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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juin deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de Me CAPRON, de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– X… Jean-Claude,
– Y… Jean,
– Z… Louise-Yvonne, épouse A…,
– B… James,
– C… Jean-François,
– L’association UFDCAM 1789, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 19 décembre 2001, qui a condamné Jean-Claude X…, pour abus de biens sociaux, recel de faux et de favoritisme, à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d’amende, Louise-Yvonne A…, pour recel d’abus de biens sociaux, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, Jean Y…, pour favoritisme, à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d’amende, James B…, pour corruption de salarié, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d’amende, et, après condamnation devenue définitive de Jean-François C…, notamment du chef de recel d’abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I – Sur la recevabilité du pourvoi de Jean-Claude X… ;
Attendu que le pourvoi a été formé par déclaration de Me Halna du Fretay, avocat ; qu’à cette déclaration est annexé un pouvoir spécial délivré à cet effet à Me Baillet, avocat au barreau de Paris ;
Attendu qu’un mandataire, fût-il avocat, ne saurait exercer un tel recours sans justifier personnellement d’un pouvoir spécial, comme l’exige l’article 576 du Code de procédure pénale; que ni les termes de la déclaration de pourvoi ni ceux du mandat, ne font apparaître l’appartenance des deux avocats susnommés à la même société civile professionnelle ;
Que, dès lors, le pourvoi est irrecevable ;
II – Sur les pourvois de James B… et de l’association UFDCAM 1789 ;
Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
III – Sur les autres pourvois ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Louise-Yvonne A…, pris de la violation des articles 38 de la loi du 29 juillet 1881, 321-1 du Code pénal, 11, 427, 691, et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motif et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a refusé de faire droit à la demande de Louise-Yvonne A… tendant au rejet de pièces produites devant la Cour par les conseils de Jean-Claude X…, en l’occurrence les articles du journal “Le Monde” en date du 25 juillet 2001, relatant et résumant le contenu d’une ordonnance du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris se déclarant incompétent, en application des articles 68 de la Constitution et 113- 2 du Code de procédure pénale, pour procéder dans le cadre de l’information ouverte sur les conditions de passation des marchés publics de la Région Ile-de-France, à l’audition de Jacques D… en qualité de témoin assisté ;
“aux motifs qu’il résulte de l’article 427 du Code de procédure pénale que la preuve est libre en matière répressive hors les cas où la loi en dispose autrement ; que les juges correctionnels peuvent puiser les éléments de leur conviction dans tous les éléments de la cause pourvu qu’ils aient été soumis aux débats et à la libre discussion des parties, et qu’enfin, ceux-ci ne peuvent écarter des moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, mais qu’il leur appartient seulement d’en apprécier la valeur probante ; qu’en l’espèce … le conseil de Louise-Yvonne A… a été en mesure de discuter et de s’expliquer sur le contenu et la valeur de ce document ; il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur les conditions de l’obtention des informations contenues sur ce texte, mais de le considérer comme une pièce parmi d’autres et de ne lui accorder la valeur probante que d’un simple article de journal ;
“alors que doit nécessairement être écarté des débats l’élément de preuve interdit par une disposition légale, ce qui est précisément le cas, aux termes de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881, de la publication d’un acte de procédure, notamment correctionnelle, avant qu’il n’ait été lu en audience publique, tel en l’espèce, les extraits de l’ordonnance d’incompétence publiée par l’article du journal Le Monde, que, dès lors, la Cour ne pouvait prétendre retenir comme élément de preuve soumis à son appréciation, sans violer le texte susvisé ;
“que, d’autre part, les exigences tant du respect de l’ordre public et d’une bonne administration de la justice, que du droit à un procès équitable, excluent la recevabilité d’éléments de preuve provenant de la commission d’une infraction, ce qui était précisément le cas en l’espèce du versement aux débats d’un article de presse relatant le contenu de pièces couvertes par le secret de l’instruction, dont la violation est, aux termes de l’article 11 du Code de procédure pénale, constitutive d’une infraction pénalement punissable, de sorte qu’en admettant la recevabilité d’un tel élément de preuve, la Cour a, là encore, entaché sa décision de manque de base légale ;
“qu’enfin, la communication parcellaire devant les juges du fond du contenu d’une pièce d’une autre procédure se trouvant au stade de l’information et paraissant mettre en cause la personne poursuivie devant la juridiction correctionnelle, porte nécessairement atteinte à ses droits, à raison même du caractère fragmentaire de cette communication, et de l’absence de réel débat contradictoire supposant que l’intéressée ait pu s’expliquer dans le cadre de l’information et qu’il soit fait état devant le juge du fond desdites explications” ;
Attendu que, pour rejeter la demande présentée par l’avocat de Louise-Yvonne A… tendant à ce que soit écarté des débats un article de presse produit par un coprévenu et relatant le contenu d’une ordonnance rendue quelques semaines plus tôt par des juges d’instruction se déclarant incompétents pour procéder, dans le cadre d’une information ouverte sur les conditions de passation des marchés publics de la région Ile de France, à l’audition du Président de la République, en qualité de témoin assisté, la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en cet état, et dès lors, d’une part, qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et d’autre part, qu’il leur appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante après débat contradictoire, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean Y…, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 6, 8 et 593 du Code de procédure pénale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean Y… coupable du délit de favoritisme, et l’a condamné de ce chef ;
“aux motifs qu’en application de l’article 203 du Code de procédure pénale, il y a lieu de considérer qu’il existe un lien de connexité entre l’ensemble des infractions poursuivies dans la présente procédure, François C… ayant permis ou facilité leur réalisation à travers les différentes sociétés qu’il animait ; qu’il s’ensuit que la Cour retiendra, à l’égard de l’ensemble des prévenus, la date du 2 février 1995 (date du courrier par lequel le procureur de la République de Bourg-en-Bresse a transmis au parquet de Versailles une procédure concernant des fausses factures honorées par la SA Maillard Duclos au bénéfice de la SARL FJM dirigée par M. C…) comme celle du premier acte interruptif de prescription (cf. arrêt attaqué, page 44) ;
“alors qu’il résulte du jugement que les faits reprochés à Jean Y…, antérieurs à l’engagement des procédures d’appel d’offres concernant les marchés du collège de la rue Vitruve, du groupe scolaire Duquesne-Eblée et de la crèche de la rue Jonquière, remontent à mai 1991 (marché Duquesne), décembre 1991 (marché Vitruve) et septembre 1992 (marché Jonquière) ; que, même à supposer que la cour d’appel ait pu retenir à l’égard de l’ensemble des prévenus la date du 2 février 1995 comme celle du premier acte interruptif de la prescription, les faits concernant le marché Duquesne et le marché Vitruve, pour lesquels la cour d’appel ne constate aucune dissimulation étaient prescrits au moment du premier acte interruptif, de sorte que la cour d’appel devait, concernant ces faits, constater la prescription de l’action publique ;
qu’il s’ensuit que la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;