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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 7
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2020
(n° 19, 27 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 19/11033 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAA64
Décision déférée à la cour : Décision n° 4 de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers en date du 17 avril 2019
REQUÉRANTS :
M. [K] [Y]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 12]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
La société JEKITI MAR CAPITAL S.A.R.L
Prise en la personne de son gérant M. [K] [Y]
Inscrite au RCS de Paris sous le n°524 875 143
ayant son siège social [Adresse 11]
[Localité 8]
La société MONTAIGNE FASHION GROUP (MFG) S.A.
Prise en la personne de son gérant M. [K] [Y]
Inscrite au RCS de Paris sous le n° 397 883 075
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 7]
Élisant tous domicile au cabinet de la SCP BAECHLIN
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentés par Me Jeanne BAECHLIN, de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistés de Me Frank MARTIN LAPRADE, de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04
EN PRÉSENCE DE :
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Prise en la personne de son président
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Mme [J] [Z], dûment mandatée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
‘ Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente
‘ Mme Agnes MAITREPIERRE, présidente de chambre
‘ Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET
MINISTÈRE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée
ARRÊT :
‘ contradictoire
‘ rendu par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
‘ signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * *
Vu la décision n°4 de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (procédure n° 2017/17) du 17 avril 2019 ;
Vu les déclarations de recours déposées le 21 juin 2019 par la société Montaigne Fashion Group (RG n°19/11033), par la société Jekiti Mar Capital (RG n°19/11085) et par M. [K] [Y] (RG n°19/11086) ;
Vu les exposés des moyens déposés au greffe de la cour le 5 juillet 2019 par les auteurs des recours ;
Vu l’ordonnance de jonction des recours du 24 septembre 2019 enregistrant l’affaire sous le RG n°19/11033 ;
Vu les observations écrites de l’Autorité des marchés financiers déposées au greffe de la cour le 21 novembre 2019 ;
Vu les mémoires complémentaires et en réplique à ces observations déposées au greffe de la cour le 23 janvier 2020 par la société Montaigne Fashion Group, par la société Jekiti Mar Capital et par M. [K] [Y] ;
Le ministère public ayant reçu toutes les pièces de la procédure ;
Après avoir entendu en leurs observations orales, à l’audience publique du 9 juin 2020, les conseils de la société Montaigne Fashion Group, de la société Jekiti Mar Capital et de M. [K] [Y], ainsi que l’Autorité des marchés financiers, les requérants ayant eu la parole en dernier et ayant été mis en mesure de répliquer.
SOMMAIRE
FAITS ET PROCÉDURE4
I. SUR LE MANQUEMENT DE COMMUNICATION TARDIVE D’UNE INFORMATION PRIVILÉGIÉE AU PUBLIC IMPUTE A MFG ET M. [Y]
7
1. Sur la procédure suivie devant l’AMF7
Sur l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence7
Sur l’atteinte alléguée au principe du contradictoire8
2. Sur le caractère tardif de la communication de l’information privilégiée au public9
3. Sur l’imputabilité du manquement à M. [Y]12
II. SUR LE MANQUEMENT RELATIF A LA COMMUNICATION D’UNE INFORMATION INEXACTE OU TROMPEUSE IMPUTE À MFG ET M. [Y]
13
1. Sur l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence13
2. Sur l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR et la violation alléguée des droits de la défense14
3. Sur la responsabilité de M. [Y]15
III. SUR LE MANQUEMENT D’INITIÉ IMPUTÉ À M. [Y] ET À JEKITI MAR CAPITAL16
1. Sur la détention des informations privilégiées par M. [Y]17
2. Sur l’utilisation indue des informations privilégiées par M. [Y]19
3. Sur l’imputabilité du manquement à Jekiti Capital21
IV. SUR LE DÉFAUT DE DÉCLARATION DES OPÉRATIONS DE CESSION IMPUTÉS À M. [Y] ET À JEKITI MAR CAPITAL21
1. Sur le manquement de Jekiti Mar Capital21
2. Sur l’imputabilité du manquement à M. [Y]23
V. SUR LA SANCTION24
1. Sur la sanction prononcée à l’encontre de Jekiti Mar Capital24
2. Sur la sanction prononcée à l’encontre de M. [K] [Y]25
VI. SUR SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES27
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
1.La SA Montaigne Fashion Group (ci-après « MFG ») est la société mère d’un groupe spécialisé dans le textile féminin. Elle fait actuellement l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris le 1er juillet 2015. Les actions de MFG étaient négociées sur le compartiment C d’Euronext [Localité 14] depuis 1998. La capitalisation boursière de la société s’élevait à 7,18 millions d’euros au 26 février 2015, date de la suspension de la cotation des actions.
2.M. [Y] était le président-directeur général de MFG depuis 23 septembre 2010. Il est également gérant de la SARL Jekiti Mar Capital (ci-après « Jekiti Mar Capital »), l’actionnaire principal de MFG.
3.Jekiti Mar Capital a pour unique actionnaire la société civile Jekiti Mar, elle-même détenue par M. [Y] et sa famille.
4.À la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de MFG le 25 août 2009, le tribunal de commerce de Paris a adopté le 14 octobre 2010 un plan de redressement par voie de continuation. Celui-ci prévoyait un apurement du passif de 3,59 millions d’euros sur une durée de 10 ans, à raison du paiement par MFG de dividendes annuels au montant progressif.
5.Le 19 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a accepté de rééchelonner les huit annuités restantes du plan, en réduisant significativement le montant de la troisième’échéance et en augmentant progressivement les autres, dont la date d’exigibilité était fixée au 13 octobre de chaque année.
6.Le 14 septembre 2014, MFG a publié un communiqué indiquant que son activité présentait une tendance positive sur le deuxième semestre 2014 ainsi que sur l’ensemble du premier semestre et soulignant sa performance par rapport à l’ensemble du marché du textile et de l’habillement en France.
7.Le 14 octobre 2014, MFG n’a pas payé la quatrième échéance du plan de continuation modifié, d’un montant de 322’832 euros.
8.Le 16 novembre 2014, MFG a publié son chiffre d’affaires du troisième trimestre et fait un point sur l’évolution de l’activité (ouverture d’une nouvelle boutique à [Localité 13], location d’un espace supplémentaire éphémère).
9.Le 29 décembre 2014, MFG a publié un communiqué de presse relatif à la mise à disposition du rapport financier au 30 juin 2014, qui faisait état d’un objectif de retour à l’équilibre courant 2015 «’compte tenu de la croissance prévisionnelle des ventes et de la poursuite de la maîtrise des charges’» et du soutien financier «’réitéré de façon formelle’» de Jekiti Mar Capital à MFG «’en lui apportant les concours nécessaires au déploiement de sa stratégie de développement’».
10.Ce rapport financier mentionne au titre des événements marquants survenus pendant le premier semestre la modification du plan de continuation et l’annuité d’octobre 2014 sans évoquer le non paiement de celle-ci à la rubrique «’événements postérieurs survenus après le 30 juin 2014’».
11.Les 18 décembre 2014 et 7 janvier 2015, MFG a reçu deux commandements de saisie-vente délivrés à la demande de deux anciens salariés.
12.Le chiffre d’affaires de MFG a connu en janvier 2015 une forte chute de l’ordre de 40 %, en lien avec les attentats survenus à [Localité 14].
13.Le 10 février 2015, MFG a été destinataire d’un commandement de payer, sous 30 jours, le loyer de la boutique qu’elle exploite à [Adresse 16], pour un montant de 51 221 euros, le bailleur, après avoir rappelé que le quatrième trimestre était exigible depuis le 31 décembre 2014, ayant visé la clause résolutoire et les dispositions de l’article L.145-17 du code de commerce.
14.Le 20 février 2015, MFG a publié un communiqué de presse relatif à son chiffre d’affaires du quatrième trimestre 2014, qui mentionnait, au titre de l’«’évolution de l’activité’», un partenariat avec le groupe Galeries Lafayette.
15.Ce communiqué a été suivi d’une hausse de 20’% du cours de MFG dans un volume 5 fois supérieur au volume moyen échangé par séance en 2014.
16.Le 24 février 2015, le commissaire à l’exécution du plan a déposé au tribunal de commerce de Paris une requête aux fins de solliciter la résolution du plan de continuation, aux motifs que MGF avait été condamnée en appel dans deux contentieux prud’homaux, que l’avocat du bailleur de la boutique de la [Adresse 16] l’avait informé que le loyer du 4e trimestre 2014 était dû, qu’ «’aucun élément tangible ne (lui) avait été adressé permettant de s’assurer que le paiement du [quatrième] dividende serait régularisé’», et que MFG «’se trouve à ce jour en état de cessation de paiements ».
17.Ce même jour, à 12h07, Jekiti Mar Capital a cédé sur le marché un million d’actions MFG pour 50’000 euros.
18.Le 26 février 2015, à 14h54, Jekiti Mar Capital a cédé sur le marché 500’000 actions MFG pour un montant de 25’000 euros.
19.Le même jour, à 15h35, Euronext a suspendu à la demande de MFG la cotation des actions de la société «’dans l’attente de la publication d’un communiqué’».
20.Le 18 mars 2015, MGF a obtenu du tribunal de commerce de Paris un délai de trois mois pour présenter une solution pour le règlement de la quatrième annuité du plan et, plus généralement, un plan d’action permettant d’assurer la capacité de la société à honorer les échéances futures du plan.
21.Le 27 avril 2015, MFG a publié un communiqué de presse informant le marché de l’absence de paiement du quatrième dividende exigible en octobre 2014, de la suspension de la cotation des titres et de la procédure en cours devant le tribunal de commerce de Paris.
22.Le 1er juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de continuation et ouvert, en conséquence, la liquidation judiciaire de MFG, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 octobre 2014, soit la date d’exigibilité du quatrième dividende. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris le 15 décembre 2015.
23.La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après «’l’AMF’»), par une décision adoptée le 17 avril 2019 dont elle ordonne la publication sous une forme nominative pendant cinq ans, a retenu que’:
‘ premièrement, MFG’:
n’a pas communiqué dès que possible l’information privilégiée relative au non-paiement du quatrième dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en violation des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF (ci-après «’RGAMF’»)’;
n’a pas communiqué une information exacte, précise et sincère à l’occasion de la publication des communiqués de presse des 29 décembre 2014 et 20 février 2015, en méconnaissance des articles 223-1 et 632-1 du RGAMF et 12.1 c) du règlement n°596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché (Market abuse regulation ci-après «’règlement MAR’»)’;
‘ deuxièmement, Jekiti Mar Capital’:
a utilisé, lors de ses cessions du titre MFG les 24 et 25 février 2015, deux informations privilégiées, l’une étant relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation et l’autre portant sur le non-paiement par MFG du quatrième dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du RGAMF’;
n’a pas déclaré à l’AMF les cessions réalisées sur les titres MFG, en méconnaissance des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du RGAMF’;
‘ troisièmement, M. [Y]’:
a commis les deux manquements reprochés à MFG et celui reproché à Jekiti Mar Capital portant sur le défaut de déclaration des cessions réalisées sur les titres MFG, manquements qui lui sont imputés en sa qualité de dirigeant de ces sociétés, par application de l’article 221-1, dernier alinéa du RGAMF ;
a utilisé, pour le compte de Jekiti Mar Capital, les deux informations privilégiées susvisées, dont l’usage a été reproché à cette dernière lors des cessions du titre MFG les 24 et 25 février 2015, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du RGAMF ;
24.La Commission des sanctions a en conséquence infligé une sanction d’un montant de 90’000 euros à MFG, de 75’000 euros à Jekiti Mar Capital et de 250’000 euros à M. [Y].
25.Le 21 juin 2019, M. [Y], MFG et Jekiti Mar Capital ont chacun formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation de cette décision, afin notamment de diminuer significativement le montant de la sanction pécuniaire mise à leur charge.
26.Ils sollicitent en outre la condamnation de l’AMF à leur verser chacun la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
27.Par ordonnances du 10 juillet 2019, le magistrat délégué par le premier président a rejeté les demandes de sursis à exécution en considérant que les conditions de l’article L.621-30 du code des marchés financiers n’étaient pas remplies.
28.Par ordonnance du 24 septembre 2019, les trois recours ont été joints.
*
* *
I. SUR LE MANQUEMENT DE COMMUNICATION TARDIVE D’UNE INFORMATION PRIVILEGIEE AU PUBLIC IMPUTE A MFG ET M. [Y]
1. Sur la procédure suivie devant l’AMF
29.En premier lieu, MFG soutient que l’avant-dernier paragraphe de la notification des griefs est à l’indicatif, ce qui constituerait une atteinte à la présomption d’innocence privant la décision attaquée de base légale.
30.M. [Y] s’associe à ce moyen.
31.L’AMF en conteste le bien fondé.
32.En second lieu, MFG allègue que le principe du contradictoire n’aurait pas été respecté. Elle observe, tout d’abord, que la notification de griefs opère un renvoi au rapport d’enquête quant à l’absence de satisfaction des conditions exigées au II de l’article 223-2 du RGAMF pour différer l’information privilégiée, tout en optant pour une date différente de celle du rapport d’enquête s’agissant du point de départ de son obligation de communiquer l’information privilégiée.
33.Elle soutient en outre que, pour retenir que la condition prévue à l’article 223-2 du RGAMF relative à la préservation de la confidentialité de l’information privilégiée n’était pas respectée en l’espèce, la Commission des sanctions aurait dénaturé des éléments de fait en retenant qu’il ne ressort ni du rapport d’enquête, ni des éléments fournis par les mis en cause que MFG ait mis en place des mesures concrètes visant à assurer le contrôle de l’accès à l’information privilégiée en cause, alors que l’absence de tels éléments matériels lui interdit d’en tirer une conclusion dans un sens ou un autre, puisqu’il n’existe pas de preuve.
34.La Commission des sanctions aurait enfin formulé unilatéralement dans son paragraphe 60 un argument non précédemment soumis au débat contradictoire. Ceci entacherait la décision attaquée d’un vice irréversible.
35.M. [Y] s’associe à ces moyens.
36.L’AMF observe en réponse que le renvoi opéré par la notification de griefs aux investigations diligentées par la direction des enquêtes n’a pas privé MFG de la possibilité de discuter les conclusions du rapport d’enquête. Ce dernier contient une analyse détaillée de chacune des trois premières exigences prévues au II de l’article 223-2 du RGAMF aux fins de déterminer si celles-ci étaient en l’espèce respectées par MFG. L’intéressée disposait donc de tous les éléments de fait et de droit pour discuter du grief formulé, ce qu’elle n’a au demeurant pas manqué de faire.
37.L’AMF estime en outre que la Commission des sanctions a qualifié les faits de façon pertinente et rappelle que cette dernière n’est, lorsqu’elle se prononce, pas liée par l’appréciation des enquêteurs et du rapporteur.
* * *
Sur ce, la Cour :
Sur l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence
38.Il est de jurisprudence constante que les exigences découlant de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après «’CSDH’»), relatives notamment à la présomption d’innocence, s’appliquent à la procédure de sanction ouverte par la notification des griefs.
39.En l’espèce, les notifications de griefs adressées à MFG et à M. [Y] le 28 septembre 2017 sont rédigées de la manière suivante :
«’L’information relative au non-paiement du quatrième dividende du plan de continuation à sa date d’échéance a été diffusée par MFG le 27 avril 2015, alors que cette information pourrait avoir présenté les caractéristiques d’une information privilégiée dès le 14 octobre 2014.
Il ressort par ailleurs des investigations diligentées par la Direction des enquêtes de l’AMF que les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du règlement général précité, reprises à l’article 17 paragraphe 4 du règlement MAR, pour bénéficier de la dérogation à l’obligation de publier dès que possible toute information privilégiée, n’étaient pas en l’espèce remplies.
Dans ces conditions, en ayant attendu jusqu’au 27 avril 2015 pour communiquer l’information relative au non-paiement du quatrième dividende du plan à sa date d’échéance, MFG pourrait avoir manqué à son obligation de communiquer dès que possible une information privilégiée, ce qui est susceptible de constituer un manquement aux dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF’».
40.Force est de constater que l’emploi du présent de l’indicatif, uniquement dans le deuxième alinéa précité, est immédiatement suivi au troisième alinéa de l’emploi du conditionnel (« MFG pourrait avoir manqué à son obligation ») et, au surplus, de la mention selon laquelle cet éventuel manquement « est susceptible de constituer un manquement aux dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF’». Ainsi, loin de donner le sentiment que MFG a commis un manquement, qui serait pleinement établi, la présente notification des griefs, qui ne se prononce pas sur le bien-fondé de l’accusation qu’elle énonce, précise la matérialité des faits reprochés, la qualification envisagée et le fondement textuel de celle-ci.
41.Au demeurant, et en tout état de cause, la notification des griefs, qui est un acte d’accusation ayant pour objet de porter à la connaissance de la personne mise en cause le manquement susceptible d’être retenu contre elle et d’ouvrir, à son égard, la phase contradictoire de l’instruction, n’emporte ni déclaration de culpabilité, ni pré-jugement. Elle ne peut donc, en elle-même, porter atteinte à la présomption d’innocence.
42.Il s’en déduit que ce moyen d’annulation doit être écarté.
Sur l’atteinte alléguée au principe du contradictoire
43.En premier lieu, le principe du contradictoire est respecté dès lors que la notification de griefs est suffisamment précise quant à la matérialité des faits reprochés et quant à la qualification juridique envisagée afin de mettre son destinataire en mesure, pour les besoins de sa défense, de les discuter utilement. La notification des griefs n’a pas à énoncer l’ensemble des éléments de preuve dans la mesure où ces derniers figurent dans le rapport d’enquête qui est joint à la notification.
44.En l’espèce, la notification des griefs contient les éléments de fait et de droit nécessaires à l’éventuelle caractérisation du manquement. MFG ne pouvait donc se méprendre sur la nature et le fondement des griefs et elle a, d’ailleurs, tout au long de la procédure, formulé toutes les observations qui lui paraissaient utiles, et notamment sur la condition exonératoire de reponsabilité tenant à ce que le retard ne doit pas avoir induit le public en erreur, laquelle avait été mise dans le débat par la notification des griefs.
45.Le fait que le rapport d’enquête fixe au 29 décembre 2014 la date jusqu’à laquelle MFG pouvait différer la communication de l’information privilégiée, alors que la notification de griefs retient la date au 14 octobre 2014, manifeste une différence d’analyse entre le collège et les enquêteurs mais ne modifie en rien le constat selon lequel tous les éléments de fait et de droit ont été soumis au débat pour avoir été détaillés dans les pièces transmises à MFG, qui a donc été mise en mesure de les contredire et de se défendre en ce compris sur la date du 14 octobre 2014. La circonstance que le rapporteur ait eu, sur la base de ces éléments, la même position que celle des enquêteurs est tout autant dépourvue de toute portée, dès lors que MFG a pu s’expliquer, à chaque étape de la procédure, sur l’ensemble des éléments mis aux débats.
46.En deuxième lieu, il appartenait à la Commission des sanctions de vérifier que les conditions d’application prévues à l’article 223-2, II du RGAMF pour différer la publication d’une information privilégiée étaient réunies et elle y a procédé en s’appuyant sur les données factuelles figurant au dossier. Loin de dénaturer les faits et de violer le principe du contradictoire, elle s’est en l’espèce bornée à retenir, en l’absence d’éléments de preuve, qu’il n’était pas établi que MFG avait mis en place des mesures concrètes visant à assurer le contrôle de l’accès à l’information privilégiée en cause.
47.En troisième lieu, dès lors que les conditions les conditions d’application prévues à l’article 223-2, II du RGAMF sont cumulatives et que la Commission des sanctions a considéré que l’une d’elles – la condition relative au fait de ne pas induire le public en erreur – n’était pas satisfaite, c’est à titre surabondant qu’elle s’est livrée à l’analyse de la dernière d’entre elles – la condition relative à la préservation de la confidentialité de l’information privilégiée -.
48.Il s’en déduit que c’est en vain que MFG se prévaut d’une dénaturation concernant l’analyse d’éléments de preuve sujets à interprétation. La critique ne peut donc être accueillie.
49.Ces moyens d’annulation doivent également être écartés.
*
* *
2. Sur le caractère tardif de la communication de l’information privilégiée au public
50.À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission des sanctions a considéré que l’absence de paiement par MFG du quatrième dividende du plan de continuation constituait une information privilégiée au sens de l’article 622-1 du RGAMF. Le caractère privilégié de l’information en cause n’étant pas discuté par les auteurs du recours, la cour renvoie aux paragraphes 38 à 50 de la décision attaquée, dont elle adopte les motifs.
51.Il convient donc de tenir pour acquis le fait que l’information en cause revêtait un caractère précis dès le 14 octobre 2014, soit le lendemain de la date d’échéance du quatrième dividende.
52.La décision attaquée, après avoir constaté que l’absence de paiement du quatrième dividende n’avait été communiquée au public que le 27 avril 2019 par MFG, soit plus de 6 mois après que celle-ci ait revêtu un caractère privilégié, a retenu que l’information n’avait pas été communiquée « dès que possible » au sens de l’article 223-2 du RGAMF.
53.Par des motifs critiqués par MFG, la Commission des sanctions a retenu que la publication de l’information en cause ne pouvait être différée sur le fondement du II de l’article 223-2 du RGAMF.
54.En premier lieu, MFG relève que la Commission des sanctions a retenu que l’information privilégiée portant sur l’absence de paiement du 4ème dividende ne pouvait être différée sans induire le public en erreur, au motif que cet événement était susceptible juridiquement d’obérer l’avenir de la société, alors qu’un événement identique s’était produit l’année précédente, sans que l’AMF n’ait critiqué la non publication de cette information. À cet égard, elle demande qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») sur les circonstances dans lesquelles, notamment au regard des attentes du marché, le public est susceptible d’être induit en erreur, au sens de l’article 17§4, sous b), du règlement MAR, cet article étant susceptible d’être interprété de manière plus favorable que l’article 223-2 du RGAMF dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, ce qui justifierait son application rétroactive in mitius.
55.En second lieu, MFG se prévaut de lettres adressées par le commissaire à l’exécution du plan pour soutenir que l’analyse de la Commission des sanctions, selon laquelle l’absence de paiement du 4ème dividende était susceptible juridiquement d’obérer l’avenir de la société, est erronée. À cet égard, elle relève une différence de terminologie entre les deux textes précités pour déterminer l’événement qui ne doit pas être susceptible d’induire le public en erreur afin de déroger à l’obligation de publication immédiate. Le terme employé par le texte européen (« retard ») étant susceptible d’être interprété de manière plus favorable que le terme employé par le texte français (« omission »), ce qui justifierait son application rétroactive in mitius, MFG demande qu’une question préjudicielle soit également posée à la CJUE sur ce point.
56.M. [Y] s’associe à ces moyens.
57.L’AMF répond qu’il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel puisque l’analyse de la Commission des sanctions sur le fondement de l’article 233-2 du RGAMF est cohérente avec les dispositions de l’article 17 du règlement MAR, l’information privilégiée dont l’émetteur a retardé la publication étant contraire aux attentes du marché. Les dispositions du 4 de l’article 17 du règlement MAR sont rédigées en outre en des termes équivalents à celles du II de l’article 223-2 du RGAMF applicable à l’époque des faits.
58.L’AMF renvoie, au surplus, aux auditions des commissaires à l’exécution du plan et rappelle que l’émetteur agit sous sa propre responsabilité lorsqu’il décide de différer la publication d’une information privilégiée.
* * *
Sur ce, la Cour’:
59.À titre liminaire, il doit être observé que l’article 223-2 du RGAMF, dans sa version antérieure au 14 septembre 2016 applicable à la date des faits, disposait que tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l’article 621-1 de code monétaire et financier et qui le concerne directement, mais prévoit aussi que «'(l)’émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d’une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d’induire le public en erreur (…) ».
60.Dans sa rédaction actuelle, en vigueur depuis le 14 septembre 2016, cet article précise que « [l]orsqu’un émetteur ou un participant au marché des quotas d’émission a différé la publication d’une information privilégiée dans les conditions prévues à l’article 17 du règlement sur les abus de marché (règlement n° 596/2014/EU), l’Autorité des marchés financiers peut lui demander des explications sur ce différé de publication. Ces explications doivent être apportées sans délai », étant observé que l’article 17 du règlement MAR auquel il renvoie dispose que «'(t)out émetteur (…) peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d’une information privilégiée à condition que toutes les conditions suivantes soient réunies : (‘)/b) le retard de publication n’est pas susceptible d’induire le public en erreur ».
61.Le fait que l’ancien article 223-2 du RGAMF fasse référence à une «’omission’» et l’article 17 du règlement MAR à un «’retard’» est dénué de toute portée, dès lors que ces dispositions visent l’une et l’autre le différé de la communication de l’information privilégiée, qui ne doit pas induire le public en erreur. Il n’y a donc pas lieu de poser une question préjudicielle à la CJUE sur ce point.
62.En outre, et en premier lieu, l’appréciation de la condition relative au fait de ne pas induire le public en erreur exige de rechercher les informations dont disposait le public à la date à laquelle l’information en cause est devenue privilégiée, afin de déterminer si le report de la publication de ladite information était susceptible de l’induire en erreur, comme étant, notamment, contraire aux attentes du marché.
63.Il est constant que MFG n’a publié que le 27 avril 2015 un communiqué de presse informant le marché de son absence de paiement du quatrième dividende qui était exigible le 13 octobre 2014. Il convient donc de déterminer si le report de la publication de ladite information était susceptible d’induire le public en erreur.
64.En l’espèce, le 14 octobre 2014, le marché se trouvait conforté dans sa croyance que MFG n’aurait pas de difficultés à payer la quatrième échéance du plan de continuation en raison du caractère résolument optimiste du communiqué de presse que MFG avait publié le 14 septembre 2014, soit un mois plus tôt, par lequel elle annonçait une tendance positive sur le deuxième semestre 2014 ainsi que sur l’ensemble du premier semestre et soulignait sa performance par rapport à l’ensemble du marché du textile et de l’habillement en France. Avec une telle information, qui laissait entendre un bon niveau d’activité et des perspectives positives pour l’entreprise, le marché ne pouvait pas anticiper une défaillance de MFG dans le paiement du dividende du plan. C’est en vain que MFG se prévaut de la réalisation d’un événement identique l’année précédente, sans que l’AMF n’ait critiqué la non publication d’une information sur cet événement.
65.C’est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que le report au 27 avril 2015 de la publication de l’information relative au non-paiement du quatrième dividende à sa date d’échéance, constitutive d’une information privilégiée à compter du 14 octobre 2014, était susceptible d’induire le public en erreur et caractérisait le manquement défini à l’article 223-2 du RGAMF relatif à l’absence de communication dès que possible de l’information privilégiée.
66.En second lieu, il convient de relativiser la portée de la lettre du 9 décembre 2014 du commissaire à l’exécution au plan, qui indique compter procéder à la répartition des fonds au profit des créanciers dès réception des sommes que M. [Y] s’est engagé à verser à la date du 9 janvier 2015, ainsi que celle de la requête en résolution du plan du 23 février 2015,qui mentionne que l’état de cessation des paiements est caractérisé «’à ce jour’». La mission du commissaire à l’exécution du plan, qui doit veiller à l’exécution du plan et procéder au paiement des créanciers est en effet tout fait distincte de celle du débiteur coté, qui est en charge, et ce à titre exclusif, de la communication financière. Ce dernier peut certes différer la publication d’une information privilégiée s’il estime que ce report n’est pas susceptible d’induire le public en erreur mais il agit dans ce cas, ainsi qu’en dispose tant le règlement MAR que le RGAMF, «’sous sa propre responsabilité’».
67.Or, en l’espèce, l’absence de paiement du dividende à son échéance, qui traduisait l’incapacité financière de MFG d’honorer les échéances de son plan de continuation en dépit de sa modification obtenue peu de temps auparavant, présentait une importance particulière pour le marché dès le lendemain de la date d’exigibilité en raison du risque sérieux que cette défaillance pouvait faire courir sur la pérennité du plan et partant, sur l’avenir de la société.
68.Ce risque s’est au demeurant réalisé, étant observé que le tribunal de commerce de Paris, lorsqu’il a prononcé la résolution du plan de continuation et en conséquence, la liquidation judiciaire de MFG, a fixé au 14 octobre 2014 la date de la cessation des paiements.
69.Il n’y a donc pas lieu d’accueillir les moyens présentés.
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3. Sur l’imputabilité du manquement à M. [Y]
70.M. [Y] conteste que le manquement de MFG puisse lui être imputé, car l’article 17 du règlement MAR, dont l’application rétroactive in mitius est revendiquée, ne vise que les émetteurs, les personnes agissant pour leur nom ou pour leur compte n’étant visées qu’à l’article 17.8, et aucune disposition ne renvoie expressément au droit national la question de l’imputabilité du manquement en cause. En outre, M. [Y] conteste l’interprétation de l’article 30 du règlement MAR, retenue par la décision attaquée, selon laquelle il s’infère de cet article que les doits nationaux peuvent prévoir un mécanisme d’imputabilité aux dirigeants du manquement en cause, non prévu par le règlement lui-même. En cas de doute, il demande de saisir la CJUE d’une question préjudicielle sur ce point.
71.À titre subsidiaire, il demande que soit posée au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 14 septembre 2016 ayant modifié l’article 223-2 du RGAMF pour tirer les conséquences de l’article 17 du règlement MAR, directement applicable.
72.L’AMF répond que la Cour de cassation a déjà statué sur la question de l’éventuelle contrariété au règlement MAR des dispositions de l’article 223-2 du RGAMF, et a dit possible, sous l’empire du règlement MAR, d’imputer un manquement aux personnes physiques participant à la décision de la personne morale.
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Sur ce, la Cour’:
73.Les dispositions de l’article 17 du règlement MAR, qui est entré en application le 3 juillet 2016, ne prévoient pas la responsabilité personnelle du dirigeant, personne physique, d’une personne morale à raison des manquements, par cette dernière, à ses obligations de publications d’informations privilégiées (Com. 14 novembre 2018, pourvoi n° 16-22.845).
74.Toutefois, le considérant 40 du règlement, en lien notamment avec l’article 17 du règlement, précise :
« Afin de garantir la responsabilité tant de la personne morale que de toute personne physique participant à la prise de décision de la personne morale, il est nécessaire de reconnaître les différents mécanismes juridiques nationaux des États membres. Ces mécanismes devraient concerner directement les méthodes d’imputation de la responsabilité dans le droit national ».
75.En outre, l’article 30, paragraphes 1 et 2, du règlement énonce que « les États membres, conformément à leur droit national, font en sorte que les autorités compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et autres mesures administratives appropriées en ce qui concerne au moins [certaines] violations », au rang desquelles figurent les violations de l’article 17, paragraphes 1, 2, 4, 5 et 8, et à ce titre, « aient le pouvoir d’infliger au moins [certaines] sanctions administratives et de prendre [certaines ]mesures administratives ». L’article 30, paragraphe 2, sous i), ii) et j), ii), précise qu’en cas de violation, notamment, de l’article 17, les sanctions pécuniaires administratives s’élèvent à un montant maximum d’au moins 1 000 000 euros, « s’il s’agit d’une personne physique », et de 2 500 000 euros ou 2% du chiffre d’affaires annuel total « s’il s’agit d’une personne morale ».
76.Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que si l’article 17 du règlement MAR n’impose pas aux États membres d’imputer au dirigeant d’un émetteur la violation par celui-ci des obligations de publications d’informations privilégiées, ce règlement ne s’oppose nullement à ce que les États membres le prévoient dans leur droit national, étant précisé que l’objectif de cet règlement n’est pas d’être exhaustif, mais, comme l’indique son considérant 4, de « mettre en place un cadre plus uniforme et plus fort, en vue de préserver l’intégrité du marché ».
77.Il s’ensuit que le règlement MAR n’a pas instauré de règles d’imputabilité moins sévères pour les dirigeants que celles qui étaient prévues par l’article 221-1 du RGAMF, dernier alinéa, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits et qui est restée en l’état en l’absence de contrariété avec le règlement MAR.
78.Dès lors, il convient de rejeter le moyen sans qu’il ait lieu de poser de questions préjudicielles à la Cour de justice ou à la juridiction administrative.
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II. SUR LE MANQUEMENT RELATIF A LA COMMUNICATION D’UNE INFORMATION INEXACTE OU TROMPEUSE IMPUTE À MFG ET M. [Y]
1. Sur l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence
79.MFG souligne que le paragraphe de la notification du grief qui porte sur les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du RGAMF, n’utilise pas le conditionnel, ce qui constituerait pour ce grief également une atteinte à la présomption d’innocence privant la décision attaquée de base légale.
80.M. [Y] s’associe à ce moyen.
81.L’AMF en conteste le bien fondé.
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Sur ce, la Cour’:
82.Les notifications de griefs adressées à MFG et à M. [Y] le 28 septembre 2017 sont rédigées de la manière suivante :
«’Les investigations diligentées par la Direction des enquêtes de l’AMF ont permis de constater que dès le 14 octobre 2014, l’information relative au non paiement par MFG du quatrième dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, le 13 octobre 2014, était susceptible de constituer une information privilégiée au sens de l’article 621-l du RGAMF dans la mesure où cette information était’:
‘ précise : le non~paiement par MFG de la quatrième échéance du plan de continuation à sa date d’échéance était susceptible d’entraîner la résolution du plan de continuation et l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à rencontre de la société ; il était dès lors possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet sur le cours du titre, en l’occurrence négatif ;
‘ susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre MFG : un investisseur raisonnable, ayant eu connaissance du non-paiement de l’échéance et des risques inhérents à ce non-paiement aurait pu utiliser cette information comme fondement de sa décision de désinvestir ;
‘ non publique jusqu’au 27 avril 2015, date à laquelle MFG a publié un communiqué expliquant que la quatrième annuité du plan de redressement normalement due en octobre 2614 n’avait pu être honorée à bonne date.
Or, l’information relative au non-paiement du quatrième dividende du plan de continuation à sa date d’échéance a été diffusée par MFG le 27 avril 2015, alors que cette information pourrait avoir présenté les caractéristiques d’une information privilégiée dès le 14 octobre 2014.
Il ressort par ailleurs des investigations diligentées par la Direction des enquêtes de l’AMF que les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF précité, reprises à l’article 17 paragraphe 4 du Règlement MAR, pour bénéficier de la dérogation à l’obligation de publier dès que possible toute information privilégiée, n’étaient pas en l’espèce remplies.
Dans ces conditions, en ayant attendu jusqu’au 27 avril 2015 pour communiquer l’information relative au non-paiement du quatrième dividende du plan à sa date déchéance, MFG pourrait avoir manqué à son obligation de communiquer clés que possible une information privilégiée, ce qui est susceptible de constituer un manquement aux dispositions de l’article 223-2 du RGAMF.’».
83.Ce moyen conteste l’emploi du conditionnel dans une phrase (3ème alinéa précité) rédigée dans des termes identiques à celle précédemment critiquée, Pour les raisons exposées aux paragraphes 40 et suivants du présent arrêt, auxquels la cour renvoie, ce moyen ne peut prospérer.
84.Ce moyen d’annulation doit donc être écarté.
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2. Sur l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR et la violation alléguée des droits de la défense
85.MFG fait valoir que la notification de griefs fonde le grief relatif à la qualité de l’information diffusée à l’occasion des communiqués de presse des 29 décembre 2014 et 20 février 2015 sur les articles 223-1 et 632-1 du RGAMF et que la Commission des sanctions, conformément à la pratique suivie par la chambre, a retenu l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR. MFG considère que cette «’auto-saisine’» aurait privé les parties de la possibilité de développer une défense fondée sur le droit européen et serait donc attentatoire aux droits de la défense.
86.M. [Y] s’associe à ce moyen.
87.L’AMF répond que la Commission des sanctions a fait une application combinée des dispositions des articles 223-1 et 623-1 du RGAMF et 12.1 c) du règlement MAR. La formulation des faits et des qualifications fondant l’accusation ‘ qui n’est pas contestée en l’espèce ‘ est suffisante pour s’assurer de la pleine compréhension par MFG des griefs portés contre elle, étant observé que la notification des griefs avait identifié en note en bas de page les dispositions du règlement MAR qui s’ajoutaient aux textes fondant le grief à compter du 3 juillet 2016. L’application de ces dispositions moins sévères par la Commission des sanctions est favorable au mis en cause et ne saurait donc lui faire grief.
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Sur ce, la Cour’:
88.L’article 223-1 du RGAMF, en vigueur au moment des faits et resté inchangé depuis, dispose que «'(l)’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et sincère’».
89.Selon l’article 632-1, alinéa 1, du RGAMF en vigueur à l’époque des faits, «'(t)oute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers ou sur des produits de base, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses’».
90.L’article 12.1 c) du règlement MAR entré en application postérieurement aux faits dispose qu’ «’aux fins du présent règlement, la notion de ‘manipulation de marché’ couvre les activités suivantes : / c) diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier [‘], ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers [‘], alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que ces informations étaient fausses ou trompeuses’».
91.Le règlement MAR étant d’application directe, l’arrêté du 14 septembre 2016 procède essentiellement à des abrogations et emporte notamment suppression de l’ensemble du livre VI du RGAMF sur les abus de marché, en ce compris l’article 632-1 sus-visé.
92.Il est constant que l’article 12.1 c) du règlement MAR est plus restrictif que les articles 223-1 et 632-1 du RGAMF, puisque la diffusion d’informations seulement imprécises ou inexactes ne peut plus caractériser le manquement, lequel ne sera constitué qu’en cas d’indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier, ou lorsque ces indications fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers. Il doit donc en être fait application de façon rétroactive.
93.La notification des griefs portait sur un manquement de diffusion d’informations tant inexactes que trompeuses, de sorte que le visa des anciennes dispositions du RGAMF au lieu et place de celles, plus douces, du règlement MAR n’a pas pu porter atteinte aux droits de la défense de MFG et de M. [Y] et ce d’autant que ces derniers ont pu faire valoir leurs arguments sur les critères constitutifs du manquement tirés des dispositions du règlement MAR dans leur réponse au rapport du rapporteur, qui recommandait à la Commission des sanctions d’appliquer rétroactivement les dispositions plus restrictives du règlement MAR.
94.Il s’en suit que ce moyen d’annulation doit être rejeté.
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3. Sur la responsabilité de M. [Y]
95.À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a retenu, aux paragraphes 95 à 135 de la décision attaquée auxquels la cour renvoie, et sans que la materialité de ce manquement ne soit contesté, que le lecteur infère de la formulation du communiqué de presse du 29 décembre 2014 que grâce au soutien réitéré de façon formelle par Jekiti Mar Capital, le respect des échéances de paiement des dividendes du plan de continuation ne présentait à cette date aucune difficulté particulière, et ce alors que MFG n’avait pas payé le quatrième dividende, lequel était exigible depuis 2 mois et 16 jours et lui avait été expressément réclamé. Le communiqué de presse du 20 février 2015 fait ensuite état d’une «’tendance positive sur l’année 2014’», et des éléments relatifs à l’évolution de l’activité de MFG sur 2015, sans mentionner les très graves difficultés de trésorerie rencontrées à cette date, qui mettaient cette société cotée dans l’incapacité de faire face à ses différentes échéances. La Commission a retenu que ces indications étaient trompeuses et ont été de nature à fixer le cours de ses titres à un niveau supérieur à ce qu’il aurait été en l’absence de telles indications.
96.M. [Y] critique la décision, en ce qu’elle a retenu que le manquement de MFG fondé sur l’article 223-1 du RGAMF et l’élément constitutif supplémentaire de l’article 12.1 c) du règlement MAR lui était imputable, alors qu’un tel mécanisme d’imputabilité ne serait plus possible depuis l’entrée en vigueur du règlement MAR. Il considère, à titre subsidiaire, que l’article 223-1 du RGAMF aurait du être abrogé et demande que soit posé au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 14 septembre 2016.
97.L’AMF fait valoir que la Commission des sanctions a considéré à bon droit que le règlement MAR n’avait pas modifié le régime applicable aux dirigeants du manquement en cause, étant observé qu’il a déjà été statué en ce sens par l’AMF et la cour d’appel, cette question n’étant pas nouvelle. Elle ajoute que la Commission a caractérisé le fait que M. [Y] a commis à titre personnel ce manquement, sans recourir à un mécanisme d’imputabilité.
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Sur ce, la Cour’:
98.Ainsi qu’il a déjà été exposé, le manquement résulte de l’application combinée de l’article 223-1 du RGAMF, en vigueur au moment des faits et resté inchangé depuis, de l’article 632-1 du RGAMF en vigueur à l’époque des faits et abrogé par l’arrêté du 14 septembre 2016 et de l’article 12.1 c) du règlement MAR, d’application directe.
99.Ces dispositions sont applicables tant aux personnes morales qu’aux dirigeants de l’émetteur, l’article 632-1 du RGAMF visant en effet «’toute personne’».
100.L’article 221-1 2° du RGAMF dispose par ailleurs que «'[‘] / 2° le terme’: ‘personne’ désigne une personne physique ou une personne morale. / Les dispositions du présent titre [titre II du livre II du règlement général de l’AMF qui comprend l’article 223-1 sur le fondement duquel a également été notifié le grief] sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée’».
101.L’article 12.4’du règlement MAR édicte enfin que «'(l)orsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée’». Cette disposition prévoit ainsi expressément, en matière de manipulation de marché définie à l’article 12.1 c) du règlement MAR, une possible application aux dirigeants.
102.En l’espèce, M. [Y], dirigeant de MFG, l’émetteur, ne conteste pas avoir eu connaissance des difficultés de sa société et avoir personnellement participé à l’élaboration du communiqué de presse en cause du 29 décembre 2014, ainsi que le démontrent les échanges de courriels sur ces sujets versés au dossier (annexe 4-4 du rapport des enquêteurs).
103.Les règles étant restées inchangées sur ce point, le moyen soulevé par M. [Y] relatif à l’impossibilité de lui imputer le manquement en cause en raison de l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR, doit être écarté.
104.Les conditions d’une saisine préjudicielle du Conseil d’État ne sont pas réunies, la question de la responsabilité de M. [Y] du manquement ne soulevant, sous l’empire tant de la règle ancienne que de la règle nouvelle, aucune difficulté sérieuse.
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III. SUR LE MANQUEMENT D’INITIÉ IMPUTÉ À M. [Y] ET À JEKITI MAR CAPITAL
105.La décision attaquée a retenu que la première information, relative à l’absence de paiement par MFG du quatrième dividende à sa date d’échéance était privilégiée à compter du 14 octobre 2014, et la deuxième information, celle relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation, l’était au 23 février 2015.
106.Elle a sanctionné Jekiti Mar Capital et son dirigeant M. [K] [Y] pour avoir utilisé ces deux informations en procédant à deux opérations de cession d’actions MFG les 24 et 26 février 2015, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.
107.Les auteurs du recours, qui ne critiquent pas la décision attaquée en ce qu’elle a retenu que les informations précitées avaient un caractère privilégié en raison de leur caractère précis, non public et sensible, et en ce qu’elle a caractérisé la détention de la première information par M. [Y], contestent uniquement :
‘ la détention de la seconde information privilégiée par M. [Y] ;
‘ l’utilisation indue des informations privilégiées par M. [Y] ;
‘ l’imputabilité du manquement à Jekiti Capital.
108.La cour renvoie en conséquence aux paragraphes 166 à 175 de la décision attaquée concernant le caractère privilégié des deux informations en cause.
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1. Sur la détention des informations privilégiées par M. [Y]
109.M. [Y] fait valoir, s’agissant de la seconde information, que le fait que l’opération de cession du 24 février 2015 soit intervenue la veille de la réception par MFG de la lettre du commissaire à l’exécution du plan l’informant du dépôt de sa requête constitue un indice divergent rendant équivoque le rapprochement d’autres indices de nature à établir les faits litigieux.
110.Il relève d’autre part que les deux opérations de cession n’ont porté que sur 0. 8’% du capital et 1, 66’% du portefeuille détenu par Jekki Mar Captial et qu’il n’est pas établi de manière certaine que l’information privilégiée ait une quelconque influence sur sa décision de vendre, pour le compte d’un tiers, des actions MFG.
111.L’AMF se réfère en réponse aux paragraphes aux paragraphes 183 à 185 de la décision critiquée et souligne qu’il a été fait application d’une jurisprudence constante aux termes de laquelle, à défaut de preuve directe, la détention et l’utilisation d’une information privilégiée peuvent être établies par un faisceau d’indices graves, précis et concordants, dont il résulte que seule cette détention permet d’expliquer les opérations auxquelles les personnes mises en cause ont procédé.
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Sur ce, la Cour’:
112.Concernant la détention de l’information relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, il n’est pas contesté qu’à la date des opérations de cession, intervenues les 24 et 26 février 2015, M. [Y], en sa qualité de président-directeur général de MFG à l’époque des faits et compte tenu du rôle actif qu’il jouait dans la communication financière de la société, détenait l’information relative à l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, ainsi que l’a relevé la décision attaquée au § 177.
113.Concernant la détention de l’information relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation le 23 février 2015, il est établi que le commissaire à l’exécution du plan, a signé le 23 février 2015 une requête aux fins de solliciter la résolution du plan de continuation. Il a, le même jour, adressé un pli recommandé avec accusé de réception à MFG l’informant du dépôt de cette requête. Le pli recommandé a été réceptionné par MFG le 25 février 2015.La requête a été déposée au tribunal de commerce le lendemain, jour de la première opération de cession.
114.Il ressort du dossier que les ordres afférents aux deux opérations de cession litigieuses ont été passés, d’une part, le 24 février 2015 à 12h07 (cession de 1 million de titres pour 50 000 euros), d’autre part, le 26 février 2015 à 14h54 (cession de 500 000 titres pour 25 000 euros).
115.S’agissant de cette seconde opération, il résulte des pièces de la procédure que M. [Y] a transmis le 26 février 2015 à 11h55 par courriel au directeur général délégué de MFG en charge de la communication financière de la société la convocation devant le tribunal de commerce de Paris en vue de l’audience du 18 mars relative à la demande de résolution du plan.
116.Il est également établi, comme l’a relevé la décision attaquée au §179, que le même jour, à 14h30, celui-ci répondait en ces termes au courriel de M. [Y] :
« À la lecture de vos deux derniers mails de ce jour et des courriers de Me [B] et de la prochaine convocation de Montaigne en date du 18 mars, il convient d’urgence de demander la suspension du cours de bourse de la société ».
117.C’est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu que lors de la deuxième opération de cession, qui a été ordonnée le même jour à 14h54, M. [Y] détenait l’information privilégiée relative au dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation.
118.S’agissant de la première opération, si aucune preuve directe relative à la détention, le 24 février 2014, par M. [Y] et Jekiti Mar Capital, de l’information privilégiée relative au dépôt de la requête aux fins de résolution du plan ne figure au dossier, il doit cependant être constaté l’existence d’un faisceau d’indices précis et concordants, dont il résulte que seule cette détention permet d’expliquer les opérations qui ont été effectuées.
119.Tout d’abord, cette première opération, effectuée le 24 février à 12h07, est strictement contemporaine de la requête en résolution du plan déposée le 23 février et de son dépôt au tribunal de commerce le 24 février.
120.La cession présente, en outre, un caractère atypique. Jekiti Mar Capital n’avait en effet jamais cédé ses titres MFG, à l’exception de l’opération effectuée hors marché le 18 février 2014 au profit de la société Financière du Ph’nix prévue dans le cadre des accords contractuels liés à l’entrée au capital de MFG de cette dernière. Jekiti Mar Capital n’avait en outre pas fait part d’une quelconque volonté de se désengager de cette société, dont elle était l’actionnaire principal.
121.Enfin, le commissaire à l’éxécution du plan a affirmé lors de son audition par les enquêteurs qu’ «’il est probable qu’un échange oral annonçant l’envoi de cette requête [aux fins de résolution du plan] ait eu lieu avec un conseil ou le dirigeant’», de sorte qu’il existe un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée entre le commissaire à l’exécution du plan et M. [Y].
122.L’existence de celui-ci est d’autant plus probable que les pièces du dossier démontrent des échanges réguliers entre MFG dont M. [Y] est le dirigeant et ses conseils d’une part, et la SCP Thévenot d’autre part, au sujet notamment du paiement du quatrième dividende et des négociations afférentes à la cession du droit au bail. Lors de son audition par le rapporteur, M. [Y], par la voie de son conseil, tout en réfutant tout lien de causalité avec la cession, n’a pas non plus contesté que Me'[B] ait pu informer le conseil de MFG du dépôt de la requête avant la réception par MFG du courrier officiel le 25 février 2014.
123.Ces trois éléments constituent un faisceau d’indices graves, précis et concordants que M. [Y] détenait l’information privilégiée relative au dépôt de la requête en résolution du plan de continuation dès la première des deux cessions litigieuses, le 24 février 2014 à 12h07.
1241.La circonstance qu’il se soit agi d’un nombre limité d’actions eu égard au portefeuille de participation de Jekiti Mar Capital est sans portée utile s’agissant de l’identification des détenteurs de l’information privilégiée.
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2. Sur l’utilisation indue des informations privilégiées par M. [Y]
125.M. [Y] soutient que le produit des cessions a été réinvesti par Jekiti Mar Capital dans MFG afin de régler des dettes urgentes de MFG, notamment le loyer d’une boutique dans un contexte de mise en jeu de la clause résolutoire au 10 mars 2014, de sorte qu’il n’aurait pas utilisé les informations privilégiées de façon indue. Il évoque aussi la nécessité de financer les besoins quotidiens en trésorerie. Il souligne que Jekiti Mar Capital était en l’espèce débitrice d’une obligation de soutien financier et qu’elle devait «’tenir’» jusqu’au 16 mars 2015, date à laquelle le compte de sa société mère, la société civile Jekiti Mar, devait être crédité du montant de sa quote part de la distribution exceptionnelle de réserves effectuée par la SAS DMC, dont la société civile possédait 29, 4 % des titres.
126.Jekiti Mar Capital s’associe à ces moyens.
127.L’AMF répond que l’absence d’utilisation indue, dans l’hypothèse du réinvestissement du produit des cessions litigieuses au bénéfice de MFG, nécessite de démontrer l’impossibilité absolue de reporter ces cessions litigieuses ainsi que le caractère strictement nécessaire de celles-ci, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort de la distribution de réserves au bénéfice de Jekiti Mar Capital votée le 27 février 2015 par la société DMC d’un montant de 450’300 euros, soit le lendemain de la seconde cession litigieuse, la décision ayant été prise suite à une consultation écrite des associés relative au projet de fusion entre MFG et DMC ‘; de l’apport en compte courant de Jekiti Mar Capital, postérieurement aux cessions de la somme cumulée de 217’335 euros du 24 février 2015 au 23 juin 2015′; du courrier du 16 mars 2015 adressé au commissaire à l’exécution du plan dans le cadre de l’audience devant le Tribunal de commerce du 18 mars 2015, aux termes duquel Jekiti Mar Capital s’engage à apporter à MFG une avance en compte courant égale au montant du quatrième dividende du plan de continuation, soit 322 832,31 euros, dans l’hypothèse où les banques bénéficiaires d’un nantissement ne donneraient pas leur accord à la cession du droit au bail de MFG.
128.Elle fait en outre valoir que Jekiti Mar Capital disposait de fonds conséquents pour soutenir MFG, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des cessions d’actions MFG.
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Sur ce, la Cour’:
129.Les articles 622-1 et 622-2 du RGAMF, en vigueur au moment des faits et abrogés par l’arrêté du 14 septembre 2016, imposent aux personnes morales et aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le compte de la personne morale de «’s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée ‘[détenue] en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. ».
130.Il est constant que les dispositions de l’article 8 et 14 du règlement MAR, qui définissent les opérations d’initié en des termes équivalents aux dispositions précitées, ne sont pas moins sévères que ces dernières et ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.
131.L’article 622-2 du RGAMF précise que «’les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de :
1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ;
2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ;
(…)
Lorsque la personne mentionnée au présent article est une personne morale, ces obligations d’abstention s’appliquent également aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le compte de la personne morale en question.’».
132.Il résulte des pièces du dossier que les ordres de vente relatifs aux deux cessions de titres MFG litigieuses ont été passés pour le compte de Jekiti Mar Capital par l’épouse de M. [Y] sur instruction de ce dernier, comme l’a confirmé celui-ci lors de son audition par les enquêteurs.
133.M. [Y], tant en sa qualité de président directeur-général de MFG qu’en sa qualité de gérant Jekiti Mar Capital, société membre du conseil d’administration de MFG et qui détient une participation dans le capital de l’émetteur, est un initié primaire,’de sorte qu’il est, en vertu de la jurisprudence issue de l’arrêt Spector de la CJUE du 23 décembre 2009, présumé avoir utilisé indûment, pour le compte de Jekiti Mar Capital, les informations privilégiées lors des cessions de titres MFG litigieuses.
134.Dès lors, il appartient à la personne mise en cause, pour renverser cette présomption, de démontrer qu’elle n’a pas fait une utilisation indue de cette information privilégiée.
135.L’article 622-1 du RGAMF édictant une obligation d’abstention, il revient aux auteurs du recours d’établir que Jekiti Mar Capital se trouvait, compte tenu des besoins urgents de liquidités de MFG pour apurer sa dette de loyer, objet du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 10 février 2015, dans l’impossibilité absolue de reporter les opérations litigieuses jusqu’à ce que les informations privilégiées soient rendues publiques.
136.Or la cour constate que Jekiti Mar Capital a viré le 26 février 2015 la somme de 50’000 euros, soit le montant quasiment exact du produit de la cession du 24 février, à son actionnaire unique la société civile Jekiti Mar. Le produit de la cession des titres MFG sur le marché n’a donc pas été affecté immédiatement par Jekiti Mar Capital à MFG.
137.Si Jekiti Mar Capital a apporté des fonds en compte-courant à MFG dans les deux semaines suivant les cessions litigieuses pour un montant total 94’900 euros, ces apports ont été faits de façon échelonnée sans qu’aucun d’entre eux ne soit d’un montant équivalent au fruit de la cession : 500 euros le 26 février 2015′; 9 800 euros le 5 mars 2015′; 27’500 euros le 6 mars 2015 et 45’100 euros le 10 mars 2015. Ces apports en compte courant de Jekiti Mar Capital à MFG s’inscrivaient de surcroît dans la continuité des apports antérieurs et se sont poursuivis ultérieurement, sans que Jekiti Mar Capital ne procède à de nouvelles cessions de titres MFG.
138.Il doit être relevé, enfin, que la société civile Jekiti Mar Capital disposait d’un compte bancaire qui, au 23 février 2015, soit un jour avant la première des cessions litigieuses, présentait un solde créditeur de 69’343 euros couvrant largement le montant du loyer (de 51’321 euros) impayé de la boutique de la rue de [Localité 15] dont le bail commercial était susceptible d’être résilié. Les cessions litigieuses n’étaient donc pas nécessaires à financer le paiement de ce loyer.
139.Ne sont donc démontrés ni le caractère nécessaire des cessions litigieuses en vue de soutenir MFG, ni l’impossibilité absolue pour Jekiti Mar Capital de reporter les cessions litigieuses, de sorte que la présomption d’utilisation indue des informations privilégiées par M. [Y] pour le compte de Jekiti Mar Capital n’est pas renversée. C’est donc à juste titre que la Commission des sanctions a retenu queM.[Y] a manqué à l’obligation d’abstention qui s’imposait à lui en application de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF en intervenant sur le titre MFG, pour le compte de Jekiti Mar Capital lors des opérations de cession des 24 et 26 février 2015.
140.Il s’en suit que les moyens de M. [Y], auxquels s’associe Jekiti Mar Capital, doivent être rejetés.
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3. Sur l’imputabilité du manquement à Jekiti Capital
141.Jekiti Mar Capital fait valoir qu’il n’est pas démontré qu’à la date des deux opérations litigieuses, elle avait été rendue personnellement destinataire de l’information privilégiée.
142.L’AMF répond, précédents à l’appui, que le manquement d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée est également imputable à la société pour le compte de laquelle il a été commis. Elle observe que ne pas pouvoir sanctionner la personne morale alors que celle-ci est la seule bénéficiaire économique du manquement reviendrait à affaiblir significativement l’efficacité de la répression du manquement d’initiés.
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Sur ce, la Cour’:
143.L’article 622-1 du RGAMF dispose que «’toute personne’ mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient (…) en cédant (…), pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement’» les titres auxquels se rapporte cette information.
144.Ainsi qu’il vient d’être démontré, M.[Y], en intervenant sur le titre MFG, a manqué à l’obligation d’abstention qui s’imposait à lui en application de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF et a, en ordonnant à son épouse de passer les ordres litigieux, utilisé une information privilégiée pour le compte d’autrui.
145.Il s’en déduit que le manquement de M. [Y], qui a agi pour le compte de Jekiti Mar Capital dont il était le gérant en ordonnant à son épouse de passer les ordres litigieux, est également imputable à la société qui a procédé aux cessions sur ordre de son gérant, lequel était détenteur des informations privilégiées du fait de ses fonctions au sein de MFG.
146.Le moyen de Jekiti Mar Capital doit donc être rejeté.
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IV. SUR LE DÉFAUT DE DÉCLARATION DES OPÉRATIONS DE CESSION IMPUTÉS À M. [Y] ET À JEKITI MAR CAPITAL
1. Sur le manquement de Jekiti Mar Capital
147.La décision attaquée a sanctionné Jekiti Mar Capital pour ne pas avoir déclaré auprès de l’AMF les opérations de cessions d’actions MFG en date des 18 février 2014, 24 février 2015 et 26 février 2015 auxquelles elle a procédé alors qu’elles excédaient le seuil de l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, en méconnaissance des dispositions des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, ce manquement étant imputable à M. [Y], en vertu de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.
148.Jekiti Mar Capital conteste que le manquement lui soit imputable au motif qu’elle n’a pas agi dans l’intérêt de M. [Y] au sens du 4° a) de l’article R. 621-43 du code monétaire et financier.
149.M. [Y] s’associe à ce moyen.
150.L’AMF répond que si la personne morale est dirigée personnellement par un des dirigeants de la société cotée (c’est-à-dire par une des «’personnes mentionnées aux a) et b) de l’article L.621-18-2’» du code monétaire et financier), le lien étroit est caractérisé de jure. Elle souligne qu’il ressort des précédents relatifs à des dirigeants de sociétés cotées faisant des opérations sur les titres de celles-ci que les décisions ne se sont jamais référées aux termes «’et agissant dans l’intérêt de l’une de ces personnes’».
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Sur ce, la Cour’:
151.L’article L.621-18-2, I du code des marchés financiers, en vigueur au moment des faits et non modifié postérieurement sur ce point, énumère ainsi qu’il suit les personnes tenues aux obligations de déclaration :
« a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;
b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers a, d’une part, au sein de l’émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d’autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;
c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b’».
152.L’article R.621-43-1 du même code, pris en application, énumère les conjoint, enfants et parents ou alliés (1° à 3°), au titre des personnes ayant des liens personnels étroits avec les dirigeants’au sens du c) de l’article L.621-18-2, et poursuit en son 4° :
«’4° Toute personne morale ou entité, autre que la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L.621-18-2, constituée sur le fondement du droit français ou d’un droit étranger, et :
a) Dont la direction, l’administration ou la gestion est assurée par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L.621-18-2 ou par l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3° et agissant dans l’intérêt de l’une de ces personnes ;
b) Ou qui est contrôlée, directement ou indirectement, au sens de l’article L.233-3 du code de commerce, par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L.621-18-2 ou par l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3°’».
153.En tant que président directeur-général de MFG à l’époque des cessions, M. [Y] est une personne mentionnée au a) de l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier.
154.Au moment des interventions litigieuses sur le titre MFG, M. [Y] était concomitamment gérant de Jekiti Mar Capital, de sorte que la direction de cette dernière était assurée par une des personnes mentionnées au a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier.
155.Il s’ensuit que Jekiti Mar Capital était, par application du c) de l’article L.621-18-2 de ce code, une «’personne ayant des liens personnels étroits avec une des personnes mentionnées au a)’».
156.Or aux termes du 4° a) de l’article R.621-43-1 du code monétaire et financier, l’existence d’un lien étroit avec un des dirigeants énumérés au a) de l’article L.621-18-2 du même code est la seule condition posée.
157.L’expression «’agissant dans l’intérêt d’une de ces personnes’» constitue en effet une condition supplémentaire qui ne doit être réunie, contrairement à ce qu’allègue Jekiti Mar Capital, que dans la seconde hypothèse, introduite par le mot «’ou’», prévue par le 4° a) de cet article. Cette dernière vise les personnes morales dirigées par les personnes mentionnées aux 1, 2° ou 3° de cet article, soit des membres de la famille du dirigeant. Dans ce cas, mais dans ce cas seulement, une double condition, introduite par la conjonction de coordination «’et’», est prévue.
158.Jekiti Mar Capital est dirigée par M. [Y], président-directeur général de MFG et est donc une personne morale «’dont la direction, l’administration ou la gestion est assurée par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L.621-18-2’». C’est en conséquence à bon droit que la Commission des sanctions n’a pas recherché en l’espèce si Jekiti Mar Capital agissait dans l’intérêt de M. [Y].
159.Il s’en déduit qu’en application du I) c) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, Jekiti Mar Capital était tenue de déclarer à l’AMF les opérations qu’elle a réalisées sur le titre MFG, dans les 5 jours de négociation à compter de leur réalisation.
160.Les moyens de Jekiti Mar Capital, auxquels s’associe M. [Y], sont donc dépourvus de fondement, et doivent être rejetés.
2. Sur l’imputabilité du manquement à M. [Y]
161.M. [Y], fait valoir que l’article 223-22 du RGAMF, qui prévoyait l’obligation de déclaration, a été supprimé par l’arrêté du 14 septembre 2016.
162.L’AMF répond que l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article 223-22-A du RGAMF, prévoit l’obligation de déclaration à l’AMF des opérations mentionnées à l’article 19 du règlement MAR.
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Sur ce, la Cour’:
163.Depuis l’entrée en vigueur du règlement MAR, l’obligation de déclaration n’est plus prévue au titre II «’information périodique et permanente’» du livre II du RGAMF mais à l’article 19 de ce règlement, auquel renvoie le premier alinéa de l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier.
164.L’article 221-1 du RGAMF disposait à l’époque des faits, et dispose toujours, qu’«’au sens (de ce) titre (…) le terme «’personne’» désigne une personne physique ou une personne morale’».
165.Ces dispositions s’appliquent, par renvoi de l’article 223-22-A du RGAMF inséré dans le titre II, à l’obligation de déclaration prévue à l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier relative aux transactions mentionnées à l’article 19 du règlement MAR.
166.Ainsi qu’il a déjà été exposé paragraphe 74 du présent arrêt, le fait que le règlement MAR ne prévoit pas lui-même un dispositif d’imputabilité aux dirigeants pour les manquements qui y sont prévus n’interdit pas au droit national de prévoir un tel mécanisme d’imputabilité.
167.Il s’en déduit que sont applicables en l’espèce les dispositions de l’article 221-1 du RGAMF qui permettaient au moment des faits, et permettent toujours suite à l’entrée en vigueur du règlement MAR, dans la limite du seuil fixé à l’article 30(2)(i)(iii) du règlement soit un million d’euros, de sanctionner les dirigeants personnes physiques lorsque la personne morale n’a pas respecté ses obligations en matière de déclaration d’opérations de cessions.
168.C’est donc de façon fondée que la Commission des sanctions, après avoir constaté que M. [Y] était gérant de Jekiti Mar Capital à la date des opérations, a décidé que le manquement résultant du défaut de déclaration de ces transactions lui était imputable.
169.Les moyens de M. [Y] doivent être rejetés.
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V. SUR LA SANCTION
170.L’article L.621-15, III ter, du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016 applicable de manière rétroactive, dispose que « dans la mise en ‘uvre des sanctions (…), il est tenu compte notamment :
‘ de la gravité et de la durée du manquement ;
‘ de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ;
‘ de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ;
‘ de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ;
‘ des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ;
‘ du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ;
‘ des manquements commis précédemment par la personne en cause ;
‘ de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ».
171.La décision attaquée a prononcé une sanction pécuniaire de 90 000 euros à l’encontre de MFG, de 75 000 euros à l’encontre de Jekiti Mar Capital et de 250 000 euros à l’encontre de M. [Y], après avoir relevé les éléments d’individualisation permettant d’arrêter ces différents montants.
1. Sur la sanction prononcée à l’encontre de Jekiti Mar Capital
172.Jekiti Mar Capital conteste toute économie de perte au motif que le produit de la cession a été réinvesti sous forme d’apports en compte courant dans MFG et que cette somme a été définitivement perdue du fait de la liquidation judiciaire de MFG. Elle reproche aussi à la Commission des sanctions de s’être fondée sur le dernier bilan certifié de la société à la date de la décision. Elle fait valoir la nécessaire prise en compte d’éléments actualisés.
173.L’AMF répond que le chiffrage du montant de l’économie de perte tirée de l’opération litigieuse soit 75 000 euros est indépendant de l’affectation de ladite somme. Elle souligne qu’il a été tenu compte, dans la détermination de la sanction, des apports effectués par Jekiti Mar Capital au bénéfice de MFG. Elle s’étonne enfin que Jekiti Mar Capital ait perdu près de 400 000 euros de disponibilités durant la période correspondant à l’instruction du dossier de sanctions, soit entre le 31 décembre 2017 (date à laquelle la notification de griefs avait été notifiée) et le 31 décembre 2018 (soit quelques mois avant la décision de sanction).
* * *
Sur ce, la Cour’:
174.Deux manquements sont retenus à l’encontre de Jekiti Mar Capital, qui a réalisé des cessions en méconnaissance de ses obligations d’abstention d’utilisation d’informations privilégiées et a dissimulé l’existence de ces opérations en ne les déclarant pas à l’AMF.
175.Il ressort des éléments du dossier que le premier manquement a évité la perte de 75’000 euros grâce aux cessions litigieuses. Cette économie de perte a pour corollaire la perte, du même montant, subie par les investisseurs qui ont acquis auprès de Jekiti Mar Capital les actions MFG les 24 et 26 février 2015 sans avoir connaissance des informations privilégiées ayant fondé les opérations de cessions de Jekiti Mar Capital.
176.Ces éléments ont été justement appréciés par la Commission des sanctions, laquelle a également tenu compte, pour déterminer le montant de la sanction, de la situation personnelle de Jekity Mar Capital et notamment des apports en compte courant effectués à MFG postérieurement aux cessions litigieuses en vue de la soutenir financièrement et qui ont été perdus en raison de la liquidation de MFG, atteignant une somme de près de 4’500’000 euros, comptabilisée au crédit de son compte courant associé.
177.Pour apprécier la situation financière de la société, la Commission des sanctions a encore relevé au paragraphe 248 de la décision attaquée que les comptes sociaux de Jekiti Mar Capital au 31 décembre 2017 faisaient apparaître une perte de 30’851 euros’et des disponibilités à hauteur de 420’796 euros.
178.La production le jour de la séance devant la Commission des sanctions d’une capture d’écran d’un compte bancaire professionnel ouvert au Crédit Mutuel de Strasbourg et mentionnant un solde créditeur de 22 043,19 euros au 21 mars 2019 ne peut suffire à démontrer que la trésorerie dont disposerait cette société serait désormais substantiellement réduite. Aucun élément probant n’a au demeurant été produit concernant ses comptes bancaires et son patrimoine mobilier et immobilier établissant une dégradation sensible de sa situation financière. La précision apportée à l’audience, devant la cour, selon laquelle Jekiti Mar Capital aurait pendant l’exercice 2018 remboursé un prêt arrivé échéance n’a en outre été étayée d’aucune offre de preuve.
179.Il est observé, enfin, qu’une somme de 90 197 euros est par ailleurs comptabilisée au poste « actif circulant- autres créances, État, taxes sur le chiffe d’affaires » du dernier bilan produit et que rien n’autorise à penser que cette créance soit douteuse ou irrécouvrable.
180.Compte tenu de ces éléments, le montant de la sanction prononcée à l’encontre de Jekiti Mar Capital est proportionné à la gravité des manquements commis par cette dernière et adapté à sa situation financière telle qu’elle a en justifiée devant la cour.
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* *
2. Sur la sanction prononcée à l’encontre de M. [K] [Y]
181.M. [Y] conteste la gravité des manquements relatifs aux obligations d’information de MFG, au motif que l’absence de paiement du quatrième dividende du plan de continuation résultait d’un arbitrage de MFG en faveur d’une solution alternative passant par la vente du fonds de commerce de la rue de [Localité 15], permettant d’allouer toutes les ressources disponibles à la poursuite de l’activité opérationnelle, ce qui selon lui a «’parfaitement été compris par tout le monde, qu’il s’agisse du public ou des mandataires judiciaires’».
182.Il souligne en outre que sa famille a tenté jusqu’au bout de sauver MFG en multipliant les avances en compte courant financées par leurs ressources personnelles (distributions de DMC au profit de la société civile Jekiti Mar qui leur appartient à 100 %) et par des emprunts bancaires dont son épouse et lui-même se sont portés caution.
183.M. [Y] critique la décision en ce qu’elle a retenu le montant brut et non le montant net de son patrimoine déclaré au titre de l’impôt sur la fortune, étant relevé que l’intéressé n’a qu’une partie de l’usufruit de ce patrimoine.
184.L’AMF renvoie en réponse aux motifs de la décision attaquée, et plus particulièrement au paragraphe 250. Elle considère que M. [Y] ne saurait nier le préjudice occasionné au marché, en général, et aux acquéreurs d’actions MFG auprès de Jekiti Mar Capital, en particulier, du fait de ces dissimulations qui ont abouti à la liquidation judiciaire de la société. Ele fait valoir en outre que lorsqu’elle apprécie la situation financière d’un mis en cause, la Commission des sanctions n’a pas à tenir compte des déductions de nature fiscale qui sont susceptibles de réduire la base imposable.
185.L’AMF souligne enfin que dans son ordonnance du 10 juillet 2019, le magistrat délégué par le premier président a souligné que les seules réserves foncières versées au titre des derniers exercices à une société civile immobilière dont M. [Y] est l’associé majoritaire suffisent à payer le montant de la sanction prononcée par la commission, ce qui illustre le caractère proportionné de la sanction au regard du patrimoine total de l’intéressé.
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Sur ce, la Cour’:
186.Pour déterminer le montant de la sanction prononcée à l’encontre de M. [Y], la Commission des sanctions a tout d’abord tenu compte de la gravité du manquement, en soulignant de façon justifiée que’l’intéressé avait été fortement impliqué dans la communication financière de MFG qui a permis de dissimuler au public la gravité de la situation de cette société. Elle a aussi rappelé à juste titre que le manquement d’initié qu’il a commis pour le compte de Jekiti Mar Capital a permis à cette société, qu’il dirige et contrôle indirectement, de se procurer un avantage indu au détriment des tiers grâce aux informations privilégiées qu’il détenait en sa qualité de président-directeur général, et ce quelques heures seulement avant la suspension de la cotation des actions. M. [Y] a également contribué à la dissimulation de ces opérations du fait de l’absence de déclaration de Jekiti Mar Capital à l’AMF.
187.La gravité du manquement tient, en outre, au fait que le public ne connaissait pas les véritables difficultés de MFG, et notamment son incapacité à payer le quatrième dividende du plan de continuation, en raison de la dissimulation de celles-ci par MFG et ses dirigeants. La durée de cette dissimulation, soit plus de six mois, en accroît l’importance.
188.S’agissant de la situation financière de M. [Y], la Commission des sanctions a retenu que l’intéressé a déclaré en 2017 un revenu fiscal annuel avant déductions de 45’439 euros et un patrimoine d’une valeur de 13’948 345 euros, composé dans sa grande majorité des droits sociaux qu’il détient dans la société civile Jekiti Mar dont, suite à la donation de la nue-propriété à ses enfants, il dispose des 4/5 en usufruit.
189.La critique de M. [Y] quant à la référence au montant brut du patrimoine et non à l’actif net imposable est inopérante dès lors que le montant de la sanction critiquée correspond à moins de 0, 03 % de l’actif patrimonial net imposable (8 742 147 euros en 2017) dont l’intéressé fait état. Il ne peut donc être sérieusement alléguée qu’elle ne serait pas proportionnée à la situation financière de M. [Y].
190.Par ailleurs, la Commission des sanctions a bien tenu compte de la qualité d’usufruitier de l’intéressé, puisqu’il est précisé paragraphe 251 de la décision que ce patrimoine se compose quasi-exclusivement de droits sociaux détenus en usufruit.
191.Il ne peut qu’être observé, en complément, que les bénéfices (295 632 euros en 2017 et 166.130 euros en 2018) de la société civile immobilière Jekiti Mar, dont M. [Y] est l’associé majoritaire, qui figurent sur les déclarations de revenus fonciers communiqués sont d’un montant qui permet à cette société de disposer de réelles réserves foncières.
192.Compte tenu de ces éléments, le montant de la sanction prononcée à l’encontre de M. [Y] a été apprécié de façon adaptée.
193.Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que les sanctions prononcées à l’encontre de MFG, Jekiti Mar Capital et M. [Y] sont justifiées et que les moyens des auteurs du recours portant sur la sanction doivent être rejetés.
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VI. SUR SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES
194.L’AMF, qui n’a formé aucun recours incident contre la décision attaquée, n’est pas une partie lorsqu’elle se borne à présenter des observations dans le cadre du recours formé contre une décision de la Commission des sanctions. Il s’ensuit que les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies.
195.M. [Y], MFG et Jekiti Mar Capital, qui succombent, seront condamnés aux dépens.
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PAR CES MOTIFS
REJETTE les moyens d’annulation et de réformation formés par la société Montaigne Fashion Group, par la société Jekiti Mar Capital et par M. [K] [Y] contre la décision de la Commission des sanctions n°4 du 17 avril 2019 ;
REJETTE leurs demandes en paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] [Y], la société Montaigne Fashion Group et la société Jekiti Mar Capital aux dépens.
LA GREFFIÈRE,
Véronique COUVET
LA PRÉSIDENTE,
Frédérique SCHMIDT