Informations privilégiées : 13 juin 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-25.415

·

·

Informations privilégiées : 13 juin 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-25.415
Ce point juridique est utile ?

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 juin 2018

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 597 FS-D

Pourvoi n° F 16-25.415

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. C… Y… , domicilié […] ,

contre l’ordonnance rendue le 26 octobre 2016 par le premier président de la cour d’appel de Paris, dans le litige l’opposant à l’Autorité des marchés financiers (AMF), dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 15 mai 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. X…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Laporte, M. Grass, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, MM. Sémériva, Cayrol, Mme Champalaune, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, M. Guerlot, Mme de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. X…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y…, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l’Autorité des marchés financiers, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, septième, huitième et neuvième branches :

Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 26 octobre 2016), que, le 4 décembre 2014, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances situés [à Paris 16e, susceptibles d’être occupés par M. Y… afin de rechercher la preuve de la participation de celui-ci à l’une des infractions définies par l’article L. 465-1 du même code ; que ces opérations ont été effectuées le 9 décembre 2014 et que M. Y… a relevé appel de l’ordonnance d’autorisation ainsi qu’exercé un recours contre le déroulement de la visite ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’ordonnance de confirmer la décision d’autorisation et de rejeter son recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies alors, selon le moyen :

1°/ qu’aux termes de sa décision du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a précisé « qu’afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier à l’encontre d’une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale sur le fondement de l’article L. 465-1 du même code ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne » (décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC ; considérant 36) ; qu’en énonçant pour refuser d’annuler ou de rétracter l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant l’AMF à réaliser une visite domiciliaire et des saisies visant à établir l’existence de manquements d’initiés imputables à M. Y… sur le fondement des articles L. 621-15 et suivants du code monétaire et financier, que l’information judiciaire préalable, dont le juge des libertés et de la détention n’avait pas été informé par l’AMF, « aurait été ouverte in rem et donc contre personne non dénommée », là où M. Y… était visé personnellement dans le cadre de cette information pénale en cours concernant les mêmes faits, sur le fondement de l’article L. 465-1 du même code, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 62 de la Constitution ;

2°/ qu’en énonçant, pour statuer ainsi, « qu’il semblerait d’après les éléments du dossier (…) que l’information judiciaire aurait été ouverte in rem et donc contre personne non dénommée », pour en déduire que la condition posée par le considérant 36 de la décision du Conseil constitutionnel n’était pas remplie, la cour d’appel a statué par un motif hypothétique et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge saisi d’un recours contre l’ordonnance autorisant une visite domiciliaire doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien fondé du recours et la régularité des mesures pratiquées sur le fondement de cette ordonnance ; qu’en refusant de tirer les conséquences légales d’une décision antérieure du Conseil constitutionnel fixant un régime transitoire prohibant tout engagement ou continuation de poursuites par l’AMF sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, en cas de poursuites pénales déjà engagées pour les mêmes faits, sur le fondement l’article L. 465-1 du même code, au motif inopérant que le juge des libertés et de la détention n’avait pas connaissance de cette décision du Conseil constitutionnel au jour où il avait statué, le premier président de la cour d’appel a violé les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 62 de la Constitution ;

4°/ que le juge saisi d’un recours contre l’ordonnance autorisant une visite domiciliaire doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien fondé du recours et la régularité des mesures pratiquées sur le fondement de cette ordonnance ; qu’en refusant de prendre en compte les éléments de fait et de preuve démontrant que M. Y… était personnellement visé dans le cadre d’une information pénale en cours au moment où l’ordonnance entreprise avait été rendue, au motif inopérant que le juge de la liberté et de la détention ayant autorisé la visite domiciliaire litigieuse n’avait pas été informé par l’AMF de l’existence de telles poursuites, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 621-12 du code monétaire et financier ;

5°/ qu’une copie intégrale de l’ordonnance sur requête autorisant la visite domiciliaire doit être remise à l’occupant au moment de la visite, cette copie intégrale comprenant et l’ordonnance et la requête ; qu’en jugeant, en sens contraire, que la seule remise d’une copie de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du 4 décembre 2014 permettait d’assurer la régularité de la procédure, une transmission simultanée de la requête n’étant pas exigée, le premier président de la cour d’appel a violé les article L. 621-12 du code monétaire et financier et 495, alinéa 3, et 16 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ;

6°/ qu’une copie intégrale de l’ordonnance sur requête autorisant la visite domiciliaire doit être remise à l’occupant au moment de la visite ; qu’en présence d’une ordonnance visant la « requête » justifiant de son prononcé et s’appuyant expressément sur les « motifs » y étant exposés, la requête doit être jointe à l’ordonnance lors de la remise ; qu’en l’espèce, l’ordonnance de quatre pages signée par le juge des libertés et de la détention le 4 décembre 2014 visait expressément la requête ainsi que « les motifs y exposés » ; qu’en jugeant que la remise d’une copie de l’ordonnance suffisait à assurer la régularité de la procédure, sans qu’il ait été nécessaire de remettre simultanément une copie de la requête qui comportait elle vingt cinq pages, le premier président de la cour d’appel a violé les article L. 621-12 du code monétaire et financier et 495, alinéa 3, et 16 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ;

7°/ que l’ordonnance qui autorise une visite domiciliaire à la demande de l’AMF ne peut être prononcée sur le fondement de pièces obtenues de manière irrégulière ; que dans ses conclusions d’appel, M. Y… faisait valoir que les pièces produites au soutien de la requête n° 36, 41, 44, 54, 57 et 58 exploitant des données de connexion, avaient été obtenues de manière irrégulière sur le fondement de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier, faute pour ce texte de prévoir des garanties suffisantes permettant de concilier le droit au respect de la vie privée avec la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche d’auteurs d’infractions ; que la déclaration d’inconstitutionnalité de cet article par le Conseil constitutionnel démontrera l’irrégularité des éléments susvisés sur lesquels le juge des libertés et de la détention s’était appuyé pour autoriser la visite domiciliaire litigieuse et entraînera, en conséquence, la censure de l’ordonnance attaquée, celle-ci étant privée de base légale au regard des articles L. 621-10 et L. 621-12 du code monétaire et financier ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte de la décision n° 2014-453/454 et 2015-462 du 15 mars 2015, point 36, que le Conseil constitutionnel a décidé qu’afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de sa décision, des poursuites ne pourraient être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier à l’encontre d’une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites auraient déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale sur le fondement de l’article L. 465-1 du même code ou que celui-ci aurait déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne et que, de la même manière, des poursuites ne pourraient être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 465-1 du code monétaire et financier dès lors que des premières poursuites auraient déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l’article L. 621-15 du même code ou que celle-ci aurait déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l’encontre de la même personne ; qu’une visite domiciliaire, qui a pour seul but de rechercher la preuve d’agissements contraires à la loi, n’étant pas un acte de poursuite, ne méconnaît pas cette interdiction ; que l’ordonnance, qui statue en ce sens, n’encourt pas le grief des quatre premières branches ;

Attendu, en deuxième lieu, que l’article L. 621-12, alinéa 5, du code monétaire et financier, qui prévoit seulement la notification de la décision du juge des libertés et de la détention, déroge au code de procédure civile, en sorte que les dispositions de l’article 495 de ce dernier code ne sont pas applicables lors du déroulement de la visite, et que les dispositions de l’alinéa 6 de ce texte prévoient que, en cas de recours, les parties peuvent consulter le dossier au greffe de la cour d’appel ; qu’ayant énoncé que la notification de la seule ordonnance est prévue par ce texte et relevé que M. Y… n’avait subi aucune atteinte à ses droits dans la mesure où il avait pu former un appel et des recours contre la décision et le déroulement des opérations, c’est à bon droit que le premier président a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la notification de l’ordonnance d’autorisation de visite ;

Attendu, en dernier lieu, que dans sa décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, en reportant au 31 décembre 2018 la prise d’effet de cette déclaration, ce qui prive de portée le grief de la septième branche ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x