Informations confidentielles : 8 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00771

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Informations confidentielles : 8 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00771

08/09/2023

ARRÊT N°2023/335

N° RG 22/00771 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OUIK

FCC/AR

Décision déférée du 24 Janvier 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTAUBAN ( 20/00238)

LAGARRIGUE V

S.A.S. VULCANET COMPANY

C/

[T] [Y]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 08 09 2023

à Me Ravyn ISSA

Me Christophe CAYROU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. VULCANET COMPANY

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Clémence COLIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS (plaidant) et par Me Ravyn ISSA, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

INTIME

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christophe CAYROU de la SCP DIVONA LEX, avocat au barreau de LOT

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E.BILLOT, Vice-Présidente Placée

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [Y] a été embauché selon lettre de confirmation d’embauche en contrat à durée indéterminée à compter du 7 mars 2013 par la SARL Quatris, sise à [Localité 5], ayant pour activité le commerce, le négoce, la fabrication et l’exploitation de brevets des produits d’entretien de véhicules Vulcavite et Vulcanet, en qualité d’animateur des ventes.

La convention collective nationale du commerce de gros est applicable.

La SARL Quatris a cédé à la SAS Vulcanet Company, sise à [Localité 4], dont le président est M. [J], la branche d’activité de commerce et fabrication de produits d’entretien de véhicules Vulcavite et Vulcanet, dans laquelle M. [Y] exerçait son activité, cession ayant pris effet au 31 décembre 2014. Le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la SAS Vulcanet Company.

Par convention de rupture conventionnelle en date du 28 novembre 2017, qui a été homologuée, la SAS Vulcanet Company et M. [Y] ont mis fin au contrat de travail à effet du 4 janvier 2018. Une indemnité de rupture conventionnelle de 4.750 € a été convenue.

Le 26 juillet 2018, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban. Après radiation du 11 février 2020 et réinscription du 19 octobre 2020, M. [Y] a en dernier lieu demandé le paiement de rappels de primes, d’heures supplémentaires, de temps de trajet, de frais professionnels, de l’indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires.

Reconventionnellement la SAS Vulcanet Company a demandé des dommages et intérêts pour manquement du salarié à ses obligations de loyauté et discrétion et le remboursement d’un prêt.

Par jugement de départition du 24 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Montauban a :

– condamné la SAS Vulcanet company à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

* 36.300 € au titre des primes annuelles, outre congés payés de 3.630 €,

* 1.129,80 € au titre du remboursement de frais professionnels,

* 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [Y] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et au non respect de la durée de repos quotidien et hebdomadaire,

– débouté la SAS Vulcanet Company de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande relative au prêt,

– condamné la SAS Vulcanet Company aux dépens,

– rejeté la demande relative aux frais d’exécution forcée,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La SAS Vulcanet Company a relevé appel de ce jugement le 22 février 2022, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 6 juin 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Vulcanet Company demande à la cour de :

– déclarer la SAS Vulcanet Company recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

– réformer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Vulcanet Company au titre des primes annuelles, des frais professionnels, de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, et débouté la société de ses demandes,

a) Sur les demandes reconventionnelles de la société :

– condamner M. [Y] à payer à la SAS Vulcanet Company les sommes suivantes :

* 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des manquements de M. [Y] à ses obligations,

* 14.990 € en remboursement du solde du prêt de 36.690 € accordé par la société en janvier 2015,

b) Sur les demandes du salarié :

– juger qu’aucune prime annuelle n’est due à M. [Y] pour les années 2015, 2016 et 2017 compte tenu de la non-réalisation de la marge fixée par le contrat de travail, que tous les frais professionnels justifiés par M. [Y] comme étant lié à son poste lui ont été remboursés, que M. [Y] a manqué à son obligation générale de loyauté envers la société ainsi qu’aux clauses d’exclusivité et de discrétion prévues par son contrat de travail,

– débouter M. [Y] de ses demandes au titre des primes, frais professionnels et de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et aux congés payés afférents, au travail dissimulé, au non-respect de la durée de repos quotidien et hebdomadaire, aux temps de trajet et aux frais d’exécution forcée, et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

En tout état de cause :

– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Y] à payer à la SAS Vulcanet Company une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [Y] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Vulcanet Compagny au titre des primes annuelles, des frais professionnels, de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, et débouté la SAS Vulcanet Compagny de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] du surplus de ses demandes,

Et statuant à nouveau :

– condamner la SAS Vulcanet Compagny au paiement des sommes suivantes :

* 20.860,30 € bruts au titre du rappel de salaire sur les heures supplémentaires réalisées et non payées au cours des années 2015, 2016 et 2017, outre 2.086,03 € bruts au titre des congés payés afférents,

* 23.094,06 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé en application des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail,

* 3.789,72 € bruts au titre des temps de trajet (article L 3121-4 du code du travail),

* 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire,

* 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’aux entiers dépens et frais éventuels.

MOTIFS

1 – Sur les primes :

Le contrat de travail stipulait un salaire fixe de 2.200 € bruts plus une prime annuelle d’activité calculée comme indiqué en annexe 1 :

pour une marge : chiffre d’affaires net moins le coût des salaires et frais de la force de vente

Marge

Prime annuelle

inférieure à 490.000 €

0 €

supérieure ou égale à 490.000 €

2.200 €

supérieure ou égale à 551.000 €

5.500 €

supérieure ou égale à 615.000 €

8.800 €

supérieure ou égale à 690.000 €

12.100 €

M. [Y] réclame des primes de 12.100 € par an sur les années 2015, 2016 et 2017, soit un total de 36.300 €, outre congés payés de 3.630 €, demande à laquelle le conseil de prud’hommes a fait droit. Il se base sur un tableau en pièce n° 4, établi selon lui par Mme [G], comptable de la SAS Vulcanet Company, mentionnant, pour la France et l’export, les chiffres d’affaires et les coûts FV, une marge totale de 1.671.727,39 € pour 2017, et une prime due de 12.100 €. Il ne produit aucune pièce pour les années 2015 et 2016.

La SAS Vulcanet Company affirme M. [Y] a modifié le tableau que Mme [G] lui a communiqué par mail du 13 novembre 2017, et produit le mail et la pièce jointe, laquelle est effectivement différente car elle ne mentionne ni les marges ni la prime, ce qui montre que M. [Y] a ajouté les marges et la prime. De plus, Mme [G] atteste que son tableau mentionne un chiffre d’affaires brut et non un chiffre d’affaires net, de sorte qu’il ne peut pas servir de base de calcul pour les primes.

La SAS Vulcanet Company verse aux débats un tableau en pièce n ° 64 émanant de la société d’expert-comptable Alizé, mentionnant, pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2015, du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017 et du 1er juillet au 31 décembre 2017, les chiffres d’affaires bruts dont à déduire les charges d’exploitation pour aboutir à des chiffres d’affaires nets, et les coûts FV, soit des bases de calcul de primes respectives ramenées sur une année civile de 345.725 €, 489.792 € et 176.946 €, par conséquent inférieures au plancher de 490.000 €.

M. [Y] critique la force probante de cette pièce en affirmant qu’il ne s’agit pas d’un document comptable officiel et qu’il comporte des erreurs de calcul.

Néanmoins, cette pièce porte le tampon et la signature de l’expert-comptable et rien ne permet de douter de son authenticité ; quant aux chiffres, la SAS Vulcanet Company les explicite dans ses conclusions, indiquant qu’il convient d’exclure les charges d’encadrement, de rémunération des commerciaux, de sous-traitance, de locations et de transport sur vente pour calculer les charges d’exploitation, de sorte qu’il n’y a pas d’erreur de calcul.

Il convient donc, au vu de la pièce produite par l’employeur, de constater que le salarié n’a jamais atteint le minimum de marge, et de le débouter de sa demande au titre des primes, par infirmation du jugement.

2 – Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [Y] réclame un rappel de salaire de 20.860,30 € bruts, outre 2.086,03 € bruts au titre des congés payés afférents, comme suit :

– au titre de l’année 2015, 223 heures supplémentaires majorées à 25 % et 186,50 heures supplémentaires majorées à 50 % ;

– au titre de l’année 2016, 171,50 heures supplémentaires majorées à 25 % et 60,50 heures supplémentaires majorées à 50 % ;

– au titre de l’année 2017, 91 heures supplémentaires majorées à 25 % et 31 heures supplémentaires majorées à 50 %.

Il produit :

– des tableaux récapitulatifs sur les années concernées, mentionnant jour par jour ses lieux, horaires et durées de travail, avec un total hebdomadaire ;

– des pièces annexes : tickets de caisse, réservations d’hôtel, itinéraires etc.

La SAS Vulcanet Company réplique que :

– pendant le contrat de travail, M. [Y] n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires ;

– au sein de l’entreprise, les heures complémentaires réalisées étaient compensées par des repos ; d’ailleurs, le contrat de travail de M. [E], qui avait quasiment les mêmes fonctions que M. [Y], le prévoyait expressément ;

– M. [Y] était autonome dans l’organisation de son emploi du temps ;

– il ne prouve pas ses heures supplémentaires :

* les tableaux récapitulatifs ont été établis par lui, or nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

* il ne produit pas de documents justifiant de son amplitude horaire au bureau ;

* les tickets de caisse ne permettent pas de justifier de son amplitude horaire en tournée commerciale ;

* le salarié ne justifie pas de son amplitude horaire sur les salons (18 janvier 2015, du 5 au 7 février 2016, du 7 au 9 novembre 2017) ;

– les tableaux établis par M. [Y] contiennent des incohérences :

* pendant les salons il ne déduit pas les pauses méridiennes ;

* il ne comptabilise pas ses jours de repos (du 3 au 6 janvier, les 16, 24 et 31 janvier, du 16 au 20 février 2017) ;

* il était en congés payés du 3 au 14 août 2015, les 29 et 30 août, 22 et 23 décembre 2016, du 6 au 10 mars, les 9 mai, 31 juillet, 14 août, du 19 au 25 octobre, du 13 au 15 novembre 2017 ;

* il prétend avoir travaillé des jours fériés en semaine ce qui est peu plausible ;

– M. [Y] applique les majorations de salaires forfaitairement sur le quota annuel des heures supplémentaires.

Or, la charge de la preuve étant partagée entre le salarié et l’employeur, il ne saurait être exigé que le salarié prouve seul la réalisation d’heures supplémentaires au moyen de pièces exclusivement extrinsèques. En l’espèce, M. [Y] produit bien des tableaux récapitulatifs extrêmement précis, peu important qu’il les ait établis lui-même, ainsi que d’autres pièces ; ainsi, il satisfait à sa part de charge probatoire.

La cour relève que :

– la SAS Vulcanet Company critique les éléments produits par M. [Y] mais sans fournir ses propres relevés horaires ;

– il importe peu que, pendant la relation de travail, M. [Y] n’ait pas formé de réclamation au sujet des heures supplémentaires ;

– la liberté d’organisation dont jouissait M. [Y] ne le prive pas non plus de la possibilité de demander le paiement d’heures supplémentaires ;

– il est totalement indifférent que le contrat de travail de M. [E] ait prévu la possibilité de repos compensateur, celui de M. [Y] ne le prévoyant pas ; en toute hypothèse, la SAS Vulcanet Company ne justifie pas avoir mis en place un dispositif de repos compensateur de remplacement par accord d’entreprise ni même de manière unilatérale, conformément aux articles L 3121-33 et suivants du code du travail ; elle produit des attestations de 6 salariés affirmant que les heures supplémentaires effectuées par tout le personnel ne sont pas rémunérées mais récupérées selon leur volonté, mais ces attestations sont toutes rédigées en des termes strictement identiques ; elle ne justifie pas des jours sur lesquels M. [Y] aurait pris des repos compensateurs ;

– s’agissant des salons, dans ses tableaux récapitulatifs, M. [Y] distingue les jours où il a pris ses repas sur le stand, où il ne pouvait pas vaquer librement à des occupations personnelles, ce qui constituait du temps de travail, et les autres jours où il a pris son déjeuner en dehors du stand ;

– la SAS Vulcanet Company se fonde sur des plannings en pièce n° 75 sur les mois de janvier et février 2017 mentionnant les jours de bureau, de ‘event’ et de repos ; néanmoins, il ne s’agit que de plannings prévisionnels susceptibles de modifications quant aux jours de repos, et non de plannings établis a posteriori, de sorte qu’ils ne démontrent pas quels ont été les jours de repos effectifs ;

– s’agissant des jours où la SAS Vulcanet Company affirme que M. [Y] était en congés payés, l’examen des tableaux récapitulatifs montre que le salarié a compté ces jours soit comme congés payés soit comme journées au bureau mais qu’en toute hypothèse il n’a mentionné que 7 heures par jour ce qui n’a pas donné lieu à heures supplémentaires ;

– s’agissant des jours fériés en semaine, la SAS Vulcanet Company ne produit aucun élément établissant qu’en réalité M. [Y] n’aurait pas travaillé ;

– il ressort des tableaux récapitulatifs que M. [Y] a bien calculé les heures supplémentaires dues, majorées à 25 % ou à 50 %, semaine par semaine, et non pas sur l’année entière.

Par suite, en l’absence d’éléments de la part de l’employeur de nature à contredire ceux du salarié, la cour retiendra le nombre d’heures supplémentaires et le rappel de salaires allégués par M. [Y], le jugement étant infirmé.

3 – Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

M. [Y] bénéficiait d’une liberté d’organisation de son emploi du temps et effectuait de nombreux déplacements, y compris à l’étranger ; il ne s’est jamais plaint d’une surcharge de travail et n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires. Ainsi, l’intention de dissimulation de la part de l’employeur n’est pas établie et le salarié sera débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, par confirmation du jugement.

4 – Sur les frais professionnels :

En première instance, M. [Y] réclamait le remboursement de frais professionnels de 1.869,03 € ; il produisait un état récapitulatif de frais et des tickets, relatifs aux 31 octobre et 10 novembre 2017 (journées de bureau selon le tableau récapitulatif relatif aux heures supplémentaires), et lors d’un salon à Milan du 5 au 9 novembre 2017, au titre des frais de carburant, de parking, d’autoroute, de taxi, de restauration et d’hôtel.

Le conseil de prud’hommes a relevé qu’il ressortait du contrat de travail que le salarié bénéficiait d’un forfait de 15 € par repas et de 80 € par nuitée, ainsi que du paiement des frais de carburant et d’autoroute, et, au vu des justificatifs produits, a retenu une somme de 1.129,80 €, sans détailler son calcul.

M. [Y] demande la confirmation du jugement de ce chef.

La SAS Vulcanet Company qui conclut au débouté de M. [Y] en sa demande souligne que celui-ci réclame des frais de restauration et d’hôtel excédant les forfaits et qu’il ne justifie pas de ses frais de taxi ; elle affirme avoir réglé au salarié des avances sur frais, ainsi qu’un solde de tout compte de 90,09 €.

A l’examen des justificatifs produits, la cour retiendra :

– des frais de carburant pour 236,43 € (TTC) ;

– des frais de parking pour 32,60 € ;

– des frais de péage pour 16,10 € ;

– des frais de repas de 90 € (6 repas à 15 €) ;

– des frais d’hôtel pour 240 € (3 nuitées à 80 €) ;

soit un total de 615,13 € ;

M. [Y] ne justifiant pas des autres frais de parking et de taxi, et ne pouvant pas prétendre au dépassement des forfaits.

De son côté, l’employeur ne démontre pas avoir fait des avances de frais, et le solde de tout compte ne mentionne pas les frais concernés.

Par infirmation du jugement, la cour condamnera la société au paiement de la somme de 615,13 €.

5 – Sur les temps de trajet :

L’article L 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, mais que, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos soit sous forme financière.

La convention collective nationale du commerce de gros ne prévoit rien en la matière.

La SAS Vulcanet Company est sise à [Localité 4] et, à l’époque du contrat de travail, M. [Y] demeurait à [Localité 6] puis à [Localité 3].

M. [Y] expose qu’il était amené à effectuer de longs trajets pour se rendre sur les salons, trajets qui n’ont donné lieu à aucune contrepartie. A partir des tableaux récapitulatifs relatifs aux heures de travail déjà évoqués qui mentionnent également les temps de trajet anormaux, il a établi des tableaux reprenant spécifiquement ces temps de trajet, soit :

– 276 heures pour 2015 ;

– 156 heures pour 2016 ;

– 147 heures pour 2017 ;

trajets qu’il valorise à hauteur de 30 % soit 3.789,72 €.

La SAS Vulcanet Company réplique à la fois que M. [Y] ne démontre pas que les heures de trajet réalisées dépassent le temps de trajet habituel et doivent être considérées comme du temps de travail, que les heures de trajet ont été payées comme du temps de travail – ce qui est contradictoire – et que M. [Y] réclame le paiement de ses heures de trajet deux fois, à la fois au titre des heures supplémentaires qui ont donné lieu à repos compensateur, et au titre du dépassement.

Le conseil de prud’hommes a débouté M. [Y] de sa demande au motif qu’il ne démontrait pas que les temps de trajet n’avaient pas fait l’objet d’une contrepartie sous forme de repos.

Or, la cour constate que les trajets effectués pour se rendre sur les salons, y compris à l’étranger, excédaient effectivement les temps de trajet normaux, et qu’il appartient à l’employeur de démontrer l’existence d’une contrepartie, ce qu’il ne fait pas.

Par ailleurs, dans ses tableaux le salarié distingue bien les heures supplémentaires comme du temps de travail, qu’il valorise à 125 % ou 150 %, et les trajets anormaux, qu’il valorise à 30 %, et il ne réclame pas un double paiement.

Il sera donc fait droit à la demande de M. [Y], par infirmation du jugement.

6 – Sur les dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire :

M. [Y] se plaint du non-respect des dispositions relatives aux temps de repos quotidien (11 heures), hebdomadaire (35 heures) et dominical.

S’agissant du repos dominical, la SAS Vulcanet Company pouvait y déroger en application d l’article L 3132-12 du code du travail.

S’agissant des repos quotidiens et hebdomadaires, M. [Y] ne détaille pas les jours où la SAS Vulcanet Company aurait manqué à ses obligations et se contente de renvoyer la cour à l’examen de ses tableaux récapitulatifs en pièces n° 6, 7 et 8. Toutefois, ces tableaux ne font apparaître aucun manquement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts.

7 – Sur les manquements de M. [Y] :

La SAS Vulcanet Company demande l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 100.000 €. Elle invoque des manquements de M. [Y] à ses obligations du fait d’une concurrence pendant l’exécution du contrat de travail : violation de l’obligation de loyauté (démarchage des clients de la SAS Vulcanet Company par M. [Y] pour le compte des sociétés Quatris et Dalta, démarchage des agents commerciaux de la SAS Vulcanet Company, dénigrement des produits Vulcanet, référence faite aux produits Vucanet pour vendre les produits Unpass, témoignage en faveur de la société Vulcasia), violation de l’obligation de discrétion (transmission d’informations aux sociétés Quatris et Dalta), violation de la clause d’exclusivité (exercice d’une activité concurrente dès septembre 2017 pour les deux sociétés).

Au préalable, la cour rappelle que, dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, l’employeur ne peut mettre en cause la responsabilité du salarié qu’en cas de faute lourde de celui-ci ; pour être caractérisée, la faute lourde requiert de la part du salarié l’intention de nuire vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise. Or, l’employeur est muet sur l’existence d’une faute lourde.

Par ailleurs, les pièces produites par la SAS Vulcanet Company n’établissent pas une activité concurrentielle de la part de M. [Y] pendant le contrat de travail les liant. En effet :

– de nombreuses pièces relatives aux lingettes Unpass comparées aux lingettes Vulcanet sont postérieures à la rupture du contrat de travail au 4 janvier 2018, ou ne sont pas datées, ou évoquent des faits non datés ;

– des interlocuteurs disent avoir été démarchés par M. [Y] au sujet de produits Unpass mais sans prétendre que c’était avant janvier 2018 ; d’autres indiquent que, pendant qu’il travaillait au sein de la SAS Vulcanet Company, M. [Y] avait pour projet de créer sa société de lingettes Unpass, mais sans indiquer qu’il l’a effectivement créée avant janvier 2018 ; d’ailleurs, dans ses conclusions, la SAS Vulcanet Company reconnaît que M. [Y] n’a commencé à commercialiser la marque Unpass qu’en janvier 2018 ;

– la SAS Vulcanet Company ne démontre pas que l’attestation rédigée par M. [Y] en 2017 au sujet d’un contentieux entre la SAS Vulcanet Company et la société Vulcasia avait pour but de porter préjudice aux intérêts de l’employeur ; elle ne justifie d’ailleurs pas de l’utilisation de cette attestation dans le litige entre les deux sociétés, ni d’une issue préjudiciable à son égard ;

– les mails antérieurs à la rupture relatifs à la transmission de documents, notamment les mails échangés avec M. [K] (sociétés Dalta et Quatris), ne permettent pas de dire que M. [Y] aurait transféré à des tiers des informations confidentielles concernant la SAS Vulcanet Company, les mails étant peu clairs et les pièces jointes manquantes ;

– certains mails sont rédigés en anglais et non traduits en français, de sorte qu’ils ne peuvent qu’être écartés.

Enfin, la SAS Vulcanet Company ne justifie pas d’un préjudice en lien avec les activités commerciales de M. [Y] :

– elle ne produit aucune pièce relative à la perte de clientèle ;

– elle ne justifie pas d’une croissance habituelle de 30 % ni d’une baisse de cette croissance ; il ressort de l’attestation de son expert-comptable que son chiffre d’affaires n’a pas brutalement chuté à partir de l’année 2017 où selon elle auraient commencé les agissements de M. [Y], mais qu’il a progressé : 1.553.281 € en 2015, 1.982.852 € en 2016, 2.156.867 € en 2017, 2.029.715 € en 2018, 2.290.128 € en 2019 ;

– elle ne saurait intégrer dans son préjudice les salaires versés à M. [Y] de septembre à décembre 2017 de 15.396,04 € qu’elle estime indus, ni les indemnités de rupture de 4.750 € versées.

La cour confirmera donc le jugement en ce qu’il a débouté la SAS Vulcanet Company de sa demande de dommages et intérêts.

8 – Sur le prêt :

La SAS Vulcanet Company expose qu’en janvier 2015, elle a consenti à M. [Y] un prêt de 36.690 € destiné à financer l’acquisition d’un véhicule personnel Mercedes, remboursable sur 5 ans ; que M. [Y] a remboursé une partie de ce prêt le 16 novembre 2016 par un chèque de 21.700 €, de sorte qu’il reste dû 14.990 €.

Elle verse aux débats :

– les mails échangés en octobre et décembre 2014, entre le président de la société, M. [J], M. [Y] et des concessionnaires automobiles au sujet d’un véhicule Mercedes, M. [J] ayant sollicité les concessionnaires pour trouver le véhicule et M. [Y] ayant choisi le modèle et les options ;

– le mail du 16 février 2015 adressé par M. [Y] à M. [J] indiquant ‘montant voiture : 36.990 € sur 5 ans cela fait 616 € hors intérêt’ ;

– un extrait du grand livre de la SAS Vulcanet Company mentionnant ‘prêt [T] [Y] : 1/1/16 report à nouveau 36.990 € ; 16/11/16 : remboursement chèque [T] [Y] 21.700 € ; solde 14.990 €’.

M. [Y] réplique que :

– il existe des relations d’alliance entre lui-même et M. [J] lequel était le conjoint de la belle-mère de l’intimé ;

– la SAS Vulcanet Company n’a pas demandé le remboursement d’un prêt pendant la relation de travail ;

– la société ne justifie pas d’un prêt consenti pour un motif social pour un tel véhicule.

Pour autant, M. [Y] ne conteste pas être le propriétaire du véhicule Mercedes et ne prétend pas l’avoir financé lui-même. Le grand livre démontre l’existence d’un prêt consenti par la SAS Vulcanet Company à son salarié – et non pas par M. [J] dans un cadre privé – et un remboursement partiel effectué par le salarié à l’employeur à titre professionnel, de sorte que M. [Y] ne saurait s’exonérer du remboursement du solde au motif que le prêt servait à financer un véhicule de luxe qu’il utilisait aussi dans un cadre professionnel – étant rappelé qu’il travaillait dans le secteur des produits d’entretien de véhicules et qu’il faisait de nombreux déplacements professionnels.

Infirmant le jugement, la cour condamnera M. [Y] au paiement de la somme de 14.990 €.

9 – Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’employeur qui in fine est débiteur envers le salarié supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses frais irrépétibles et ceux exposés par le salarié en première instance (1.500 €), l’équité ne commandant pas d’allouer à ce dernier une somme au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [T] [Y] de ses demandes au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives aux repos,

– débouté la SAS Vulcanet Company de sa demande de dommages et intérêts pour manquements de M. [T] [Y],

– condamné la SAS Vulcanet Company à payer à M. [T] [Y] la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

– condamné la SAS Vulcanet Company aux dépens de première instance,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SAS Vulcanet Company à payer à M. [T] [Y] les sommes suivantes :

– 20.860,30 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre congés payés de 2.086,03 € bruts,

– 615,13 € au titre des frais professionnels,

– 3.789,72 € au titre des temps de trajet,

Condamne M. [T] [Y] à payer à la SAS Vulcanet Company la somme de 14.990 € au titre du solde du prêt,

Déboute M. [T] [Y] de sa demande de primes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SAS Vulcanet Company aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

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