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31/03/2023
ARRÊT N°159/2023
N° RG 21/03638 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OKTI
AB/AR
Décision déférée du 01 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01469)
DJEMMAL A.
[N] [P]
C/
S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 31 3 23
à Me Véronique L’HOTE
Me Nissa JAZOTTES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [N] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]
Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [N] [P] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminé le 30 novembre 2015 par la SA Altran Lab, en qualité d’ingénieur consultant, statut cadre.
La convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils est applicable.
Par lettre du 6 décembre 2016, M. [P] a démissionné de ses fonctions.
Par courrier du même jour, la société Altran Technologies a rappelé à M. [P] que la clause de non concurrence prévue à l’article 9 de son contrat de travail était maintenue.
M. [P] a été embauché par la société Bertrandt le 6 février 2017.
Par courrier du 7 décembre 2017, la société Altran Technologies a mis en demeure M. [P] et la société Bertrandt de mettre fin à cette situation.
La société Altran Technologies a mis en demeure M. [P] le 6 décembre 2018 de lui rembourser la somme de 10 402,92 euros correspondant au montant total de l’indemnité compensatrice contractuellement prévue en contrepartie du respect de la clause de non concurrence que la société Altran Technologies avait versée.
Le 24 décembre 2018 M. [P] a répondu qu’il contestait devoir ce remboursement, son seul employeur ayant été la société Altran Lab.
La société Altran Technologies a maintenu sa demande par courrier du 12 février 2019.
Par requête en date du 17 septembre 2019, la société Altran Technologies a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins d’obtenir le paiement de diverses indemnités pour violation de l’obligation de non-concurrence.
Par jugement du 1er juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– jugé que la SA Altran Technologies a qualité et intérêt à agir,
– jugé que le conseil de Prud’hommes est compétent,
– dit que M. [N] [P] a violé la clause de non-concurrence,
– condamné en conséquence M. [P], à payer à la société Altran Technologies, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, les sommes suivantes :
* 10 402,92 euros au titre du remboursement de l’indemnité de la clause de non-concurrence,
* 1 000 euros au titre de la réparation du préjudice,
* 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [P] aux entiers dépens,
– rejeté le surplus des demandes des parties.
M. [P] a relevé appel de ce jugement le 11 août 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués
.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [P] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur le litige,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a jugé recevable la société Altran Technologies,
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Altran Technologies avait qualité et intérêt à agir,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a dit que M. [N] [P] a violé la clause de non-concurrence,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a condamné M. [P] à régler à la société Altran Technologies les sommes suivantes :
* 10 402,92 euros au titre du remboursement de l’indemnité de la clause de non concurrence,
* 1 000 euros en réparation du préjudice subi,
* 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– constater l’incompétence rationa materiae du conseil de prud’hommes de Toulouse à connaître du présent litige,
– renvoyer le présent litige devant le tribunal judiciaire de Toulouse.
Subsidiairement :
– dire irrecevable la société Altran Technologies en ses demandes pour défaut de droit à agir.
Très subsidiairement :
– débouter la société Altran Technologies de ses demandes au titre de la violation de la clause de non-concurrence.
En tout état de cause :
– débouter la société Altran Technologies de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Altran Technologies à verser à M. [P] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Altran Technologies de l’intégralité de ses demandes,
– condamner la société Altran Technologies aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société Altran Technologies demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en date du 1er juillet 2021.
Et en conséquence :
– confirmer que la société Altran Technologies a un intérêt légitime et la qualité à agir,
– confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que le Conseil de Prud’hommes était compétent,
– rejeter la demande de M. [N] [P] de renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Toulouse,
– confirmer que M. [P] a violé la clause de non concurrence prévue à l’article 9 de son contrat de travail,
– condamner M. [P] à 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [P] aux entiers dépens.
MOTIFS :
Sur la compétence du conseil de prud’hommes et la qualité à agir de la société Altran Technologies :
Aux termes de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différents qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient, et il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 1346 du code civil que ‘la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette’.
La subrogation légale ne nécessite donc ni la conclusion d’une convention tripartite ni même l’accord du créancier.
En l’espèce, M. [P] soulève d’une part l’incompétence du conseil de prud’hommes en ce que la société Altran Technologies n’a jamais été son employeur, puisqu’il travaillait uniquement pour la société Altran Lab, et d’autre part le défaut de qualité à agir de la société Altran Technologies.
La société Altran Technologies admet n’avoir jamais été l’employeur direct de M. [P] mais est néanmoins subrogée dans les droits de sa filiale Altran Lab (laquelle est sa filiale à 100%) puisqu’elle a délivré à M. [P] les documents de fin de contrat, les bulletins de paie postérieurs à la rupture mentionnant chaque mois l’indemnité de non-concurrence, et lui a payé l’indemnité de non concurrence due au titre du contrat de travail conclu avec sa filiale, libérant ainsi celle-ci de sa dette.
Ainsi, le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur le litige issu des stipulations du contrat de travail et de sa rupture, survenu entre le salarié et la société Altran Technologies venant aux droit de l’employeur en vertu d’une subrogation légale de créance, et la société Altran Technologies ainsi subrogée a donc intérêt à agir étant observé de manière surabondante qu’elle fait partie du même groupe que la société Altran Lab, et que la clause de non concurrence telle que libellée protégeait non seulement les intérêts de cette filiale mais également les intérêts du groupe.
Le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur la clause de non-concurrence :
L’article 9 du contrat de travail de M. [P] prévoyait la clause de non concurrence suivante :
« Compte tenu de la nature de ses fonctions, et des informations confidentielles dont il dispose, et afin de préserver les légitimes intérêts de la société, [N] [P] s’interdit expressément d’intervenir directement ou indirectement, et ce, à quelque titre que ce soit, en qualité de salarié et/ou d’indépendant, auprès des sociétés susceptibles de faire concurrence à la société et plus largement au groupe ALTRAN.
Cette interdiction est limitée aux activités de bureaux d’études techniques, de cabinets d’ingénieurs conseils, de sociétés de conseil et de SSII.
A ce titre, [N] [P] ne pourra pas être salarié d’une autre société pour y effectuer le même travail que celui qu’il réalisait auparavant dans le cadre de ses missions pour le compte de la société.
Concernant le périmètre géographique de cette clause de non concurrence, il est limité aux régions de France, ou villes à l’étranger dans lesquelles [N] [P] est intervenu au titre de ses missions pour le compte de la société.
Elle s’applique pendant les 12 mois qui suivent le départ effectif de la société de [N] [P], et ce quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail.
En contrepartie de cette obligation de non concurrence, [N] [P] percevra pendant les 12 mois suivant son départ effectif, une indemnité spéciale mensuelle et forfaitaire égale à :
– 25% du dernier salaire fixe mensuel brut hors primes et intéressement, si [N] [P] a moins de deux ans d’ancienneté à la date de son départ
– 45% du dernier salaire fixe mensuel brut hors primes et intéressement, si [N] [P] a plus de deux ans d’ancienneté.
Cette contrepartie a la nature de salaire et sera soumise à cotisations sociales, à la CSG et CRDS ; elle sera versée mensuellement durant toute la durée d’application de la clause ».
La validité de cette clause n’est pas discutée, pas plus que sa période d’application, du mois de février 2017 au mois de février 2018.
Il est constant que la société Altran Technologies a versé à M. [P] l’intégralité de la contrepartie prévue à la clause.
La société Altran Technologies soutient que M. [P] a violé la clause de non concurrence et produit aux débats un ordre de mission Continental édité le 5 mars 2021 sur le papier à en-tête Capgemini (ayant racheté Altran en 2020), relatif à une mission réalisée par M. [P] au sein de Continental pour les mêmes fonctions d’ingénieur MAP moteur que celles occupées ensuite au sein de la société Bertrandt.
Elle indique que cette société Bertrandt a reconnu cette violation dans un courrier adressé à M. [P].
M. [P] conteste toute violation de cette clause de non concurrence et estime que la société Altran Technologies n’en rapporte pas la preuve, il conteste la validité de l’ordre de mission Continental produit par la société Altran Technologies compte tenu de la forme de sa rédaction dans laquelle il relève des incohérences.
Cependant, la cour relève que le document litigieux relatif à l’ordre de mission a été ré-édité par la SA Altran Technologies dans le cadre de la présente procédure de sorte que cette nouvelle impression a été effectuée sur le nouveau papier à en-tête du groupe, et supporte une date du 5 mars 2021, ce qui ne porte pas atteinte à la validité de l’ordre de mission initial ; il ne s’agit pas ici de l’ordre de mission proprement dit mais d’un historique destiné à récapituler les missions confiées au salarié durant la relation contractuelle, et ce document est parfaitement régulier.
Il résulte des éléments produits que M. [P] était ‘junior consultant engineer’ au sein de la société Altran Lab et a été placé en mission chez le client Continental sur le projet Synerject ; la SA Altran Technologies indique sans être valablement contredite sur ce point que M. [P] avait pour mission de réaliser un projet de mise au point ‘contrôle moteur’, de réaliser des essais système sur véhicule et rédiger des rapports d’essais.
Il est produit par la SA Altran Technologies plusieurs échanges de mails entre M. [P] et l’équipe Synerject démontrant la réalité de cette mission.
Celle-ci est d’ailleurs détaillée par M. [P] lui-même dans son profil LinkedIn.
La SA Altran Technologies verse également aux débats :
-le courrier adressé à la société Bertrandt le 7 décembre 2017, pour l’informer qu’elle avait embauché deux de ses anciens salariés (MM. [B] et [P]) en violation de leur clause de non-concurrence,
-la mise en demeure vainement adressée à M. [P] le 6 décembre 2018 afin de faire cesser la situation,
-le courrier du 24 mai 2018 par lequel la société Bertrandt écrivait à son salarié M. [P] confirmant que ce dernier avait été embauché, durant la période prohibée par la clause de non-concurrence et sur le secteur géographique visé par celle-ci, à des fonctions d’ingénieur Map moteur contrevenant à la clause, sans que ce nouvel employeur ne soit avisé de l’existence de cette clause, ce qui confirme les indications de la SA Altran Technologies selon lesquelles M. [P] a été délégué par son nouvel employeur sur les mêmes missions que précédemment chez Altran Lab, la SA Altran Technologies ajoutant que la mission s’exerce toujours chez le client Continental.
La cour estime, comme le conseil de prud’hommes, que la violation de la clause de non-concurrence par M. [P] est établie ; le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné ce dernier à rembourser à la SA Altran Technologies l’indemnité de non-concurrence qu’elle a versée.
En revanche il y a lieu à infirmation sur le quantum, en effet M. [P] a perçu la somme totale nette de 6 843 € au titre de l’indemnité de non-concurrence, et non 10 402,92 €, et la SA Altran Technologies ne peut lui réclamer une somme brute incluant des cotisations patronales qu’elle a payées à l’URSSAF.
M. [P] sera donc condamné à restituer à la SA Altran Technologies la somme de 6 843€.
Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires :
La clause de non-concurrence comporte une clause pénale, que le juge peut réduire, fixant à 12 mois du dernier salaire brut l’indemnité due par le salarié en cas de violation de la clause de non-concurrence, soit en l’espèce à la somme de 35 174,88 €.
Le jugement ayant condamné M. [P] à payer à la SA Altran Technologies la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts sera confirmé, la clause pénale manifestement excessive au regard des pièces produites étant en effet réduite à cette somme.
Sur le surplus des demandes :
M. [P], succombant principalement en son appel, sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris ainsi qu’aux dépens d’appel; le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, excepté sur le montant de la somme due par M. [P] à la SA Altran Technologies au titre du remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
L’infirme sur ce point,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne M. [P] à payer à la SA Altran Technologies la somme de 6 843 € en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, y compris celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANE Catherine BRISSET
.