Informations privilégiées : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09000

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Informations privilégiées : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09000
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09000 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSAB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Septembre 2022 -Conseil de Prud’hommes de PARIS 10 – RG n° R 22/00800

APPELANTE

S.A. RATP DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉ

Monsieur [E] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Olivier FOURMY, Premier Président de chambre

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [E] [T] a été embauché par la société RATP Développement à compter du 24 août 2020, en contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur technique offres.

La relation de travail était régie par la Convention collective nationale des Bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés conseils.

Par courrier en date du 28 avril 2022, Monsieur [T] a informé la société RATP Développement de sa démission, la relation de travail a pris fin le 7 juin 2022.

Monsieur [T] a été embauché par la société Keolis, à compter du 8 juin 2022, en qualité de Directeur de projet, en charge actuellement de l’Offre Métropole de [Localité 4], rattaché à la direction générale.

Le 29 juillet 2022, la société RATP Développement a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, en sa formation des référés, afin de faire cesser en urgence le trouble manifestement illicite qui résulte de la violation de l’obligation contractuelle de non-concurrence à laquelle Monsieur [T] était tenu.

Par ordonnance de référé du 14 septembre 2022, le conseil de prud’hommes a :

– dit n’y avoir lieu à référé pour l’ensemble des demandes ;

– dit n’y avoir lieu à référé pour la demande reconventionnelle ;

– condamné la RATP Développement aux dépens.

Selon déclaration du 21 octobre 2022, la société RATP Développement a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions du 24 février 2022, la société RATP Développement a demandé à la cour de:

‘Vu les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail,

Vu les éléments de droit et de fait versés aux débats,

Vu l’urgence et le trouble manifestement illicite,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

‘ DECLARER recevable et bien fondée la société RATP DEVELOPPEMENT en son appel,

Y faisant droit,

‘ INFIRMER l’ordonnance rendue par le Conseil de prud’hommes de Paris, en sa formation de référé, le 14 septembre 2022 (RG R n°22/00800) en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé pour l’ensemble des demandes de la SA RATP DEVELOPPEMENT et a condamné la SA RATP DEVELOPPEMENT aux dépens ;

Et statuant de nouveau, il est demandé à la 2 ème Chambre Sociale du Pôle 6 de la Cour d’appel de Paris de :

– DIRE qu’il y a lieu à référé ;

– DÉCLARER la société RATP DEVELOPPEMENT bien fondée en ses demandes ;

– JUGER la violation caractérisée, par Monsieur [E] [T], de l’obligation de non-concurrence à laquelle il est assujetti depuis la cessation de son contrat de travail ;

– ORDONNER à Monsieur [E] [T] de cesser immédiatement toute activité concurrente auprès de la société KEOLIS [Localité 4] conformément à l’obligation de non-concurrence à laquelle il est tenu ; sous astreinte de 500 € par jour de retard, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, la formation de référé se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

– FAIRE INJONCTION à Monsieur [E] [T] de déclarer sur l’honneur s’il est ou non en possession de fichiers et données appartenant à la société RATP DEVELOPPEMENT ; sous astreinte de 500 € par jour de retard, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, la formation de référé se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

En conséquence,

– CONDAMNER, à titre provisionnel, Monsieur [E] [T] à verser à la société RATP DEVELOPPEMENT la somme de 78 476.89 € au titre de la pénalité forfaitaire due en cas de violation de la clause contractuelle de non-concurrence, telle que résultant des dispositions de l’article 12 du contrat de travail de M. [T] ;

– En cas de conservation actuelle de fichiers et autres données appartenant à la société RATP

DEVELOPPEMENT :

o FAIRE INTERDICTION immédiate à Monsieur [E] [T] tout usage, à quelque titre que ce soit, des fichiers et données appartenant à la société RATP DEVELOPPEMENT ; sous astreinte de 500 € par jour de retard, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, la formation de référé se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

o FAIRE INJONCTION à Monsieur [E] [T] de restituer tous fichiers et autres données appartenant à la société RATP DEVELOPPEMENT ; sous astreinte de 500 € par jour de retard, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, la formation de référé se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

– CONDAMNER Monsieur [E] [T] à verser à la société RATP DEVELOPPEMENT la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et y ajoutant 4 000 € au titre de la présente instance en cause d’appel ;

– CONDAMNER Monsieur [E] [T] aux entiers dépens de l’instance ;

– DIRE que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile’.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 1er mars 2023, Monsieur [T] a demandé à la cour de:

‘ Vu les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail,

Vu l’article 1104 du Code civil,

Vu les éléments de droit et de fait versés aux débats,

Vu l’absence de trouble manifestement illicite comme l’absence d’urgence,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

– CONFIRMER l’ordonnance déférée,

– JUGER qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite et donc pas lieu à référé,

– DEBOUTER la société RATP DEVELOPPEMENT de l’ensemble de ses demandes,

– SUBSIDIAIREMENT :

o faire application des dispositions de l’article 1231-5 du CC et réduire l’indemnité sollicitée à 1€,

o à défaut la limiter à 60.246,89 euros

o réduire les montants sollicités à titre d’astreinte et ne faire courir les astreintes qu’au moins 15 jours après la signification de l’arrêt à intervenir, sans pouvoir courir au-delà du 8 juin 2023 pour celle relative à l’obligation de non concurrence,

– CONDAMNER la société RATP DEVELOPPEMENT à payer à Monsieur [T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC de première instance et 4.000 euros au titre de la procédure d’appel et aux dépens.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2023.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite

La société RATP Développement soutient que le trouble manifestement illicite est caractérisé, Monsieur [T] n’ayant pas respecté son obligation de non-concurrence à laquelle il est assujetti depuis la cessation de son contrat de travail.

En premier lieu, la société RATP Développement soutient que les conditions de validité de la clause de non-concurrence ainsi que la sanction en cas de violation de celle-ci étaient clairs, valables et opposables au salarié.

S’agissant de la condition tenant à la nécessaire protection des intérêts légitimes de la société, la société RATP Développement rappelle que l’employeur doit établir que l’entreprise est susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité dans une entreprise concurrente.

En l’espèce, la société RATP Développement soutient que la société Keolis, qui emploie aujourd’hui Monsieur [T], est une société concurrente sur le même secteur d’activité et sur les mêmes appels d’offre. Dès lors, l”activité du nouvel employeur de Monsieur [T] rentre directement dans le champ d’application de l’interdiction de non-concurrence.

En deuxième lieu, la société RATP Développement rappelle que s’agissant de la délimitation de la clause dans le temps, la durée ne fait pas débat puisqu’alors même que l’interdiction de concurrence était applicable pour une année entière, le salarié l’a enfreint dès le premier jour d’application. Le dernier jour travaillé pour le compte de la société RATP Développement, un communiqué interne provenant de la direction générale de la société Keolis [Localité 4] présentait la nomination de Monsieur [T], à compter du 8 juin 2022, en qualité de Directeur Projet Réponse à Appels d’Offres.

En troisième lieu, la société RATP Développement rappelle que s’agissant de la délimitation de la clause dans l’espace, il est constant que la zone géographique de la clause de non-concurrence se limitait à la France. La société fait valoir que l’étendue de la clause était déterminable dès sa conclusion mais surtout qu’elle est déterminée aux pays dans lesquels Monsieur [T] a concrètement travaillé.

En l’espèce, la société RATP Développement soutient que le salarié exerce son activité pour le compte de Keolis en France. Selon la société, c’est donc sciemment que le salarié a rejoint la concurrence sur ce territoire au service de l’un des principaux concurrents de la société RATP Développement.

En quatrième lieu, la société RATP Développement rappelle que la clause de non-concurrence ne doit pas porter une atteinte excessive du salarié d’exercer une profession. En l’espèce, la clause de non-concurrence a tenu compte des spécificités de l’emploi tenu en dernier lieu par le salarié. En effet, celle-ci concernait exclusivement ses fonctions sur les appels d’offre, mais d’aucune manière des fonctions très différentes exercées tout au long de sa carrière. Ainsi, la société RATP Développement fait valoir que la liberté de travailler de Monsieur [T] n’était nullement entravée par la clause de non-concurrence. Elle ajoute que le salarié était en pleine mesure de retrouver un travail conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle.

Enfin, la société RATP Développement soutient qu’elle est directement concurrente avec la société Keolis s’agissant des métiers proposés à leurs collaborateurs respectifs. Elle explique que Monsieur [T] assure un poste à très hautes responsabilités relatif au traitement de tous les appels d’offres pour l’agglomération lyonnaise et qu’il ne fait aucun doute que le poste actuel de Monsieur [T] au sein de Keolis [Localité 4] inclut l’ensemble des prérogatives auparavant détenues au sein de la société RATP Développement.

Dans ces conditions, la société RATP Développement considère que la violation de la clause de non-concurrence est caractérisée.

En réponse, Monsieur [T] soutient que la société RATP Développement n’établit aucun trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés.

En premier lieu, le salarié soutient que son poste au sein de la société Keolis est d’une nature différente, aux responsabilités plus larges de celles du poste occupé au sein de la société RATP Développement, qui était exclusivement technique. Une telle embauche était licite et le demeure.

En deuxième lieu, le salarié explique que la société RATP Développement cherche à inscrire son embauche par la société Keolis dans un contexte de concurrence déloyale en lien avec un appel d’offres sur le marché du transport public urbain à [Localité 4] et sa région, dont Keolis est l’actuel titulaire.

Monsieur [T] conteste toute concurrence déloyale et fait valoir qu’il n’a jamais été en charge du dossier de [Localité 4] pour le compte de la société RATP Développement. Il affirme également qu’il n’a jamais travaillé pour le compte de RATP Développement sur le marché de [Localité 4], qui est différent de celui des deux lignes de métro automatique du Grand Paris Express sur lequel il a travaillé au sein de RATP Développement.

Enfin, le salarié soutient que la clause de non-concurrence sur laquelle la société RATP Développement se fonde est nulle, en ce qu’elle ne contient pas de limitation dans l’espace. En effet, la clause n’était pas restreinte à un ‘territoire très limité’ contrairement aux affirmations de la société. De surcroît, la limitation géographique de la clause lui était inconnue à la date de conclusion de la clause. La société avait donc toute faculté d’étendre unilatéralement et de manière infinie la périmètre géographique d’application de la clause de non-concurrence ainsi que sa portée, sans jamais avoir besoin de requérir son consentement. Ainsi, Monsieur [T] soutient que la limitation géographique de la clause demeurait inconnue après la rupture de son contrat.

La demande de cessation du trouble manifestement illicite est donc fondée sur les dispositions de l’article R. 1455-6 du code du travail aux termes duquel, « la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l’espèce, la clause de non-concurrence dont la violation est invoquée est ainsi stipulée à l’article 12 du contrat de travail à durée indéterminée ayant lié les parties :

« Compte tenu de la nature des fonctions qu’il occupe au sein de la Société, il est convenu qu’en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, M.[E] [T] s’interdira, postérieurement à la rupture de son contrat, de participer, s’associer, s’intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toutes activités similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la Société.

Il s’engage ainsi à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non salarié pour une entreprise exerçant une activité concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités similaires à celles de la Société, c’est-à-dire transport ferroviaire, métro, tramway, bus.

Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de 1 an à compter du départ effectif de M.[E] [T] de la Société, et est limitée à l’ensemble des pays dans lesquels M.[E] [T] sera intervenu pour le compte du groupe RATP Dev au cours des trois années précédant son départ effectif de la Société.

La présente clause s’applique dès le départ effectif du salarié de l’entreprise, même en cas d’inobservation du préavis.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, il percevra chaque mois, à compter de la date de rupture effective du contrat de travail et pendant la durée d’application de la clause, une indemnité brute d’un montant égal à 30 % du salaire mensuel moyen brut hors prime des six derniers mois précédant la rupture.

L’entreprise se réserve le droit de libérer M.[E] [T] de son obligation de non-concurrence sans que celui-ci puisse prétendre au paiement d’une quelconque indemnité. Dans ce cas quel que soit l’auteur de la rupture, la notification sera faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre, dans le mois de la notification de la rupture.

En cas de violation de l’interdiction qui lui est faite, M.[E] [T] s’exposera au paiement, par infraction constatée, d’une pénalité forfaitaire égale à la rémunération brute de ses 6 derniers mois d’activité, sans préjudice du droit pour la Société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l’entier préjudice subi, et ce sans autre sommation que le simple constat d’un quelconque manquement. »

Une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est :

‘ indispensable à la protection des intérêts légitime de l’entreprise,

‘ limitée dans le temps et dans l’espace,

‘ tient compte des spécificités de l’emploi du salarié,

‘ comporte l’obligation pour l’employeur de lui verser une contrepartie financière.

Ces conditions sont limitatives.

Sur la limitation dans l’espace, il doit être considéré que la clause litigieuse prévoit une limitation à l’ensemble des pays dans lesquels M.[E] [T] sera intervenu au cours des trois années précédant son départ effectif.

Cette formulation, pour le moins imprécise, puisqu’elle traite d’une intervention et non d’une mutation, implique une absence de consentement du salarié mais surtout une possibilité d’extension de la clause de non-concurrence de façon unilatérale par l’employeur au gré des dossiers qui ont pu être confiés à son collaborateur.

En effet, ce dernier, s’il indique avoir principalement travaillé sur le métro du Grand Paris Express, expose avoir également été amené à travailler sur d’autres pays, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud et le Canada.

Ces missions n’ont donné lieu à aucun avenant à son contrat de travail.

Il en résulte ainsi que la limitation géographique de la clause n’était pas connue du salarié à la date de conclusion du contrat de travail alors qu’à l’opposé, cette limitation pouvait être modifiée par l’employeur, sans son accord, au gré des différentes interventions demandées au salarié.

Sur les spécificités de l’emploi du salarié et sur la liberté du travail, force est de constater que la clause de non-concurrence, par les termes généraux employés ne tient nullement compte de la spécificité des missions confiées à M.[T] dans le cadre du contrat de travail.

De façon objective, elle le prive ainsi de toute possibilité de travail dans le cadre des compétences acquises au sein de la société RATP Developpement.

En effet, il résulte du curriculum vitae produit que M. [T] a exercé, au cours des dix dernières années, son activité dans le domaine du transport de voyageurs et a donc développé une expertise certaine dans ce domaine.

Ainsi, l’absence de précision au regard de l’emploi de ce dernier a pour effet de porter une atteinte excessive à sa liberté de travailler.

À cet égard, il doit être considéré que, s’il est constant que l’entreprise n’a pas explicitement libéré M.[T] de son obligation de non-concurrence, à l’opposé, il est tout aussi constant qu’elle n’a pas entendu verser la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence.

Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que la violation évidente de la clause de non-concurrence n’est pas caractérisée.

L’existence d’un trouble manifestement illicite n’est donc pas établie.

Sur l’urgence à faire cesser le trouble manifestement illicite

La société RATP Développement soutient qu’il est manifeste que Monsieur [T] a sciemment violé la clause de non-concurrence.

La société rappelle également que le processus d’appel d’offre est en tant que tel une mise en concurrence des entreprises entre elles. A cet égard, elle fait valoir qu’en tant que Directeur Projet RAO au sein de la société Keolis [Localité 4], Monsieur [T] peut calquer la gestion des appels d’offre de la société Keolis sur celle de la société RATP Développement, et plus généralement décliner méthode et savoir-faire de RATP Développement au bénéfice de Keolis.

La société RATP Développement ajoute que Monsieur [T] peut utiliser les informations privilégiées qu’il a en sa possession pour contrecarrer les réponses aux appels d’offres de la société et permettre à Kéolis de bénéficier d’un avantage concurrentiel certain. Plus le temps passe, plus elle est ainsi susceptible de perdre des parts de marché du fait de la violation par Monsieur [T] de sa clause de non-concurrence.

Enfin, la société RATP Développement soutient que la violation est d’autant plus préjudiciable pour elle car Monsieur [T] est parti travailler sur un appel d’offre stratégique sur lequel elle avait proposé de le positionner et qu’il n’entend d’aucune manière rompre son contrat de travail avec Keolis.

En réponse, Monsieur [T] soutient qu’aucune urgence n’est caractérisée et qu’elle n’est pas un cas d’ouverture à référé.

En application de l’article R. 1455-6 du code du travail, la constatation de l’urgence n’est pas une condition de la prise en compte du trouble manifestement illicite.

À l’opposé, l’article R. 1455-5 du même code dispose que « dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

En l’espèce, au regard des éléments retenus précédemment, les mesures sollicitées se heurtent nécessairement à des contestations sérieuses au regard des conditions d’application de la clause de non-concurrence.

Surtout, il n’est pas justifié d’une situation d’urgence au seul regard du processus d’appel d’offres en cours alors qu’il n’est nullement établi que, dans le cadre de son nouvel emploi de Directeur Projet, M.[E] [T] soit en charge effectivement de ce dossier.

À cet égard, la Société ne justifie nullement que l’intéressé ait quitté l’entreprise en possession de documents, fichiers ou données lui appartenant et pouvant être relatifs, notamment, à cette procédure d’appel d’offres.

Le Conseil de prud’hommes doit donc être confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes de la société RATP Developpement.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de M.[T].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société RATP Developpement, qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Aucune raison d’équité ne commande l’application de cet article au profit de M.[E] [T].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, publiquement dernier ressort

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société RATP Developpement aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

 


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