Informations confidentielles : 30 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02381

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Informations confidentielles : 30 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02381
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2023

N° RG 19/02381 –

N° Portalis DBV3-V-B7D-THNG

AFFAIRE :

[N] [SK]

C/

S.A. SOPRA STERIA GROUP

Syndicat AVENIR SOPRA STERIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 juillet 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° RG : 13/02701

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Katia DEBAY

Me Bruno COURTINE

Me Clarisse SURIN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Monsieur [N] [SK]

La S.A. SOPRA STERIA GROUP

Le Syndicat AVENIR SOPRA STERIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 09 mars 2023 et prorogé au23 mars 2022 puis au 30 mars 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [N] [SK]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541

APPELANT

****************

S.A. SOPRA STERIA GROUP

N° SIRET : 326 820 065

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Bruno COURTINE de la SELEURL Société d’Exercice libéral d’Avocat ALLOULU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094

INTIMEE

****************

Syndicat AVENIR SOPRA STERIA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Clarisse SURIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0893

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Janvier 2023, Madame Isabelle CHABAL, Conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Somepost Informatique était une filiale du groupe La Poste.

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 5 janvier 2000, M. [N] [SK], né le 26 juin 1968, a été engagé par la société Somepost Informatique en qualité d’ingénieur d’affaires, statut cadre, position III A, moyennant une rémunération annuelle de 39 636,87 euros ainsi qu’une part variable. La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 était applicable.

A compter de 2001, M. [SK] est devenu titulaire d’un mandat de représentant du personnel.

Il est à ce jour titulaire des mandats et heures de délégations mensuelles suivants :

– délégué syndical central de l’UES Sopra Steria : 24 heures,

– représentant syndical au CSE central de Sopra Steria,

– membre titulaire du comité de groupe depuis 2019 : 2,33 heures,

– délégué du personnel à compter de 2007 puis membre titulaire du CSE Sopra Steria Group : 40 heures,

– membre de quatre commissions internes au CSE : commission situation économique et financière (7 heures), commission des marchés (7 heures), commission budget et définition des règles ASC AEP, commission régionale loisirs [Localité 10],

– représentant de proximité [Localité 10] Latitude (20 heures),

– membre de la commission paritaire de pilotage de l’accord en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés (10,5 heures),

– membre du CHSCT de [Localité 12] à compter de 2010 et membre du CHSCT de [Localité 9] à compter de 2013.

La société Somepost Informatique est devenue société Imelios.

Le 3 septembre 2002, M. [SK] a saisi le conseil des prud’hommes de Créteil aux fins notamment de paiement par la société Imelios de dommages et intérêts pour harcèlement moral en rapport avec ses fonctions représentatives et modification de son contrat de travail.

Par jugement rendu le 27 mai 2004, le conseil de prud’hommes de Créteil a condamné la société Imelios à payer à M. [SK] les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 10 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination ayant conduit au refus d’autoriser sa souscription au plan d’entreprise en actions et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en le déboutant du surplus de ses demandes et en déboutant la société Imelios de ses demandes reconventionnelles.

Par jugement du 30 juin 2006, le tribunal correctionnel de Créteil a condamné M. [Y] [I], directeur de la société Imelios, et la société Imelios coupables de discrimination syndicale à l’égard de M. [SK] du 4 octobre 2002 à courant mars 2006 et d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, M. [I] étant en outre condamné pour discrimination syndicale courant janvier 2003 et entrave au fonctionnement du comité d’hygiène et de sécurité.

Le 1er juillet 2009, la société Steria a absorbé la société Imelios.

Sur appel de la société Imelios et appel incident de M. [SK] de la décision rendue le 27 mai 2004, par un arrêt rendu le 20 octobre 2009, la chambre sociale de la cour d’appel de Paris a :

– infirmant le jugement déféré,

– ordonné le repositionnement par la société Imelios de M. [SK] dans un poste à temps plein d’ingénieur d’affaires ou équivalent, statut cadre, coefficient 170, filière commerciale avec un salaire de 87 902,20 euros,

– ordonné à la société Imelios d’accorder à M. [SK] trois jours de RTT déjà acquis,

– condamné la société Imelios à payer à M. [SK] avec intérêts de droit les sommes suivantes :

‘ 43 596 euros à titre de rappel de salaire variable du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2005,

‘ 4 359,60 euros au titre des congés payés incidents,

‘ 70 900 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008,

‘ 7 090 euros au titre de l’incidence des congés payés,

‘ 2 334,40 euros au titre des congés payés sur 13ème mois de salaire de janvier 2000 à décembre 2007,

‘ 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement,

‘ 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour refus en 2003 d’exécution d’un ordre d’achat de 1215 actions Steria,

– dit que les intérêts légaux seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

– débouté la société Imelios de sa demande de restitution d’un trop perçu,

– condamné la société Imelios aux dépens,

– rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le pourvoi en cassation formé par la société Steria à l’encontre de cette décision a été déclaré non admis par arrêt du 4 mai 2011.

La société Sopra Steria Group est née de la fusion au 1er janvier 2015 entre les sociétés Sopra et Steria. Elle est spécialisée dans les services numériques et l’édition de logiciels, emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec.

Par requête reçue au greffe le 1er octobre 2013, M. [SK] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins, notamment, de voir constater la poursuite de la discrimination syndicale et du harcèlement moral postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 octobre 2009.

Le syndicat Avenir Sopra Steria, dont M. [SK] est le secrétaire général, est intervenu à l’instance.

Par jugement rendu le 4 juillet 2016, le conseil de prud’hommes de Versailles a :

– reçu M. [SK] dans ses demandes,

– condamné la SA Sopra Steria Group à payer à M. [SK] les sommes suivantes :

‘ 23 000 euros à titre de paiement des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait,

‘ 12 000 euros au titre des congés payés afférents,

– débouté M. [SK] du surplus de ses demandes,

– rappelé qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-15 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois et telle que mentionnée au dispositif de ce jugement,

– dit à cet effet que la moyenne des 3 derniers salaires est de 7 416,66 euros,

– dit que les intérêts de droit courent à partir de la notification de la décision,

– ordonné la remise des documents légaux d’usage conformes au jugement,

– condamné la SA Sopra Steria Group à payer à M. [SK] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– reçu le syndicat Avenir Sopra Steria dans ses demandes,

– débouté le syndicat Avenir Sopra Steria de la totalité de ses demandes,

– reçu la société Sopra Steria Group en sa demande ‘reconventionnelle’ et l’en a déboutée,

– laissé les dépens afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels à la charge de la SA Sopra Steria Group,

– laissé les dépens afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels à la charge du syndicat Avenir Sopra Steria pour sa défense.

Dans le dernier état de ses écritures, M. [SK] avait demandé au conseil de prud’hommes de :

– constater la poursuite de la discrimination syndicale et du harcèlement postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 octobre 2009,

– dommages et intérêts “en provision” pour discrimination syndicale : 64 000 euros,

– ordonner les mesures de prévention sous astreinte de 100 euros par jour à partir du 15ème jour suivant la notification de la décision,

– ordonner la mise à niveau à compter de janvier 2011 de l’indice Syntec à 3.2 coefficient 210 et du salaire au salaire moyen de cette catégorie, soit 99 195 euros par an, dans l’évolution de sa fonction d’ingénieur d’affaires ou responsable d’un centre de profit tant au niveau humain, technique et financier avec octroi des formations correspondantes,

– paiement de salaire “en provision” des jours travaillés par an au-delà du forfait annuel en jours : 23 000 euros,

– indemnité “en provision” de congés payés complément : 12 000 euros,

– remboursement “en provision” des frais professionnels : 4 000 euros,

– dommages et intérêts pour les conséquences du changement de prévoyance à compter du 1er janvier 2015 : 5 000 euros,

– remise des bulletins de paie correspondant aux sommes jugées ainsi que l’exécution provisoire du jugement,

– article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros.

Le syndicat Avenir Sopra Steria, partie intervenante, demandait :

– des dommages et intérêts en raison du préjudice subi : 20 000 euros,

– un article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros.

La société Sopra Steria concluait au débouté des demandes et sollicitait la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [SK] et le syndicat Avenir Sopra Steria ont interjeté appel de la décision par déclarations respectives des 26 et 27 juillet 2016. La jonction des deux procédures a été ordonnée le 3 octobre 2016.

Suivant ordonnance rendue le 6 juin 2017, l’affaire a été radiée pour défaut de diligences.

Par déclaration du 28 mai 2019, M. [SK] a demandé la réinscription au rôle de l’affaire.

Saisi d’un incident de procédure par la société Sopra Steria Group, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance rendue le 11 février 2021 :

– rejeté la demande de la société Sopra Steria Group visant à voir dire l’instance périmée,

– condamné la société Sopra Steria Group à verser à M. [SK] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Sopra Steria Group à verser au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de la société Sopra Steria Groupe de ce chef,

– condamné la société Sopra Steria Group aux dépens de l’incident.

Par dernières conclusions n°7 adressées par voie électronique le 9 janvier 2023, M. [SK] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Sopra Steria Group à régler :

‘ des salaires correspondant aux jours travaillés au-delà du forfait,

‘ une indemnité compensatrice de congés,

‘ une indemnité au titre de l’article 700,

– l’infirmer sur les montants alloués et le surplus,

statuant à nouveau,

– juger que M. [SK] a été victime d’une politique de discrimination syndicale qui l’a pénalisé dans le déroulement de sa carrière, ses promotions et sa rémunération,

– ordonner le repositionnement par la société Sopra Steria Group de M. [SK] dans un poste à temps plein d’account manager selon le référentiel métier de l’entreprise, statut cadre, position 3.3, indice 270, filière commerciale, avec un salaire annuel de 127 264,67 euros à compter du 1er janvier 2023, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt,

– ordonner la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, 30 jours après la notification de l’arrêt,

– condamner la société Sopra Steria Group à verser à M. [SK] avec intérêts de droit les sommes suivantes :

‘ 90 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

‘ 50 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur,

‘ 80 000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

‘ 248 314 euros à titre de rappel de salaire de 2010 à fin décembre 2022,

‘ 24 381,40 euros au titre des congés payés incidents,

‘ 10 000 euros pour perte de chance de bénéficier d’un étalement d’impôts et d’un taux d’imposition moindre,

‘ 20 000 euros pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,

‘ 58 863,57 euros au titre des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait, en deniers ou quittance, et 5 886,35 euros d’indemnité de congés payés afférents,

‘ 11 512,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période de septembre 2014 à 2021,

‘ 10 125,58 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

– ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– ordonner à la société Sopra Steria Group d’accorder à M. [SK] trois jours de congés exceptionnels, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– condamner la société Sopra Steria Group à payer à M. [SK] la somme de 5 000 euros au titre de la procédure d’appel conformément à l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Sopra Steria Group de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Sopra Steria Group aux frais d’exécution et aux entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 27 décembre 2021, le syndicat Avenir Sopra Steria demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel est relevé en ce qu’il l’a débouté intégralement de ses demandes y compris les frais irrépétibles et les dépens,

Par conséquent et statuant à nouveau,

– condamner la société Sopra Steria Group pour les faits d’entrave en 2019, 2020 et 2021 à l’exercice du droit d’alerte concernant la situation du secrétaire général du syndicat Avenir Sopra Steria,

– condamner la société Sopra Steria Group au paiement de la somme de 10 000 euros au syndicat Avenir Sopra Steria à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi par le syndicat,

– condamner la société Sopra Steria Group pour les faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale caractérisés postérieurement à l’arrêt du 20 octobre 2009 à ce jour,

– condamner la société Sopra Steria Group au paiement de la somme de 40 000 euros au syndicat Avenir Sopra Steria à titre de dommages et intérêts en raison de l’atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat Avenir Sopra Steria,

– condamner la société Sopra Steria Group à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail notamment le forfait jour en raison de l’atteinte disproportionnée aux intérêts collectifs de la profession défendue par le syndicat Avenir Sopra Steria,

– condamner la société Sopra Steria Group à la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 lié à la présente procédure et 2 500 euros au titre de la procédure de première instance,

– condamner la société Sopra Steria Group au paiement des frais d’exécution et aux entiers dépens.

Par conclusions n°2 adressées par voie électronique le 19 décembre 2022, la société Sopra Steria Group (ci-après Sopra Steria) demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles le 4 juillet 2016, sauf en ce qu’il a accordé à M. [SK] les sommes de 23 000 euros à titre de paiement de salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait et de 12 000 euros au titre des congés payés afférents,

– débouter M. [SK] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [SK] à payer à la société Sopra Steria Group la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter le syndicat Avenir Sopra Steria de l’ensemble de ses demandes.

L’audience de plaidoirie a été fixée au 2 juillet 2021 puis renvoyée aux audiences des 7 janvier 2022, 24 mai 2022 et 10 janvier 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L’ARRET

Il convient à titre liminaire d’exposer la position générale des parties dans le litige qui les oppose et le contexte dans lequel l’arrêt du 20 octobre 2009 a été rendu par la cour d’appel de Paris, avant d’étudier les demandes formées par M. [SK] d’une part et par le syndicat Avenir Sopra Steria d’autre part.

M. [SK] expose que depuis sa présentation d’une liste syndicale aux élections de 2001, il a été considéré par la direction comme un ‘syndicaliste dangereux’ et que sa carrière et sa santé ont été particulièrement affectées ; que suite à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 20 octobre 2009, la société n’a pas respecté les obligations mises à sa charge et la situation ne s’est pas améliorée pour lui concernant son affectation ou le harcèlement perpétré. Il soutient qu’il est victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

La société Sopra Steria réplique que tout au long de son parcours professionnel, quels qu’aient été ses employeurs et responsables hiérarchiques, M. [SK] s’est plaint de faire l’objet de harcèlement et de discrimination, instrumentalisant ses mandats pour se rendre totalement indisponible pour ses supérieurs et ne fournissant aucune activité professionnelle, tout en revendiquant des augmentations et promotions équivalentes à celles des collaborateurs les plus performants et en multipliant les anathèmes à l’encontre de ses employeurs et de ses adversaires syndicaux. Elle soutient qu’il a refusé les missions qui lui étaient proposées et a multiplié les provocations envers son employeur, et qu’il n’a fait l’objet d’aucun traitement discriminatoire en raison de son engagement et de ses activités syndicales.

S’agissant de l’incompétence de la cour au profit du juge de l’exécution pour statuer sur certaines demandes de M. [SK], la cour relève qu’elle n’est invoquée par la société Sopra Steria que dans les motifs de ses conclusions et non dans leur dispositif, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une prétention sur laquelle il y a lieu de statuer.

Aux termes de son contrat de travail, M. [SK] a été engagé par la société Imelios en qualité d’ingénieur d’affaires, statut cadre, position III A, recouvrant les missions suivantes : “responsable de la gestion opérationnelle de son secteur, il propose et conçoit des projets puis gère et suit leur réalisation d’un point de vue commercial, humain, technique et financier dans le respect des exigences qualité et des attentes de la clientèle.” (pièce 150 de l’appelant).

Le 4 avril 2001, M. [SK] a été désigné délégué central CFTC de l’UES Somepost et représentant syndical auprès du comité central d’entreprise. A compter de 2003, il était le représentant du syndicat national des activités postales Force Ouvrière, au titre de divers mandats, avant de devenir en 2006 l’un des fondateurs et le représentant du syndicat Steria Avenir, devenu Avenir Sopra Steria en 2014.

Il ressort de l’arrêt rendu le 20 octobre 2009 par la cour d’appel de Paris et des pièces produites qu’en janvier 2003 M. [SK] a protesté contre la modification de ses fonctions en ingénieur commercial, limitées à un centre d’appel ; que son transfert au sein de la société SF7 a été refusé tant par lui-même que par l’inspection du travail ; que de décembre 2003 à décembre 2005 M. [SK] a refusé les missions proposées par la société Imelios, avant d’accepter un poste d’ingénieur d’affaires compte La Poste ; qu’en juillet 2006, suite au jugement rendu par le tribunal correctionnel le 30 juin 2006, M. [SK] a demandé que sa situation professionnelle soit réellement rétablie ; qu’en janvier 2007 un nouveau poste d’ingénieur d’affaires La Poste courrier international pour Steria et Imelios lui a été proposé et a été refusé ; qu’après exercice du droit d’alerte des délégués du personnel et intervention de l’inspecteur du travail, M. [SK] s’est vu confier une mission complémentaire au sein de Steria à effet du 14 juillet 2007 comme ingénieur d’affaires au sein du projet RSI.

La cour d’appel a relevé une réduction du champ fonctionnel de M. [SK], en ce que “les fonctions d’ingénieur d’affaires ne se limitent pas au prospect et à la vente mais intègrent l’étude de projets, leur faisabilité, leur suivi en cas de mise en place ; que selon l’énoncé initial de son emploi, M. [SK] devait participer à la définition de la stratégie commerciale, fidéliser la clientèle, rechercher de nouveaux marchés, participer à la promotion de l’image et des compétences de la société et du groupe”. Elle a retenu que “le cantonnement des fonctions de M. [SK] à de simples fonctions de vente et prospection, fût-ce avec un suivi des dossiers, a emporté la modification de son contrat de travail tant au titre de son emploi qu’au titre du niveau puis de la structure de sa rémunération ; que l’exécution de cette modification perdure ce jour, M. [SK] n’exerçant plus que des fonctions complémentaires et limitées d’ingénieur d’affaires.”. La cour a en conséquence jugé que M. [SK] devait être réintégré dans ses fonctions contractuelles et a ordonné “le repositionnement par la société Imelios de M. [SK] dans un poste à temps plein d’ingénieur d’affaires ou équivalent, statut cadre, coefficient 170, filière commerciale avec un salaire annuel de 87 909,20 euros.” (pièce 3 de l’appelant).

I – Sur les demandes de M. [SK]

1 – Sur la discrimination syndicale

L’article L. 1132-1 du code du travail dispose : ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.’

L’article L. 2141-5 alinéa 1er du code du travail prévoit que ‘il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.’

Pour qu’il y ait discrimination syndicale, il faut que la mesure incriminée ait un lien direct avec l’appartenance ou l’activité syndicale.

Il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination en raison de son appartenance ou de son activité syndicale de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’employeur ne doit pas prendre en considération l’exercice de son mandat syndical dans l’organisation du travail d’un salarié. Constitue une discrimination syndicale le fait pour l’employeur d’invoquer le manque de disponibilité consécutif aux fonctions syndicales pour ne pas accéder à une demande de formation ou pour écarter la candidature du salarié à un poste en avancement.

Néanmoins, l’employeur ne peut apporter d’entrave à la libre utilisation des heures de délégation dont bénéficient les représentants du personnel pour l’exercice de leurs attributions, qui sont considérées comme du temps de travail effectif et rémunérées comme telles, tout comme le temps passé aux réunions avec l’employeur, qui s’y ajoute. Le cumul des mandats emporte en principe cumul des heures de délégation.

L’employeur soutient en l’espèce que l’activité syndicale de M. [SK] l’occupait à plein temps, ce que M. [SK] conteste.

Le cumul des heures de délégation dont disposait M. [SK] représente 111 heures par mois.

M. [SK] produit en pièce 309 des tableaux montrant qu’il a consacré à son mandat social, réunions comprises, entre 21,70 % (en 2016) et 49,29 % (en 2022) de son temps de travail. Il a cependant indiqué en 2014 que son activité syndicale lui prenait plus de 120 % de son temps et il soutient avoir travaillé au-delà du forfait jours pendant des années où il n’exerçait aucune activité professionnelle, ce qui induit qu’il consacrait un temps important à l’exercice cumulé de ses mandats.

Pour faire valoir qu’il subit une discrimination syndicale, M. [SK] invoque les faits suivants :

– le refus de sa présence par le chef de secteur

M. [SK] expose qu’il n’a pas été invité à plusieurs reprises entre 2010 et 2022 à la réunion annuelle de tous les managers de l’entreprise pour le lancement des activités (KickOff).

Un refus lui a été opposé le 11 février 2009, pour des raisons professionnelles (pièce n°51), mais ce fait précède l’arrêt rendu par la cour d’appel le 20 octobre 2009.

S’agissant des années ultérieures, il produit une réclamation concernant l’absence d’invitation au Kick Off 2016 dans laquelle il indique “pourtant j’ai été convoqué précédemment à ces réunions annuelles. Je suis écarté cette année par pure discrimination syndicale.” Il lui a été répondu que la liste des invités évolue chaque année et qu’il n’y a aucune discrimination dans l’absence d’invitation (pièce 223).

Il produit également une réclamation concernant l’exclusion du Kick Off 2017 (pièce 224) mais il ressort des pièces produites par l’employeur qu’il a bien été invité à cette réunion en 2017, 2018, 2019 et 2020 (pièces 147 à 152 de l’intimée).

Il ne justifie pas que la seule absence d’invitation qui a eu lieu en 2016 a un lien avec son activité syndicale, de sorte que le fait n’est pas établi.

– la privation d’activité et le refus de l’employeur de le rétablir dans ses fonctions

M. [SK] fait valoir que l’employeur refuse de l’affecter sur un compte client comme l’exige le référentiel métier et les procédures de l’entreprise depuis la fusion effective Sopra Steria en janvier 2015 ; que des postes “vides” lui ont été proposés en décembre 2009 et février 2010, qui ne figuraient pas parmi les comptes d’account manager ni au business plan de l’entreprise ; que d’ailleurs, aucun salarié n’a été affecté ou recruté à ces postes, ce qui établit qu’ils n’avaient aucune réalité.

Le 12 décembre 2009, M. [SK] a transmis à son chef de secteur M. [LH], la fiche définition de la fonction ingénieur d’affaires et a demandé à être affecté au poste d’ingénieur d’affaires de l’activité du département Imelios (“sécurité : consulting et IS” et e-gov) ou de Key Account Manager (KAM) tel qu’il l’était de 2000 à 2001.

La société Imelios n’existant plus, M. [SK], en se basant sur le référentiel des métiers Sopra Steria 2010, soutient qu’il devait accéder à un poste d’account manager, qui relève du secteur commerce et a pour finalité notamment la gestion, le pilotage et le management global d’un grand compte ou le développement de comptes et correspond à une classification syntec I3.2-I3.3 (pièce 166 de l’appelant).

Le 24 décembre 2009, M. [LH] a transmis à M. [SK] une fiche de mission d’ingénieur d’affaires mentionnant que “un poste d’account manager est créé sur l’année 2010 dans le but d’étudier le potentiel de ce marché et de définir une stratégie commerciale sur les comptes Port autonome du [Localité 7], Port autonome de [Localité 10] et Voies navigables de France”, avec pour objectifs d’identifier les leviers de croissance pour le secteur. M. [SK] a répondu le 30 décembre 2009 que la mission proposée est “vide” (pièces 40 et 41 et de l’appelant).

La fiche de mission se limite en effet à de la prospection et ne comporte aucune gestion de projet. Elle ne correspondait donc pas à une mission complète d’ingénieur d’affaires.

Le 3 février 2010, M. [SK] s’est vu proposer une autre mission destinée “à renforcer notre présence commerciale sur le secteur aéroportuaire et aérien en dédiant un ingénieur d’affaires sur les comptes ADP (aéroport de [Localité 10]) et Air France, et ce dans le but de développer nos opérations existantes et de dynamiser ces comptes en définissant une stratégie commerciale offensive et en suivant son exécution.”. La société Steria lui attribuait ainsi la gestion de deux comptes au lieu d’un seul comme prévu initialement, avec le suivi des projets et des résultats attendus de 10 millions d’euros. Après avoir demandé des données financières, M. [SK] a refusé la mission au motif qu’elle n’était pas prévue initialement dans l’organigramme du secteur, qu’elle n’était pas tangible, que les objectifs étaient irréalistes et que la qualification de ces comptes comme leviers était purement de circonstance, outre le fait qu’elle le séparait des salariés d’Imelios. Il demandait un poste d’account manager dans un département ou pour un compte existant, signalant que plusieurs postes étaient vacants (account manager des comptes SNCF ou La Poste) (pièces 45 à 48 de l’appelant).

Suite à un droit d’alerte lancé le 2 mars 2010 par M. [V], délégué syndical, sur la situation de M. [SK], ce dernier a été reçu par Mme [EA], chef de secteur, le 8 avril 2010. Mme [EA] estimait que les postes proposés offraient de réelles perspectives de croissance et qu’ils étaient une preuve de la volonté de l’entreprise de réintégrer M. [SK] à bon niveau (pièces 137 et 138 de l’appelant).

La société Steria a fait le 31 mars 2010 trois propositions de missions plus détaillées pour les deux comptes ADP et Air France ou un seul des deux, avec des objectifs revus à la baisse, M. [SK] les qualifiant également de “coquilles vides” (pièce 49 de l’appelant).

Dans un courriel du 16 juin 2010, Mme [W] (service juridique de la société) a diffusé le compte-rendu d’une réunion du 6 mai 2010 à laquelle elle participait ainsi que M. [EX] (DRH France), Maître Ramonigno (avocat en charge de la défense de la société), Mme [EA], M. [LH] et Mme [WU] (RH), ayant pour objet la suite de la décision rendue en octobre 2009 et les différentes propositions de postes présentées à M. [SK] (identifié par les initiales [C]) et la position de la société à arrêter suite aux refus de ce dernier (pièce 9 annexe de l’appelant).

Les objectifs de la réunion étaient de :

“- assurer notre défense en prouvant que les postes proposés à [C] correspondent à des besoins réels et qu’ils sont, par voie de conséquence, ouverts au sein de l’entreprise.

– expliquer pourquoi [C] n’a pas été positionné sur le compte La Poste. Il nous faudra justifier sur ce point que cela correspondait à un poste de Key Account Manager (+ 20 M€ EGR annuel comme indiqué dans la fiche de poste) et faire valoir que tous les collaborateurs “Key Account Manager” ont la qualification syntec 3.2 alors que [C] est 3.1 (NB = seul bémol sur ce point : [B] sur [Localité 11] est Key Account Manager en position 3.1 d’où un risque pour Steria).”

Etaient évoqués les risques encourus au pénal (amende pour délit d’entrave), au civil (dommages et intérêts) et opérationnel : “si [C] acceptait finalement le poste d’account manager. Sachant qu’il se protégerait alors derrière ses mandats, et le manque de temps en résultant (ce qui ne le rendrait pas pour autant attaquable sur un pb de performance) mais nous contraindrait à mettre un back up.”

A défaut de positionnement de M. [SK] sur ces différentes propositions ou de retour de sa part, le recrutement d’un collaborateur pour le poste Air France/ADP était prévu. Le recrutement a été fait en septembre 2010, ce qui démontre que le poste ADP/Air France n’était pas une “coquille vide” (pièce 176 de l’appelant).

En 2010, M. [SK] a continué à demander à la société Steria de le rétablir dans ses fonctions conformément à l’arrêt de la cour d’appel, en l’affectant à un compte client d’au moins 10 millions d’euros d’EGR ou chiffre d’affaires annuel (pièces 169, 173, 174, 178 de l’appelant). Il a signalé sa situation à l’inspection du travail qui a demandé le 12 juillet 2011 à la société Steria quelles étaient les mesures prises ou à prendre pour réintégrer le salarié dans ses fonctions d’ingénieur d’affaires (pièce 73 de l’appelant).

La privation d’activité professionnelle en 2010 est la conséquence du refus de mission de la part de M. [SK] mais aucun poste n’a été proposé en 2011 par l’employeur.

– la stratégie de la direction démontrée par l’enquête du CHSCT du 16 juillet 2014

M. [SK] fait valoir que l’enquête du CHSCT du 16 juillet 2014 a démontré, par des pièces qui datent de 2010, la stratégie écrite élaborée par la direction pour ne pas appliquer la décision de la cour d’appel du 20 octobre 2009.

Lors d’une réunion du CHSCT de [Localité 9] du 16 juillet 2014, a été évoquée l’inscription d’une mention sur le Registre des risques graves et imminents demandée par M. [A] [X], élu au CHSCT, concernant les propos harcelants et menaçants tenus à l’encontre de M. [SK] et la discrimination subie par ce dernier (pièces n°9 et 72 de l’appelant). Le compte-rendu de la réunion a été diffusé par courriel avec en annexe les documents suivants :

– le courriel du 16 juin 2010 susvisé, qui évoque la stratégie de la société Steria face à la situation de M. [SK]. Il n’en ressort pas cependant que l’employeur avait la volonté de discriminer M. [SK] en raison de son appartenance syndicale ou de ne pas appliquer la décision de 2009, puisque tous les key account managers, sauf un, avaient la qualification syntec 3.2 et non 3.1 comme M. [SK].

– un courriel du 9 septembre 2010 de Mme [WU] à Mme [W] faisant suite à l’établissement d’un nouveau référentiel emploi au sein de la société Steria pour 2011. S’agissant de M. [SK], elle indique que :

“1/ l’emploi d’account manager a disparu. Les collab positionnés comme account manager (bande 4) en 2010 doivent être positionnés comme key account manager (bande 3) en 2011. Les key account manager (bande 3) en 2010 doivent être positionnés comme stratégique key account manager (bande 2B) en 2011.

2/ Tous les collab doivent avoir un emploi. Je positionne [K] [SK] comme key account manager dans le référentiel emploi 2011. (…) A noter que nous ne disposons pas encore des fiches emploi. De ce fait, je ne sais pas si leur contenu a évolué et s’il est de nature à fragiliser la position que nous avons tenue vis-à-vis de notre ami (montant de l’EGR)”,

– un courriel du 29 octobre 2010 relatif au remboursement des notes de frais de M. [SK].

La société Steria a proposé à M. [SK] le 15 décembre 2011 un poste d’ingénieur commercial senior dans l’équipe du compte La Banque Postale. M. [SK] a répondu que le poste n’était pas conforme à son expérience d’ingénieur d’affaires et à l’arrêt de 2009 mais qu’il pouvait tenter d’apporter son aide pour réussir le dossier en cause (pièces 240 et 241 de l’appelant).

Or il n’est pas établi que les tâches confiées à M. [SK], qu’il a exercées, ne correspondaient pas à son contrat de travail, à ses qualifications et aux décisions de justice.

Le fait n’est donc pas établi.

– le refus légitime de la modification de ses fonctions en 2013

M. [SK] soutient qu’il a eu une véritable activité sur la mission du compte La Banque Postale, ayant conclu deux appels d’offres avec deux contrats-cadres qui lui auraient permis, pendant trois à cinq ans, de gérer des opérations de plusieurs millions par an et des dizaines de projets avec de nombreuses personnes sous sa direction ; qu’en raison d’un conflit social dans l’entreprise, la direction l’a pénalisé en ne prenant pas en compte sa surcharge de travail, en refusant de lui allouer des ressources à l’instar des autres account managers, en annulant et en découpant ses congés et en lui retirant le pilotage contractuel et le développement d’activité comme ingénieur d’affaires en janvier 2013, malgré son refus écrit ; qu’elle lui a adressé un avertissement totalement infondé le 19 juillet 2012 ; qu’il a donc légitimement refusé la modification de ses fonctions en 2013.

Si dans un courriel du 26 mars 2012, M. [NI] [XR], directeur général de la société Steria, a souligné qu’il avait eu des retours positifs sur la qualité du travail de M. [SK] et son implication dans les fonctions confiées, il déplorait cependant la persistance des attaques portées par M. [SK] envers la direction et ses collègues (pièce 54 de l’appelant).

La société Steria a notifié un avertissement à M. [SK] par courrier du 19 juillet 2012, lui reprochant un non-respect des règles de l’entreprise concernant le remplissage des comptes-rendus d’activité (CRA) et la prise des congés, la perturbation de l’entreprise au regard de son comportement agressif et menaçant et le déroulement de sa mission. Il ressort de ce courrier que M. [SK] était affecté à son activité professionnelle deux jours par semaine, ce qui ne posait pas de difficultés à son manager, au regard de son expérience professionnelle affichée et de sa séniorité ; que cependant son activité s’avérait “proche du néant” et qu’il avait dit à ses responsables qu’il n’avait aucune disponibilité pour l’exercice d’une activité opérationnelle au regard de l’ampleur de ses fonctions représentatives (pièce 132 de l’appelant).

Par courriel du 25 février 2013, M. [VP] a adressé à M. [SK] une fiche de poste d’account manager senior dans l’équipe du compte La Poste, filière commerce, avec pour objectif d’optimiser le développement rentable de l’activité de Steria sur le groupe La Poste sur l’activité des contrats cadres, avec une ambition de développement importante (pièce 180 de l’appelant).

Le jour même, M. [SK] a répondu qu’il n’acceptait pas la modification de sa mission, qu’il considérait être une rétrogradation dans les faits. Il indiquait que la direction devait, si elle considérait qu’il avait besoin d’aide, lui affecter des équipes ou lui proposer des formations. Il soulignait que la multiplication des convocations à des réunions par la direction, liées à son activité syndicale, ne devait pas le léser professionnellement (pièce 181 de l’appelant).

Il ressort de la fiche de poste que la nouvelle mission recouvrait un suivi plus administratif qu’opérationnel.

Dans son procès-verbal n°116/2015 établi le 26 novembre 2015 suite à la demande d’autorisation de licenciement de M. [SK] formée par la société Steria en 2013, l’inspecteur du travail a considéré que le poste constituait une rétrogradation (pièce 264 de l’appelant).

Pour autant, ce poste permettait à M. [SK] d’accomplir une mission compatible avec la disponibilité que lui laissait l’exercice de ses mandats syndicaux et représentatifs cumulés.

Il n’est pas ainsi établi que M. [SK] a refusé de manière légitime d’exercer les fonctions qui lui ont été proposées en 2013.

– la privation totale d’activité professionnelle depuis janvier 2013

M. [SK] fait valoir que l’entreprise, qui connaît une croissance organique très importante, a en permanence plusieurs postes d’account manager vacants, qui ne lui ont pas été attribués, le laissant en situation de privation totale d’activité, comme d’autres représentants du personnel très actifs dans l’entreprise qui sont partis après de graves souffrances.

Il ressort des échanges de courriels versés au débat que M. [SK] a été reçu en entretien le 24 juin 2014 par M. [PJ] pour la remise d’une fiche de fonction faisant écho à la mise en place de l’organisation d’avril 2014. M. [SK] a répondu le 9 juillet 2014 que malgré l’absence de réponse à ses questions sur le poste et en attendant que la société le rétablisse dans ses fonctions d’ingénieur d’affaires sur un poste vacant, il réaliserait les tâches demandées, ajoutant toutefois : “je suis pris à plus de 120 % en fonction des situations critiques des salariés et de mes obligations de répondre à vos convocations aux réunions.”

M. [SK] mettant lui-même en avant le fait que ses mandats syndicaux ne lui laissent pas de disponibilité pour exercer l’emploi proposé, la discrimination syndicale commise par l’employeur n’est pas établie.

Le 1er janvier 2015, la fusion des sociétés Sopra et Steria est intervenue et a donné lieu à une démarche d’intégration des salariés.

Il ressort de ses comptes-rendus d’activité qu’en 2015 et 2016, M. [SK] n’a exercé qu’une activité liée à ses mandats syndicaux (pièces 18 et 254 de l’appelant). Il a indiqué par courriel du 30 juillet 2015 qu’il n’avait eu ni fiche de poste 2015 ni dossiers à traiter malgré ses demandes.

M. [SK] a été reçu à sa demande, le 24 janvier 2017, par le médecin du travail, lequel a écrit que “M. [SK] peut occuper son poste actuel avec l’aménagement de poste habituel (travail à domicile 3 jours par semaine). Une étude de poste et des conditions de travail et des échanges avec l’employeur sont nécessaires dans le plus court délai. A revoir par la suite.” (pièce 167 de l’appelant).

Il ressort de l’étude de poste réalisée le 7 avril 2017 que M. [SK] se trouvait en situation d’inactivité professionnelle depuis 2015, confirmée par la représentante RH, laquelle proposait un bilan de compétence, refusé par M. [SK], des formations, acceptées par le salarié si elles respectaient son contrat de travail, indiquant en outre qu’une proposition de poste avec l’aménagement en cours serait réalisée prochainement. M. [SK] évoquait son souhait de partager son activité à 50 % travail et 50 % activités syndicales (pièce 289 de l’appelant).

Par courriel du 5 juin 2017, M. [P] a déploré le fait que ses propositions de rendez-vous pour échanger sur un poste de chargé d’affaires sur le compte La Poste soient demeurées infructueuses et en réponse, M. [SK] a indiqué qu’il aurait dû recevoir une affectation avec une date de démarrage et une indication de la fonction concernée dans le référentiel métier, selon la procédure habituelle (pièce 279).

Les comptes-rendus d’activité des années 2017 à 2022 qui sont versés au débat montrent que M. [SK] a eu une activité uniquement liée à ses mandats syndicaux, malgré le fait qu’il ait réclamé régulièrement des nouvelles de l’étude de poste et souligné qu’il demeurait sans activité depuis février 2015.

Le fait est en conséquence établi.

– sa mise à l’écart

M. [SK] invoque à cet égard :

– l’absence d’invitation au Kick Off, dont il a été indiqué plus avant qu’elle n’a eu lieu qu’en 2016 et qu’elle n’est pas en lien avec l’activité syndicale,

– l’absence de bénéfice du Parcours d’Intégration Commerce obligatoire lors de la fusion Sopra Steria.

M. [SK] produit le parcours de formation “commerce” prévu sur plusieurs journées et soutient qu’il n’a pu participer qu’à une journée en décembre 2014 et deux journées en janvier 2015, sans aucune suite (pièce 85 page 19). Il n’est pas établi que la cessation de ce parcours de formation est en lien avec son activité syndicale.

– son absence dans l’organigramme de présentation de l’équipe account manager de Mme [S].

Ce fait dénoncé par M. [SK] par courriel du 10 février 2012 n’est pas établi puisqu’il ressort des pièces 11-2 et 11-3 de l’employeur que le nom de M. [SK] figurait sur la troisième page de la présentation, au titre des membres de la direction commerciale.

– sa disparition des présentations de la direction de 2009 à 2014 et des organigrammes depuis 2015.

M. [SK] n’est pas mentionné en qualité de membre de la direction commerciale dans la publication effectuée par la société le 20 janvier 2021 (pièce 225 de l’appelant). Ce fait est cependant manifestement en lien avec l’absence d’activité opérationnelle de M. [SK].

– la demande de licenciement présentée en 2013 par la direction.

Le 7 octobre 2013, la société Steria a demandé l’autorisation de procéder au licenciement de M. [SK] pour motif disciplinaire, qui a été refusée le 5 décembre 2013 en considérant que les faits sont prescrits, sans gravité ou non fautifs, que les insultes et parallèles historiques à l’égard de représentants de la direction sont proférées par M. [SK] dans un contexte de relations sociales délétères et lors de réunions fortes en tensions, qu’il existe un lien entre le mandat de M. [SK] et la demande de la société (pièce 7 de l’appelant).

La décision de l’inspecteur du travail a été annulée du fait d’un défaut de motivation, l’inspecteur du travail ayant omis d’exercer son contrôle sur le refus de poste par le salarié en 2013. L’autorisation de licencier M. [SK] a été refusée par décision du Ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social du 5 juin 2014 pour un vice de procédure (pièce 58 de l’appelant). Les recours exercés par la société Steria ont été rejetés (pièces 59, 221 et 222 de l’appelant).

– la persistance à le priver d’activité malgré l’épuisement des voies de recours.

Le fait est établi par les pièces versées au débat, ainsi qu’évoqué plus avant.

– l’absence d’invitation aux réunions V1/V2 obligatoires eu égard à sa fonction d’account manager et des équipes à [Localité 8], ce qui ressort des comptes-rendus d’activité qui ne mentionnent aucune activité professionnelle opérationnelle.

– l’absence de paiement de ses frais, ce qui entrave son action syndicale

M. [SK] fait valoir que la direction ne lui rembourse pas ses frais, à la différence des autres salariés et représentants du personnel, alors que la RH conseille de les payer, et que l’employeur a bloqué les frais pour les élus Avenir dont lui-même.

Il justifie la matérialité de ce fait en ce qui le concerne par ses demandes de remboursement de frais de 2011 et 2014, le courriel de Mme [W] du 29 octobre 2010 qui conseille de payer les notes de frais de M. [SK], comme ce qui est fait pour les autres représentants du personnel, à peine d’être accusés de discrimination (pièce 9 annexe), une liste de frais refusés en 2018 (indemnités kilométriques et frais de repas : pièce 146), l’attestation de M. [O], délégué du personnel, qui indique qu’il est remboursé de ses frais de déplacement (pièce 147).

– l’absence de promotion, la discrimination dans l’augmentation de salaire, la rétention d’indemnité de congés payés

M. [SK] soutient qu’il n’a jamais été promu depuis son embauche en 2000 malgré la promotion générale de chaque account manager en key account manager au titre du référentiel 2010 et qu’il devait avoir l’indice 3.2 à compter du 1er janvier 2011.

Le courriel du 9 septembre 2010 de la société qu’il produit justifie qu’en qualité d’account manager, il aurait dû être positionné key account manager en 2011.

M. [SK] fait valoir en outre qu’il a eu une augmentation de 11,7 % sur 12 exercices écoulés entre l’arrêt rendu en 2009 et janvier 2023, alors que les salairés en moyenne de la population comprenant les non-augmentés ont eu une moyenne globale d’augmentation de 45 % de janvier 2010 à juillet 2022, ce qui ressort des pièces qu’il verse au débat.

M. [SK] expose enfin qu’il est privé d’une partie de son indemnité de congés payés, ce qui fait l’objet d’une demande financière de sa part.

– la reconnaissance par le procès-verbal de l’inspection du travail

M. [SK] expose que la discrimination syndicale dont il a fait l’objet a été reconnue par l’inspecteur du travail.

Dans son procès-verbal n°116/2015 établi le 26 novembre 2015 suite à la demande d’autorisation de licenciement de M. [SK] formée par la société Steria, l’inspecteur du travail a indiqué en page 10 que l’employeur a commis une discrimination syndicale envers M. [SK], car un grief n’est pas rattachable au contrat de travail mais relève des relations entre organisations syndicales, certains griefs mettent en cause l’exercice du mandat social et que M. [SK] a fait l’objet d’une rétrogradation au travers du poste proposé en 2013 (pièce 264 de l’appelant).

Par courrier du 27 janvier 2016, M. [SK] a été avisé en sa qualité de victime des infractions de discrimination syndicale et entrave au fonctionnement régulier du CE enregistrées au Parquet de Nanterre (pièce 20 de l’appelant).

M. [SK] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination en raison de son appartenance ou de son activité syndicale.

Pour contester le caractère discriminatoire des faits établis, l’employeur invoque les justifications suivantes :

– sur la privation d’activité et le refus de l’employeur de rétablir le salarié dans ses fonctions

La société Sopra Steria considère que les quatre postes proposés avant l’affectation de M. [SK] en qualité d’ingénieur commercial senior dans l’équipe La Banque Postale en 2012 étaient en tous points conformes à son profil, à son expérience et aux préconisations de l’arrêt de 2009.

Si tel n’était pas le cas pour la mission “Ports autonomes” proposée en décembre 2009, les missions ADP/Air France proposées en 2010 sont retenues comme conformes au profil de M. [SK].

L’employeur explique qu’aucun poste n’a été proposé à M. [SK] en 2011 en raison de la situation de blocage liée à ses refus de postes en 2010. M. [SK] a en effet maintenu de manière constante ses récriminations au sujet des postes qui lui ont été proposés.

Le poste d’ingénieur commercial senior dans l’équipe La Banque Postale proposé en 2012 et accepté par M. [SK] correspondait au profil de ce dernier.

– sur le refus légitime de la modification des fonctions du salarié en 2013 et la privation totale d’activité depuis janvier 2013

Le travail accompli par M. [SK] sur le compte La Banque Postale n’a pas satisfait M. [VP], son supérieur hiérarchique, qui s’est plaint dès juin 2012 de son manque de disponibilité, d’un problème de compétence et du peu de travail fourni. Il n’est pas établi que les contrats-cadre La Banque Postale ont été signés uniquement grâce aux actions de M. [SK]. Un avertissement a été délivré le 19 juillet 2012 à M. [SK] visant notamment son activité professionnelle insuffisante, qui n’a pas fait l’objet d’une procédure de contestation par le salarié. Entre septembre et novembre 2012, M. [VP] a exprimé son mécontentement sur le travail accompli, car M. [SK] n’était pas disponible pour rencontrer son supérieur hiérarchique, qu’aucun retour n’était obtenu de sa part, qu’il fallait faire le travail à sa place. M. [VP] faisait valoir au service RH qu’il était à bout et ne pourrait pas démarrer l’année 2013 dans les mêmes conditions (voir notamment pièces 12-1, 13-1, 15-1 à 16-2, 18-4 et 21 de l’intimée).

Lors de la réunion extraordinaire du comité d’établissement Steria de septembre 2013, M. [VP] a exposé qu’il a fallu faire évoluer la fiche de mission de M. [SK] en 2013 car il n’avait eu aucune activité sur le second semestre 2012 sur le périmètre de sa mission et qu’il fallait répondre à ses attentes en termes d’organisation pour pouvoir accomplir le travail lié à ses mandats syndicaux ; que la nouvelle mission était pertinente, représentait un enjeu pour Steria et correspondait à la seniorité de M. [SK].

C’est donc en raison du travail insatisfaisant fourni par M. [SK] au titre de la mission confiée et au surplus pour lui permettre de disposer de temps pour exercer ses mandats syndicaux que son poste a évolué en 2013, et non du fait d’une discrimination syndicale de la part de l’employeur.

La société Sopra Steria fait valoir que M. [SK] a décliné l’intégralité des propositions qui lui ont été adressées par la suite, n’a trouvé aucune disponibilité pour les rendez-vous organisés par sa direction pour évoquer son repositionnement et n’a donné aucune suite aux propositions de formation que lui a soumises la DRH, alors qu’elles étaient d’excellent niveau et lui auraient permis de mettre à jour ses connaissances après près de 10 années d’inactivité. Elle estime que M. [SK] est le seul responsable de sa privation d’activité dès lors qu’il invoque en permanence ses mandats de représentant du personnel pour se rendre totalement indisponible et faire échec à tous les efforts de la direction et qu’il n’est en réalité intéressé que par ses mandats syndicaux, suivant des formations qui sont en lien avec cette activité et souhaitant une reconversion en qualité d’avocat.

Il se déduit de ces circonstances que si M. [SK] ne s’est pas vu affecter à un poste de travail de 2013 à avril 2017, il avait de manière constante, depuis 2009, estimé que toutes les missions qui lui avaient été proposées ne lui correspondaient pas, conduisant à une situation de blocage. Pour autant, il n’a jamais sollicité la rupture de son contrat de travail pour manquement de son employeur à lui fournir une activité professionnelle.

Bien qu’il s’en défende, il consacrait une grande partie de son temps de travail à l’exercice de ses mandats syndicaux, ce dont témoigne sa demande en paiement de jours de travail effectués au delà du forfait jour, à la seule fin de répondre à cette mission.

Il ressort de la pièce 131 de l’intimée que M. [P] a proposé à M. [SK] de le rencontrer pour échanger sur un positionnement au sein des équipes en charge du compte La Poste dont il avait la direction par courriel du 15 février 2017 et que les rendez-vous n’ont pu avoir lieu en raison des indisponibilités de chacun sur différentes dates, M. [SK] étant pris par son activité syndicale.

M. [SK] n’ayant pas exercé d’activité professionnelle depuis plusieurs années, il a néanmoins refusé un bilan de compétence et les formations longues proposées par la société.

Il a accepté trois formations courtes mais n’a pas assisté à leur intégralité en expliquant qu’il s’agissait d’une formation pour débutant qui ne justifiait pas qu’il annule ses engagements.

Il a demandé à bénéficier d’une formation longue durée d’avocat, comme une autre déléguée syndicale (pièce 132 de l’intimée) mais n’a pas entamé de démarches en vue de s’inscrire à cette formation, expliquant lors de son entretien d’évaluation sur la période 2021 et dans un courriel du 17 mars 2022 (pièces 180 et 182 de l’intimée) qu’il souhaitait se reconvertir dans la profession d’avocat, sur le long terme, lorsqu’il sera à la retraite.

Il ressort du courriel de M. [TO], CEO de la société Sopra Steria, que l’absence de réunions en 2022 pour évoquer le repositionnement de M. [SK] tient au fait que M. [TO] souhaitait recevoir M. [SK] seul tandis que le salarié souhaitait être accompagné, menant à une situation de blocage (pièce 189 de l’intimée).

Ainsi, l’absence durable d’activité professionnelle de M. [SK] s’explique par ses exigences en terme de niveau de poste de travail, incompatibles avec l’activité syndicale très importante tenant au cumul de ses mandats, et non à une discrimination syndicale opérée par l’employeur.

– sur l’absence de promotion, la discrimination dans l’augmentation de salaire, la rétention d’indemnité de congés payés

La société Steria fait valoir que M. [SK] a connu une augmentation moyenne de 13,25 % par an de sa rémunération de son embauche à l’année 2021 et que l’intégration de sa part variable à son salaire par l’effet de l’arrêt de 2009 le place dans une situation plus favorable que celles de ses collègues qui doivent remplir des objectifs.

La discrimination n’est pas établie à cet égard.

– sur la mise à l’écart

La société Sopra Steria justifie qu’avant le 1er mars 2022, les membres de la BU Transport de la société étaient affectés soit sur le site de [Localité 10] [Localité 9] soit sur le site de [Localité 10] [Localité 8] (pièce 153 de l’intimée), de sorte que M. [SK] n’était pas le seul salarié de son service à demeurer sur le site de [Localité 9].

Si le licenciement de M. [SK] sollicité auprès de l’inspection du travail en 2013 par l’employeur reposait pour partie sur des griefs liés à l’activité syndicale du salarié, ce licenciement n’a pas été autorisé, in fine, pour des motifs de forme et l’employeur n’a pas renouvelé une telle demande par la suite.

La privation d’activité de M. [SK] malgré l’épuisement des voies de recours contre les décisions de justice rendues et l’absence d’invitations aux réunions des account managers résulte de la situation de blocage exposée plus avant, qui ne ressort pas d’une discrimination syndicale.

– sur les notes de frais

L’employeur justifie que M. [SK] ne respectait pas toujours les règles applicables dans la société, remettant ses notes de frais tardivement, ne les déclarant pas dans les outils idoines ou aux interlocuteurs compétents, des incidents étant survenus à cet égard en 2015, 2019 et 2021 (pièces 159 à 161). L’absence de paiement de certaines notes de frais n’est donc pas liée à une discrimination syndicale.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’employeur établit que la disparité de situation constatée pour M. [SK], à titre principal par l’absence de toute activité professionnelle opérationnelle à compter de 2013 et jusqu’à ce jour, est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, notamment par les exigences infondées du salarié.

Il convient en conséquence de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté M. [SK] de sa demande tendant à voir constater la poursuite de la discrimination syndicale postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 octobre 2009 et de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de repositionnement dans un poste de catégorie syntec 3.2 avec un salaire de 99 195 euros par an.

M. [SK] sera débouté de sa demande de repositionnement en catégorie syntec 3.3 avec un salaire annuel de 127 264,67 euros à compter du 1er janvier 2023, sous astreinte, de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents et de sa demande au titre de la perte de chance de bénéficier d’un étalement d’impôts et d’un taux d’imposition moindre.

2 – Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [SK] fait valoir qu’il subit depuis 2009 des pratiques managériales destructrices qui sont devenues particulièrement néfastes pour son psychisme, une mise au placard caractérisée par l’absence de toute affectation professionnelle, alors que la société a déjà été condamnée pour harcèlement moral à son égard et qu’il a fait l’objet de plusieurs droits d’alerte.

L’employeur répond que M. [SK] ne fournit aucune démonstration des agissements qu’il dénonce, les pièces qu’il produit étant constituées de ses propres écrits sans valeur probante, qu’il n’a eu qu’un accident de trajet en novembre 2013 et a toujours été déclaré apte par le médecin du travail. Il considère que le tempérament et la personnalité de M. [SK] ne sont pas propices à le placer en victime de harcèlement moral et contribuent au contraire largement à nourrir, sinon à initier, les tensions.

M. [SK] invoque les faits suivants :

– des propos insultants de la part de la DRH.

M. [SK] justifie que Mme [GB], DRH de la société Steria, a déclaré à l’inspecteur du travail le 11 juillet 2014 avoir dit à M. [X], autre salarié protégé, que M. [SK] était “un être abject” (pièce 131 de l’appelant). Dans l’avertissement qu’elle lui a délivré le 19 juillet 2012, la société Steria reproche à M. [SK] de faire figurer dans ses comptes-rendus d’activité des observations fausses et inappropriées, ce qui constitue à son sens une insubordination réitérée et volontaire car “en effet, vous vous êtes installé dans une posture où vous défiez votre employeur en persistant, nonobstant nos rappels et mises en garde, dans ce détournement mystificateur”. Dans le même courrier, s’agissant du déroulement insatisfaisant de la mission confiée, la société écrit “par ailleurs et peut-être à dessein de dissimuler ce qui précède, vous ne cessez de polémiquer en arguant de façon totalement schizophrénique que votre mission actuelle ne serait adaptée ni à vos compétences et expériences ni aux exigences de la cour d’appel.” (pièce 132 de l’appelant).

M. [M], délégué du personnel SUD de Steria rapporte de nombreux incidents où la direction de Steria prenait à partie M. [SK] en se moquant de lui en réunion d’une manière condescendante (pièce 269).

Le fait est ainsi établi.

– des accusations injustifiées et une stigmatisation devant les autres représentants du personnel et auprès des salariés.

M. [SK] tient pour diffamatoires en ce qu’ils ont été communiqués à tous les salariés :

– les propos suivants tenus par M. [NI] [XR], directeur général, lors de la réunion du comité central d’entreprise ordinaire du 27 juin 2013 : “J’ai cru comprendre qu’il y avait des rumeurs sur le départ de [G] [D], sur mon départ, qui ont d’ailleurs été colportées par M. [SK] lors de la réunion sur la négociation sur les élections professionnelles où l’on s’est permis de dire que [G] [R] était partie… que “M. [SK] avait fait virer [G] [R]… (…) que les prochains seraient M. [XR] et Mme [GB]”.

Le compte-rendu reproduit néanmoins la réponse de M. [SK] : “Jamais je n’ai connu un syndicat qui fait virer les gens (…)” (pièce 184 de l’appelant),

– les propos tenus par M. [RN], président, lors de la réunion ordinaire du comité d’établissement Sopra Steria Group des 27 et 28 février 2019 et du 1er mars 2019 : “M. [RN] est indigné par les mentions de la presse, notamment du blog Mediapart d’Avenir, selon lesquelles la société tricherait en matière de CIR” (crédit impôt recherche). Outre le fait que ces propos ne se rapportent pas à M. [SK], l’élu Avenir présent a répondu que le blog ne parlait pas de triche (pièce 207 de l’appelant).

Le fait n’est donc pas établi.

M. [SK] fait valoir que lui-même et le syndicat Avenir sont pris à partie par la direction. Il produit en ce sens des attestations d’élus qui relatent que la direction a un comportement partial et injuste à l’égard de certains élus du CSE et particulièrement de M. [SK], auquel elle coupe la parole ou le micro, dont elle interrompt les interventions, qu’elle laisse se faire agresser et insulter par d’autres élus sans intervenir pour le défendre, dont elle déforme régulièrement les propos afin de faire croire que c’est lui l’agresseur (pièce 266 à 269 de l’appelant).

Il soutient enfin qu’on lui a reproché à tort d’avoir révélé des informations confidentielles.

Au cours d’une réunion du CSE en 2021, M. [SK] a fait lecture d’un extrait de document de l’inspection du travail qui lui avait été communiqué dans le cadre d’un groupe de travail spécifique. Il a été accusé par la présidente du CSE de révéler ainsi des informations confidentielles. L’inspecteur du travail a ultérieurement indiqué à M. [SK] qu’une telle lecture aux membres du CSE qui avaient reçu le document ne pose pas de problème de confidentialité (pièces 309 à 310). Le fait est donc établi.

– une agression verbale et des menaces subies, qui ont entraîné une dépression réactionnelle.

M. [SK] fait valoir qu’il a été agressé verbalement le 28 juin 2013 pendant la réunion du comité d’établissement région parisienne, sous l’oeil complaisant de la direction qui présidait la réunion, par un salarié qui l’avait déjà poussé en 2007 dans les escaliers de l’entreprise ; que ce salarié était le bras armé de la direction, laquelle incitait d’autres salariés à l’agresser pour le dissuader d’exercer ses mandats ; qu’il a été pris en charge par le médecin du travail, orienté vers l’hôpital, un accident du travail étant reconnu.

Lors de la réunion du comité d’établissement Steria région parisienne du 28 juin 2013, un différend est survenu entre M. [SK] et M. [F], élu CFE-CGC auquel M. [SK] impute sa chute dans les escaliers survenue en 2007, sans autre preuve que ses propres affirmations.

Il ressort du procès-verbal de la réunion et de l’enquête diligentée dans le cadre d’un accident du travail, que M. [F] s’est énervé et a crié sur M. [SK] en disant qu’il en avait assez du mépris, du harcèlement moral et des diffamations de ce dernier à son encontre. Il est rapporté que M. [F] et M. [SK] se sont tous deux emportés verbalement de manière forte et que M. [SK] “se décomposait”. M. [SK], sous le choc, indiquait que les propos tenus étaient inadmissibles, qu’il était victime, qu’il n’avait jamais dénigré son collègue. Il demandait que M. [F] soit accompagné à l’infirmerie et que la direction cesse le “lavage d’esprit” de ce dernier. Mme [IC], représentante de la direction, qui présidait la réunion, a proposé une suspension de séance avant que M. [F] ne se rapproche de M. [SK] avec agressivité. La séance a été suspendue jusqu’à 14 heures. M. [SK] est allé faire prendre sa tension à l’infirmerie. Il était présent à la reprise de la réunion l’après-midi jusqu’à une pause où il est revenu au service de la médecine du travail en se plaignant du bras gauche et a été orienté vers une clinique pour faire un électrocardiogramme.

La direction a demandé un suivi médical renforcé pour les deux salariés en cause et un accident du travail a été reconnu le 23 décembre 2013 pour M. [SK] (pièces 167 et 168).

L’employeur, qui a suspendu la séance après les propos véhéments de M. [F], ne peut être tenu pour responsable de l’attitude de ce délégué syndical.

– des comportements humiliants

M. [SK] fait valoir que depuis 2016, la direction met en doute ses capacités de jugement de manière réitérée à chaque réunion du CSE avec des accusations hasardeuses et des comportements inadéquats qui le mettent en difficulté, ce harcèlement de concert sur instruction de la direction générale ayant pour but de lui faire quitter la société.

Il se réfère à sa pièce 265 qui est sans rapport avec le sujet et à sa pièce 185 constituée d’une attestation de M. [CW] [O], délégué du personnel qui l’a assisté lors d’une réunion avec M. [PJ] le 24 juin 2014, qui avait pour objet la fiche de fonction de M. [SK]. M. [O] relate que “M. [PJ] était très nerveux et a tenté de provoquer à plusieurs reprises, y compris en tentant de le déstabiliser en contredisant M. [SK] sur les prénoms de ses propres enfants et en inventant des propos hors sujet. Lors de cet entretien ma présence était nécessaire pour bloquer M. [PJ] dans ses débordements et colères inutiles et sans raison à l’égard de M. [SK].”

Cette pièce est insuffisante à établir les comportements humiliants imputés à la société.

– des pratiques d’isolement

M. [SK] évoque à cet égard :

– un poste de travail isolé géographiquement, puisqu’il a été le seul salarié du staff du Vertical transport maintenu à [Localité 9] alors que tous les autres étaient affectés sur le site de [Localité 8]. Or, il ressort de la pièce 153 de l’intimée qu’avant le 1er mars 2022, les membres de la BU Transport de la société étaient affectés soit sur le site de [Localité 10] [Localité 9] soit sur le site de [Localité 10] [Localité 8], de sorte que M. [SK] n’était pas le seul salarié de son service à demeurer sur le site de [Localité 9]. Le fait n’est donc pas établi.

– sa suppression de l’organigramme, l’absence de carte de visite.

Il a été proposé à M. [SK] de commander des cartes de visite s’il n’en avait plus. M. [SK] figurait à l’organigramme de 2012 mais ne figure pas en effet à l’organigramme détaillé 2021.

– un isolement dans le cadre des fonctions exercées, en faisant valoir que la société a cherché à contourner l’arrêt de 2009, a intensifié sa charge de travail en 2012 en refusant de lui allouer les ressources nécessaires, a refusé de lui rembourser ses notes de frais sans motif, n’a pas procédé aux entretiens professionnels annuels depuis 7 ans.

Il n’est pas établi que la direction a intensifié sa charge de travail et lui a refusé les ressources nécessaires pour accomplir sa tâche en 2012, M. [SK] ne justifiant avoir travaillé qu’un week-end pour compenser l’arrêt maladie d’une salariée.

M. [SK] produit ses entretiens d’évaluation 2009 et 2010 et un bilan à 6 ans portant sur la période du 1er mars 2014 au 30 avril 2021 dans lequel l’employeur reconnait que sa situation n’est “pas en conformité” (pièce 239). Il établit ainsi être resté plusieurs années sans évaluation.

– l’annulation et la découpe de ses congés

M. [SK] expose que, comme avant l’arrêt rendu en 2009, la direction l’a pénalisé en annulant et en découpant ses congés en 2012 et en lui refusant des congés exceptionnels pour un décès.

Il s’appuie sur des échanges de courriels datés de juin 2012 (sa pièce 55), dont il ressort que les congés 2011 de M. [SK] ont été reportés à titre exceptionnel après la fin mai 2012 en raison de ses arrêts de travail et de ceux de son responsable, qu’il lui était indiqué qu’il ne pouvait poser unilatéralement ses congés, ce qui ne permet pas de considérer que M. [SK] a été victime de décisions arbitraires de la société sur ses congés payés, aucune difficulté n’étant évoquée à cet égard depuis l’année 2012.

M. [SK] s’est plaint en 2021 de ce que les congés pour événement familial concernant le décès de son père en 2019 et le décès de son frère en 2020 ont été décomptés de ses congés payés (pièce 285). Si la situation a été rétablie pour le décès de son père, elle ne l’a pas été pour le décès de son frère.

– des faits graves relevés par la médecine du travail et l’inspection du travail

M. [SK] fait valoir que les agissements à son encontre ont eu lieu alors que la médecine du travail et l’inspection du travail relevaient des faits graves au sein de la société et que son état de santé a été affecté.

Il ressort de la pièce 32 de l’appelant que la Direccte, après avoir retenu l’existence de risques psychosociaux au sein de la société Steria liés à la forte charge et à l’organisation du travail, a mis, le 5 août 2013, la société en demeure de procéder à une évaluation des risques et d’élaborer et de mettre en oeuvre un plan d’action à cet égard.

S’agissant de la situation médicale personnelle de M. [SK], il est justifié (pièce 167 de l’appelant):

– d’une consultation du médecin du travail le 1er février 2011 pour un état de fatigue très important,

– de plusieurs arrêts de maladie en 2012,

– d’une consultation du médecin du travail le 30 janvier 2013, M. [SK] rapportant être très fatigable et avoir une charge de travail très importante avec une ambiance très tendue,

– d’un suivi médical après l’altercation survenue au cours de la réunion du 28 juin 2013 avec consultation d’un psychiatre et prescription d’un anxiolytique, le médecin du travail l’ayant déclaré apte le 3 juillet 2013,

– d’un accident de travail le 18 novembre 2013,

– d’un arrêt de travail le 23 janvier 2014 en raison d’un syndrôme anxio-dépressif réactionnel,

– d’une visite auprès du médecin du travail le 24 juin 2014 pour épuisement avec troubles de l’attention et de mémoire, sans récupération par le sommeil,

– d’une visite auprès du médecin du travail le 16 juillet 2014 alors que M. [SK] était “très en colère, perturbé, se sentant très tendu et prêt à décompenser par un geste agressif”, en raison de sa charge de travail et de toutes les contrariétés récentes,

– d’un examen par le médecin du travail le 24 janvier 2017, dont il ressort que M. [SK] était suivi par un cardiologue et un spécialiste de l’apnée du sommeil (appareillé depuis octobre 2016) et qu’il avait subi en 1988 une splénectomie postraumatique. Il était déclaré apte au travail avec aménagement de poste (télétravail 3 jours par semaine),

– d’un arrêt de travail du 3 au 6 avril 2017 pour une poussée hypertensive avec traitement médical.

M. [SK] justifie ainsi avoir subi un stress et des malaises du fait des situations rencontrées dans le cadre de son travail.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

La société Sopra Steria Group répond que les correspondances adressées à M. [SK] ne contiennent aucun propos désobligeant à son encontre, sont bienveillants mais mettent le salarié face à ses contradictions, soulignant que M. [SK] n’hésite pas lui-même à asséner à ses interlocuteurs des insultes inadmissibles et outrancières.

Il ressort des comptes-rendus de réunions du comité d’entreprise que M. [SK] tenait parfois des propos désobligeants et coupait la parole aux représentants de la direction ou aux autres délégués syndicaux.

Le refus d’autorisation de licencier M. [SK] pris par le Ministère du travail le 5 décembre 2013 révèle que lors d’une réunion des délégués du personnel du 13 mai 2013, M. [SK] s’était adressé à Mme [YV] en lui disant “vous finirez comme [U] [H] dans les poubelles de l’Histoire” et que lors d’une réunion du CET du 27 mai 2013, il s’était adressé à Mme [T] en lui disant “je considère que quand quelqu’un est de bas étage et qu’il vient d’égoûts, je n’ai pas à lui répondre” et “je ne réponds pas aux chiottes, OK ‘”, en répétant ces propos (pièce 7 de l’appelant).

Dans ce contexte, pour désagréables qu’ils soient, les propos de la direction incriminés par M. [SK] ne seront pas retenus comme humiliants et insultants.

Cependant, au regard de l’ensemble des pièces versées au débat, il apparaît que si l’attitude parfois grossière de M. [SK] est de nature à alimenter des tensions au sein de la société, ce dernier a subi des situations de mises en cause au sein de réunions qui ont engendré une dégradation de son état de santé et notamment un stress reconnu comme constituant un accident du travail en 2013. Au surplus, le salarié n’a pas eu d’entretiens d’évaluation durant plusieurs années. L’employeur ne prouve pas que les agissements dont l’existence est démontrée par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient en conséquence de retenir que M. [SK] a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, par infirmation de la décision entreprise et de lui allouer une indemnisation de 8 000 euros en réparation de son préjudice.

3 – Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

M. [SK], au regard des démarches faites par l’inspection du travail, de ses propres alertes répétées auprès de la direction et de ses problèmes de santé, fait valoir que la société a manqué à son obligation de sécurité en mettant tout en oeuvre pour contourner la décision de la cour d’appel de 2009, en tentant de procéder à son licenciement, en adoptant une position de déni et en ne prenant pas les mesures pour faire cesser la discrimination et le harcèlement dont il faisait l’objet.

La société Sopra Steria répond que cette demande, tout comme celles relatives aux dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d’un étalement d’impôt et prélèvement injustifié sur le salaire de mai 2019, est irrecevable car nouvelle et que M. [SK] ne justifie pas de son préjudice.

La procédure étant orale et la règle de l’unicité de l’instance étant applicable en l’espèce, les demandes sont recevables.

L’obligation de sécurité qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces dispositions ne manque pas à son obligation de sécurité.

Le manquement de l’employeur à son obligation de prévenir les actes de harcèlement dans l’entreprise peut donner lieu à une réparation spécifique, distincte de l’indemnisation des actes de harcèlement moral en eux-mêmes, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents (Cass. Soc., 6 juin 2012, n°10-27.694).

En l’espèce, il n’est pas établi que la société Sopra Steria a cherché à contourner l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en 2009 et elle a exercé son droit au licenciement d’un salarié protégé.

Elle a néanmoins manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas de mesures pour prévenir et faire cesser le harcèlement moral subi par M. [SK], qui a dégradé l’état de santé de ce dernier, malgré les alertes qui lui avaient été adressées par le salarié, d’autres délégués syndicaux et l’inspection du travail.

Il convient en conséquence d’allouer une indemnisaton de 2 000 euros à M. [SK] à ce titre.

4 – Sur le manquement de l’employeur à son obligation de formation

M. [SK] expose qu’il n’a pas eu d’entretiens professionnels depuis plus de six ans afin de déterminer périodiquement le plan de formation adéquat et qu’il n’a effectué pratiquement aucune formation depuis 2014.

La société Sopra Steria répond qu’un bilan de compétences a été proposé à M. [SK], qui l’a refusé ; qu’il lui a alors été proposé divers cursus de formations continues de grandes écoles particulièrement prestigieuses mais qu’il a refusé catégoriquement toute formation de longue durée, tout en sollicitant deux cursus encore plus longs sans toutefois faire de démarches pour leur mise en oeuvre effective ; qu’il a postulé avec difficulté à trois formations mais n’en a suivi qu’une, partiellement.

L’article L. 6321-1 du code du travail dispose notamment que “L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.(…)”.

L’obligation de l’employeur relève de son initiative, sans que les salariés n’aient à émettre de demande de formation au cours de l’exécution de leur contrat de travail.

Il ressort de la pièce 239 de l’appelant qu’il n’a pas eu d’entretien annuel entre 2014 et 2021 mais seulement un bilan à 6 ans couvrant la période du 1er mars 2014 au 30 avril 2022.

Le 19 juin 2017, Mme [E], DRH groupe, a proposé à M. [SK] de le rencontrer pour construire ensemble un plan de formation adapté et personnalisé pour le mettre dans une trajectoire constructive. Dans un courriel du 16 août 2017, M. [SK] a indiqué que, compte tenu de ses diplômes, il fallait se concentrer sur des formations courtes et en a sélectionné trois, se montrant d’accord pour une formation longue durée d’avocat ou une formation IBM sur la transformation numérique s’il était contraint de se réorienter faute pour la direction de le rétablir dans ses fonctions opérationnelles (pièce 131 de l’intimée).

Par des propositions tardives de formation, alors que le salarié n’a eu aucun suivi et aucune formation pendant plusieurs années, la société Sopra Steria Group a manqué à son obligation de formation, ce qui nuit à l’employabilité de M. [SK]. Ce dernier recevra une indemnisation de 2 000 euros.

5 – Sur l’indemnité de congés payés et les congés exceptionnels

M. [SK] réclame paiement de plusieurs sommes au titre des congés et la société Sopra Steria ne conclut pas sur ces demandes.

– sur l’indemnité prévue par l’article 27 de la convention Syntec

L’article 27 de la convention collective Syntec dispose que :

“Pour le calcul de la durée du congé, sont notamment considérés comme période de travail effectif :

– la période de congé de l’année précédente ;

– les périodes de repos légal des femmes en couches et le congé d’adoption ;

– les périodes de suspension du contrat de travail par suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles dans la limite d’une durée ininterrompue de 1 an ;

– les périodes d’arrêt pour maladie ou accident lorsqu’elles donnent lieu à maintien du salaire en application de la convention collective ;

– les périodes militaires obligatoires ;

– les absences exceptionnelles prévues par la convention collective pour exercice du droit syndical et pour événements familiaux ;

– les périodes de stages de formation professionnelle ;

– les congés de formation économique, sociale et syndicale.”

Le collaborateur absent pour l’un de ces motifs à la date prévue pour ses vacances pourra choisir entre la prise effective de congé au moment de son retour s’il a lieu avant le 31 mai et l’indemnité compensatrice correspondante.

M. [SK] justifie qu’il a été en arrêt de maladie durant 14 jours ouvrés du 2 au 23 mai 2019 inclus et que la somme de 5 302,50 euros lui est due au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés qui n’ont pas été pris.

– sur l’indemnité de congés payés complémentaires par rapport au maintien de salaire par application de la règle du 1/10ème

L’article L. 3141-24 du code du travail prévoit que le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

M. [SK] expose que le calcul du 1/10ème effectué par la direction varie d’une année sur l’autre et que la direction écarte injustement certaines sommes de l’assiette de calcul.

La société Sopra Steria ne conclut pas sur cette demande.

Lors de la réunion ordinaire du comité d’établissement de Sopra Steria de mars 2019, a été évoquée une difficulté sur l’application par la société des règles légales en matière de calcul de l’indemnité de congés payés de 1/10ème (pièce 148 de l’appelant).

S’agissant de M. [SK], les tableaux de calculs et les pièces produites montrent que lui sont dues les sommes suivantes :

– de novembre 2009 à septembre 2014 : 467 euros après que M. [SK] a déduit la somme de 12 000 euros allouée en première instance, dont il demande la confirmation. Or, cette somme n’a pas été allouée à titre provisionnel par le tribunal mais à titre définitif, de sorte que la cour doit infirmer la décision en ce qu’elle a alloué cette somme et la réintégrer dans la demande (pièces 15 b et 149),

– 2 566,75 euros au titre des congés payés afférents au demi 13ème mois versé de décembre 2014 à décembre 2020, conformément à ce qui avait été retenu dans l’arrêt rendu le 20 octobre 2009,

– 3 850 euros au titre des compléments pour indemnités de congés payés réellement pris en 2017 et 2018.

Sont en conséquence dues, selon les calculs de M. [SK], les sommes de 11 719,25 euros et 467 euros prises en compte en page 74 des conclusions de l’appelant, lequel ne réclame toutefois qu’une somme supplémentaire de 11 512,25 euros dans le dispositif de ses écritures.

Il convient dès lors d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a alloué une somme de 12 000 euros à M. [SK] au titre des congés payés et, y ajoutant, de condamner la société Sopra Steria Group à verser à M. [SK] la somme de de 23 512,25 euros (11 512,25 + 12 000).

– sur le refus de 3 jours de congés exceptionnels pour le décès de son frère

M. [SK] expose qu’en lui refusant 3 jours de congés exceptionnels pour le décès de son frère survenu en 2020 et en lui retirant 3 jours de congés, l’employeur a violé l’article L. 3142-2 du code du travail et a fait preuve de discrimination à son égard dans la mesure où ses collègues avaient droit à ces congés.

L’article L. 3142-1 du code du travail prévoit que le salarié a droit, sur justification, à un congé notamment pour le décès d’un frère ou d’une soeur.

L’article L. 3142-2 du code du travail dispose que la durée de ces congés ne peut être imputée sur celle du congé payé annuel.

L’article L. 3142-4 5 ° du code du travail prévoit que pour mettre en oeuvre le droit à congé du salarié défini à l’article L. 3142-1, une convention ou un accord collectif détermine la durée de chacun des congés, qui ne peut être inférieure à 3 jours pour le décès d’un frère ou d’une soeur.

En l’espèce, M. [SK] justifie que son frère est décédé le 15 août 2020 alors que lui-même se trouvait en congés payés et qu’il a vainement demandé à bénéficier des congés exceptionnels pour événement familial (pièce 285 de l’intimé).

Il convient en conséquence d’ordonner à son employeur de lui accorder 3 jours de congés exceptionnels, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

6 – Sur la demande en paiement des salaires

M. [SK] expose que la direction de la société refuse dans les faits l’application de la convention collective Syntec relative au forfait jour, de son annexe et de ses propres règles annoncées au CE et au CSE concernant le suivi des salariés en modalité RTT 3 ou forfait jours ; que l’inspecteur du travail a relevé cette non-conformité, de sorte que les salariés peuvent réclamer le paiement d’heures supplémentaires. Il dénonce la charge de travail, parfois énorme pour lui et d’autres représentants actifs du personnel, liée aux difficultés majeures de l’entreprise, par la multiplication de réunions souvent convoquées hors délai avec remise de documents volumineux à étudier rapidement.

Il est rappelé que la conclusion d’une convention de forfait jours requiert que :

– le salarié dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps ;

– un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche autorise et réglemente la conclusion de conventions de forfait jours en application de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version en vigueur lors des faits ;

– un accord soit mis en place sur le forfait jours prévoyant des règles de suivi de la charge du travail du salarié. L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ;

– une convention individuelle de forfait soit rédigée et acceptée par le salarié en application de l’article L. 3121-40 du code du travail dans sa version en vigueur lors des faits ;

– un entretien annuel soit organisé en application de l’article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version en vigueur lors des faits, qui dispose : « Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié » ; l’entretien d’évaluation annuelle ne peut suffire à respecter ces prescriptions légales.

Ces conditions sont cumulatives. Par conséquent, si l’une d’entre elles fait défaut, le forfait annuel en jours encourt la nullité ou n’est pas opposable au salarié qui peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

En l’espèce, par l’effet d’un avenant au contrat de travail en date du 1er mai 2000, M. [SK] est régi par une convention de forfait annuel en jour prévoyant 212 jours travaillés par an (pièce 151 de l’appelant). En fonction de son ancienneté, le nombre de jours travaillés était de 215 jours en 2009.

Aux termes des observations qu’elle a adressées le 5 août 2013 à la société, l’inspection du travail a relevé que les salariés au forfait-jour ne sont couverts par aucune convention de forfait ou aucune clause du contrat initial précisant d’une part les modalités de surveillance de leur charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et d’autre part les modalités de décompte des jours travaillés, des absences ainsi que les conditions de prise de repos et de rachat des jours de repos (pièce 33 de l’appelant).

La société Sopra Steria, qui ne conclut pas sur cette demande, ne justifie ni de l’existence d’un accord sur le forfait jours prévoyant des règles de suivi de la charge du travail du salarié ni de la réalisation d’un entretien annuel avec M. [SK] sur la charge de travail de l’intéressé.

La convention de forfait jour est en conséquence inopposable à M. [SK], qui peut demander le paiement d’heures supplémentaires.

Or d’une part M. [SK] ne sollicite pas le paiement d’heures supplémentaires mais le paiement de jours travaillés au delà du forfait jour qu’il estime pourtant lui être inopposable.

D’autre part, les dépassements du nombre de jours travaillés prévus au forfait jour concernent non pas l’activité professionnelle de M. [SK] mais le temps consacré à l’exercice de ses mandats syndicaux.

L’emploi des heures de délégation prévues par les articles L. 2315-7 du code du travail est réglementé par les articles R. 2315-3 et suivants du code du travail. Pour les membres du CSE, l’article R. 2314-1 du code du travail prévoit que le nombre d’heures de délégation peut être augmenté en cas de circonstances exceptionnelles.

En l’espèce, M. [SK], quand bien même il invoque la lourdeur de l’exercice de ses mandats, ne justifie pas que le dépassement de ses heures de délégation tenait à des circonstances exceptionnelles.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a alloué une somme de 23 000 euros à M. [SK] à ce titre et de débouter M. [SK] de sa demande en paiement de salaires et des congés payés afférents.

7 – Sur la demande en paiement de frais professionnels

M. [SK] demande paiement de notes de frais bloquées depuis des années alors que ce n’est pas le cas pour les autres représentants du personnel.

La société Sopra Steria a justifié que M. [SK] ne respectait pas toujours les procédures de l’entreprise pour la déclaration des notes de frais.

M. [SK] justifie par des notes de frais, factures, listings de frais refusés et tableaux (pièces n°16, 146, 219 et 220) que lui sont dues à ce titre : 743,73 euros pour l’année 2011, 1 736,52 euros pour l’année 2012, 2 235,52 euros pour 2013, 725,90 euros pour 2014, 2 257,49 euros au titre des années 2015 à 2018 et 1 967,34 euros au titre des années 2019 et 2020.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [SK] de cette demande et, statuant à nouveau, la cour allouera la somme de 9 666,50 euros à ce titre.

II – Sur les demandes du syndicat Avenir Sopra Steria

Le syndicat Avenir Sopra Steria, qui consacre de longs développements à démontrer que M. [SK] a subi une discrimination syndicale et un harcèlement moral et que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, fait valoir qu’il subit un dénigrement injustifié de la direction générale et un isolement professionnel de son délégué syndical central M. [SK], la discrimination syndicale étant un frein important à l’assistance efficace des salariés et à l’obtention des droits collectifs et individuels de ces derniers. Il soutient que la privation d’activité professionnelle des représentants du personnel les éloigne des salariés et les isole, que l’employeur a une pratique discriminatoire courante qui a été condamnée à de multiples reprises.

La société Sopra Steria réplique que les demandes du syndicat sont exclusivement guidées par la recherche d’un profit pécuniaire ; qu’il ne peut qu’être débouté en l’absence de discrimination caractérisée à l’encontre de M. [SK] ; que le préjudice du syndicat n’est pas caractérisé et que les demandes financières sont excessives.

L’article L. 2132-3 du code du travail dispose que “Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.”

Un même comportement irrégulier de l’employeur peut causer un préjudice à l’intérêt collectif de la profession et aux intérêts particuliers des salariés.

1 – sur la discrimination syndicale, le harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité

Il n’est pas retenu que M. [SK] a fait l’objet d’une discrimination syndicale après l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 20 octobre 2009.

Si le harcèlement moral a été reconnu, ce dernier affecte M. [SK] à titre personnel et il ne porte pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat Avenir Sopra Steria, lequel n’intervient à la procédure qu’à titre accessoire.

Il est cependant retenu que la société Sopra Steria a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas les mesures pour prévenir et faire cesser le harcèlement moral subi par M. [SK], malgré le droit d’alerte exercé par ce dernier et d’autres représentants du syndicat Avenir Sopra Steria.

Ce fait porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession que représente le syndicat, de sorte que la

décision de première instance doit être infirmée en ce qu’elle a débouté le syndicat de sa demande de dommages et intérêts.

Une indemisation de 1 000 euros sera allouée au titre de la violation de l’obligation de sécurité et les demandes formées au titre de la discrimination syndicale et du harcèlement moral seront rejetées.

2 – sur les faits d’entrave

Le syndicat reproche à la société Sopra Steria d’avoir délibérément refusé d’accueillir les droits d’alerte de ses représentants Mme [J], M. [L] et M. [SK], en ne mettant pas en oeuvre sans délai une enquête réglementaire, ce qui constitue une entrave à l’exercice de leurs mandats.

L’article L. 2313-2 ancien du code du travail permettait à un délégué du personnel qui constatait une atteinte au droit des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, d’en saisir immédiatement l’employeur, lequel procédait sans délai à une enquête avec le délégué et prenait les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

L’article L. 2312-59 du code du travail a repris ces dispositions au profit des membres de la délégation du personnel au comité social et économique.

Le syndicat Avenir Sopra Steria intervenant accessoirement à l’action diligentée par M. [SK], il ne peut invoquer qu’un manquement concernant le droit d’alerte émis par ce dernier.

Il ressort de la pièce 23 du syndicat que la société Sopra Steria a été saisie le 28 mai 2021 par M. [SK] de la problématique concernant sa relation avec la direction et de sa situation de souffrance au travail, au visa de l’article L. 2312-59 du code du travail, demandant que la société organise un rendez-vous avec le médecin du travail.

Mme [Z] [E] a répondu le 2 juin 2021 qu’elle allait organiser une visite médicale auprès de la médecine du travail dès que possible et a proposé une médiation aux fins de dénouer la situation entre M. [SK] et un autre délégué syndical.

La société ayant répondu et fait une proposition, elle ne s’est pas rendue coupable d’une entrave au mandat de M. [SK] en qualité de membre du CSE, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par le syndicat Avenir Sopra Steria doit être rejetée.

3 – sur l’absence de respect des règles relatives au forfait jour

Le syndicat Avenir Sopra Steria fait valoir que la société ne respecte pas les règles concernant les salariés au forfait jour dans l’entreprise, qu’elle défend cette problématique depuis des années sans que la direction n’accepte de mettre en place un processus respectant les obligations légales. Elle souligne que l’absence d’entretiens sur le sujet pour M. [SK] depuis 2014, malgré ses réclamations, constitue une preuve de la violation répétée de ses obligations par la société.

M. [SK] étant débouté de sa demande en paiement de jours travaillés au-delà du forfait jour dont il se prévaut tout en invoquant son inopposabilité, la demande formée par le syndicat sera rejetée.

III – Sur les demandes accessoires

Il sera ordonné à la société Sopra Steria Group de remettre à M. [SK] un bulletin de salaire rectificatif conforme à l’arrêt, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

La capitalisation des intérêts sera accordée en application de l’article 1343-2 du code civil.

La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf en ce qu’elle a laissé à la charge du syndicat Avenir Sopra Steria les dépens afférents aux actes de procédure et d’exécution éventuels engagés pour sa défense et en ce qu’elle a débouté le syndicat de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Sopra Steria Group, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, tels que prévus par l’article 695 du code de procédure civile et sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Elle sera condamnée à payer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 1 500 euros à M. [SK] pour l’instance d’appel et la somme de 500 euros au syndicat Avenir Sopra Steria pour les procédures de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Dit recevables les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, perte de chance de bénéficier d’un étalement d’impôt et prélèvement injustifié sur le salaire de mai 2019,

Confirme le jugement rendu le 4 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Versailles sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [N] [SK] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– alloué une somme de 12 000 euros à M. [SK] au titre des congés payés,

– condamné la société Sopra Steria à payer à M. [N] [SK] une somme de 23 000 euros à titre de paiement des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait,

– débouté M. [N] [SK] de sa demande en paiement de frais professionnels,

– débouté le syndicat Avenir Sopra Steria de la totalité de ses demandes,

– laissé les dépens afférents aux actes de procédure et d’exécution éventuels à la charge du syndicat Avenir Sopra Steria pour sa défense,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que M. [N] [SK] a été victime de harcèlement moral postérieurement à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 20 octobre 2009,

Déboute M. [N] [SK] de ses demandes :

– de repositionnement dans un poste à temps plein d’account manager statut cadre position syntec 3.3 avec un salaire annuel de 127 264,67 euros à compter du 1er janvier 2023, sous astreinte,

– de rappel de salaires et congés payés afférents,

– au titre de la perte de chance de bénéficier d’un étalement d’impôts et d’un taux d’imposition moindre,

– au titre des salaires liés au nombre de jours travaillés au-delà du forfait de 2009 à 2020 et des congés payés afférents,

Condamne la société Sopra Steria à payer à M. [N] [SK] les sommes de :

– 8 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,

– 23 512,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période de septembre 2014 à décembre 2021,

– 9 666,53 euros au titre du remboursement des frais professionnels de 2011 à 2020,

Déboute M. [N] [SK] du surplus de ses demandes à ces titres,

Dit que les intérêts seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société Sopra Steria Group d’accorder à M. [N] [SK] trois jours de congés exceptionnels,

Ordonne à la société Sopra Steria Group de remettre à M. [N] [SK] un bulletin de salaire rectificatif conforme au présent arrêt,

Rejette les demandes de prononcé d’une astreinte,

Condamne la société Sopra Steria Group à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

Déboute le syndicat Avenir Sopra Steria du surplus de sa demande à ce titre et de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et violation de l’obligation de sécurité, pour faits d’entrave et pour absence de respect des règles relatives au forfait-jour,

Condamne la société Sopra Steria Group aux dépens de première instance et d’appel, tels que prévus par l’article 695 du code de procédure civile,

Condamne la société Sopra Steria Group à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de :

– 1 500 euros à M. [N] [SK] pour la procédure d’appel,

– 500 euros au syndicat Avenir Sopra Steria pour la première instance et la procédure d’appel,

Déboute la société Sopra Steria Group de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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