Informations privilégiées : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 16-17.186

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Informations privilégiées : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 16-17.186
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COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mars 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 263 F-D

Pourvoi n° M 16-17.186

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Elliott Advisors UK Limited, société de droit anglais, dont le siège est […] , (Royaume-uni),

2°/ la société Elliott Management Corporation, société de droit américain, dont le siège est […], (États-unis),

contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant à l’Autorité des marchés financiers, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 février 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Elliott Advisors UK Limited, de la société Elliott Management Corporation, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l’Autorité des marchés financiers, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2016), que la société Eiffarie, filiale commune des sociétés Eiffage et Macquarie, détenait 74,7 % du capital de la société Autoroute Paris-Rhin-Rhône (la société APRR) ; qu’au mois de mars 2006, la société Eiffarie a déposé un projet de garantie de cours visant la totalité des titres non détenus par elle, en déclarant que, dans l’hypothèse où elle viendrait à détenir, directement et indirectement, plus de 95 % des droits de vote de la société APRR à l’issue de la garantie de cours, elle déposerait un projet d’offre publique de retrait, lequel serait assorti d’un retrait obligatoire sur les titres APRR restant alors détenus par le public ; que la société Elliott Management Corporation (la société Elliott Management) a pour activité la gestion de deux fonds d’investissements, Elliott Associates et Elliott International, auxquels elle délivre des conseils et dont elle assure l’exécution des ordres ; que la société Elliott Advisors UK Limited (la société Elliott Advisors) bénéficie d’une délégation de pouvoirs de la part de la société Elliott Management pour assurer la gestion des deux fonds et exerce une activité de négociation de la participation des fonds gérés par le fonds Elliott Management et une activité de trading consistant à exécuter les ordres donnés par le fonds Elliott Management ; que ces deux activités sont exercées, au sein de la société Elliott Advisors, par deux équipes distinctes, l’équipe de négociation et de gestion de la couverture et l’équipe de trading qui reçoit les instructions de l’équipe de négociation et est chargée d’exécuter les décisions d’achats de titres prises par cette dernière ; qu’après consultation de la société Elliott Management, la société Elliott Advisors s’est portée acquéreur, pour le compte des fonds gérés par la société Elliott Management, d’actions de la société APRR auprès de petits porteurs, dans le but d’empêcher la société Eiffarie d’atteindre le seuil de 95 % recherché ; que l’objectif était, pour la société Elliott Advisors, de faire réaliser aux deux fonds un bénéfice en revendant à terme ses participations dans la société APRR à la société Eiffarie pour permettre à cette dernière de franchir le seuil de 95 % du capital ; que le 7 avril 2006, la société Elliott Advisor avait acquis 7 % du capital de la société APRR ; que le 13 avril 2006, la société Eiffarie déclarait détenir, à l’issue de la garantie de cours, seulement 81,48 % du capital et des droits de vote de la société ; qu’il lui manquait donc, pour parvenir au seuil de 95 % nécessaire au retrait de la cote et à l’intégration fiscale, 13,52 % du capital de cette société ; que la société Elliott Advisors a décidé de poursuivre sa montée au capital de la société APRR, dans le but de réunir, seule ou avec d’autres fonds, les 13,52 % manquants à la société Eiffarie ; que cette participation s’élevait à 10 % le 12 mai 2006, à 10,79 % fin 2007, et, enfin, à 12 % début 2010 ; que les achats de titres APRR étaient effectués à Londres par l’équipe de trading sur instruction de l’équipe de négociation ; que la société Elliott Advisors a mis en place, conformément à ses pratiques prudentielles habituelles, un dispositif de couverture de ses achats d’actions APRR, afin de se prémunir contre des éléments défavorables qui pourraient affecter le cours du titre ; que plusieurs projets de vente des actions de la société APRR de la société Elliott Advisors à la société Eiffarie, en 2008 et 2009, ont échoué à cause du prix demandé ; que le 30 mars 2010, la société Elliott Advisors a contacté le fonds Sandell, qui détenait 0,54 % du capital de la société APRR, et avait déjà essayé de lui vendre sa participation le 28 janvier 2010, pour lui proposer d’initier, conjointement, des négociations avec la société Eiffarie, afin de lui céder, ensemble, leur participation dans le capital de la société APRR ; que la direction de la déontologie de la société Elliott Advisors a décidé, le 30 mars 2010, de séparer, par une « muraille de Chine », l’équipe chargée de la gestion de sa participation et de sa cession éventuelle, équipe de négociation, de celle chargée de l’acquisition des titres APRR, équipe de trading ; que les négociations progressant, le 27 mai 2010, les sociétés Eiffarie et Macquarie ont proposé aux sociétés Elliott Advisors et Sandell une réunion le 4 juin 2010 dans les locaux de la société Elliott Advisors à Londres ; que le 9 juin 2010, la société Eiffarie a adressé aux sociétés Elliott Advisors et Sandell une offre d’acquisition de leur participation dans le capital de la société APRR, au prix de 55 euros par action, dividendes inclus ; que, par lettre du 11 juin 2010, la société Elliott Advisors a fait savoir à la société Eiffarie qu’elle était disposée à accepter le prix de 55 euros par action, sous réserve que cette dernière acquière l’intégralité des actions APRR détenues par la société Elliott Advisors ; que le 16 juin 2010, la décision d’acquérir les actions APRR détenues par les sociétés Elliott et Sandell, au prix de 55 euros par action, a été entérinée par le conseil d’administration de la société Eiffarie, l’accord de cession a été signé, et l’information a été communiquée au marché ; que la valeur du titre APRR a augmenté entre le 27 mai et le 11 juin 2010, passant de 47,38 à 51,03 euros ; qu’entre le 28 mai et le 11 juin 2010, la société Elliott Management a acquis des actions APRR pour le compte des fonds qu’elle gérait ; qu’au mois de juillet 2010, la société Eiffarie a déposé un projet d’offre publique de retrait au prix de 54,16 euros par action, hors dividende de 0,84 euros par action, suivi d’un retrait obligatoire visant les actions de la société APRR ; que le 18 décembre 2012, date de clôture de cette offre, la société Eiffarie détenait 100 % du capital de la société APRR ; qu’à la suite d’une enquête, suivie d’une notification de griefs, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a, par décision du 25 avril 2014, prononcé des sanctions pécuniaires, d’une part, contre la société Elliott Advisors pour avoir transmis à la société Elliott Management une information privilégiée portant sur l’existence de négociations en vue de la vente, par le fonds Elliot, de ses actions APRR à la société Eiffarie et, d’autre part, contre la société Elliott Management pour avoir utilisé cette information, entre le 28 mai 2010 et le 11 juin 2010, en achetant des titres de la société APRR ;

Attendu que les sociétés Elliott Advisors et Elliot Management font grief à l’arrêt de rejeter leurs recours formé contre cette décision alors, selon le moyen :

1°/ que seuls les profits qui ont été personnellement appréhendés, à un titre ou un autre, par la personne sanctionnée sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier peuvent être pris en compte pour fixer le montant de la sanction pécuniaire encourue en cas de manquement d’initié ; qu’ainsi, en retenant comme élément d’appréciation du montant des sanctions pécuniaires de 8 millions d’euros chacune prononcées contre Elliott Management et Elliott Advisors la plus-value globale d’un montant de 2 759 992 euros réalisée pour le compte des fonds sous gestion d’Elliott grâce aux acquisitions d’actions APRR réalisées par Elliott Management pendant la période qualifiée de suspecte, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier que le montant de la sanction doit être fixé, notamment, en fonction de la gravité des manquements commis, laquelle s’apprécie au regard de la qualité de l’auteur et des circonstances dans lesquelles il a agi ; que, pour confirmer le montant des sanctions pécuniaires de 8 millions d’euros chacune prononcées contre Elliott Management et Elliott Advisors par la Commission des sanctions de l’AMF, l’arrêt attaqué retient que ces deux sociétés sont des professionnels de la finance qui ont la confiance des investisseurs et dont l’obligation d’abstention doit donc être appréciée plus sévèrement ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’obligation d’abstention, qui s’impose d’une manière identique à l’ensemble des personnes mentionnées aux articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, en vigueur au moment des faits objets des poursuites, étant un élément constitutif du manquement d’initié, elle ne pouvait servir également à apprécier la gravité de celui-ci, la cour d’appel a violé les trois textes susvisés ;

Mais attendu que l’arrêt retient, d’abord, que le fait qu’aucune des sociétés Elliott Management et Elliott Advisors ne soit le bénéficiaire économique des fonds gérés par les Fonds Elliott n’est pas de nature à empêcher que soit prise en considération la plus-value apportée aux investisseurs de ces fonds et que cet élément constitue un critère légal d’appréciation de la gravité du manquement commis par les sociétés mises en cause ; qu’il retient, ensuite, que la commission des sanctions a pris à juste titre en compte l’économie réalisée par les opérations de couverture du titre APRR dans la détermination du montant de la sanction, que la mise en place d’une couverture de ce titre comportait un coût pour les Fonds Elliott, qu’elle a diminué dès lors qu’il était établi que les négociations avec la société Eiffarie avaient des chances d’aboutir, dès le 7 juin 2010, cependant que les acquisitions d’actions APRR ont été poursuivies jusqu’au 11 juin 2010 et que les fonds Elliott ont en conséquence bénéficié d’une réduction de charge à mesure de la réduction de la couverture, sous-tendue par l’information détenue sur la cession prochaine des titres APRR ; qu’il retient, encore, que les opérations réalisées dans le cadre des manquements reprochés ont procuré une satisfaction aux investisseurs des fonds gérés par les sociétés Elliott, satisfaction ayant elle-même permis à ces dernières d’améliorer leur réputation auprès des premiers, bien qu’elles n’eussent pas été les bénéficiaires économiques des opérations contestées ; qu’il retient, encore, que la gravité du manquement doit être appréciée au regard de la qualité de l’auteur et des circonstances dans lesquelles il a agi, que les sociétés mises en causes sont des professionnelles de la finance, soumises à une obligation de vigilance accrue au regard de leur obligation d’abstention, laquelle doit être appréciée plus sévèrement lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de sociétés de gestion qui ont la confiance des investisseurs ; qu’il retient, enfin, que l’atteinte portée à la protection du marché et à l’égalité de traitement et d’information des investisseurs est particulièrement grave, les opérations litigieuses ayant permis aux sociétés Elliott d’acquérir des titres APRR au cours du marché, en ayant la quasi-certitude de les revendre ensuite à la société Eiffarie à un prix supérieur ; qu’ayant ainsi pris en compte la gravité de la violation, par les sociétés Elliott, de leurs obligations absolues d’abstention, et de la gravité particulière des manquements retenus, qu’elle pouvait apprécier eu égard à la personnalité de ses auteurs et aux bénéfices que ces manquements avaient permis de réaliser, nonobstant le fait qu’ils l’aient été au profit de tiers, la cour d’appel a pu statuer comme elle l’a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens, ni sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 


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