Informations confidentielles : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/01407

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Informations confidentielles : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/01407
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 NOVEMBRE 2023

N° RG 23/01407 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VWYC

AFFAIRE :

S.E.L.A.S. DE CHIRURGIENS DENTISTES ICBI

C/

[P] [E]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Février 2023 par le Président du TJ de Versailles

N° RG : 22/01267

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 09.11.2023

à :

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Monique TARDY, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.E.L.A.S. DE CHIRURGIENS DENTISTES ICBI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 797 39 8 5 00

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 26053

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles GASSENBACH, du barreau de Paris

APPELANTE

****************

Monsieur [P] [E]

né le 03 Septembre 1986 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005529

Ayant pour avocat plaidant Me Laura TERDJMAN, du barreau de Paris

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président et Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La société de Chirurgiens Dentistes ICBI est un cabinet dentaire de « chirurgie exclusive » créé en 2013 par le docteur [H] [M], situé à [Localité 7] (Yvelines).

Les praticiens qui y exercent ne réalisent que des actes de chirurgie tels que greffes, implants, extractions complexes, sur des patients qui leur sont adressés par des dentistes généralistes ou des « correspondants dentistes ».

M. [P] [E] était associé du cabinet, aux côtés de M. [G] [Z] et M. [D] [U] [V], chacun d’eux détenant 1 part, tandis que M. [M] et la SPFPL de Chirurgien-dentiste du Docteur [M] détenaient respectivement 478 et 519 parts de la société.

M. [E] exerçait par ailleurs depuis 2014 une activité similaire dans un autre cabinet dentaire situé à La Défense (cabinet du Docteur [T]) en tant que collaborateur libéral.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire en date du 5 juillet 2022, les associés de la société ont adopté à l’unanimité des voix un projet de transformation de la SELARL en SELAS, et M. [H] [M] a été désigné en qualité de président.

Il était également convenu à cette occasion que la clause de non-concurrence stipulée dans les nouveaux statuts de la SELAS ne serait pas opposable à M. [E].

Le 8 juillet 2022, M. [E] a cédé à M. [M] l’action qu’il détenait dans le capital de la société, le transfert effectif ne devant intervenir qu’au 31 décembre 2022.

Le 5 août 2022, invoquant des actes de concurrence déloyale et des abus de biens sociaux, M. [M] a convoqué une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour l’exclusion de M. [E], laquelle a été décidée à l’unanimité.

Le 29 août 2022, M. [E] a cessé toute activité au sein de la société et a ouvert son propre cabinet à [Localité 7].

Parallèlement, les parties ont saisi la Commission de conciliation du Conseil de l’ordre qui a constaté le 21 septembre 2022 l’absence de conciliation entre les parties.

Le 23 novembre 2022, la société ICBI a porté plainte contre le docteur [E] devant le Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes des Yvelines ; cette procédure disciplinaire est actuellement en cours.

Par acte d’huissier de justice délivré le 12 octobre 2022, la société de Chirurgiens Dentistes ICBI a fait assigner en référé M. [E] aux fins d’obtenir principalement une expertise afin de :

– prendre connaissance des dossiers médicaux pris en charge par M. [E] à partir du 20 juillet 2016 et jusqu’à son départ, en ce compris l’historique des soins, les comptes rendus opératoires et le planning des rendez vous et les radiographies,

– déterminer si le M. [E] a effectué des soins sur les patients qu’il suivait dans le cabinet de la société dans un autre cabinet et dans l’affirmative déterminer le montant de ces soins,

– déterminer pour chaque dossier qui sera remis à la société si l’ensemble des soins effectués par M. [E] ont été intégralement facturés par ce dernier pour le compte de la requérante,

– à défaut, déterminer le montant des soins non facturés par le M. [E] et vérifier dans la mesure du possible si les soins non facturés ont fait l’objet de recettes encaissées directement ou indirectement par M. [E],

– préciser si cette absence d’enregistrement par le praticien d’une partie de ses prestations est conforme aux usages de la profession de chirurgien-dentiste,

– dans les mêmes conditions, déterminer dans la mesure du possible le montant des espèces que M. [E] a pu encaisser ;

– chiffrer la perte du chiffre d’affaires de la société résultant le cas échéant des agissements de M. [E] et déterminer s’ils sont susceptibles de recevoir la qualification d’actes constitutifs de concurrence déloyale ;

– dire que l’expert exercera sa mission dans le respect du secret médical, sans dévoiler les noms des patients ;

– fournir à la juridiction qui sera éventuellement saisie tout élément de nature apprécier les éventuelles responsabilités encourues et les éventuels préjudices subis.

Par ordonnance contradictoire rendue le 23 février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

– débouté la selas de Chirurgiens Dentistes ICBI de sa demande d’expertise,

– débouté M. [P] [E] de ses demandes indemnitaires,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 24 février 2023, la société de Chirurgiens Dentistes ICBI a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a débouté M. [P] [E] de ses demandes indemnitaires.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 septembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société De Chirurgiens Dentistes ICBI demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :

‘- infirmer l’ordonnance en date du 23 février 2023 (RG : 22/01267) du Président du Tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’elle a :

o Débouté la SELAS de Chirugiens Dentistes ICBI de sa demande d’expertise ;

o Débouté la SELAS de Chirugiens Dentistes ICBI de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

o Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

– La confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

– Juger mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [E] dans ses conclusions d’intimé n°3 ;

– Juger que la société SELAS de Chirugiens Dentistes ICBI recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour de nommer, lequel pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix s’il l’estime utile, avec pour missions de :

o Prendre connaissance des dossiers médicaux litigieux anonymisés tels qu’allégués par la société ICBI pris en charge par le docteur [E] à partir du 20 juillet 2016 jusqu’à son départ, en ce compris l’historique de soins, les comptes-rendus opératoires, le planning des rendez-vous et les radiographies ;

o Déterminer si le docteur [E] a effectué des soins sur des patients qu’il suivait dans le cabinet de l’appelante dans un autre cabinet, et dans l’affirmative, déterminer le montant de ces soins ;

Sur ce dernier chef de mission, en raison du secret médical, dire que l’expert ne pourra avoir accès aux dossiers des patients concernés qu’avec l’accord préalable de ces derniers.

o Déterminer pour chaque dossier anonymisé qui lui sera remis par la requérante si l’ensemble des soins effectués par le docteur [E] ont été régulièrement facturés par ce dernier pour le compte de la société ICBI ;

o Dans la négative, déterminer le montant des soins non facturés ou sous facturés par le docteur [E] ;

o Préciser si les agissements reprochés au docteur [E] (omissions de facturation ou sous facturation) sont conformes aux usages de la profession de chirurgien-dentiste ;

o Chiffrer la perte du chiffre d’affaires de la société ICBI résultant des agissements du docteur [E] susceptibles de recevoir la qualification d’actes constitutifs de concurrence déloyale ;

Sur ce dernier chef de mission, dire que l’Expert nommé se fera remettre par la société ICBI la liste des patients que le docteur [E] ne traitait pas lorsqu’il exerçait son activité au sein de la société ICBI et qu’il traite désormais, pour comparer ensuite les deux fichiers.

o Sous réserve du respect du secret médical, dire que l’Expert pourra se faire communiquer tous les éléments qu’il estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission tant auprès des parties que des tiers à la procédure, et qu’il pourra se faire assister de tout sapiteur de son choix d’une spécialité autre que la sienne ;

o Plus généralement, fournir à la juridiction qui sera éventuellement saisie tous éléments qui lui permettent d’apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis.

– dire que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Versailles (contrôle des expertises)avant la date qu’il plaira à Mme ou M. le président de fixer, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle ;

– fixer la provision à consigner pour l’expertise ;

– débouter le docteur [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner M. [P] [E] au paiement de la somme de 10 000 euros à la société selas De Chirurgiens Dentistes Icbi au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi (sic) aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 septembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [E] demande à la cour, au visa des articles L. 1110-4, L. 1111-3, R. 4127-15 et R. 4124-240 du code de la santé publique, 1844 et 1844-10 du code civil, L. 227-16 du code de commerce, 32-1, 145 et 910-4 du code de procédure civile, de :

‘- confirmer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Versailles en date du 23 février 2023 en ce qu’elle a débouté la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– infirmer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Versailles en date du 23 février 2023 en ce qu’elle a rejeté les demandes indemnitaires reconventionnelles du Docteur [E];

par conséquent :

– déclarer irrecevables les nouvelles prétentions formées par la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi en cause d’appel dans ses conclusions d’appelante n°3 et n°4;

– rejeter l’ensemble des demandes, fin et prétentions de la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la mesure d’expertise venait à être ordonnée :

– donner acte au Docteur [E], de ses protestations et réserves eu égard à la demande de désignation d’un expert judiciaire formulée par la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi ;

– juger que le périmètre de l’expertise devra être cantonné au cabinet de la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi sans pouvoir être étendu au cabinet dentaire de La Défense ni au nouveau cabinet du Docteur [E] à [Localité 7] ;

– juger que les opérations d’expertise devront couvrir l’ensemble des encaissements de tous les associés intervenus au sein de la selarl devenue selas De Chirurgiens Dentistes Icbi située à [Localité 7] ;

– ordonner la désignation d’un sapiteur expert en informatique pour assister l’expert dans sa mission et s’assurer (i) qu’aucune donnée du logiciel de comptabilité n’a été manipulée ou altérée et (ii) que les rendez-vous du Docteur [M] avec certains de ses patients qui l’ont réglé en espèces n’ont pas été supprimés sur l’agenda doctolib du cabinet ;

– juger que les opérations d’expertise ne pourront pas porter sur la période antérieure au 12 octobre 2017, qui est prescrite.

à titre reconventionnel :

– juger que la présente procédure intentée par la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi est abusive;

– condamner la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi à payer au Docteur [E] la somme de 150 000 euros à titre de provision au titre de son préjudice financier, moral et réputationnel.

en tout état de cause :

– condamner la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi à payer au Docteur [E] la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la selas De Chirurgiens Dentistes Icbi aux entiers dépens.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société ICBI, appelante, relate les circonstances dans lesquelles se sont révélés les faits qu’elle reproche à M. [E], à savoir qu’à la suite du vol du « top case » d’un coursier en juillet 2022, le docteur [M] a été conduit à étudier le dossier du patient dont les empreintes avaient été dérobées, et a ainsi découvert, en comparant les radio pré et post opératoires, que seuls 6 implants sur 8 posés avaient été facturés par le docteur [E], que certains soins pourtant préalables à la pose d’implants (extractions de dents et greffe osseuse) n’avaient pas été facturés ni même renseignés dans le compte-rendu d’intervention, et que d’importantes ristournes de l’ordre de 40 % avaient été consenties à ce patient.

Elle dit avoir alors compris que M. [E] leur avait menti plusieurs années auparavant, en 2017, à l’occasion d’un questionnement de l’expert-comptable sur une baisse significative de la marge.

L’appelante sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’expertise, entendant démontrer que :

– son appel est parfaitement recevable,

– l’ordonnance du juge des référés, qui n’a pas respecté le principe de la contradiction, est entachée de nullité,

– les motifs légitimes justifiant qu’il soit fait droit à la mesure d’expertise sollicitée, sont avérés,

– cette expertise est utile en raison d’une part, de la nécessité de respecter la règle du secret médical, et d’autre part, compte tenu de la technicité d’une telle expertise qui suppose que le technicien nommé ait la compétence lui permettant d’analyser notamment les radiographies qui seront portées à sa connaissance et la nature des soins prodigués,

– les termes des missions proposées à l’expert permettent justement de respecter le secret médical.

Sur la recevabilité de son appel, elle rétorque que le fait qu’elle ait modifié légèrement dans ses dernières écritures les termes de la mission de l’expert en ce qu’il ne devrait pas avoir accès à l’ensemble des dossiers médicaux des patients mais uniquement aux dossiers médicaux anonymisés, ne constitue pas une prétention, mais simplement l’accessoire de la prétention relative à la demande d’expertise.

Si par impossible la cour devait considérer la modification proposée comme une prétention, elle soutient que cette dernière n’est destinée qu’à répliquer aux conclusions adverses n°2.

En deuxième lieu, elle conclut à la nullité de l’ordonnance attaquée en ce qu’elle aurait violé le principe du contradictoire en relevant un moyen d’office tiré du fait que le partage du secret médical concernant les soins apportés à des patients du docteur [E] ne saurait être ordonné pour une visée autre que des soins.

Elle fait également observer que le partage du secret médical est, selon la jurisprudence, toujours possible lorsqu’il intervient dans le cadre d’une expertise judiciaire ; que le secret médical n’est pas opposable à un expert judiciaire appelé à éclairer le juge.

En troisième lieu, l’appelante entend démontrer l’existence d’un motif légitime justifiant la désignation d’un expert.

Elle explique que l’expertise a pour objectif de confirmer l’ampleur des soins que M. [E] n’a pas facturés, sous-facturés ou dénaturés, de tels faits étant de nature à caractériser un manquement de ce dernier à l’obligation de loyauté dont il était tenu à son égard, ainsi qu’une faute de gestion puisqu’il était, avant la transformation de la SELARL en SELAS, co-gérant de la première et donc titulaire d’un mandat social.

Elle argue en tout état de cause d’une négligence grave, en ce que les agissements de M. [E] ont généré pour elle un manque à gagner considérable, ainsi que de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, s’il était avéré que l’intimé a détourné des espèces ou encaissé des honoraires revenant à la société.

Elle argue d’une deuxième catégorie de motif légitime s’agissant de faits susceptibles de recevoir la qualification d’actes de concurrence déloyale.

Elle précise, pour justifier de l’existence d’un motif légitime produire aux débats :

– l’attestation de l’expert-comptable de 2017 ayant mis en évidence une baisse significative de la marge de la société cette année,

– des courriels,

– le procès-verbal d’assemblée générale du 5 août 2022 qui fait apparaître que M. [E] n’a pas vraiment contesté les faits reprochés,

– la lettre de saisine du Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes,

et s’agissant des faits de concurrence déloyale :

– la lettre circulaire adressée par le docteur [E] aux correspondants dentistes de la société ICBI,

– la capture d’écran Doctolib,

– une page Google,

– quelques exemples cliniques, à savoir ceux dont le dossier (anonymisé) laisse apparaître des soins non facturés par M. [E], des prestations sous-facturées et un détournement de patients des dentistes habituels.

En réponse aux conclusions adverses, la société ICBI conteste toute intention malveillante, faisant valoir qu’elle souhaite uniquement obtenir la réparation du préjudice subi.

Elle souligne le caractère contradictoire des allégations adverses sur la nécessaire détermination par le chirurgien-dentiste du montant de ses honoraires avec « tact et mesure », et le montant des sommes détournées dont elle estime qu’il s’élève à 579 000 euros, sauf à parfaire.

Elle ajoute qu’au vu du patrimoine immobilier important et du niveau de vie conséquent de M. [E], admettre qu’il ait pu omettre de facturer des sommes aussi importantes en application du principe de tact et mesure ne résiste pas à l’examen.

Elle fait observer que M. [E] ne conteste en réalité pas, pour l’essentiel, la matérialité des soins qu’il n’a pas facturés, mais prétend que dans la plupart des cas, il ne se serait aperçu de la nécessité de réaliser des soins supplémentaires que lorsque le patient était sur le fauteuil, ce qui est tout à fait fantaisiste.

Elle développe ainsi sur l’exemple du patient auquel il aurait posé 8 implants au lieu de 6 en raison de la mauvaise qualité osseuse de ce dernier, qui était fumeur, faisant valoir que les radiographies pré opératoires permettent d’établir de manière exhaustive le devis des prestations à effectuer et qu’une telle pratique est au demeurant contraire aux usages de la profession, comme l’a relevé le docteur [I], expert près la cour d’appel de Reims.

Elle expose également qu’un grand nombre de soins dissimulés correspond à des greffes osseuses, dont la pose est très encadrée, et que le fait de ne pas mentionner ces greffes dans les comptes-rendus opératoires est une faute extrêmement grave puisqu’elle ne permet pas la traçabilité des matériaux greffés.

L’appelante indique également qu’elle commente dans ses pièces le tableau communiqué par l’intimé, pour démontrer qu’il est truffé de mensonges.

S’agissant de la grille tarifaire, elle conteste qu’elle n’ait été rédigée qu’à titre informatif et qu’elle n’aurait été signée et affichée par les autres associés du cabinet qu’en juillet 2022.

Elle soutient que la règle est celle impliquant de respecter les tarifs du cabinet, lesquels ont toujours été affichés et qui ne peuvent comme le prétend M. [E] être minorés à la discrétion du praticien.

Elle répond que les allégations de l’intimé sur des pratiques similaires utilisées par M. [M] concernent un nombre très limité de cas.

Sur les encaissements d’espèces et le détournement d’honoraires, la société ICBI indique avoir constaté sur un certain nombre de fiches de soins réalisés par le docteur [E] qu’il n’y avait aucune facturation mais qu’y figuraient des chiffres, ajoutant que l’intimé a au demeurant reconnu avoir encaissé des espèces à hauteur de la somme de 23 940,50 euros.

Elle avance encore qu’il est avéré que des patients traités par le docteur [E] dans son cabinet de La Défense auraient réglé les honoraires à ce même cabinet alors qu’ils auraient bénéficié de soins gratuits par le cabinet ICBI, et illustre son propos à cet égard de 4 exemples.

Sur les faits de concurrence déloyale, l’appelante relate que le docteur [E] a proposé au mois de mai 2022 aux docteurs [Z] et [U] [V] de créer une structure concurrente avec lui, à proximité de la société ICBI et en détournant sa patientèle et sa clientèle de correspondants.

Elle lui fait aussi grief d’avoir indiqué aux patients sur le profil Doctolib du cabinet ainsi que sur sa page Google que son activité était temporairement transférée à [Localité 11], alors qu’il était encore associé de la société ICBI.

Elle conteste les motifs de son départ précipité, fait valoir qu’il a fait référencer le nom du docteur [M] sur la page Google de son nouveau cabinet, des patients attestant avoir été redirigés vers le cabinet du docteur [E].

Elle prétend ensuite qu’en quittant le cabinet ICBI, M. [E] a volé le fichier des correspondants qu’il a tous contactés par courrier, téléphone ou mail, afin de leur proposer d’envoyer leurs patients dans son nouveau cabinet avec des tarifs, pour la plupart des soins, volontairement inférieurs (en moyenne de 10%) à ceux pratiqués par le cabinet ICBI.

Elle ajoute que pour parfaire l’illusion qu’il faisait encore partie du cabinet ICBI, l’intimé a utilisé jusqu’à ce qu’il ouvre son cabinet en novembre 2022 le logo de la société ICBI.

En quatrième lieu, l’appelante conclut sur l’utilité de la mesure sollicitée, faisant valoir que les dossiers médicaux des patients traités par M. [E] et ceux qu’il a détournés de la société ICBI ne peuvent être produits en justice comme tels en raison du secret médical, et qu’elle n’a donc comme solution que de recourir aux services d’un expert exerçant la même profession et lui-même tenu au secret médical.

En réponse aux arguments adverses, elle soutient que verser aux débats au fond des dossiers médicaux, et notamment des radiographies, sans mentionner l’identité des patients, ne saurait avoir un caractère probatoire suffisant, sauf à ce que ces dossiers aient été au préalable vérifiés par un expert judiciaire homme de l’art dans les conditions d’anonymisation.

Sur les termes de la mission de l’expert, l’appelante répond que :

– elle ne s’oppose pas à ce que la mission concerne l’ensemble des associés,

– elle ne s’oppose pas à la présence d’un sapiteur expert en informatique, à la condition que le secret médical puisse être respecté à son égard.

En revanche, elle s’oppose à ce que l’expertise soit limitée dans le temps, faisant valoir qu’il n’est pas acquis que les faits antérieurs au 12 octobre 2017 soient prescrits puisque le point de départ de la prescription résulte de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’exercer son droit et qu’en l’espèce, les faits délictueux n’ont été constatés qu’à la suite du vol de la sacoche en 2022.

Enfin, l’appelante sollicite le rejet de la demande reconventionnelle de l’intimé au titre de la procédure abusive, faisant valoir que les différents motifs allégués suffisent à démontrer que tel n’est pas le cas.

M. [E], intimé, sollicite quant à lui la confirmation de l’ordonnance dont appel.

Sur le contexte, il décrit les tensions nées entre lui et le docteur [M] au début de l’année 2022 à propos de la répartition du capital social et du mode de rémunération, M. [M] souhaitant conserver 52 % des dividendes ainsi qu’un pourcentage de rétrocession supérieur au sien. Il a alors été convenu qu’il quitterait la société ICBI en décembre 2022 et M. [M] a souhaité transformer la SELARL en SELAS dans le but notamment de lui imposer une clause de non-concurrence ; à défaut d’y parvenir, il a alors imaginé la présente action judiciaire afin de lui nuire.

M. [E] rappelle par ailleurs que le Conseil départemental des Yvelines a transmis la plainte à son encontre, mais sans s’y associer.

Ensuite, il entend démontrer que :

– la demande de nullité de l’ordonnance est manifestement vouée à l’échec,

– l’ordonnance doit être confirmée dès lors que le caractère absolu du secret médical et l’absence totale de motif légitime doivent conduire au rejet de la demande d’expertise,

– la demande d’expertise est inutile,

– si la cour devait désigner un expert judiciaire, les opérations devront concerner la comptabilité de l’ensemble de la SELAS, et plus particulièrement celle du docteur [M], mais ne saurait s’étendre au cabinet dentaire situé à La Défense, ni a fortiori dans son nouveau cabinet.

Sur la demande de nullité de l’ordonnance, M. [E] expose en réponse que le juge ne relève aucun moyen d’office en donnant à sa décision le fondement juridique qui découlait des faits invoqués et qu’il avait consacré 3 pages dans ses écritures de première instance à la question du secret médical.

Il avance ensuite que le secret médical revêt un caractère absolu qui impose le rejet de la demande d’expertise, comme il découle de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, le secret ne pouvant être levé que si la loi l’ordonne ou l’autorise.

Il soutient qu’il résulte également de cet article que le secret médical ne peut être partagé que si 3 conditions cumulatives sont remplies (les médecins doivent participer à la prise en charge du patient, les informations transmises doivent être nécessaires à la coordination ou la continuité des soins, à la prévention ou au suivi du patient, le médecin bénéficiant de l’information doit appartenir à la même équipe de soins), et que ce texte ne prévoit aucun échange possible dans le cadre d’une expertise judiciaire, le fait que l’expert soit également médecin étant insuffisant.

Il ajoute que les informations couvertes par le secret médical ne peuvent être échangées sans autorisation préalable du patient, comme l’a jugé le Conseil d’Etat le 15 novembre 2022, et que la mission visant à donner accès à l’expert aux dossiers médicaux de ses patients au sein du cabinet de La Défense et de son nouveau cabinet porte une atteinte disproportionnée au secret médical.

Il fait également valoir que la modification par la société ICBI du dispositif de ses conclusions, indiquant que les dossiers médicaux devront être « anonymisés » et « que l’expert ne pourra avoir accès aux dossiers des patients concernés qu’avec l’accord préalable de ces derniers », est une prétention nouvelle, comme telle irrecevable ; qu’en tout état de cause, une expertise réalisée sur des pièces anonymisées ne permettrait pas de répondre aux demandes de l’appelante, rappelant que le praticien reste libre de ne pas facturer des soins et qu’il existe un principe cardinal de libre choix par le patient de son praticien.

Il ajoute que l’expertise demandée est en pratique impossible à réaliser, sauf à organiser un interrogatoire de plus de 500 patients, ce qui lui serait extrêmement préjudiciable, prétendant que les patients déjà contactés par le docteur [M] ont tous été « surpris », « choqués » ou « agacés ».

M. [E] conclut ensuite à l’absence de motif légitime, soutenant que les griefs de la société ICBI sont mal fondés et pour certains mensongers.

Ainsi, il allègue que le grief de sous-facturation ne justifie pas une mesure d’expertise judiciaire en ce que le fait de ne pas facturer l’intégralité de certains soins n’est pas fautif, tout praticien étant libre de moduler ses honoraires en application des principes déontologiques applicables à sa profession (il cite à cet égard le code de la santé publique ainsi que l’ouvrage du professeur [R] [L]).

Sur l’exemple de M. [A], patient fumeur à qui il a posé 8 implants au lieu des 6 figurant au devis, il explique qu’il ne lui a pas facturé les 2 implants supplémentaires.

Il soutient également que la grille tarifaire invoquée par la société ICBI n’a aucune valeur contraignante, qu’elle avait été rédigée à l’attention des correspondants dentistes et que le docteur [M] a subitement décidé de l’afficher en juillet 2022, ajoutant que cette grille ne vise qu’à informer les patients des tarifs maximum pouvant être pratiqués.

Il ajoute que le docteur [M] n’appliquait pas strictement cette grille et qu’il a lui aussi procédé à des règlements en espèces.

Il conteste fermement tout vol de documents médicaux et comptables, rappelant qu’il était associé de la société ICBI et avait librement accès aux documents.

M. [E] s’attache ensuite à démontrer que les cas cliniques produits par la société ICBI faisant état de prétendues sous-facturations ou absence de facturation de sa part sont tous inopérants et verse un tableau pour prouver qu’il n’a commis aucune faute.

Il soutient que l’appelante est mal fondée à invoquée un quelconque « gain manqué » alors que l’objectif de chiffre d’affaires pour l’année 2021 a été largement dépassé et qu’il y a contribué à hauteur de 31 %.

Il conteste avoir dissimulé des soins dispensés et facturés aux patients, relatant que les soins dispensés figurent tous dans les comptes-rendus opératoires et qu’il est usuel de ne pas rentrer dans le logiciel de facturation les prestations qui n’ont pas donné lieu à facturation (le docteur [M] faisant au demeurant de même).

Il réfute toute faute de gestion, indiquant que le mode de facturation n’a aucun rapport avec la gestion de la société, et fait valoir que les sujets de facturation relèvent des organismes sociaux.

Il soutient que la société ICBI prétend à tord qu’il aurait détourné des règlements effectués en espèces et que c’est le docteur [M] qui lui a donné des instructions sur le processus à suivre en cas de règlements en espèces, des notes dans le système de facturation indiquant ces règlements.

Il ajoute que les règlements en espèces s’effectuaient auprès de la secrétaire de la société ICBI, excluant ainsi toute dissimulation, et que la circonstance que certains règlements n’aient pas été déposés en banque relève de la seule responsabilité du président et associé majoritaire de la société ICBI.

M. [E] avance ensuite qu’il applique une totale étanchéité dans la facturation des soins dispensés au cabinet ICBI et au cabinet de La Défense. Il prend pour exemple le cas de la patiente Mme [J], pour laquelle il a effectué une rectification au cabinet de [Localité 7], mais sans lui facturer

Sur les prétendus faits de concurrence déloyale, l’intimé soulève d’abord le défaut de qualité à agir de la société ICBI dès lors que la patientèle adressée par les confrères n’est pas la sienne et que le patient a le libre choix de son praticien.

A titre surabondant, il entend démontrer qu’il n’a pas détourné ou démarché la « clientèle/patientèle » de l’appelante.

Il critique la pièce adverse n° 25 qui date de 2012 et est antérieure à son arrivée, la pièce n° 30 qui concerne un patient dont il prouve qu’il est toujours à l’heure actuelle suivi par son dentiste habituel, et fait valoir que tous les exemples cités par la société ICBI sont contredits par ses explications et les pièces versées.

Il fait observer que les prétendus exemples produits par l’appelante en cause d’appel sont des doublons des pièces déjà produites.

Il relève également qu’il est déontologiquement autorisé à adresser une lettre annonçant son installation à des confrères et que sa communication professionnelle relève de l’Ordre, soulignant que cela découle de l’article R. 4127-219 du code de la santé publique et ajoutant qu’en qualité d’associé de la société ICBI pendant 6 années, il s’est estimé en droit de contacter des correspondants dès lors qu’il avait lui-même contribué à nouer et entretenir de bonnes relations avec ses confrères.

Il conteste vigoureusement avoir détourné ou volé un fichier de correspondants, prétendant que les coordonnées des confrères sont librement accessibles sur internet et que les propos de l’appelante sont démentis par ses pièces, et fait valoir qu’en tout état de cause, le fait de conserver des coordonnées de correspondants ne caractérise en rien une concurrence déloyale, sauf à rapporter la preuve d’actes positifs de détournement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Il soutient que par ailleurs, une mesure d’expertise est inopérante pour déterminer de prétendus cas de détournement de patientèle, sauf à permettre à l’expert de procéder à un interrogatoire de tous les patients en violation flagrante du secret médical.

Il considère que les autres griefs de concurrence déloyale sont dépourvus de sérieux et de consistance, la circonstance que Google ait associé aux résultats des recherches sur le docteur [M] le cabinet du docteur [E] ne relevant en rien de sa responsabilité et fait valoir qu’il a récemment écrit à Google assistance le 8 juin 2023 pour qu’il soit remédié à ce bug de référencement.

S’agissant du logo de la société ICBI, l’intimé explique qu’il s’agit d’un logo non déposé, tout à fait banal, et que le compte-rendu de consultation sur lequel il figure (en date du 10 octobre 2022) est un document établi, par erreur de paramétrage, au début de son installation.

En ce qui concerne sa nouvelle grille tarifaire, il souligne que l’appelante en fait une lecture biaisée, alors que certaines de ses prestations sont plus onéreuses que celles de la société ICBI et que la plupart des prestations se situent dans le même ordre de prix, et alors qu’il s’agit de celle qu’il utilisait déjà au cabinet de La Défense.

Sur le prétendu démarchage de deux associés de la société ICBI, il soutient que les attestations des associés sont dépourvues de valeur probante car ils sont en lien de subordination avec M. [M], président et associé majoritaire de la société, et qu’en outre, en l’absence de toute obligation de non-concurrence ou de non-débauchage, il était en droit d’avoir des discussions sur un changement de structure avec d’autres associés.

L’intimé entend ensuite démontrer l’inutilité de la mesure d’instruction sollicitée puisque de l’aveu même de l’appelante, la mission a déjà été réalisée par ses soins, ajoutant que la SELAS a d’ores et déjà accès aux dossiers médicaux de tous les patients qu’il a traités.

Il relève que l’appelante a déjà chiffré son prétendu préjudice et que son action n’a comme seul objectif que d’obtenir des informations confidentielles sur ses patients.

A titre subsidiaire, sur le périmètre de la mission de l’expert, M. [E] soutient qu’elle ne saurait porter sur la période antérieure au 12 octobre 2017, atteint de la prescription quinquennale, l’appelante ne pouvant soutenir qu’elle a tout découvert en 2022 alors qu’elle avait tous les éléments entre les mains.

Il ajoute que doivent être exclus du périmètre de la mission de l’expert les prestations réalisées au cabinet dentaire de La Défense.

En outre, il demande que la mission concerne l’ensemble des associés du cabinet dentaire, qu’un sapiteur expert en informatique soit désigner aux côtés de l’expert chirurgien-dentiste, afin de s’assurer que les données entrées dans le logiciel comptable de la société ICBI n’ont pas été altérées, et qu’un rapprochement soit fait avec l’agenda Doctolib du docteur [M] pour voir s’il n’a pas supprimé des rendez-vous pour lesquels il n’avait pas enregistré les règlements en comptabilité.

Enfin, M. [E] forme appel incident et sollicite l’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il soutient que la chronologie du dossier démontre à elle seule le caractère abusif de la présente procédure ; que la société ICBI a usé de méthodes déloyales, en contactant notamment ses patients.

Il argue de préjudices d’anxiété, financier et d’image pour solliciter l’allocation d’une provision de 150 000 euros.

Sur ce,

Sur la nullité de l’ordonnance attaquée :

La société ICBI fait grief au premier juge d’avoir statué en retenant qu’ « au regard de la jurisprudence, le partage du secret médical concernant des soins apportés à des patients par le docteur [E] ne saurait être ordonné pour une visée autre que des soins », se fondant ainsi sur un moyen sur lequel il n’avait pas invité les parties à s’expliquer.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L’appelante relève que pour l’essentiel, M. [E], défendeur, faisait valoir en page 40 de ses conclusions, que :

« Ainsi, si la Cour de cassation admet le recours à des mesures d’instruction ou la production de pièces pouvant porter atteinte à des secrets protégés, c’est à la condition que leur exercice soit indispensable et proportionné aux intérêts antinomiques en présence. Pour autoriser une mesure portant atteinte au secret médical, le juge doit constater que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont indispensables à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées et ne portent pas une atteinte disproportionnée à ces secrets au regard du but poursuivi ».

L’intimé fait quant à lui valoir, sans être démenti, qu’il avait cité dans ses conclusions de première instance l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, tant dans le corps de ses écritures que dans leur dispositif.

Or c’est précisément cet article qui traite du partage du secret médical, ce dont il résulte que le moyen tiré de l’application de cette règle était dans les débats, de sorte que le premier juge en répondant à ce moyen, n’a pas violé le principe de la contradiction.

La demande de nullité de l’ordonnance critiquée sera en conséquence rejetée.

Sur la demande d’expertise :

Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.

Il sera rappelé que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque au soutien de sa demande d’expertise puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais il doit toutefois justifier d’éléments rendant crédibles les griefs allégués, l’application de cet article n’impliquant cependant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

L’existence du motif légitime s’apprécie à la lumière des éléments de preuve produits mais aussi de l’utilité des mesures d’instruction sollicitées, la mesure ne devant en outre pas porter pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Dans un souci de cohérence et au vu de la présentation par les parties de leurs moyens et arguments, il convient tout d’abord d’examiner si, comme le prétend l’intimé, le secret médical constituerait un obstacle dirimant pour ordonner une expertise dans le cadre d’un conflit entre médecins.

Sur le secret médical et l’irrecevabilité soulevée au regard de la formulation de la mission sollicitée :

Si les dispositions relatives au secret professionnel font obstacle à ce que l’identité d’un malade soit divulguée sans son consentement, toute partie qui se prétend victime d’un dommage doit pouvoir faire effectivement valoir ses droits en justice, de sorte qu’il appartient alors au juge, lorsqu’une expertise impliquant l’accès à des informations couvertes par le secret médical est nécessaire à la manifestation de la vérité, de prescrire des mesures efficaces pour éviter la divulgation de l’identité des malades ou consultants (1re Civ., 18 mars 1997, pourvoi n° 95-12.576), ce dont il résulte, que dans ces conditions et sous cette réserve concernant le contenu de la mission, le secret médical n’est pas, par nature, un obstacle à ce que soit ordonnée une expertise judiciaire dans un conflit entre médecins.

Les moyens et arguments de M. [E] tirés de ce que « le secret médical revêt un caractère absolu qui impose le rejet de cette demande d’expertise » (pages 18 et suivants de ses conclusions), seront donc écartés, étant relevé que le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 15 novembre 2022 n° 441387, a jugé « qu’il résulte de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique cité au point 2 que le partage d’informations couvertes par le secret médical et nécessaires à la prise en charge d’une personne, entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins, requiert le consentement préalable de cette personne », relevant la même réserve que celle posée par la Haute juridiction judiciaire, concernant la nécessité d’obtenir l’autorisation du patient s’agissant de la divulgation d’informations couvertes par le secret médical.

M. [E] fait valoir que la demande de la société ICBI, formulée seulement dans ses conclusions n° 3, aux fins de voir ordonner une expertise sur pièces anonymisées, serait irrecevable en application du principe de concentration des prétentions posé par l’article 910-4 du code de procédure civile.

Toutefois, l’énonciation des termes de la mission que le demandeur à l’expertise souhaite voir confiée à l’expert ne constitue pas une prétention au sens de ce texte alors qu’en outre, le juge, le cas échéant, fixe librement ces termes sans être tenu de suivre la proposition formulée en ce sens.

Le moyen d’irrecevabilité de la demande d’anonymisation sera en conséquence rejeté.

Sur le motif légitime :

Sur la commission de faits préjudiciables à la société ICBI (sous-facturations, absence de facturation et détournements d’espèces) :

La société ICBI verse désormais aux débats à hauteur d’appel des exemples de cas cliniques, dont le dossier médical a été anonymisé, laissant apparaître que le docteur [E] pourrait avoir effectué des soins qu’il n’aurait pas facturés (pièces appelante n° 27, 29, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 42, 43, 44) ou aurait sous-facturé les prestations par rapport à la grille tarifaire du cabinet ICBI (pièces appelantes n°25, 26, 39 et 41), ces mêmes non-facturations ou sous-facturations par rapport aux taris affichés étant également relevées précisément dans les dossiers anonymisés versés en pièces 50-1 à 50-16.

Si comme l’oppose M. [E] il existe un principe selon lequel tout praticien est libre de moduler ses honoraires, ainsi qu’il le fait valoir lui-même, c’est à la condition que cette liberté soit exercée dans le respect des principes déontologiques applicables à la profession, et en l’espèce, au vu du nombre et donc de l’importance des dossiers, exposés à titre d’exemples, dans lesquels il apparaît que des prestations réalisées n’ont pas été facturées en comptabilité ou l’ont été avec un montant inférieur à celui affiché, il existe des indices suffisants d’un manque de loyauté de M. [E] à l’égard de la société ICBI, voir de « détournements » lorsqu’il était associé de la société, outre qu’il apparaît également que le fait de n’avoir pas mentionné la réalisation de greffes dans les comptes-rendus opératoires est susceptible de caractériser une faute à l’égard des patients qui ne pourraient plus bénéficier de la traçabilité des matériaux greffés.

M. [E] admet dans ses conclusions n’avoir « parfois pas pu facturer certains soins dès lors qu’ils n’avaient pas été prévus dans des devis écrits acceptés mais se sont révélés par la suite nécessaires » en expliquant que « c’est uniquement parce que la situation l’exigeait et nullement à des fins de détournement » (page 34), assertion en l’état non démontrée et qui justifie d’autant qu’un expert de la même spécialité puisse se prononcer sur la conformité de ces pratiques aux usages de la profession, tout comme cette nécessité s’impose également au regard de l’affirmation de M. [E] selon laquelle « le fait de pas facturer un implant dans le cadre d’un lourd plan de traitement est une pratique tout à fait courante dans les cabinets de chirurgiens-dentistes en ce qu’elle permet souvent de limiter les frais induits par la nécessité de reposer des implants en cas d’échec des premiers implants » (page 35), s’agissant notamment de déterminer si comme l’évoque le professeur [L], il s’agit-là d’une liberté usuelle exercée dans le cadre d’un plan de traitement global.

Il conviendra également de confier à l’expert à désigner la mission de déterminer qu’elles étaient les pratiques en vigueur au sein du cabinet ICBI quant à l’utilisation de la grille tarifaire afin d’éclaircir le degré de caractère contraignant de celle-ci, à propos duquel les assertions des deux parties divergent frontalement.

Quant au tableau récapitulatif produit par M. [E] en pièces 47 et 47-1, dans lequel il revient sur chacun des dossiers allégués par l’appelante comme ayant fait l’objet d’une sous-facturation ou d’une absence de facturation, l’examen d’un expert technicien de la matière s’avère nécessaire afin de confronter la validité des propos de chacune des parties.

S’agissant du préjudice allégué par l’appelante du fait des agissements de l’intimé, quand bien même celui-ci aurait généré un important chiffre d’affaires pour la société ICBI et quand bien même aucun objectif chiffré n’était fixé aux praticiens, si les faits invoqués par l’appelante laissant présumer l’existence de négligences voire de détournements étaient confortés par les constatations de l’expert à désigner, il en résulterait nécessairement un préjudice de manque à gagner pour la société appelante, le fait que M. [M] aurait lui-même pratiqué de la même manière comme le prétend M. [E] n’étant pas de nature à amoindrir le préjudice potentiellement subi par la société, et éventuellement du fait des agissements de ces deux praticiens.

Il sera également relevé que les faits reprochés au docteur [E] objets de la mesure d’instruction sollicitée ne concernent pas exclusivement des fraudes aux organismes sociaux, de sorte que le procès en germe s’agissant des préjudices subis par la société ICBI relève bien des tribunaux judiciaires.

En revanche, les griefs tenant aux détournements par M. [E] de règlements effectués en espèces, pour lesquelles la société ICBI se contente d’indiquer avoir constaté des chiffres sur certaines fiches de soins pour lesquelles il n’y avait eu aucun autre encaissement, ne sont étayés par aucune pièce versée aux débats par l’appelante, de sorte qu’ils ne sauraient justifier la mesure d’instruction sollicitée.

En ce qui concerne le grief tiré du fait que des patients traités par M. [E] dans son cabinet de La Défense auraient réglé les honoraires à ce même cabinet alors qu’ils auraient bénéficié de soins gratuits par le cabinet ICBI, il apparaît suffisamment plausible dès lors que :

– Mme [J], une des patientes concernées, avant d’établir une attestation allant dans le sens de M. [E], avait écrit par courriel à l’appelante qu’elle était venue à plusieurs reprises au cabinet de Vélizy pour des ajustements et parer des urgences (pièce appelante n° 44),

– un patient dénommé T D a confirmé qu’une greffe posée au cabinet de [Localité 7] avait été réglée au cabinet de La Défense (pièce appelante n° 62),

– M. [E] a porté la mention « patient LA DEF » dans le dossier d’un patient ayant eu 3 rendez-vous au cabinet de Vélizy sans qu’aucune facturation n’y soit corrélée (pièce appelante n° 36).

Compte tenu des analyses et conclusions opposées faites par les deux parties s’agissant en particulier des dossiers de patients pris en exemple par la société ICBI pour caractériser l’existence de sous-facturations ou d’absence de facturation, le recours à un expert exerçant dans la même spécialité apparaît dès lors comme étant l’unique moyen d’obtenir un éclairage impartial.

Cette mesure apparaît également utile à la détermination de l’éventuel préjudice subi par l’appelante, laquelle le chiffre dans ses conclusions au regard des fautes prétendument déjà repérées, chiffrage qui reste à affiner.

Etant rappelé que la caractérisation d’un motif légitime justifiant que soit ordonnée une expertise judiciaire nécessite seulement la preuve d’indices laissant présager un possible procès futur, indépendamment des chances de succès du procès susceptible d’être ainsi engagé, il convient en conséquence de ce qui précède de faire droit à la demande de désignation d’un expert judiciaire. L’ordonnance querellée sera infirmée à cet égard.

Sur l’allégation de faits de concurrence déloyale :

En ce qui concerne les faits allégués comme constitutifs d’actes de concurrence déloyale, sans qu’il soit nécessaire d’analyser ceux-ci, il doit être relevé que le seul chef de mission que l’appelante propose de voir confié à l’expert est ainsi rédigé :

« o Chiffrer la perte du chiffre d’affaires de la société ICBI résultant des agissements du docteur [E] susceptibles de recevoir la qualification d’actes constitutifs de concurrence déloyale ;

Sur ce dernier chef de mission, dire que l’Expert nommé se fera remettre par la société ICBI la liste des patients que le docteur [E] ne traitait pas lorsqu’il exerçait son activité au sein de la société ICBI et qu’il traite désormais, pour comparer ensuite les deux fichiers. »

Or, force est de constater que d’une part, si les dentistes partenaires ou correspondants des chirurugiens-dentistes pourraient être considérés comme leur clientèle, en revanche, traitant au moins à 80 % (comme la société ICBI l’indique) de patients qui leur sont adressés par leur intermédiaire, ces derniers ne sont pas susceptibles au cas présent de recevoir la qualification de patientèle attachée à un cabinet.

D’autre part, une telle mission impliquerait de transmettre à l’expert l’identité de l’intégralité des patients ayant été traités par les autres praticiens de la société ICBI lorsque l’intimé y exerçait, ainsi que de ceux ensuite traités dans le nouveau cabinet de M. [E], ce qui constitue une mesure attentatoire aux droits de ces patients au respect de leur vie privée et disproportionnée avec l’objectif de recherche de preuves dans le présent cas.

L’appelante sera en conséquence, par voie de confirmation, déboutée de sa demande d’expertise s’agissant les allégations de concurrence déloyale.

Sur la mission à confier à l’expert :

La mesure sera ordonnée au contradictoire des parties sur des dossiers de patients qui devront être anonymisés par la société ICBI.

S’agissant des patients traités au cabinet ICBI et dont les soins auraient été acquittés auprès du cabinet de La Défense, il apparaît qu’un nombre restreint de dossiers est susceptible d’être ainsi concerné, de sorte que dire que l’expert ne pourra avoir accès à ces dossiers qu’avec l’accord des patients concernés constitue un procédé ne portant pas une atteinte disproportionnée au secret médical.

Quant à la période à faire examiner par l’expert, les faits antérieurs au mois de juillet 2017, la société ICBI alléguant avoir découvert les agissements fautifs de M. [E] au mois de juillet 2022, encourent la prescription par application de l’article 2224 du code civil, de sorte qu’il sera dit que l’expert pourra prendre connaissance des dossiers médicaux litigieux anonymisés tels qu’allégués par la société ICBI, pris en charge par M. [E], à partir du mois d’août 2017.

Les parties s’accordant à titre subsidiaire sur le fait que la mission de l’expert concerne l’ensemble des praticiens associés du cabinet ICBI, il sera fait droit à cette demande.

De même, il sera prévu comme le sollicite M. [E] qu’un sapiteur expert en informatique interviendra aux côtés de l’expert chirurgien-dentiste, afin de s’assurer que les données entrées dans le logiciel comptable de la société ICBI n’ont pas été altérées, et qu’un rapprochement soit fait avec l’agenda Doctolib du docteur [M] pour voir s’il n’a pas supprimé des rendez-vous pour lesquels il n’avait pas enregistré les règlements en comptabilité, en ajoutant la précision selon laquelle ce sapiteur ne pourra avoir accès aux données des patients.

Il n’y a pas lieu de donner acte expressément au dispositif du présent arrêt à l’intimé de ses protestations et réserves, une telle formulation n’étant pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile et la mesure d’instruction ordonnée ne restreignant en tout état de cause aucun des droits et moyens qu’il pourrait faire ultérieurement valoir.

Enfin, il convient de prévoir que si, par application des dispositions de l’article 281 du code de procédure civile, en cours d’expertise, les parties viennent à se concilier d’elles-mêmes, l’expert constatera que sa mission est devenue sans objet et il en fera rapport au juge délégué aux mesures d’instructions du tribunal judiciaire de Versailles.

Sur la demande reconventionnelle de M. [E] :

La présente décision faisant droit pour l’essentiel aux demandes de l’appelante, la procédure intentée à l’encontre de l’intimée ne saurait être qualifiée d’abusive.

L’ordonnance attaquée sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [E] de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Aucune partie ne pouvant être considérée comme perdante à ce stade de la procédure, l’ordonnance querellée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

A hauteur d’appel, les parties seront également déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et il sera dit qu’elles conserveront chacune les dépens par elles exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de nullité de l’ordonnance du 23 février 2023,

Rejette le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande d’anonymisation,

Infirme l’ordonnance du 23 février 2023 en ce qu’elle a débouté la SELAS De Chirurgiens Dentistes ICBI de sa demande d’expertise et la confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Ordonne une expertise judiciaire et désigne pour y procéder :

M. [O] [B]

Hôpital [12]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX02]

Mèl : [Courriel 10]

avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

– Prendre connaissance des dossiers médicaux litigieux anonymisés tels qu’allégués par la société ICBI pris en charge par le docteur [E] à partir du mois d’août 2017 jusqu’à son départ, en ce compris l’historique de soins, les comptes rendus opératoires, le planning des rendez-vous et les radiographies ;

– Prendre connaissance selon une méthode d’échantillonnage (sondage) des dossiers médicaux, après anonymisation, de patients pris en charge sur la même période par les autres praticiens de la société ICBI, en ce compris l’historique de soins, les comptes rendus opératoires, le planning des rendez-vous et les radiographies ;

– Déterminer si le docteur [E] a effectué des soins sur des patients qu’il suivait dans le cabinet de la société ICBI, dans le cabinet de La Défense, et dans l’affirmative, déterminer le montant de ces soins, l’expert ne pouvant avoir accès aux dossiers des patients concernés qu’avec l’accord préalable de ces derniers ;

-Déterminer pour chaque dossier anonymisé remis si l’ensemble des soins effectués par les praticiens chirurgiens-dentistes de la société ICBI ont été régulièrement facturés pour le compte de la société ICBI ;

– Dans la négative, déterminer le montant des soins non facturés ou sous facturés ;

– Préciser si les agissements reprochés au docteur [E] (omissions de facturation ou sous facturation) et ceux qui seraient découverts de la part des autres praticiens sont conformes aux usages de la profession de chirurgien-dentiste ;

– Déterminer dans quelle mesure la grille tarifaire dont argue la société ICBI était suivie par les différents praticiens de la société ICBI au temps où M. [E] y exerçait ;

– Plus généralement, fournir à la juridiction qui sera éventuellement saisie tous éléments qui lui permettent d’apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis.

Dit que l’expert devra se faire assister un sapiteur informaticien de son choix afin de s’assurer qu’aucune donnée du logiciel de comptabilité de la société ICBI n’a été altérée et qu’un rapprochement soit fait avec l’agenda Doctolib du docteur [M] pour voir s’il n’a pas supprimé des rendez-vous pour lesquels il n’avait pas enregistré les règlements en comptabilité, étant précisé que ce technicien ne pourra avoir accès aux données des patients non anonymisées,

Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe du tribunal judiciaire de Versailles, service du contrôle des expertises, dans le délai de 6 mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties),

Dit que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle,

Dit que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction,

Dit que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

Dit que par application des dispositions de l’article 281 du code de procédure civile, si en cours d’expertise, les parties viennent à se concilier d’elles-mêmes, l’expert constatera que sa mission est devenue sans objet et il en fera rapport au juge délégué aux mesures d’instructions du tribunal judiciaire de Versailles ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

Dit que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

Fixe à la somme de 5 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui devra être consignée par la SELAS De Chirurgiens Dentistes ICBI entre les mains du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Versailles, dans le délai maximum de six semaines à compter de la présente décision, sans autre avis ;

Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

Dit qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération,

Déboute les parties de leurs demandes au titre dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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