Informations confidentielles : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00816

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Informations confidentielles : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00816
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ARRÊT N° /2023

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DU 07 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/00816 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E6QU

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BAR LE DUC

F21/00029

08 mars 2022

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [M] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY substituée par Me ARNAO, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 04 Mai 2023 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 07 Septembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 07 Septembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [M] [S] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES (CMAM) à compter du 01er août 2019, en qualité de cadre supérieur affecté au poste de chef de service comptable.

Le temps de travail du salarié était soumis à une convention de forfait jours, à hauteur de 218 jours.

La convention collective nationale des sociétés d’assurances s’applique au contrat de travail.

Par courrier du 02 avril 2020, Monsieur [M] [S] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 17 avril 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 24 avril 2020, reçu par courriel du 09 juin 2020, Monsieur [M] [S] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 23 avril 2021, Monsieur [M] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc aux fins :

– de dire et juger nul et en tout état de cause inopposable le régime de forfait-jours,

*A titre principal :

– de dire et juger que son licenciement est nul,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES à lui verser la somme de 38 900,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

*A titre subsidiaire :

– de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES à lui verser la somme de 6 474,43 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*A titre infiniment subsidiaire :

– de dire et juger que son licenciement est irrégulier,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES à lui verser la somme de 6 473,43 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

*En tout état de cause :

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES à lui verser les sommes suivantes :

– 13 181,43 euros de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 1 318,14 euros de congés payés sur rappel de salaires,

– 38 846,58 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 3 916,30 euros de rappel de salaires sur mise à pied,

– 1 348,84 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 6 474,43 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 647,44 euros de congés payés sur préavis,

– 5 000,00 euros d’indemnité de renonciation à avantage en nature,

– 650,15 euros de reliquat sur prime de 13ème mois,

– 325,07 euros de reliquat sur prime de vacances,

– 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– d’ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés ainsi que les bulletins de paie sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

– d’ordonner l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile, outre l’exécution provisoire de plein droit à titre subsidiaire,

– d’appliquer les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc rendu le 08 mars 2022, lequel a :

– débouté Monsieur [M] [S] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Monsieur [M] [S] à verser à la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [M] [S] aux entiers dépens de l’instance.

Vu l’appel formé par Monsieur [M] [S] le 05 avril 2022,

Vu l’appel incident formé par la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES le 01 septembre 2022,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [M] [S] déposées sur le RPVA le 28 février 2023, et celles de la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES déposées sur le RPVA le 29 mars 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 mars 2023,

Monsieur [M] [S] demande :

– de dire et juger que ses demandes sont recevables et bien fondées,

– de dire et juger que son salaire moyen s’élève à la somme de 6 474,43 euros bruts,

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– de dire et juger que son licenciement est nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

– de dire et juger nul et en tout état de cause inopposable le régime de forfait jours,

– de dire et juger qu’il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES au paiement des sommes suivantes :

– 13 181,43 euros de rappel de salaires sur heures supplémentaires,

– 1 318,14 euros de congés payés sur rappel de salaires,

– 38 846,58 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 38 900,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– à titre subsidiaire, 6 474,43 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à titre infiniment subsidiaire, 6 473,43 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

– 3 916,30 euros de rappel de salaires sur mise à pied,

– 1 348,84 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 6 474,43 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 647,44 euros de congés payés sur préavis,

– 5 000,00 euros d’indemnité de renonciation à avantage en nature,

– 650,15 euros de reliquat sur prime de 13ème mois,

– 325,07 euros de reliquat sur prime de vacances,

– 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– d’ordonner à la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES la remise à Monsieur [M] [S] des documents de fin de contrat rectifiés ainsi que les bulletins de paie, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES aux entiers frais et dépens

Y ajoutant :

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES au versement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– de condamner la société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES aux entiers frais et dépens de l’instance y compris ceux afférents à une éventuelle exécution,

– de dire et juger que l’ensemble des condamnations à intervenir portera intérêts au taux légal en vigueur à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– de débouter la partie adverse de l’intégralité de ses demandes.

La société CAISSE MEUSIENNE D’ASSURANCES MUTUELLES demande :

– de déclarer l’appel interjeté par Monsieur [M] [S] recevable mais mal fondé,

– de débouter Monsieur [M] [S] de son appel,

– de faire droit à son appel incident,

– d’infirmer la décision, dont appel,

– de condamner Monsieur [M] [S] au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure de 1ère instance,

– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc, le 8 mars 2022, en ce qu’il a :

– débouté Monsieur [M] [S] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Monsieur [M] [S] au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [M] [S] aux entiers dépens de l’instance,

En tout état de cause :

– de condamner Monsieur [M] [S] au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure d’appel,

– de condamner Monsieur [M] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 29 mars 2023, et en ce qui concerne le salarié le 28 février 2023.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 24 avril 2020 (pièce 4 de l’apelant) , qui en fixe les termes, indique :

« Objet : Notification licenciement pour faute grave.

Monsieur,

Vous avez été engagé en qualité de Chef du Service Comptabilité et du Reporting, suivant contrat écrit à durée indéterminée du ter août 2019, Statut cadre, classe 6, en application de la convention collective des sociétés d’assurance.

Depuis quelques mois, nous avons constaté des manquements graves tant au niveau du contenu de vos fonctions qu’au niveau de votre comportement général. Ils se caractérisent par un manque flagrant de discernement des limites de votre statut et des erreurs techniques graves et préjudiciables à la CMAM.

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 17 avril 2020, avec notification d’une mise à pied disciplinaire. Vous vous êtes présenté non-assisté à cet entretien qui s’est tenu exceptionnellement au téléphone, compte-tenu des restrictions liées au contexte sanitaire.

Vous avez été en mesure de formuler vos observations. Cependant, les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas convaincus de sorte que nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, fondé sur les motifs suivants :

1- Sur votre manque de discernement qui vous a conduit à outrepasser vos fonctions :

-Sur l’avertissement délivré à Madame [F] :

Le 10 janvier 2020, vous avez adressé un mail de recadrage que vous avez intitulé «avertissement », à votre collègue, Madame [L] [F]. Dans ce mail, vous lui avez indiqué qu’il existerait un lien subordination entre vous qui vous autoriserait à la sanctionner. Le ton menaçant de ce message et votre positionnement surprenant a particulièrement déstabilisée votre collègue, et ce d’autant plus qu’elle est amenée à travailler en binôme avec vous.

-Sur la note de service que vous avez diffusée le 4 février 2020 :

Le 4 février 2020, vous avez établi et diffusé un document que vous avez intitulé « note de service », signée de votre nom et de votre main, et qui mentionnait une « Obligation d’information sur les dépenses et charges ». Vos fonctions ne vous autorisent aucunement à faire diffuser des notes de services, documents qui engagent nécessairement la CMAM à l’égard de ses salariés. Vous aviez l’obligation de solliciter le Directeur général de la CMAM qui est le seul salarié habilité à faire diffuser ce type d’information.

-Sur les ordres de virements que vous avez passés au cours des mois de janvier et février 2020 :

Alors que vous ne possédez aucune délégation de signature bancaire, vous persistez à passer des ordres de virement pour le compte de la CMAM. Pourtant, une note adressée au service comptabilité, le 19 décembre 2019, était fort explicite. Elle précisait que Monsieur [V] [T] avait été désigné Directeur général intérimaire et que, pour des raisons de sécurité, aucune délégation de signature n’était plus accordée.

Ces agissements révèlent votre refus d’admettre votre positionnement à l’égard du nouveau Directeur Général, et à l’égard de la CMAM, de manière plus générale. Cet état de fait est corroboré par vos absences de réponses aux instructions de votre employeur.

2-Sur les graves fautes techniques :

Par ailleurs, depuis décembre 2019, nous constatons que vous vous enfermez dans un mutisme inexpliqué pour tout ce qui a trait à la comptabilité. Plus particulièrement, vous ne répondez pas à nos multiples demandes relatives à l’avancement du budget prévisionnel. Les seuls éléments comptables dont nous avons connaissance nous viennent de Madame [L] [F] qui prend en charge une grande partie de vos attributions.

Après plusieurs relances, le 19 février 2020, nous vous avons demandé une ultime fois de nous faire un retour sur le budget. Nous vous avons donné jusqu’au 2 mars pour nous présenter vos chiffres. Or, nous n’avez pas respecté à cette instruction, ni donné d’explication.

Cette inertie persistante démontre votre désengagement total à l’égard de la CMAM.

Nous avons finalement découvert, courant mars 2020, des anomalies comptables très importantes qui nous ont été remontées par nos actuaires. En effet, le commissaire aux comptes, dans son courrier du 31 mars 2020, évoque des écarts comptables de plusieurs milliers d’euros avec des refus de rectification de votre part.

Lorsque nous vous avons fait part de nos doutes importants concernant les chiffres que vous nous avez finalement annoncés début avril, vous avez persisté dans vos errements en déclarant que la CMAM « pouvait espérer un bénéfice de 500K€ ». Vous avez refusé de prendre conscience de la gravité de la situation dans laquelle vos erreurs ont placé la CMAM.

L’importance et la grossièreté de ces fautes, qui nous ont été dissimulées pendant plusieurs mois, nous font légitimement penser qu’elles ont été commises avec une intention malveillante. Cette impression est renforcée par le fait que vous avez détourné toutes vos communications et documentations professionnelles sur votre messagerie personnelle, ces échanges contenant des informations confidentielles, appartenant à l’entreprise.

Dans le même sens, nous avons découvert que vous avez créé une société dénommée ACF CONSEILS en janvier 2017. Au moment de votre engagement, vous n’avez jamais dévoilé l’existence de cette activité parallèle alors que vous avez été engagé à temps complet au sein de la CMAM.

3-Sur l’autoritarisme dont vous avez fait preuve à l’égard de votre collègue de travail :

De manière totalement injustifiée, vous avez interdit à votre collègue de travail de prendre attache avec M. [B] de la société LOGINSERVICE, notamment pour envoyer les éléments nécessaires au para métrage de l’outil paie. Plus grave, au mois de mars 2020, vous lui avez limité unilatéralement les droits d’accès au logiciel de comptabilité et ce, sans aucune explication.

Aucune directive en ce sens ne vous avait été donnée. Votre comportement a ainsi engendré un climat de travail extrêmement pesant et généré une insécurité pour votre collègue de travail, sur laquelle vous n’aviez, de surcroit, aucun pouvoir de direction.

Dernièrement, nous avons été informés par le CSE des propos que vous avez tenus à l’égard d’un autre de votre collègue, Monsieur [O]. Vous lui déclaré qu’il serait le «maillon faible » de son équipe, estimant qu’il se ferait « dominé » par ses collègues féminines. Outre le caractère misogyne de ces propos, ils sont surtout très humiliants pour votre collègue qui s’est rapproché du CSE pour dénoncer cet agissement. Ces propos sont d’autant plus choquants que Monsieur [O] souffre d’un handicap d’allocution que vous connaissez.

Ce comportement est intolérable au sein de notre entreprise.

4- Sur votre insubordination répétée :

Le 5 mars 2020, vous avez unilatéralement décidé de vous placer en télétravail. Vous avez ainsi pris l’initiative de vous octroyer une journée de «travail à domicile » sans solliciter le moindre accord préalable, ni même vous inquiétez de l’organisation afférente à ce mode de fonctionnement qui n’était pas encore mis en place sein de la CMAM.

Le 13 mars 2020, nous avons fait diffuser une note de service qui traitait notamment de la situation de télétravail ; vous n’avez pas respecté les termes de ce document. En effet, vous ne vous êtes jamais clairement positionné sur l’option choisie (télétravail ou arrêt pour garde d’enfants).

Le 16 mars 2020, alors que nous avions déduit de votre absence de retour, que vous aviez fait choix du télétravail, nous avons tenté de vous joindre toute la journée, sans succès. Ce n’est que deux jours plus tard, soit le 18 mars 2020 que vous avez finalement daigné répondre, en prétextant avoir eu un problème de connexion pendant 48 heures.

Enfin, vos demandes de remboursement de frais notamment kilométriques sont totalement injustifiées et ne respectent pas les procédures en vigueur au sein de la CMAM.

L’accumulation des manquements et leur gravité rendent impossible votre maintien dans l’entreprise, même pendant la durée de votre préavis. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter du 27 avril 2020. (…) »

– sur le grief de nullité du licenciement

M. [M] [S] estime que son licenciement est nul.

Il explique que son licenciement « est uniquement motivé par son refus d’accéder à des demandes de manipulations comptables ainsi qu’au renforcement des mesures de contrôle mises en place au sein de son service pour éviter les écritures irrégulières » et que son licenciement « n’est autre que la conséquence directe de l’exercice de la liberté fondamentale afférente au lanceur d’alerte ».

L’appelant indique avoir pointé la surfacturation des travaux de rénovation des immobilisations de la CNAM ; il renvoie à sa pièce 17.

Il indique également avoir soulevé la difficulté à justifier d’un versement de 1500 euros sur le salaire du directeur général à titre de frais professionnels.

Il précise également avoir tenté à plusieurs reprises d’attirer l’attention de sa hiérarchie quant à une absence totale de gestion du portefeuille titres de la CNAM ; il renvoie sur ce point à ses pièces 18 et 19.

Motivation

Il résulte des dispositions des articles L1235-3-1 et L1132-3-3 du code du travail que le licenciement motivé par le fait que le salarié a exercé son droit d’alerte est nul.

L’article L1132-3-3 dispose qu’aucune personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou ayant relaté de tels faits ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2.

Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I et III de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En l’espèce, la pièce 17 de l’appelant consiste en un devis DUC RENOV à l’adresse de la CMAM, pour une remise en peinture de 215 m², pour un montant de 16 392,40 euros, et une facture DNM RENOVATION, du 1er octobre 2019, pour un montant de 47 069,55 euros, pour la rénovation d’un appartement de 229 m², comprenant la remise en peinture de 291,80 m² de murs, le remise aux normes du tableau électrique, la pose d’une nouvelle cuisine et de nouveaux meubles de salle de bains.

La pièce 18 est un mail de M. [M] [S] adressé à M. [P] [K] et M.[V] [T] le 12 avril 2021 : « [V], il me semble qu’on a intérêt à repenser la gestion de nos placements financiers. Cela presque un mois et demi qu’on ne gère pas nos investissements, hormis le compte CIC. Je reste par retour attentif à tes orientations. »

La pièce 19 est un échange de mails entre M. [M] [S] et M. [P] [K], entre le 24 janvier 2020 et le 27 janvier 2020, portant sur les investissements de la CNAM, M.[M] [S] indiquant : « (‘) je vous alerte sur la situation actuelle de notre portefeuille titres, en état inactif depuis le début du mois de décembre dernier. (…) ».

Au vu de ces pièces, il convient de constater que M. [M] [S] ne présente aucun élément permettant de présumer l’existence de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, étant souligné que le devis et la facture en pièce 17 précitée, dont les montants sont très différents, ne portent pas sur la même étendue de travaux, plus nombreux sur la facture que sur le devis.

En conséquence, M. [M] [S] sera débouté de sa demande de voir déclarer nul son licenciement.

– sur le défaut de respect du délai de notification du licenciement

M. [M] [S] fait valoir que la notification du licenciement est intervenue plus d’un mois après l’entretien préalable.

La CMAM explique avoir procédé à la notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception le 24 avril 2020 à la dernière adresse connue du salarié ; elle souligne que cette adresse est celle de l’acte de saisine de M. [M] [S] et indiquée sur ses dernières conclusions.

Motivation

Aux termes de l’article L1332-2 du code du travail, lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.

En l’espèce, si la lettre de licenciement adressée par pli recommandé le 24 avril 2020 est revenue avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse » (pièce 3 de l’intimée), M.[M] [S] ne conteste pas qu’elle a été envoyée à sa dernière adresse connue de l’employeur ; cette adresse est par ailleurs celle qu’il indique en en-tête de ses écritures.

Cette lettre ayant été envoyée dans le délai prescrit par l’article L1332-2 précité, le licenciement n’est pas abusif pour ce motif.

– sur la réalité des griefs

M. [M] [S] conteste les griefs retenus dans la lettre de licenciement.

Sur l’avertissement délivré à Mme [F], M. [M] [S] fait valoir que le ton employé est mesuré, qu’il avait une mission d’encadrement de cette personne, et que ce grief est prescrit depuis le 10 mars 2020, M. [V] [T], directeur général, ayant été destinataire en copie du mail.

La CMAM estime que les faits ne sont pas prescrits, le salarié ayant réitéré le comportement qui lui est reproché, en diffusant une note de service le 04 février 2020, alors que M. [M] [S] n’avait pas le pouvoir de diffuser de telles notes.

Elle souligne que si M. [M] [S] avait un pouvoir de management, il n’avait pas de pouvoir disciplinaire.

Motivation

La CMAM reprochant également au salarié d’avoir outrepassé les pouvoirs conférés par ses fonctions le 04 février 2020, le grief du 10 janvier 2020, de même nature, n’est donc pas prescrit.

La CMAM produit en pièce 5 le mail adressé par M. [M] [S] à Mme [L] [F], comptable, dont l’objet précisé est « avertissement ».

M. [M] [S] ne justifie ni n’invoque aucune délégation de l’employeur pour l’exercice du pouvoir disciplinaire à l’égard de cette salariée de son service.

Le grief est donc établi.

Sur la note de service du 04 février 2020, M. [M] [S] indique que cette note, exclusivement destinée au personnel du service comptabilité, constitue une simple directive procédurale à respecter dans le traitement des dépenses de fonctionnement.

La CMAM explique que cette note avait pour objet de contraindre le personnel à informer M. [M] [S] de toutes les dépenses et charges engagées pour le compte de la CMAM, alors qu’il ne disposait aucune délégation de pouvoir pour ce faire.

Motivation

La CMAM produit en pièce 7 la note de service incriminée. Les destinataires ne sont pas indiqués ; elle est signée de M. [M] [S] en qualité de chef de service comptabilité et finance. Elle indique : « Toutes les dépenses et les charges pour lesquelles la Caisse Meusienne d’Assurance Mutuelles est engagée vis-à-vis d’un tiers, le Chef de service doit être averti (mis en copie) dès la réception de l’ordre des dépenses. (…) »

Du fait de la généralité de ses termes, et la référence au « chef de service », c’est-à-dire tous les chefs de service, cette note demande à chaque salarié de la Caisse de rendre compte à son chef de service des dépenses qu’il engage ; il ne s’agit pas d’une note à destination interne du service comptabilité, pour fixer une méthode de traitement des dépenses centralisées au service comptabilité.

M. [M] [S] ne justifie d’aucune délégation de pouvoir de l’employeur lui permettant d’imposer à l’ensemble des salariés telle ou telle obligation, fût-elle de nature comptable.

Le grief est donc établi.

Sur le grief touchant aux ordres de virement

M. [M] [S] conteste avoir passé des ordres de virement en janvier et février 2020, conformément aux instructions qu’il avait reçues.

Il précise que eu égard à son statut de responsable du service comptable, il devait apposer sa signature sur les récapitulatifs de virement afin de confirmer que le comptable avait bien enregistré l’opération.

La CMAM expose que malgré une note explicite adressée au service comptabilité le 19 décembre 2019, M. [M] [S] a persisté à passer des ordres de virement sans aucune délégation de signature jusqu’au 07 février 2020, pour des montants très importants.

Motivation

La CMAM produit en pièce 8 la « note à l’attention au service comptabilité », en date du 19 décembre 2019, signée par le président du conseil d’administration, indiquant : « (‘) le service comptabilité n’a aucune délégation de signature, sauf dérogation accordée par le Président ou par le Directeur. » et en pièces 47 a une « liste récapitulative des virements au 07/02/2020 » et en pièce 47 une « liste récapitulative des virements au 10/01/2020 », listes portant sur chacune de leurs pages le tampon du service comptabilité de la CMAM, et la mention manuscrite « Bon pour virement », ainsi que la signature de M. [M] [S].

La présentation de ces listes et la formule manuscrite qui y est portée ne coïncident pas avec l’explication donnée par l’ appelant en page 27 de ses conclusions, selon laquelle « (‘) eu égard à son statut de responsable du service comptable [il] devait apposer sa signature sur les récapitulatifs de virement afin de confirmer que le comptable (en l’occurrence Monsieur [Y] [O]) avait bien enregistré l’opération. », la formule « bon pour virement » signifiant un accord pour procéder au virement, et non la certification de ce que le virement a été effectué.

La pièce 26 de M. [M] [S] à laquelle ce dernier renvoie (échanges de mails de M. [M] [S] avec Mme [L] [F] le 14 février 2020 et le 13 janvier 2020) ne justifie pas que ces ordres de virement correspondent à la procédure qu’il décrit.

Le grief est donc établi.

Sur le grief d’inertie quant au budget

La CMAM indique notamment que M. [M] [S] a tardé à remettre les informations et documents nécessaires à la clôture des comptes qui devait intervenir en janvier, puis repoussée en mars 2020 ; il était donné au salarié jusqu’au 17 mars pour transmettre la liste des documents sollicités dans le mail du 13 mars 2020, mais le 18 mars aucune réponse n’était donnée.

La CMAM fait notamment état d’un courrier du 31 mars 2020 du commissaire aux comptes.

M. [M] [S] indique que le budget n’avait jamais existé jusqu’alors au sein de la CMAM, et qu’il a obtenu qu’il soit reporté à une date ultérieure en raison de la charge de travail importante du service comptable à cette période de l’année ; il indique qu’il devait se charger de certaines missions que Mme [F] refusait de réaliser.

L’appelant précise que les demandes formulées par le commissaire aux comptes, les actuaires et les autres interlocuteurs sont réparties entre les collaborateurs comptables qui les traitent en fonction de leur spécialité; il souligne à titre d’exemple avoir relancé à quatre reprises Mme [Z] pour des éléments.

Il fait également valoir le fait qu’il a pris ses fonctions le 1er août 2019, et que le service a dû faire face à des difficultés informatiques ; il renvoie sur ce dernier point à la pièce adverse 52.

Motivation

La CMAM produit :

– un mail de M. [V] [T] du 13 mars 2020 (pièce 19) adressé à M. [M] [S] et d’autres salariés du service comptable, faisant état de l’inquiétude des prestataires, et demandant un certain nombre de travaux sur les comptes

– un mail de M. [V] [T] du 18 mars 2020 ( pièce 21) adressé à M. [M] [S], lui demandant que le service comptable réponde aux demandes des prestataires

– un courrier du cabinet comptable du 31 mars 2020, adressé à la CMAM (pièce 10) qui indique notamment : « (‘) Dans le cadre de nos travaux sur les comptes annuels, notre principal interlocuteur est votre directeur financier Monsieur [S]. A ce jour, Monsieur [S] ne nous a pas transmis les comptes annuels clos au 31 décembre 2019 de la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles. Notre première intervention du 17 février 2020 a été reportée à la demande de Monsieur [S] et nous avons pu intervenir à partir du 10 mars 2020 sur des comptes non finalisés. Par ailleurs, Monsieur [S] ne nous a pas fourni à cette date l’ensemble des documents justifiant le solde des comptes tels que les frais d’acquisitions reportés, les taxes sur les excédents. Les collaborateurs de Monsieur [S] nous ont transmis le grand livre comptable ainsi qu’un certain nombre de pièces justifiant les soldes comptables. Les documents transmis ne justifient que partiellement les comptes clos au 31 décembre 2019. Lors de nos diligences, nous avons constaté des anomalies dans les documents transmis. Suite aux anomalies constatées, des réponses partielles nous ont été communiquées par Monsieur [S]. Sa collaboratrice Madame [L] [F] au regard de ses compétences et de son expérience a complété les éléments insuffisants fournis par Monsieur [S]. Nous avons constaté dans les éléments communiqués par Madame [L] [F] des écarts entre la comptabilité et le système d’information. Monsieur [S] nous a informé qu’il n’y avait pas d’écart et que la comptabilité était cohérente avec les états. Ce n’est qu’après plusieurs travaux complémentaires réalisés avec le concours de Monsieur [V] [T], directeur général de la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles, et de Madame [L] [F] qu’un écart de 289 K euros a été corrigé dans les comptes malgré l’instance de Monsieur [S] de ne pas corriger cet écart. (‘) »

La pièce 21 à laquelle renvoie M. [M] [S] (échanges de mails avec Mme [L] [F] des 13 et 16 mars 2020) ne fait pas apparaître un refus de Mme [F] de réaliser certaines tâches, celle-ci demandant à son chef de service M. [M] [S] certains éléments pour terminer sa comptabilité, celui-ci lui demandant d’en réaliser certaines, et précisant que d’autres incombent à d’autres collaborateurs.

Il renvoie également à sa pièce 22 (échanges de mails avec Mme [C] [Z] entre le 31 mars et le 1er avril 2020) dont il résulte qu’il l’a sollicitée pour savoir pourquoi une provision pour les sinistres de 2016 n’a pas évolué depuis cette date, la relançant sur ce point le 1er avril.

La pièce adverse 52 à laquelle il se réfère également (lettre de M. [D] [H] de la FSA RE du 06 septembre 2021 relative à sa mission d’établissement des comptes de réassurances de la CMAM) fait effectivement état de ce que le calendrier de remise des documents n’a pas été respecté « en raison d’abord d’aléas informatiques rencontrés par notre interlocuteur » , mais indique également que « Notre réunion sur place du 18/02/2020 a mis en lumière l’absence de coordination entre le responsable comptabilité et son équipe, chacun d’eux devant nous transmettre des données chiffrées pour le 18/02, ce qui fut fait uniquement par Mmes [F] et [Z]. Devant cette situation nous avons en effet été amenés à demander à la Direction Générale de nous permettre d’entrer directement en contact avec lesdistes collaboratrices de M.[S] et de traiter directement avec elles pour la suite des opérations (…) »

Les pièces citées par l’appelant ne sont pas de nature à contredire les éléments produits par l’employeur.

Le grief est donc établi.

Les griefs qui précèdent suffisent à démontrer le bien fondé du licenciement prononcé, sans qu’il soit besoin d’examiner le surplus des reproches adressés par la lettre de rupture.

M. [M] [S] sera donc débouté de toutes ses demandes à ce titre (soit dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaires sur mise à pied, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité de renonciation à avantage en nature, reliquat sur prime de 13ème mois,et reliquat sur prime de vacances), et le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure

M. [M] [S] reproche à l’employeur d’avoir procédé à son entretien préalable par voie téléphonique, alors qu’il n’était pas justifié par la crise sanitaire, les mesures de restriction de déplacement n’interdisant pas à cette date la tenue d’un entretien physique.

Il explique ne pas avoir pu se faire assister et ni argumenter pour sa défense.

La CMAM fait valoir que la lettre de convocation à l’entretien préalable indiquait que compte tenu de la crise sanitaire, ce dernier aurait lieu par visio-conférence ; qu’un lien « zoom » lui était adressé par mail le 16 avril 2020 dans la perspective de l’entretien du lendemain ; que face à la difficulté pour M. [M] [S] de se connecter, l’entretien s’est tenu par téléphone ; qu’il a parfaitement pu faire valoir ses droits.

Motivation

Il convient de rappeler que le confinement a été décidé en France à partir du 17 mars 2020.

A la date de l’entretien préalable il était encore en vigueur.

La CMAM produit en :

– pièce 2, la convocation à l’entretien préalable précisant qu’il aurait lieu par visioconférence le 17 avril 2020 à 11heures

– pièce 4, le mail du 16 avril 2020 lui adressant le lien « zoom » pour cette visioconférence

– pièce 24, le mail de M. [P] [K] à M. [M] [S], en date du 15 avril 2020, répondant au mail de ce dernier du 14 avril 2020, sollicitant qu’il l’assiste pour l’entretien, demande déclinée par M. [K], au motif qu’il n’est pas salarié en sa qualité de président du conseil d’administration, et lui conseillant de solliciter un membre du personnel

– pièce 25, le mail du 14 avril 2020 qui lui a été adressé par M. [V] [T], indiquant à M. [M] [S] que M. [K] ne pouvait l’assister, et qu’il devait prendre attache avec un salarié ou avec le CSE.

M. [M] [S] ne conteste pas que l’entretien s’est tenu par voie téléphonique suite à un problème technique empêchant la visioconférence.

Il résulte de ces éléments que l’entretien préalable s’est tenu dans des conditions respectant les droits de M. [M] [S].

En conséquence, ce dernier sera débouté de sa demande ; le jugement sera sur ce point confirmé.

Sur la demande au titre d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires

M. [M] [S] réclame le paiement d’heures supplémentaires en contestant le forfait en jours auquel il était soumis.

Il fait valoir que son contrat de travail ne fait aucune référence ni à l’accord collectif qui permet la mise en place des conventions de forfait annuel en jours au sein de la CMAM, ni à la modalité de prise de jours de RTT, ni à la manière dont la CMAM s’assurerait que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables.

Il ajoute qu’aucun accord individuel écrit entre l’employeur et lui n’a été établi.

La CMAM fait valoir que le contrat de travail de M. [M] [S] indique expressément qu’il était soumis au forfait-jours, et qu’il fait référence à l’accord d’entreprise du 30 novembre 199, relatif à la réduction du temps de travail.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article L3121-55 du code du travail, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.

En l’espèce, il ressort des conclusions des parties qu’aucune convention individuelle entre M. [M] [S] et son employeur n’a été établie par écrit pour la mise en place d’une forfaitisation de son temps de travail.

En conséquence, la convention de forfait à laquelle M. [M] [S] était soumis lui est inopposable.

Il était donc soumis à la durée légale de travail.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il découle de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l’espèce, M. [M] [S] renvoie à sa pièce 9 qui est un tableau récapitulatif par semaine des heures de travail qu’il dit avoir effectuées, et indique ses horaires dans ses écritures en page 15, fixes par jours, pour la période du 1er août 2019 au 15 novembre 2019, puis du 18 novembre 2019 au 31 mars 2020.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre, étant rappelé qu’en tant qu’employeur elle a l’obligation de mettre en place un système permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chacun de ses salariés.

La CMAM répond que M. [M] [S] n’a pas utilisé le logiciel officiel de l’entreprise pour présenter son décompte d’heures ; elle estime que son décompte présente des incohérences, sur des périodes qu’elle précise en pages 6 et 7 de ses écritures, pointant l’absence de connexion à l’outil informatique.

L’intimée indique par ailleurs produire des attestations d’anciens collègues de M.[M] [S] se plaignant de ses absences et carences de suivi.

La CMAM fait enfin valoir que M. [M] [S] était rémunéré à un montant supérieur au minimum conventionnel, ce qui comprenait donc nécessairement le paiement d’éventuelles heures accomplies au-delà de la 35ème heure.

La cour constate cependant que l’employeur ne produit aucun décompte de la durée de travail de Monsieur [M] [S] pendant la période considérée.

M. [M] [S] fait valoir qu’il travaillait également hors connexion, et que sur les quatre attestations de salariés produites par la CMAM, seules deux sont rédigées par des salariés de son service qui donc travaillaient effectivement avec lui ; que ces deux attestations ne sont pas fiables, ayant eu à reprocher à ces collaborateurs leurs lacunes.

S’agissant de sa rémunération, il fait valoir qu’elle correspondait à ses qualifications et à son expérience.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il sera fait droit à la demande de rappel au titre d’heures supplémentaires à hauteur de 11 500 euros, outre 1 150 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera fait droit à la demande de voir assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la requête, au vu des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

M. [M] [S] fait valoir que la CMAM était consciente des heures de travail qu’il effectuait, le directeur général étant systématiquement mis en copie des échanges de mails au niveau interne et externe.

La CMAM fait notamment valoir qu’elle n’a jamais été informée de l’existence de ces heures supplémentaires et ne les a pas autorisées.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article L8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L’article L8223-1 du même code dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, l’intention ne peut être déduite de ce que les heures supplémentaires sont dues en conséquence de l’inopposabilité de la convention de forfait en jours qui était appliquée au salarié.

Dans ces conditions, M. [M] [S] sera débouté de sa demande et le jugement sera sur ce point confirmé.

Sur la demande de documents de fin de contrat

Il sera fait droit à la demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Chacune supportera la charge de ses propres dépens devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme, dans les limites de l’appel, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc le 08 mars 2022, sauf en ce qu’il a débouté M. [M] [S] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles à payer à M. [M] [S]:

– 11 500 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

– 1 150 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

Dit que les sommes qui précèdent sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2021 ;

Ordonne à la Caisse Meusienne d’Assurances Mutuelles de remettre à M. [M] [S] les documents de fin de contrat établis en conformité avec le présent arrêt ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens à hauteur d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix sept pages

 


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