

– l’employeur ne fournit aucune justification au fait qu’il ait, à tort, persisté à considérer que M. [U] avait des responsabilités correspondant à son statut de cadre dirigeant postérieurement aux contestations qu’il a élevées, alors même que l’accident de trajet dont il a été victime s’était déjà produit.

Il convient, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de dire que M. [U] a été victime jusqu’à la notification de son licenciement d’une discrimination prohibée à raison de son état de santé.

Sur les pressions en vue de participer à une fraude’:

M. [U] se prévaut du rapport d’enquête sur certaines allégations concernant le projet hydroélectrique de [K] dressé le 23 mars 2018 par Me Cohen-Tanugui en qualité de moniteur dans le cadre du programme de conformité (compliance) auquel le groupe de sociétés d’Artelia a accepté de soumettre le 29 juin 2015 dans le cadre d’un accord de résolution négocié avec la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement et l’association Internationale de Développement par l’intermédiaire de la vice-présidence intégrité du groupe de la Banque mondiale à la suite de la découverte de pratiques frauduleuses de la société Guangzhoui Artelia Environemental Protection ltd dans certains de ses projets en Chine et d’un conflit d’intérêts dans la rédaction d’une étude au nom d’une autre société par la société Artelia Eau & Environnement, le communiqué de presse de la Banque mondiale du 01 juillet 2015 indiquant que le règlement a été conclu à la suite de la reconnaissance des fautes du groupe Artelia, outre des paiements de restitution de 380000 USD et 65000 EUR par Artelia respectivement en Chine et en Afrique de l’Ouest.

Ledit rapport, produit aux débats sans les annexes, a été rédigé à la demande de la vice-présidente intégrité de la Banque mondiale ensuite de l’alerte éthique faite par courrier du 21 avril 2017 par M. [U] à M. [O], responsable éthique et intégrité du groupe Artelia, sur des surfacturations frauduleuses dans le projet hydroélectrique de [K] Falls, ladite alerte ayant été déclenchée quelques jours après la convocation datée du 14 avril 2017 de M. [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

L’auditeur a notamment ainsi indiqué dans son rapport’:

«’D. Irrégularités potentielles concernant certains salariés pendant la période de chevauchement.

D’après les entretiens que nous avons menés et les documents mis à notre disposition, nous avons relevé un certain nombre d’irrégularités potentielles.

Pression de la direction pour facturer.

Comme nous l’ont dit plusieurs des personnes que nous avons interrogées, le Projet bénéficie d’un budget confortable et est rentable. Au cours de notre entretien, [V] a admis avoir fait pression sur [U] pour qu’il facture parce que, le budget étant important, il estimait qu’il fallait l’utiliser au maximum, y compris en fournissant des services supplémentaires, comme par exemple une modélisation en 3D du projet, que le client, nous a-t-on dit, a apprécié.

Transfert potentiel d’heures du projet Vedi au projet.

Selon l’une des allégations, du temps travaillé dans le cadre de projets non rentables, et notamment du projet Vedi, a été transféré au Projet. L’analyse que nous avons faite des IMP de certains salariés, de la PRM3 du projet Vedi et de la PRM3 du projet soulève quelques questions.

(‘)

Il ressort clairement de l’enregistrement d’une conversation entre [U] et un salarié d’AEE-[C], selon [U], que [F] a demandé à ce salarié de déclarer son temps dans le Projet au lieu du projet Vedi (annexe 9’: transcription de l’enregistrement n°4 entre [U] et présumément [C], présumément le 01 juin 2016 (160531-0012) (en partie traduite en anglais par le cabinet.)

(‘)

Notre analyse du temps déclaré par Delaruelle et du temps facturé au client soulève des questions qui restent sans réponse.

(‘)

[W] [C]

Dans un enregistrement du 1er juin 2016, [U] demande à un salarié, qu’il dit être [W] [C] («'[C]’»), s’il a travaillé sur le Projet en mai 2016 et [C] répond qu’il n’a pas travaillé sur le Projet et que [F] lui a demandé d’enregistrer 40,8 heures sur le Projet. Dans cet enregistrement [C] explique qu’au lieu de déclaerer le temps qu’il a effectivement travaillé sur le projet Vedi, il a déclaré ce temps dans le Projet (voir annexe 9’: transcription de l’enregistrement n°4 entre [U] et présumément [C], présumément le 01 juin 2016 (160531-0012).

Le PRM3 montre que pour le mois de mai 2016, 48,60 heures ont été prises en compte et donc facturées au client pour le travail de [C].

Nous avons pu joindre [C] par téléphone le 22 mars 2018. Il a confirmé avoir saisi 48,6 heures en mai 2016 pour le Projet et avoir travaillé sur le projet Vedi, mais ne se rappelle pas avoir eu la conversation mentionnée ci-dessous avec [U].

(‘)

Le fait que [U] ait pu tenter d’utiliser les allégations pour négocier son indemnité de licenciement ‘ ce qui n’est pas inhabituel dans le cas de lancement d’alerte ‘ et qu’il ait refusé de communiquer les Enregistrements n’aurait pas dû conduire Artelia à en nier la véracité ou la gravité.’

(‘)

Conclusions et Recommandations.

Comme le montre le contenu du présent rapport, nous avons décidé d’enquêter sur les allégations et sur la réponse d’Artelia à celles-ci en nous basant sur l’ensemble des informations et des documents qui nous ont été communiqués par les différentes sources concernées.

En plus du contenu des Enregistrements, que [U] a mis à notre disposition qu’au milieu de notre enquête, nous avons relevé’:

-des erreurs et des irrégularités dans la comptabilisation du temps et la facturation du Projet, qui pour certaines sont reconnues dans le Rapport [T] et/ ou l’ont été au cours de nos entretiens avec le personnel d’AEE, et pour d’autres restent inexpliquées ou soulèvent des questions sans réponse

-un manque de transparence et d’autres déficiences dans les procédures générales de comptabilisation du temps et de facturation d’AEE, qui ont ouvert la porte à des erreurs et des manipulations potentielles et qui ont rendu l’enquête difficile.

[U] a reconnu devant nous ne pas être en mesure d’établir l’ampleur de la surfacturation qui aurait eu lieu dans le cadre de la Phase 2 du Projet et qu’il ne dénonçait qu’ «’une intention de surfacturation’». Notre enquête nous a permis de creuser davantage la situation. Cependant nous pensons que seuls un audit comptable et financier complet et une enquête approfondie sur le Projet permettraient d’établir la réalité et l’étendue d’un éventuel système de surfacturation.’»

Il est versé aux débats un courrier du cabinet d’expertise-comptable Ernst & Young, qui a été chargé d’investigations sur le projet [K] et qui a déposé un rapport le 27 juin 2018.

Celui-ci n’est pas produit aux débats mais il est indiqué que «’sur la base de nos travaux et des limites énoncées dans notre rapport, certaines erreurs ont pu être identifiées. Pour autant, aucune surfacturation d’heures n’a pu être constatée, en particulier sur la phase 2 du projet, qui était facturée exclusivement au temps passé.’».

Dans le rapport final du moniteur, Me [S] Cohen-Tanugui, du 06 septembre 2018, ce dernier a notamment observé’:

«'(‘) Comme le Moniteur l’a noté dans le rapport d’enquête [K], la principale faille de la procédure sur la gestion des temps passés sur missions sous financement bailleurs de fond réside dans l’absence d’obligation d’accompagner les heures déclarées d’une description du travail accompli ou des livrables produits. Autre préoccupation’: la capacité permanente du personnel de direction à modifier le temps enregistré par les collaborateurs et à transférer du temps d’un projet à un autre dans le but de rééquilibrer les finances internes. Nous comprenons que ces modifications et transferts ne sont pas imputés et facturés au client par la suite, mais nous n’en trouvons pas moins problématique le fait que les managers puissent modifier les heures enregistrées de cette manière. Ce problème, qui a également été soulevé par le Bureau de la Vice-présidence Intégrité de la Banque mondiale, est signalé dans le rapport publié par Ernst & Young. Nous comprenons que Bureau de la Vice-présidence Intégrité la fait remarquer avant de recevoir les nouvelles procédures à examiner et que la Société a l’intention de réglementer cette pratique. (‘)’».

Il se déduit de ces éléments qui proviennent en définitive de l’employeur lui-même que M. [U] rapporte à tout le moins la preuve suffisante d’une exécution fautive par son employeur du contrat de travail ayant consisté à subir de la part de M. [V] une pression pour la facturation dans le projet [K] et à se voir appliquer des procédures de comptabilisation des temps de travail des collaborateurs sur le projet manquant clairement de transparence et d’exactitude avec des erreurs avérées et la possibilité de fraudes, quoiqu’en définitive non établies.

La société Artelia développe en défense des moyens de défense inopérants dès lors que M. [V] ne se prévaut pas de la protection relative au lanceur d’alerte dans le cadre du présent contentieux de sorte que les conditions de sa dénonciation pendant le cours de sa procédure de licenciement et les allégations de mauvaise foi tenant au fait qu’il ait pu vouloir utiliser des informations privilégiées aux fins de négocier une indemnité substantielle de départ sont sans portée.

Il est également indifférent qu’en définitive, aucune fraude n’ait été retenue au vu des éléments produits et que le programme de compliance ait été déclaré achevé dans la mesure où il est à tout le moins établi des pressions à la facturation et surtout la mise en ‘uvre de procédures de comptabilisation du temps non conformes auxquelles M. [U] était tenu de se soumettre.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail’:

Conformément aux articles 1224 et suivants du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l’intervalle de sorte qu’elle produit alors ses effets à la date de l’envoi de la lettre de licenciement.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, la discrimination prohibée à raison de l’état de santé, le fait pour l’employeur de ne pas accorder à M. [U] des responsabilités conformes à son statut contractuellement convenu de cadre dirigeant et celui d’avoir dû subir ponctuellement des pressions à la facturation et de devoir mettre en ‘uvre des procédures problématiques de comptabilisation du temps sur les projets, constituent des manquements suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que la fourniture du travail convenu et, en l’occurrence, d’un niveau de responsabilités en adéquation avec le statut est une obligation essentielle découlant du contrat de travail, qui n’a jamais été satisfaite par la société Artelia et que la discrimination à raison de l’état de santé s’est poursuivie à tout le moins jusqu’à l’arrêt maladie continu du salarié, aboutissant à la notification par l’employeur du licenciement.

En conséquence, infirmant, le jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] aux torts de la société Artelia, produisant les effets d’un licenciement nul dès lors qu’il est pris en considération des faits de discrimination prohibée et, ce à effet du 05 mai 2017.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

Au jour de la rupture injustifiée de son contrat de travail, M. [U] avait 3 ans d’ancienneté, préavis compris, compte tenu de la requalification du contrat dénommé de sous-traitance du 27 avril 2014 et un salaire de l’ordre de 7000 euros bruts sur treize mois, outre 10000 euros de rémunération variable sur objectifs ainsi qu’une prime annuelle de 14000 euros bruts versée en mai.

Il justifie qu’il avait un crédit immobilier et trois enfants poursuivant des études supérieures.

Il établit avoir été consolidé de son accident de trajet du 29 juillet 2015 à la date du 28 novembre 2018 avec un taux d’incapacité permanente de 15 % et avoir perçu des allocations Pôle emploi à tout le moins jusqu’en mars 2022.

Le préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi est dès lors justifié et particulièrement significatif.

Il y a lieu en conséquence, de condamner la société Artelia à payer à M. [U] la somme de 115000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur le reliquat d’indemnité compensatrice de préavis’:

L’employeur ayant, lors de la notification du licenciement, le 05 mai 2017, expressément dispensé le salarié de l’exécution de son préavis, ce dernier a droit à une indemnité compensatrice comprenant la part variable de sa rémunération à hauteur de 10000 euros.

Il convient, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société Artelia à payer à M. [U] la somme de 2500 euros bruts à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis, outre 250 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les documents de rupture’:

M. [U] établit que la société Artelia a fautivement transmis une attestation Pôle Emploi erronée s’agissant notamment de la rémunération variable n’ayant en définitive satisfait à son obligation qu’en décembre 2020.

Ceci lui a causé un préjudice moral eu égard aux démarches entreprises par correspondances des 31 août, 09 octobre 2017, ayant donné lieu à la transmission d’une nouvelle attestation Pôle Emploi erronée le 18 octobre 2017, de sorte que M. [U] a de nouveau écrit les 18 et 24 octobre 2017 puis le 06 novembre 2017 et que les parties sont parvenues à un accord en cours de procédure contentieuse en mars 2018, sous la réserve du litige alors pendant au titre du reliquat de rémunération variable pour les années 2015 et 2016.

Le préjudice est également financier puisque l’intégration des rémunérations variables dans l’attestation Pôle emploi a une incidence sur le calcul du droit à l’ARE.

Il convient, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société Artelia à payer à M. [U] la somme de 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la remise tardive et erronée d’une attestation Pôle emploi conforme.

Le surplus de la demande est rejeté.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure de 700 euros allouée par les premiers juges à M. [U] et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 2300 euros en cause d’appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Artelia, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

INFIRME le jugement entrepris dans les limites de l’appel sauf en ce qu’il a condamné la société Artelia à payer à M. [U] une indemnité de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE la convention dénommée de sous-traitance conclue le 27 juin 2014 entre M. [U] et la société Artelia Eau & Environnement aux droits de laquelle vient la société Artelia en contrat de travail

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] aux torts de la société Artelia à effet du 05 mai 2017, ladite rupture produisant les effets d’un licenciement nul

CONDAMNE la société Artelia à payer à M. [U] les sommes suivantes’:

– cinquante-sept mille cinq cent euros (57500 euros) nets d’indemnité pour travail dissimulé

– quinze mille euros (15 000 euros) nets à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect du statut de cadre dirigeant

– cent quinze mille euros (115 000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

– deux mille euros (2000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour remise tardive et erronée de l’attestation Pôle emploi

Outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du prononcé du présent arrêt

– deux mille cinq cents euros bruts (2500 euros) bruts à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis,

– deux cent cinquante euros (250 euros) bruts au titre des congés payés afférents

Outre intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du 29 janvier 2018

DÉBOUTE M. [U] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Artelia à payer à M. [U] une indemnité complémentaire de procédure de 2300 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Artelia aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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