AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée France Matic Lavages Kleindienst, dont le siège social est …, boîte postale 19 à Saint-Jean de Braye (Loiret),
en cassation d’un arrêt rendu le 22 octobre 1991 par la cour d’appel de Rennes (5e chambre sociale), au profit de M. Claude X…, demeurant … (Ille-et-Vilaine),
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 5 novembre 1992, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Merlin, conseiller rapporteur, Mme Ridé, conseiller, Mlle Sant, conseiller référendaire, M. Picca, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Merlin, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société France Matic Lavages Kleindienst, de Me Blondel, avocat de M. X…, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 22 octobre 1991), que M. X…, engagé le 4 août 1984 en qualité de directeur des ventes par la société France Matic Lavages Kleindienst (FMLK), a été licencié pour faute grave par lettre du 20 octobre 1988 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de salaires, de primes, de remboursements de frais, d’indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société FMLK a demandé reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Attendu que l’employeur reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné au paiement de sommes au titre d’indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’avoir rejeté sa demande de condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, d’une part, que le salarié, investi de fonctions de direction, est tenu, pendant toute la durée de son contrat de travail, au respect d’une obligation de non-concurrence de plein droit envers son employeur ; que si le contrat conclu avec le salarié autorisait celui-ci à exercer une activité secondaire de portiques rénovés, cette permission était décrite comme devant rester limitée et ne pas empiéter sur l’activité de vente de matériels neufs, pour laquelle le nouveau directeur commercial était désigné en vue de son développement ; que, dès lors, l’employeur s’étant prévalu, à titre principal, de faits de débauchage de son personnel pour les besoins et services de la société Gautier, animée par l’épouse du salarié, et du détournement de ce personnel de son activité propre, la cour d’appel avait le devoir de rechercher si ces agissements, qui ne pouvaient être rendus licites par le seul effet de l’insertion dans le contrat de travail
d’une clause d’activité secondaire autorisée, n’étaient pas
caractérisés, indépendamment de tout détournement de clientèle ; qu’en s’en abstenant et en retenant de façon inopérante une prétendue complémentarité d’activités des deux sociétés, l’arrêt attaqué n’a pas légalement justifié sa double décision de retenir que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme ne reposant sur la démonstration d’aucune faute grave, et de débouter l’employeur de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; qu’il a, par suite, entaché ladite décision d’un manque de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-14-4 du Code du travail et 1134 du Code civil ; alors, d’autre part, que la cour d’appel avait le devoir de se prononcer sur le caractère réel et sérieux des autres griefs invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement du salarié et tenant, soit à l’acceptation, dès juin 1988, de responsabilités sociales au sein de la société Gautier, sans avoir sollicité l’autorisation de son employeur au mépris des dispositions du contrat de travail, soit à la création d’une confusion entre les deux sociétés par utilisation des informations privilégiées sur la clientèle de l’employeur et démarchage de celle-ci au profit des produits de la société Gautier, soit à la violation de la consigne fermement posée dans l’entreprise et selon laquelle les vendeurs ne devaient préconiser aucune marque de produit de lavage ; que, sur ces chefs aussi, l’arrêt attaqué, ne répondant pas aux conclusions d’appel de l’employeur, n’est pas motivé, en violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, L. 122-6 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, en outre, que les juges du second degré ne pouvaient valablement considérer que la rupture du contrat de travail du salarié était uniquement motivée par une dissension brusquement née dans le cadre de rapports commerciaux qui auraient été noués entre la société Gautier et l’employeur et spécialement recherchés par cette dernière pour la satisfaction de ses intérêts bien compris ; qu’en s’écartant ainsi du contrat de travail, seul de nature à définir les obligations respectives des parties, et en statuant exclusivement au vu d’éléments étrangers à celui-ci afin de juger globalement la valeur des griefs invoqués par l’employeur à l’encontre du salarié licencié, l’arrêt attaqué n’a, une fois encore, pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-6,
L. 122-14-4 du Code du travail et 1134 du Code civil ; alors, enfin, que la cour d’appel a modifié les données du litige en retenant que l’employeur aurait, en recrutant le salarié, recherché en réalité à profiter du réseau commercial de la société Gautier et de son implantation dans l’Ouest de la France, tous éléments qui n’étaient pas invoqués par celui-ci dans ses conclusions d’appel : que, par suite, l’arrêt attaqué a aussi violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant fait ressortir que les activités du salarié avec la société Gauthier avaient été acceptées par l’employeur, la cour d’appel, qui a constaté que le licenciement trouvait sa cause dans un litige d’ordre commercial entre l’employeur et la société Gauthier, a légalement justifié sa décision ;
Sur la demande présentée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X… sollicite, sur le fondement de ce texte, une
indemnité de 10 000 francs ;
Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi et la demande présentée par M. X… sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société France Matic Lavages Kleindienst, envers M. X…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept décembre mil neuf cent quatre vingt douze.