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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUIN 2023
N° RG 22/00104
N° Portalis DBV3-V-B7G-U6AX
AFFAIRE :
S.A.S. SAARSTAHL RAIL
C/
[K] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE
N° Section : E
N° RG : F 20/00116
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SAARSTAHL RAIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2267853
Représentant : Me Nicolas DAMAS, Plaidant, avocat au barreau de NANCY, vestiaire : 156
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assisté de Me Julien BROCHOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0439
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20220093
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [S] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 6 septembre 2010, par une première société aux droits de laquelle est venue la société British Steel France Rail, spécialisée dans la fabrication de rails de chemin de fer et appartenant au groupe britannique British Steel UK.
Une convention de forfait annuel en jours a été incluse dans le contrat de travail.
En dernier lieu, M. [S] a occupé l’emploi de ‘responsable international’ (statut de cadre).
A la suite du rachat du groupe British Steel par le groupe chinois Jingye, la société British Steel France Rail a été séparée du groupe British Steel à compter du 9 mars 2020 et a été dénommée France Rail Industry.
Le 10 mars 2020, M. [T], par ailleurs directeur commercial de la société British Steel UK, a présenté sa démission de membre du conseil de surveillance de la société France Rail Industry.
Par lettre du 1er avril 2020, la société France Rail Industry a convoqué M. [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par lettre du 14 avril 2020, la société France Rail Industry a notifié à M. [S] son licenciement pour faute lourde, tirée d’un manquement à l’obligation de confidentialité.
Au moment de la rupture du contrat de travail, la société France Rail Industry employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle effectivement perçue par M. [S] s’élevait à 7 835,56 euros brut.
Le 10 juin 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société France Rail Industry à lui payer notamment des indemnités de rupture, un rappel de salaire pour heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.
En cours d’instance, la société Saarstahl Rail est venue aux droits de la société France Rail Industry.
Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud’hommes (section encadrement) a :
– dit que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse ;
– fixé le salaire mensuel moyen de M. [S] à la somme de 9 793,33 euros ;
– condamné la société Saarstahl Rail à payer à M. [S] les sommes suivantes :
* 115 823,88 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 11 582,38 euros au titre des congés payés afférents ;
* 4 519,89 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire et 451,98 euros au titre des congés payés afférents ;
* 29 379,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2 937,99 euros au titre des congés payés afférents ;
* 30 339,73 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 48 966,65 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [S] du surplus de ses demandes ;
– ordonné à la société Saarstahl Rail de rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [S] dans la limite d’un mois d’indemnités ;
– ordonné à la société Saarstahl Rail d’adresser à M. [S] les documents sociaux conformes à la décision ;
– débouté la société Saarstahl Rail de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la société Saarstahl Rail à payer les intérêts de droit sur les salaires à compter du 23 juin 2020, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation, et du prononcé pour le surplus ;
– mis les dépens à la charge de la société Saarstahl Rail.
Le 7 janvier 2022, la société Saarstahl Rail a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 15 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Saarstahl Rail demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué sur le licenciement, les condamnations prononcées à son encontre, les intérêts légaux, les dépens, le débouté de sa demande reconventionnelle, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de :
– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, requalifier le licenciement en licenciement pour faute grave, ou à titre plus subsidiaire en licenciement pour cause réelle et sérieuse, réduire à de plus justes proportions l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, le rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant des sommes allouées à M. [S], confirmer le jugement en ce qu’il a déduit du rappel de salaire pour heures supplémentaires les 15 705,21 euros correspondant aux jours de RTT pris par M. [S] ;
– condamner M. [S] à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions du 17 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [S] demande à la cour de :
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL à payer à M. [S] une somme de 115 823,88 euros outre 11 582,38 euros au titre des congés payés,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 216 927,82 euros bruts outre 21 692,78 euros au titre des CP, au titre du rappel de salaire (heures supplémentaires),
– INFIRMER en conséquence la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a fixé le salaire de M. [S] à la somme de 9 793,33 euros bruts,
Statuant à nouveau :
FIXER le salaire de M. [S] à la somme de 13 862,77 euros bruts,
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 4 519,89 euros bruts outre 451,98 euros bruts au titre des congés payés,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 6 931,38 euros bruts (2 semaines), outre 693,13 euros bruts au titre des CP au titre de la mise à pied à titre conservatoire,
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 29 379,99 euros bruts outre 2 937,99 euros bruts au titre du préavis et des congés payés,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 41 588,31 euros (3 mois), outre 4 158,83 euros bruts au titre des CP au titre de l’indemnité de préavis,
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 30 339,73 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 41 033,79 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme 48 966,65 au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 332 706,48 euros (2 ans) au titre de l’indemnité de licenciement,
– INFIRMER la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’elle a condamné la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme 1 200,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 6 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONFIRMER la décision dont appel pour le surplus,
– En tout état de cause, CONDAMNER la société SAARSTAHL RAIL à payer à M. [S] une somme de 6 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à cause d’appel, la CONDAMNER aux entiers dépens de l’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître DONTOT, avocat (JRF et associés), dans les conditions de l’article 699 du CPC.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 21 mars 2023.
SUR CE :
Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires d’avril 2017 à mars 2020 demandé par le salarié et le remboursement à l’employeur des jours au titre de la réduction du temps de travail :
Considérant, sur la convention de forfait annuel en jours, qu’aux termes de l’article L. 3121-65 du code du travail : ‘ A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l’article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes : (…)
3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération’ ;
Qu’en l’espèce, il ressort des débats que la société appelante ne justifie pas avoir organisé, sur la période en litige, l’entretien annuel relatif à la charge de travail prévu par les dispositions mentionnées ci-dessus ;
Qu’en conséquence, M. [S] est fondé à soutenir que la convention de forfait annuel en jours incluse dans son contrat de travail est privée d’effet et que son temps de travail doit être décompté selon la durée légale pour la période en litige ;
Considérant, sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires, qu’en application notamment de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu’après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3121-4 du même code : ‘Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.’
Qu’en l’espèce, au soutien de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, calculées sur la base d’une durée de travail hebdomadaire de 54,28 heures sur l’ensemble de la période en litige, M. [S] verse aux débats notamment un décompte mentionnant jour par jour les horaires de travail revendiqués sur toute la période en cause ;
Que de la sorte, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Que pour sa part, la société appelante ne produit aucun élément sur les heures de travail accomplies par M. [S] sur la période en cause ;
Que dans ces conditions, la réalité de l’accomplissement d’heures supplémentaires par M. [S] est établie, étant précisé qu’il ressort des pièces versées par le salarié et notamment d’une attestation d’un collègue et de courriels professionnels que ces heures étaient nécessaires à l’accomplissement de ses tâches de cadre au sein de l’entreprise ;
Que sur le montant de la créance salariale à ce titre, au vu des pièces versées et eu égard notamment à la prise en compte par le salarié, de manière erronée au regard des dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail, de temps de trajet en avion au départ de son domicile comme temps de travail effectif et à l’absence d’éléments fiables établissant l’accomplissement d’un travail effectif pendant cette période, il y a lieu de fixer la créance à la somme 131 529,090 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
Que par ailleurs, la convention de forfait annuel en jours de M. [S] étant privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de cette convention est devenu indu ; qu’il y a donc lieu de condamner M. [S] à payer à la société appelante une somme de 15 705,21 euros à ce titre ;
Que les parties s’accordant sur une déduction de cette somme de la créance d’heures supplémentaires comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, il y a lieu au final de condamner la société appelante à payer à M. [S] une somme de 115 823,88 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et une somme de 11 582,38 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement sera confirmé sur ces points ;
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :
Considérant que la lettre de licenciement pour faute lourde notifiée à M. [S], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : ‘(…) En votre absence, nous avons repris l’ensemble du dossier et des éléments que nous avions regroupés.
Ceux-ci démontrent clairement que vous avez délibérément adopté une attitude mettant en péril la pérennité de notre entreprise (par ailleurs déjà en difficulté).
Ce comportement dénote une réelle intention de nuire à l’entreprise et nous conduit à vous licencier pour faute lourde devant la gravité de vos agissements qui sont détaillés ci-après.
Les éléments qui vous sont reprochés s’inscrivent dans un contexte général de durcissement des relations avec la Société JINGYE STEEL (ex-Groupe BRITISH STEEL dont la France faisait partie) qui venait de renoncer à reprendre les actifs de BRITISH STEEL France.
Après une scission effective au 9 mars 2020 avec JINGYE STEEL UK, les instructions de la Direction générale de FRANCE RAIL INDUSTRY étaient clairement de stopper toutes relations professionnelles avec JINGYE STEEL UK pour ne pas dévoiler notre nouvelle stratégie.
Vous avez délibérément ignoré ces consignes et vous avez continué à entretenir des relations avec la Grande-Bretagne et le Groupe JINGYE.
Des dirigeants de JINGYE STEEL UK ont entrepris une démarche méthodique de détournement de la clientèle de BRITISH STEEL France (FRANCE RAIL INDUSTRY nouvellement nommée) et de débauchage de salariés, dans le but de provoquer son dépôt de bilan. Cette véritable tentative d’élimination commerciale et opérationnelle de notre entreprise était au profit du nouveau Groupe JINGYE STEEL.
Force est de constater que malheureusement, vous avez pris une part active dans cette tentative avec des agissements déguisés et répétés, sans respecter les clauses de confidentialité et de secret professionnel qui vous lie à l’entreprise par votre contrat de travail signé à savoir :
« à ne pas divulguer, communiquer ou laisser divulguer ou communiquer, ainsi qu’à ne pas utiliser directement ou indirectement des informations ou renseignements confidentiels de toutes natures, dont il aurait connaissance dans le cadre de l’exécution du présent contrat et concernant notamment la clientèle, les ventes ou autres données commerciales, financières ou administratives et les affaires de la société en général ainsi que celles du groupe qui auraient pour conséquence de nuire aux intérêts de la Société ».
Par ailleurs, il apparaît clairement que votre intention est de vous faire embaucher au sein de JINGYE STEEL et que les informations que vous avez délivrées, font partie de la négociation sur vos futures conditions d’embauche.
Vous avez délivré des informations sur des aspects stratégiques, commerciaux et techniques de l’activité de notre entreprise, pourtant décisifs et confidentiels tels que :
– Information générale donnée sur l’activité en cours de notre entreprise (données commerciales et techniques pourtant strictement confidentielles)
– Informations spécifiques à certains clients ou marchés :
o Information donnée sur la visite de MM. [P] [Z] Directeur commercial et [B] [F] Directeur général chez le client stratégique belge INFRABEL et sur la décision de ce client de ne pas donner de volume aux fournisseurs qui n’ont pas pris part à l’appel d’offres public d’origine. En effet, le contrat prévoit une attribution de marchés aux entreprises classées par ordre de préférence d’attribution. En cas de défaillance de la Société attributaire prioritaire (France RAIL INDUSTRY), l’entreprise INFRABEL a la possibilité de transférer le contrat à la Société qui s’est placée en second soitARCELORMITTAL Espagne, puis ensuite à VOEST-ALPINE, placée en troisième position d’attribution.
o Explication et affirmation qu’il y aura possibilité de basculer à terme les contrats RFI et le contrat de prestation entre BSFR et BATTAZZA pour le centre de distribution de LECCO vers JINGYE à condition que JINGYE s’engage sur des volumes supérieurs à 10kt par an et que JINGYE ait une politique claire en privilégiant la vente de rails plutôt que la vente de blooms aux concurrents AFERPI, également fournisseur de RFI.
o Affirmation également qu’il y a actuellement un manque de leadership chez RFI ce qui risque de conduire à un retard dans la prise de décision, d’où un probable retard dans le lancement des prochains appels d’offres RFI.
o Information donnée sur la stratégie « Blooms » de notre entreprise pour mieux la déstabiliser face à la concurrence que représente aujourd’hui le Groupe JINGYE avec la confirmation que le personnel de France RAIL INDUSTRY est au courant qu’il existe un problème avec l’approvisionnement des blooms en provenance d’Angleterre.
o Information donnée à JINGYE qu’il peut devenir un acteur important sur le marché européen et le reste du monde sous réserve d’investissements dans la gamme de produits avec le traitement thermique avec comme seule hésitation le choix de privilégier une installation « in line » ou une installation « offline » qui permettrait de développer du PWHT (de la soudure avant traitement thermique).
– Echanges répétés sur Linkedin avec Le Directeur commercial export de chez JINGYE et vous-même avec l’engagement de remise de documents lors d’une prochaine visite en France (…).
Il résulte de ce qui précède que votre comportement est indéniablement fautif. Il désorganise et menace la pérennité de notre entreprise et rend impossible votre maintien au sein de notre entreprise. Pire, il dénote une intention de nuire délibérée puisque vous participez ainsi à l’objectif de nos concurrents de nous mener, au mieux, au redressement judiciaire. Alors que notre entreprise traverse déjà de nombreuses difficultés économiques, exacerbées par la crise actuelle, vous avez poursuivi un objectif personnel parfaitement égoïste et nuisible à l’entreprise et à l’ensemble de vos collègues de travail.
C’est pourquoi le présent licenciement est prononcé pour faute lourde (…)’ ;
Considérant que la société appelante soutient que les deux courriels qu’elle produit pour justifier du motif du licenciement ont été licitement obtenus, qu’ils démontrent que M. [S] a bien manqué à ses obligations en révélant à M. [T], salarié du groupe Jingye, des informations confidentielles dans le but de se faire embaucher et de détourner à terme des clients, démontrant ainsi une intention de nuire ; qu’elle conclut que le licenciement est fondé sur une faute lourde à titre principal ;
Que M. [S] soutient que les deux courriels versés aux débats par la société appelante résultent d’une violation du secret des correspondances et sont illicites, qu’en tout état de cause le premier courriel n’apporte aucun élément au soutien du licenciement et l’autre ne fait que lui imputer des propos sans aucune garantie de fiabilité ; qu’il ajoute que les informations mentionnées dans le second courriel ne sont nullement confidentielles et étaient connues par M. [T] qui était son supérieur hiérarchique de par ses fonctions de directeur des ventes du groupe British Steel ; qu’il en conclut que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’il réclame en conséquence un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents et des indemnités de rupture, en faisant valoir que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont contraires aux stipulations de l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne ;
Considérant qu’en application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que la faute lourde est celle qui est commise par le salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ; que la charge de la preuve de la faute lourde incombe à l’employeur qui l’invoque ;
Qu’en l’espèce, au soutien de son appel, la société Saarstahl Rail verse aux débats les pièces suivantes :
– un échange de courriels des 11 et 12 mars 2020 (pièce n°12), entre M. [T] et un autre membre du groupe Jingye dont il ressort seulement que M. [T] indique qu’il va prendre l’initiative d’approcher M. [S] en vue d’un débauchage et qui ne fait ressortir aucune faute imputable au salarié intimé ;
– un échange de courriels du 12 mars 2020 (pièce n°13), dans lequel M. [T] fait part à des responsables du groupe Jingye d’une conversation du même jour avec M. [S] et impute à ce dernier des propos, sans garantie quant à leur réalité et à leur teneur ;
Que la société appelante ne fournit aucun élément de preuve directe, tels par exemple que des courriers envoyés par M. [S] lui-même ;
Que ces pièces sont donc insuffisantes à établir le contenu des propos échangés entre M. [T] et M. [S] et par suite l’existence à cette occasion d’une violation de l’obligation de confidentialité par le salarié intimé, lequel nie avoir commis une quelconque faute ;
Qu’en outre, M. [S] fait justement valoir que la société appelante ne se prévaut dans ses conclusions, contrairement à ce qui est reproché dans la lettre de licenciement, d’aucune interdiction faite par la direction générale à ses salariés d’entrer en communication avec ‘Jyngie Steel UK’ à compter du 9 mars 2020, ni n’invoque le grief tiré d’échanges répétés sur le réseau Internet Linkedin avec le directeur commercial export de ‘chez Jingye’ et d’un engagement de lui remettre des documents ;
Qu’il résulte de ce qui précède que la réalité des faits reprochés à M. [S] n’est pas établie et que son licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme l’ont justement estimé les premiers juges ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Qu’en conséquence, et sur la base d’une rémunération moyenne mensuelle de 9 793,33 euros brut incluant le rappel de salaire pour heures supplémentaires mentionné ci-dessus, ainsi que justement retenue par le conseil de prud’hommes, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il alloue à M. [S] les sommes suivantes :
– 4 519,89 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire et 451,98 euros au titre des congés payés afférents ;
– 29 379,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2 937,99 euros au titre des congés payés afférents ;
– 30 339,73 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
Qu’en outre, M. [S] est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre trois et neuf mois de salaire brut en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l’appelant faute d’effet direct ; qu’eu égard à son âge (né en 1974), à sa rémunération moyenne mensuelle, à sa situation professionnelle postérieure au licenciement (chômage durant environ six mois puis embauche selon contrat de travail à durée indéterminée), il y a lieu de confirmer l’allocation d’une somme de 48 966,65 euros à ce titre, en l’absence de démonstration d’un plus ample préjudice ; que le jugement sera confirmé sur ce chef ;
Sur le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur, la remise de documents sociaux, les intérêts légaux :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ces points ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ; qu’en outre, la société appelante, qui succombe en son appel, sera condamnée à payer à M. [S] une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu’aux dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Dontot, avocat ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Condamne la société Saarstahl Rail à payer à M. [K] [S] une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Saarstahl Rail aux dépens d’appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,