Informations confidentielles : 7 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02972

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Informations confidentielles : 7 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02972
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°461

N° RG 23/02972

N° RG 23/04438

M. [W] [P]

C/

Me [S] [J]

S.C. VDRH INVEST Société Civile

S.A.S. OPTAVIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me BONTE

Me LHERMITTE

Me CHEVALIER

Copie délivrée le :

à :

TC Rennes

CPH [Localité 4]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2023 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 1] 1988

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Olivier DESCHAMPS de la SELARL DESCHAMPS OLIVIER, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [S] [J] mandataire judiciaire, es qualités de liquidateur judiciaire de la société ACREATayant fait l’objet d’un plan de cession total suivant jugement du Tribunal de Commerce de RENNES en date du 15 mars 2023.

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

VDRH INVEST immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 807 566 666 prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.A.S. OPTAVIS immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 481 640 662 pris en la personne de son représentant légal domicilié au siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Antoine CHEVALIER de la SELARL CMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

[A] [X] a créé en 2000 la société ACREAT, agence Web spécialisée dans la conception de site internet, installée à [Localité 4].

La société ACREAT employait 15 collaborateurs dont :

– Monsieur [W] [P] : Chef de projet ;

– Monsieur [U] [L] : Commercial ;

– Monsieur [D] [N] : Développeur Web lequel a quitté la société le 14 novembre 2022 ;

Monsieur [A] [X] a également créé en parallèle de la société ACREAT les sociétés VIZYSHOP et FINALOC sur lesquelles s’appuyait la société ACREAT pour le développement de son activité.

La société VIZYSHOP est spécialisée dans le référencement des sites internet et la gestion des réseaux sociaux.

La société FINALOC propose quant à elle des solutions de financement pour les sites internet et de location de site internet.

Les parts sociales de la société ACREAT sont détenues à hauteur de 95% par la société civile VDRH INVEST (dans laquelle étaient associés Monsieur [A] [X], son épouse Madame [G] [X] et son fils Monsieur [B] [X]) et à hauteur de 5% par Monsieur [F] [X], frère de Monsieur [A] [X].

[A] [X] est décédé le [Date décès 10] 2022 à l’âge de 44 ans laissant comme héritiers son épouse Madame [G] [X] et son fils de 9 ans Monsieur [B] [X].

Madame [G] [X] et son fils [B] [X] sont désormais seuls actionnaires de la société VDRH INVEST laquelle détient 95% des parts de la société ACREAT.

Par testament, [A] [X] a nommé son frère, Monsieur [F] [X], gérant de la holding VDRH INVEST. L’indivision composée de Madame [G] [X] et son fils [B] [X] a également nommé Monsieur [F] [X] comme gérant de la société ACREAT le 9 mai 2022.

Dès le 13 mai 2022, la famille [X] a annoncé à Monsieur [W] [P] ainsi qu’à certains salariés son intention de céder les titres de la société ACREAT.

Monsieur [W] [P] a alors fait part à Monsieur [F] [X] de son intention de reprendre la société ACREAT avec Monsieur [U] [L], unique commercial de la société.

Un rendez-vous a donc été pris par Monsieur [W] [P], Monsieur [U] [L] et Monsieur [F] [X] avec le Cabinet Comptable QUINIOU, Expert-comptable de la société ACREAT, lequel s’est tenu le 27 juin 2022.

Le Cabinet comptable a évalué le groupe de sociétés (ACREAT, VIZYSHOP et FINALOC) autour de la somme de 700.000 euros.

Messieurs [P] et [L] ont sollicité de nombreux éléments comptables qui leur ont été communiqués dans le cadre de leur projet de reprise.

Dans les suites, Messieurs [P] et [L] ont formulé une offre orale de reprise à la famille [X] à hauteur de seulement 134.000 euros.

Cette offre étant très largement en deçà de l’estimation faite par le cabinet d’expertise comptable elle a été déclinée par la veuve de Monsieur [A] [X].

En parallèle, plusieurs acquéreurs potentiels se sont positionnés et notamment le Groupe BAELEN, spécialisé dans la reprise de PME et ETI performantes.

Le groupe BAELEN s’est rendu au siège de la société ACREAT le 13 septembre 2022, manifestant ainsi une véritable intention d’acquérir les titres de cette dernière.

Le 26 septembre 2022, la famille [X] a réceptionné deux offres chiffrées :

La société BAELEN proposait notamment la reprise de 100% des titres des sociétés ACREAT, FINALOC et VIZYSHOP au prix de 300.000 euros avec un complément de prix égal à 50% de la marge brut de l’activité de la société VIZYSHOP sur l’année 2023 (soit environ 100.000 euros supplémentaires).

Monsieur [W] [P] était informé de ces deux offres afin qu’il puisse éventuellement revoir sa proposition initiale.

La famille [X] n’ayant reçu aucune nouvelle offre de la part des salariés de la société ACREAT elle a décidé de signer une LOI avec la société SOFTNEXT 2 (BAELEN).

Différents audits à distance ont été réalisés par la société SOFTNEXT 2 pour la partie comptable et sociale de la société.

Le 29 septembre 2022 Monsieur [Z] [O], Directeur Général de la société SOFTNEXT 2, s’est rendu dans les locaux de la société ACREAT pour faire connaissance avec les équipes et se présenter.

Le 12 octobre 2022, la société BAELEN a réalisé un audit dans les locaux de la société ACREAT.

Monsieur [W] [P] aurait alors mis en oeuvre une stratégie de sabordage de la société ACREAT auprès des repreneurs de manière à ce qu’ils se désengagent et que lui-même ait le champ libre pour que son offre puisse être acceptée.

Suite aux déclarations de Monsieur [W] [P] lors de cet audit la société BAELEN a informé la famille [X] le 13 octobre 2022 du fait qu’elle renonçait à l’achat de la société.

Deux jours à peine après l’Audit de la société SOFTNEXT 2, soit le 14 octobre 2022, Madame [G] [X] était contactée directement par Monsieur [W] [P] car ce dernier souhaitait lui faire une offre de reprise de la société et lui annonçait être accompagné d’un investisseur : la société OPTAVIS.

Le 17 octobre 2022, la société BAELEN (Softnext2) informait par écrit la famille [X] de sa renonciation définitive à acquérir la société ACREAT suite aux échanges qu’ils avaient pu avoir avec Messieurs [W] [P] et [U] [L].

Il est très clairement indiqué dans ce courrier que les motifs de renonciation à l’acquisition du groupe ACREAT sont notamment :

– « si les salariés ont adhéré à notre projet de reprise dans leur ensemble, le chef de projet, identifié comme une personne clé d’Acreat, ne s’est pas montré engageant en demandant « pourquoi nous nous intéressions à une société dans une situation catastrophique » ou pire, en qualifiant Vizyshop, à deux reprises, de « pot de pus » alors que notre perception était tout à fait contraire.

Si certains points apparus lors de l’audit étaient de nature à entrainer une révision de l’offre, le manque d’adhésion de personnes clés dans le projet de reprise est pour nous rédhibitoire. Aussi nous renonçons définitivement à l’acquisition du groupe Acreat ».

Monsieur [W] [P] aurait ainsi gravement dénigré et insulté la société auprès des repreneurs qu’il voyait comme des concurrents directs à son propre projet de rachat de la société.

Suite à la demande de Monsieur [W] [P] et de la société OPTAVIS, une réunion a pu être organisée avec Madame [G] [X] le 20 octobre 2022 en présence de Monsieur [W] [P] et Monsieur [C] [Y], société OPTAVIS, présenté comme un investisseur intervenant aux cotés de Monsieur [P].

Dans les suites, le 24 octobre 2022, Monsieur [P] a adressé un email à Monsieur [F] [X] lui demandant la communication de pièces en vue de faire son offre avec la société OPTAVIS.

Le même jour Monsieur [P] et Monsieur [Y] en qualité de représentant de la société OPTAVIS signaient un engagement de confidentialité lesquels ont été renvoyés par Monsieur [P] par email le 24 octobre 2022 à 15h02.

Cet engagement de confidentialité précisait « les parties ont exprimé un intérêt dans l’étude d’une opération portant sur le capital de la Société. Dans ce contexte les parties vont échanger des informations confidentielles les concernant » et « compétence est attribuée au Tribunal de Commerce de Rennes pour son interprétation et son exécution’.

Une offre de rachat pour un prix dérisoire aurait été émise par M. [P] et la société OPTAVIS, et a été refusée.

Monsieur [P] et la société OPTAVIS auraient également violé l’engagement de confidentialité régularisé dans le cadre de leur projet de reprise.

Ces agissements auraient causé un préjudice conséquent à la société ACREAT ainsi qu’à la société VDRH INVEST, composée de la veuve et du fils mineur de Monsieur [A] [X].

Par acte du 1er décembre 2002, les sociétés VDRH INVEST et ACREAT ont assigné M.[P] et la société OPTAVIS devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de voir :

‘ Dire la société ACREAT et la société VDRH INVEST recevables en bien fondées en leur action ;

‘ Constater le défaut de loyauté dans les échanges précontractuels ainsi que l’abus de liberté d’expression de Monsieur [W] [P] ;

‘ Constater la violation par Monsieur [W] [P] et la société OPTAVIS de leur engagement de confidentialité ;

‘ Constater les man’uvres dolosives et frauduleuses mises en ‘uvre par la société OPTAVIS et Monsieur [W] [P] ;

En conséquence :

‘ Condamner solidairement la société OPTAVIS et Monsieur [W] [P] à verser à la société VDRH INVEST la somme de 400.000 euros en réparation du préjudice subi ;

‘ Condamner Monsieur [W] [P] à verser à la société ACREAT à somme de 20.000 euros au titre du préjudice lié à l’atteinte à l’image et à la réputation de la société ACREAT ;

‘ Condamner solidairement la société OPTAVIS et Monsieur [W] [P] à verser à la société VDRH INVEST ainsi qu’à la société ACREAT la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ Condamner la société OPTAVIS et Monsieur [W] [P] aux entiers dépens ;

‘ Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

La société ACREAT a été placée en liquidation judiciaire, Me [J] étant désigné comme liquidateur judiciaire le 08 mars 2023. Me [J] ès-qualités est intervenu volontairement à la procédure.

Monsieur [P] a soulevé l’incompétence matérielle du Tribunal de Commerce de Rennes au profit du Conseil des Prud’hommes de Rennes.

Par jugement du 11 mai 2023, le tribunal de commerce de Rennes a:

– déclaré recevable l’intervention volontaire de Me [J] ès-qualités,

– retenu sa compétence pour statuer sur le litige,

– renvoyé l’affaire à une audience ultérieure sur le fond.

Le 17 mai 2023 la société OPTAVIS déposait au greffe du tribunal de commerce une requête en rectification d’erreur matérielle, requête transmise à la cour d’appel le 29 juin 2023 et enregistrée sous le N°RG 23/04438.

Il y a lieu de joindre les deux procédures qui visent la même décision.

M. [P] a fait appel du jugement et autorisé par une ordonnance du 02 juin 2023 a assigné à jour fixe le 04 août 2023 les sociétés VDRH INVEST, Me [J] ès-qualités et la société OPTAVIS afin que la Cour:

– déclare le tribunal de commerce incompétent au profit du conseil des prud’hommes de Rennes,

– déboute les sociétés VDRH INVEST et Me [J] ès-qualités de leurs prétentions,

– dise l’arrêt opposable à la société OPTAVIS,

– condamne la société VDRH INVEST et Me [J] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 04 septembre 2023, la société VDRH INVEST et Me [J] ès-qualités ont demandé que la Cour:

– confirme le jugement déféré,

– déboute M. [P] de ses demandes contraires,

– déboute la société OPTAVIS de toutes demandes contraires

– condamne M. [P] à leur payer, chacun, la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la société OPTAVIS à verser à la société VDRH INVEST ainsi qu’à la société ACREAT la somme de 3.500 euros chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– le condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions du 11 septembre 2023, la société OPTAVIS a demandé que la Cour:

– infirme le jugement déféré,

– dise le tribunal de commerce incompétent pour statuer sur les demandes formées contre M. [P],

– condamne la société VDRH INVEST et Me [J] ès-qualités à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION:

Les procédures inscrites au rôle sous les numéros 23/04438 et 23/02972 sont connexes et seront jointes.

Selon les dispositions de l’article L1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code, entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient.

Ils jugent les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.

L’employeur de M. [P] était la société ACREAT représentée par Me [J] ès-qualités.

Les demandes formées contre M. [P] par Me [J] ès-qualités reposent sur des faits commis par M. [P] à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail.

Elles relèvent dès lors de la compétence exclusive du conseil des prud’hommes.

La société VDRH INVEST , société holding, n’était pas l’employeur de M. [P], et ses prétentions, relatives à un défaut de loyauté dans des échanges pré-contractuels relatifs à la cession des parts sociales de la société ACREAT relèvent de la compétence du tribunal de commerce, s’agissant de la préparation d’un acte de commerce.

Toutefois, les fautes reprochées à M. [P] ont été commises à l’occasion de son contrat de travail et reposent sur les mêmes faits que ceux invoqués par Me [J] ès-qualités.

Celles reprochées à la société OPTAVIS reposent pour partie sur la violation alléguée de son contrat de travail par M. [P].

Dès lors, l’examen des prétentions formées contre M. [P] suppose que soit tranchée au préalable, par la juridiction prud’hommale dont la compétence est exclusive sur ce point, la question de l’existence de ces fautes.

La société VDRH INVEST et Me [J] ès-qualités sont condamnés aux dépens d’appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Joint la procédure 23/04438 à la procédure 23/02972.

Infirme le jugement déféré.

Dit que les prétentions formées par Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ACREAT contre M. [W] [P] sont de la compétence exclusive du conseil des prud’hommes de Rennes.

Dit que les prétentions formées par la société VDRH INVEST contre la société OPTAVIS et M. [P] sont de la compétence du tribunal de commerce mais supposent que soit tranchée, au préalable par le conseil des prud’hommes, la question de l’existence des fautes alléguées contre M. [P] à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail.

Renvoie le dossier devant le conseil des prud’hommes de Rennes afin que soit tranchés les points suivants du litige:

– les prétentions formées par Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ACREAT contre M. [W] [P],

– l’existence des fautes invoquées par la société VDRH INVEST contre M. [P], à l’occasion de l’exécution du contrat de travail qui le liait à la société ACREAT.

Dit que le tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître du solde du litige.

Condamne la société VDRH INVEST et Me [J] ès-qualités aux dépens d’appel.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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