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N° R 19-82.223 FS-D
N° 437
SM12
1ER AVRIL 2020
IRRECEVABILITÉ
SURSIS A STATUER
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2020
MM. I… H… et O… D… ont formé des pourvois contre l’arrêt n° 5 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 2e section, en date du 7 mars 2019, qui, dans l’information suivie contre eux du chef de délit d’initié et le second, en outre, du chef de blanchiment, a prononcé sur une demande en annulation d’actes de la procédure.
Par ordonnance en date du 22 mai 2019, le président de la chambre criminelle a ordonné la jonction des pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. O… D…, et de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. I… H…, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 6 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, Mmes Durin-Karsenty, Planchon, Zerbib, MM. Bonnal, d’Huy, Wyon, Maziau, Pauthe, Mme Labrousse, MM. Turcey, Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme de-Lamarzelle, MM. Violeau, Mallard, conseillers référendaires, et M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par un réquisitoire introductif du 22 mai 2014, une information judiciaire a été ouverte concernant des faits qualifiés de délit d’initié et recel.
3. Cette information judiciaire a été étendue, par un premier réquisitoire supplétif du 14 novembre 2014, sous les qualifications de délits d’initié et complicité et recel de ces délits. A la suite d’un signalement effectué les 23 et 25 septembre 2015 par le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF), accompagné de la communication de pièces provenant d’une enquête de cette autorité publique indépendante, comportant, notamment, des données à caractère personnel relatives à l’utilisation de lignes téléphoniques, l’instruction a été étendue par trois réquisitoires supplétifs des 29 septembre et 22 décembre 2015, puis 23 novembre 2016, aux titres CGG, Airgas et Air Liquide ou tout autre instrument financier qui leur serait lié, sous les mêmes qualifications et celles de complicité, corruption et blanchiment.
4. Puis une disjonction a été ordonnée le 22 décembre 2015 pour les faits concernant les titres CGG et Airgas et ensuite, le 20 avril 2017, pour les seuls titres CGG.
5. Pour recueillir les données relatives à l’utilisation de lignes téléphoniques dont il a été fait état plus haut les agents de l’AMF se sont fondés sur l’article L. 621-10 du code monétaire et financier. Dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2013, applicable au cours de l’enquête de l’AMF, cet article autorisait les enquêteurs et les contrôleurs de cette autorité à se faire communiquer tous documents quel qu’en soit le support, mais également “les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l’article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques et les prestataires mentionnées aux 1 et 2 de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie”. En son paragraphe II, l’article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques pose en principe que les opérateurs de communications électroniques doivent effacer ou rendre anonyme “toute donnée relative au trafic”. Toutefois, ce principe souffre quelques exceptions, dont celle prévue au III du même article, “pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales”. Pour ces besoins, l’effacement ou l’anonymisation d’un certain nombre de données sont différés d’un an. Les cinq catégories de données concernées sont définies à l’article R. 10-13 du code précité, pris pour l’application de l’article L. 34-1, paragraphe III : informations permettant d’identifier l’utilisateur, données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés, caractéristiques techniques ainsi que date, horaire et durée de chaque communication, données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs et, enfin, données permettant d’identifier le ou les destinataires de la communication. Ces données de connexion sont celles, générées ou traitées par suite d’une communication, qui sont relatives aux circonstances de celle-ci et aux utilisateurs du service à l’exclusion de toute indication sur le contenu des messages.
6. M. D… a été mis en examen le 10 mars 2017 pour des faits relatifs aux titres Airgas, des chefs de délit d’initié et blanchiment.
7. M. H…, mis en examen le 29 mai 2017 du chef de délit d’initié, pour des faits relatifs à des titres Airgas et aux instruments financiers qui lui sont liés, a, par déclaration au greffe en date du 28 novembre 2017, présenté une requête et, le 6 décembre 2018, déposé un mémoire en annulation d’actes de la procédure.
Examen de la recevabilité du pourvoi de M. D…
8. M. D… n’ayant saisi la chambre de l’instruction d’aucun moyen de nullité, que ce soit par une requête ou par un mémoire, ne serait-ce que pour s’associer à la demande de nullité formée par M. H…, est sans qualité à se pourvoir contre l’arrêt qui a prononcé sur les demandes en annulation d’actes de la procédure présentées par celui-ci.
9. En conséquence, son pourvoi est irrecevable.
Examen des moyens proposés pour M. H…
10. Il résulte de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une demande de décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. Cette appréciation suppose d’examiner au préalable les griefs dont l’issue est susceptible d’influer sur le sort du moyen pris d’une inconventionnalité de certains textes au regard du droit communautaire.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 80, 83, 591 et 593 du code de procédure pénale.
12. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de l’irrégularité du réquisitoire supplétif du 22 décembre 2015 et des actes subséquents, alors :
« 1°/ qu’il résulte de l’article 80 du code de procédure pénale que si, ayant connaissance de faits nouveaux, le procureur de la République requiert l’ouverture d’une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d’instruction, lequel doit alors être désigné dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 83 du même code, c’est-à-dire par le président du tribunal ou, en cas d’empêchement, par le magistrat qui le remplace ; qu’en l’espèce, par un réquisitoire du 22 décembre 2015, le procureur de la République a requis dans le même temps l’extension de la saisine du magistrat instructeur aux faits nouveaux qu’il exposait et la disjonction de ces faits dans une information distincte ; qu’en refusant d’annuler ce réquisitoire et les actes d’instruction subséquents, lorsqu’en procédant de la sorte plutôt que de requérir l’ouverture d’une information judiciaire distincte, le procureur de la République a commis un détournement de procédure ayant eu pour effet d’éluder l’application de l’article 83 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;
2°/ qu’en refusant d’annuler ce réquisitoire et les actes d’instruction subséquents, lorsqu’en procédant comme il l’a fait, le procureur de la République, qui s’est irrégulièrement substitué au président du tribunal, a lui-même désigné le magistrat instructeur chargé d’instruire, la chambre de l’instruction a méconnu l’exigence d’impartialité objective garantie par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article préliminaire du code de procédure pénale ;
3°/ qu’en outre, un réquisitoire qui ne répond pas aux exigences légales ou conventionnelles encourt l’annulation, même lorsqu’il satisfait aux conditions essentielles de son existence légale ; que s’est donc prononcée par des motifs inopérants la chambre de l’instruction qui, pour juger régulier le réquisitoire du 22 décembre 2015, s’est bornée à affirmer qu’il était “daté et signé” ;
4°/ qu’à tout le moins, la chambre de l’instruction ne pouvait refuser d’annuler les actes d’instruction subséquents relatifs aux faits visés dans ce réquisitoire, dès lors que ces actes ont été effectués par un magistrat instructeur désigné par l’accusation, en violation des dispositions de l’article 83 du code de procédure pénale et de l’exigence d’impartialité objective. »