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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/02169 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UTZL
AFFAIRE :
[D] [G]
C/
S.A.R.L.CERATIZIT LUXEMBOURG
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 avril 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : E
N° RG : 18/00002
Copies exécutoires et certiiées conformes délivres à :
M. [P] [K] (défenseur syndical)
Me Audrey ALLAIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation n°20-11.085 du 20 mai 2021 cassant et annulant en totalité l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles (11ème chambre) le 5 décembre 2019
Monsieur [D] [G]
né le 15 Avril 1979 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : M. [P] [K] (défenseur syndical)
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A.R.L. CERATIZIT LUXEMBOURG
N° SIRET : B17 12 2
[Adresse 1]
[Localité 4] – LUXEMBOURG
[Localité 4] (Luxembourg)
assistée de Me Audrey ALLAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344, Me Albert LABOUNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1074
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine MOURET,
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] a été engagé en qualité de technico-commercial et ingénieur applications, statut cadre, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 19 mars 2012 par la société Ceratizit Luxembourg et il dépendait du Régional sales manager central south Europe de la Business Unit End Users ( BU40), son poste étant situé en France au sein du bureau de liaison de la société.
Cette société, établie au Luxembourg, est spécialisée dans la commercialisation d’outils coupants
pour l’industrie. Elle emploie plus de dix de salariés et applique la convention collective nationale
des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Par lettre du 7 avril 2017, l’employeur a informé le salarié du licenciement pour motif économique envisagé et lui a proposé un poste de technicien d’application à pourvoir dans la société WNT France SAS, une filiale du groupe Cératizit Luxembourg, la proposition de reclassement ayant été refusée par le salarié le 29 avril 2017.
Par lettre du 19 juin 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel
licenciement, fixé le 19 juin 2017.
Il a été licencié par lettre du 7 juillet 2017 pour motif économique dans les termes suivants:
« Nous sommes au regret de vous notifier, par le présent courrier votre licenciement pour motif
économique à la suite de votre refus du reclassement qui vous a été proposé.
Comme nous vous l’avons indiqué lors de notre entretien du 19 juin 2017, le motif de notre décision est le suivant: La réorganisation du réseau commercial de l’entreprise nécessaire à la
sauvegarde de sa compétitivité.
Cette mesure est commandée par la nécessité de rationaliser et d’harmoniser le circuit de distribution du groupe.
Celui-ci s’articulait autour de trois entités. Notamment le BU WNT avait vocation à vendre les
produits CERATIZIT sous son propre label en faibles quantités mais très rapidement à des clients de petite taille. En revanche, le BU 40 de CERATIZIT traitait avec des clients et des distributeurs de grande taille.
Les difficultés sont survenues dès le moment où les stratégies commerciales des deux entités précitées se sont contrariées en se faisant concurrence sur le même terrain, à savoir la clientèle
de taille moyenne.
Il en est résulté une série d’inconvénients de nature à compromettre la compétitivité du groupe:
– Image et notoriété troublée de la marque CERATIZIT, auprès d’une clientèle confrontée aux
mêmes produits sous deux labels différents, avec des prix et des délais de livraison néanmoins
différents.
– Des stratégies commerciales différentes contreproductives.
Il y avait donc trop de risque pour la compétitivité du groupe de maintenir l’organisation actuelle,car avec une part de marché de 1,5 % sur ces produits, par rapport à des concurrents puissants comme ISCAR, SANDVIK ou KENNAMETAL, nous n’avons pas d’autre possibilité que de confier la commercialisation de nos produits à une unique entité.
C’est pourquoi, il a été décidé pour s’adapter aux circonstances en fermant notamment le bureau
de liaison CERATIZIT en France, de confier la commercialisation à WNT des produits CERATIZIT sous le seul label CERATIZIT.
Par ailleurs, nous vous informons que si vous en manifestez le désir, vous aurez droit à une priorité de réembauche pendant un an à compter de la fin de votre contrat.
Si vous acquérez une nouvelle qualification et que vous nous en informez, vous bénéficierez également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci. ».
Le 2 janvier 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin de voir requalifier son licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire la convention de forfait en jours nulle, d’obtenir le paiement de sa part variable au titre de l’année 2017, d’un rappel de salaire sur les 3 années précédant la date de saisine du conseil de prud’hommes et de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 4 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section encadrement) a :
– a dit que le licenciement de M. [G] est sans cause réelle et sérieuse en raison du non- respect
de l’obligation de reclassement,
– a condamné la société Ceratizit Luxembourg à verser à M. [D] [G] les sommes suivantes:
. 10 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 9 328,76 euros au titre de la prime sur objectif 2017/2018,
. 3 264,02 euros au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence,
. 1 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date
de réception de la première convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires,
– débouté M. [D] [G] du surplus de ses demandes,
– rappelé l’exécution provisoire de droit selon les dispositions de l’article R. 1454-28 du code du
travail, la moyenne des 3 derniers mois de salaire de M. [D] [G] étant fixée à la somme de 3 916,83 € bruts,
– mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la SarlCeratizit Luxembourg.M. [G] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 mai 2019.
Par ordonnance du 19 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de
la déclaration d’appel et a laissé les dépens à la charge de l’appelant.
Sur déféré de M. [G], par arrêt du 5 décembre 2019 (RG n° 19/03659), la 11ème chambre de
la cour d’appel de Versailles a :
– reçu M. [G] en sa requête,
– dit n’y avoir lieu à constater l’existence d’un cas de force majeure,
– confirmé l’ordonnance entreprise,
– laissé les dépens du recours à la charge de l’appelant.
Par arrêt du 20 mai 2021 (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-11.085), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles dans les termes suivants :
‘Vu les articles 906, 908 et 930-2, alinéa 2, du code de procédure civile :
Pour déclarer caduque la déclaration d’appel, la cour d’appel retient que les premières écritures, régulièrement signées, reçues par la cour d’appel au nom de l’appelant, sont datées du 3 octobre 2019, de sorte qu’elles sont tardives au regard de la déclaration d’appel du 6 mai 2019. En se déterminant ainsi, sans rechercher, le cas échéant d’office, si l’appelant, dont le défenseur syndical avait adressé au greffe de la cour d’appel, le 6 août 2019, la copie de la signification des conclusions signifiées à la société Ceratizit le 20 juin 2019, n’avait pas, ce faisant, satisfait aux exigences des textes susvisés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.’.
Elle a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
M. [G] a saisi la présente cour d’appel de renvoi par déclaration de saisine du 6 juillet 2022 formée contre la société Ceratizit Luxembourg.
Par arrêt du 19 juillet 2023 ( RG 21/02169), la 17e chambre de la cour d’appel de Versailles a infirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 septembre 2019 ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel, dit n’y avoir lieu à prononcer la caducité de la déclaration d’appel, et avant-dire droit, a ordonné la réouverture des débats à l’audience collégiale du 5 octobre 2023 pour permettre aux parties de donner leurs observations sur le fond de l’affaire devant une formation collégiale compte tenu de la complexité du litige et a fixé une nouvelle date de clôture.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 septembre 2023. A l’audience collégiale du 5 octobre 2023, le défenseur syndical de M. [G] a été entendu en ses observations.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises le 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance de caducité du 19 septembre 2019 prononcée par le magistrat de la mise en état,
– débouter l’intimé de sa demande de prononcer la caducité de la déclaration d’appel,
– confirmer que le licenciement par la société Ceratizit Luxembourg est sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer que la société Ceratizit Luxembourg lui est redevable de la part variable de son salaire pour la période du 1er mars au 13 octobre 2017,
– confirmer que la société Ceratizit Luxembourg lui est redevable du paiement de l’indemnité spéciale forfaitaire en contrepartie de son obligation de non-concurrence,
– confirmer la nullité de la convention de forfait en jours,
– réformer le jugement n° RG F18/00002 du 5 avril 2019 rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise,
– statuer à nouveau sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser la somme de 78 336,60 euros à ce titre,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise quant à la réalité du motif économique du licenciement et établir que celui-ci n’est pas constitué,
– statuer à nouveau sur le montant de la part variable de salaire et congés payés afférents pour la période du 1er mars au 13 octobre 2017 et condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser la somme de 10 261,64 euros à ce titre,
– statuer à nouveau sur le montant de l’indemnité due en contrepartie de l’obligation de non-concurrence et condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser la somme de 41 057 euros à ce titre (un montant de 40 057 euros a été indiqué par erreur dans les documents précédemment transmis à la cour et à l’intimé) sic,
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise quant au paiement du rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires effectuées et congés payés afférents sur les 3 années précédant la date de saisine du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise pour nullité de la convention en forfait en jours et condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser la somme de 179 468,83 euros à ce titre,
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise quant à la demande de condamnation pour travail dissimulé et condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser à la somme de 39 168,30 euros à ce titre,
– rejeter toutes les autres demandes de l’intimé,
– ordonner le paiement sous astreinte de l’indemnité spéciale forfaitaire en contrepartie de l’obligation de non-concurrence,
– condamner la société Ceratizit Luxembourg aux dépens au titre de l’article 696 du code de procédure civile,
– condamner la société Ceratizit Luxembourg à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2023 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Ceratizit Luxembourg demande à la cour de :
– déclarer Monsieur [G] irrecevable en sa demande et l’en débouter ;
– confirmer le jugement en date du 04 Avril 2019 en ce que :
– il a reconnu la réalité du motif économique du licenciement de Monsieur [G],
– il a rejeté la demande de Monsieur [G] d’un montant de 178 468,83 euros au titre des rappels de salaires relatifs au heures supplémentaires et congés payés,
– infirmer le jugement déféré en ce que :
– il dit que le licenciement de M. [D] [G] est sans cause réelle et sérieuse en raison du
non- respect de l’obligation de reclassement,
– il condamne la SARL CERATIZIT LUXEMBOURG à verser à M. [D] [G] les sommes suivantes :
. 10.000 euros nets (dix mille euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
. 9.328,76 euros (neuf mille trois cent vingt huit euros et soixante-seize centimes) au titre de la prime sur objectif 2017/2018
. 3.264,02 euros (trois mille deux cent soixante quatre euros et deux centimes) au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence
.1.000 euros nets (mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
et statuant à nouveau :
– débouter Monsieur [G] de ses demandes, fins et conclusions,
– dire et juger que le licenciement pour motif économique a une cause réelle et sérieuse,
– dire et juger non fondées les demandes indemnitaires de Monsieur [G], à savoir:
. la somme de 78 336,60 € au titre du prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse
. la somme de 10 261,64 € au titre de la part variable de salaires et de conges payés
. la somme de de 40 057,00 € au titre de la prétendue obligation de non-concurrence,
. dire et juger que la société CERATIZIT a satisfait son obligation de reclassement,
– condamner Monsieur [G] à verser 8.000,00 € à CERATIZIT au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de l’appelant
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 5 septembre 2023, l’employeur a maintenu sa demande tendant à ‘déclarer Monsieur [G] irrecevable en sa demande et l’en débouter’ fondée sur le moyen qui a été écarté par la cour dans son arrêt du 19 juillet 2023.
La cour a en effet précédemment répondu à cette demande d’irrecevabilité par arrêt du 19 juillet 2023 rendu sur renvoi après cassation, en infirmant en toutes ses dispositions l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 septembre 2019 de sorte que cette demande n’a plus d’objet.
Sur les heures supplémentaires
Sur la convention de forfait en jours
Le salarié soutient que la convention de forfait en jours est nulle. Il explique qu’aucune action n’a été réalisée par l’employeur pour assurer l’évaluation et le suivi régulier de sa charge de travail. Il expose qu’il n’a également pas bénéficié d’entretien individuel annuel durant toute sa période de travail. Il ajoute que son contrat de travail ne précise pas le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini.
L’employeur objecte que le forfait annuel en jours était entré dans le champ contractuel, comme l’atteste l’article 5 de son contrat et les mentions figurant sur les bulletins de paye.
***
Aux termes de l’article L. 3121-63, issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, « les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.»
L’article 14 modifié de l’accord du national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie dans sa rédaction applicable au litige prévoit notamment que : ‘(…) Le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n’a pas renoncé dans le cadre de l’avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur.
Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail.
En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. A cet effet, l’employeur affichera dans l’entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l’alinéa 7 ci-dessus. Un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir d’autres modalités pour assurer le respect de cette obligation.’.
Au cas présent, l’article 5 du contrat de travail vise l’accord sur l’aménagement du temps de travail signé dans le cadre de la NAO 2007 ainsi que l’article 8.1 de l’accord national du 3 mars 2006 de la convention collective applicable. Les dispositions de ce dernier article autorisent l’employeur à la conclusion d’un forfait annuel en jours pour la catégorie d’emploi à laquelle appartient le salarié. En outre, les bulletins de paye font mention de la formule suivante, ‘ Salaire cadre forfait jour’. Le salarié relevait donc d’une convention de forfait en jours.
L’employeur, qui ne développe aucun argument sur les conditions d’application du forfait en jours, ne justifie aucunement que le supérieur hiérarchique du salarié a assuré un suivi régulier de l’organisation et de sa charge de travail.
Il n’est également pas établi que le salarié a bénéficié d’un quelconque entretien personnel durant toute la relation contractuelle.
Dès lors, en l’absence de toute justification par l’employeur de l’existence d’un suivi de la charge de travail du salarié, la convention de forfait en jours est donc privée d’effet et le salarié peut par conséquent prétendre , sur la base d’un temps de travail hebdomadaire ramené à 35 heures, au paiement d’heures supplémentaires dont il convient de vérifier l’existence et le nombre.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P B R I).
Le salarié forme une demande de rappel d’heures supplémentaires pour la période comprise entre le 2 janvier 2015 et le 13 octobre 2017.
A l’appui de sa demande, le salarié produit :
– un décompte hebdomadaire détaillé des heures réalisées (pièce 30) sur lequel sont mentionnées les heures de travail qu’il prétend avoir accomplies par semaine sur la période considérée dont les heures supplémentaires,
– un relevé d’activités personnelles pour les semaines du 27 juillet au 2 août 2015, du 13 au 19 juin 2016 et du 11 au 17 juillet 2016 détaillant ses horaires par jour (pièces 38, 46 et 53),
– un tableau descriptif des activités du service dans lequel il était affecté pour les semaines du 27 juillet au 2 août 2015, du 13 au 19 juin 2016 et et du 11 au 17 juillet 2016 (pièces 39, 50 et 55),
– ses notes de frais pour les semaines du 27 juillet au 2 août 2015, du 13 au 19 juin 2016 et 11 au 17 juillet 2016 (pièces 40, 51 et 56),
– le tableau de son emploi du temps détaillé par jour du 1er janvier 2015 au 13 octobre 2017, un tableau descriptif de ses activités du service SIP du 1er janvier 2015 au 06 juin2017 d’après la base de données de la société et ses notes de frais du 1er janvier 2015 au 23 juin 2017( pièces 65-66-67),
– les demandes de RTT du 29 au 31 juillet 2015 (pièce 47) et la note interne du 23 mai 2016 de l’employeur sur les congés et RTT (pièce 52).
Dans ses conclusions, le salarié détaille en outre les modalités de calcul des heures supplémentaires sous forme de synthèse par année en ce compris les congés payés afférents.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à contredire les tableaux établis par le salarié. Il se contente de répliquer qu’il n’est pas en mesure de répondre aux tableaux chiffrés communiqués par le salarié, sans se livrer à la moindre analyse des pièces produites.
Or, en application des dispositions de l’article L.3171-3 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. Au cas présent, l’employeur ne peut se prévaloir de la liberté des horaires du salarié alors qu’il lui appartenait de contrôler l’organisation de son temps de travail, ce qui a d’ailleurs conduit la cour précédemment à priver d’effet la convention de forfait en jours.
Par ailleurs, l’employeur invoque une décision de la Cour de cassation pour en déduire qu’il n’a pas été en mesure d’apporter des éléments contraires (cf Soc., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.749). Toutefois, au cas d’espèce, le salarié n’avait produit aucun décompte, ce qui n’est pas comparable avec la situation de M. [G].
La cour relève ensuite une très grande cohérence après comparaison du tableau établi des heures réalisées chaque jour par le salarié avec le relevé d’activités et des notes de frais, ces éléments n’étant aucunement discutés par l’employeur.
Enfin, si le salarié a été amené à effectuer de nombreuses heures supplémentaires durant certaines semaines, cela résulte des déplacements accomplis très fréquemment sur toute la période querellée.
Dès lors, il y a lieu de considérer que ces heures ont été accomplies avec l’accord implicite de l’employeur et que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié, qui avait le statut de cadre, réalisant régulièrement près de vingt heures supplémentaires en moyenne par semaine .
Au vu des éléments versés aux débats par l’une et l’autre des parties, il y a lieu de retenir que le salarié a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées dans la proportion réclamée.
Il convient en conséquence, par voie d’infirmation du jugement qui l’en a débouté, de fixer la créance du salarié au titre du rappel d’heures supplémentaires pour la période du 2 janvier 2015 au 13 octobre 2017 à la somme de 179 468,83 euros bruts incluant les 10% de congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l’espèce, la circonstance tenant au fait que la convention de forfait en jours soit privée d’effet et entraîne l’octroi d’heures supplémentaires, ce dont l’employeur n’a pu avoir connaissance, est de nature à établir qu’il n’a pas eu l’intention de se soustraire à ses obligations déclaratives.
En conséquence, l’élément intentionnel n’étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la part variable pour l’exercice 2017
Le salarié indique qu’il était d’usage, comme pour tous les technico-commerciaux, qu’il perçoive une rémunération variable. Il précise qu’il a en outre perçu l’intégralité de la part variable pour les exercices 2015 et 2016, soit la somme annuelle de 15 000 euros et qu’aucun objectif ne lui a été fixé pour l’exercice 2017. Il indique ne pas avoir perçu la part variable calculée au prorata de son temps de présence dans l’entreprise, du 1er mars au 13 octobre 2017, sur la base de la valeur annuelle de 15 000 euros pour cet exercice, alors que le chiffre d’affaires sur son secteur était supérieur à 1 000 000 euros en juin 2017. Il conteste que l’employeur lui ait notifié la modification de cet usage pour l’exercice 2017.
L’employeur soutient que les dispositions de l’article 6 du contrat de travail prévoient que les modalités de rémunération du salarié ne sont pas automatiquement reconduites. Il explique que la fusion des entités Ceratizit Luxembourg et WNT France a été annoncée le 2 décembre 2016 lors d’une réunion et que le salarié a été informé de la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement pour motif économique le 7 avril 2017 avec proposition de reclassement le 6 mai 2017 de sorte qu’il était impossible de lui fixer des objectifs.
***
Pour être qualifiée d’usage, présenter un caractère obligatoire pour l’employeur et constituer un élément normal et permanent du salaire, la gratification doit réunir trois critères cumulatifs, être constante dans son attribution c’est-à-dire versée un certain nombre de fois; fixe, c’est-à-dire calculée toujours selon les mêmes modalités même si son montant est variable; et générale, c’est-à-dire attribuée à l’ensemble du personnel.
En l’absence de fixation des objectifs, ou d’objectifs non réalisables, ou encore en l’absence de concertation avec le salarié pour cette fixation ou si ces objectifs n’ont pas été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice, l’employeur est tenu de verser à ce dernier l’intégralité de sa rémunération variable contractuelle comme s’il avait atteint l’entièreté de ses objectifs. (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-20.978, publié)
Au cas présent, l’article 6 du contrat de travail prévoit que le salarié percevait un salaire brut annuel réparti sur treize mois et que ‘ En outre un bonus annuel variable fixé sur la base de résultats obtenus par rapport à des objectifs sera versé dans le premier trimestre suivant chaque fin d’exercice. Ce bonus sur 12 mois sera payé au prorata du temps de travail.
Une fois par an, les objectifs à atteindre par Monsieur [G] seront fixés par la Direction de la Société. Les modalités de calcul de la prime liée à la réalisation de ces objectifs seront précisées par écrit par la Direction.
Ces modalités ne seront pas automatiquement reconduites d’une année à l’autre et la Direction se réserve le droit de les modifier en fonction de l’évolution de sa stratégie commerciale et de sa politique de motivation. En cas de modification des contours du secteur d’activité de Monsieur [G] à un autre secteur d’activité, ou en cas d’affectation de Monsieur [G] à un autre secteur d’activité, en cours d’exercice la Direction révisera les objectifs de Monsieur [G] afin de tenir compte de ce (s) changement(s).’.
Il est acquis aux débats que le salarié a perçu pendant plusieurs années une prime variable, que son montant s’est notamment élevé à la somme de 15 000 euros en 2015 et 2016 après définition par l’employeur des objectifs à atteindre et que les salariés qui occupaient le même emploi que le sien l’ont également perçue, l’employeur ne contestant pas le caractère d’usage de cette gratification.
En revanche, l’employeur n’a fixé aucun objectif au salarié au titre l’exercice 2017.
La circonstance que l’entreprise a envisagé de mettre en oeuvre le licenciement pour motif économique du salarié et lui a communiqué cette information dès le mois de décembre 2016 n’a pas d’incidence sur le droit du salarié au versement de cette prime .
En effet, cette situation ne s’analyse pas en une modification des contours du secteur d’activité du salarié à un autre secteur d’activité ni à une affectation sur un autre secteur, le salarié ayant conservé son poste jusqu’à son licenciement, la proposition d’un reclassement n’équivalant/ ne répondant donc pas aux conditions définies par article 6 permettant de modifier les modalités de versement chaque année de la rémunération variable.
En tout état de cause, si l’article 6 prévoit une révision des objectifs du salarié en cas de modification de l’activité en cours d’année, cela implique que des objectifs ont été préalablement fixés, ce qui n’a pas été effectué par l’employeur en 2017.
Dans ces conditions la société ne pouvait pas se soustraire au paiement de la part variable contractuellement convenue et qui est due en intégralité pour l’année 2017, au prorata de sa présence, dès lors que le fait générateur de la créance est l’absence de fixation d’un commun accord avec le salarié des objectifs annuels, en se référant aux objectifs fixés pour l’exercice précédent.
Il convient donc de faire droit à la demande du salarié qui a sollicité devant les premiers juges la somme de 9 328,76 euros augmentée ensuite à la somme de 10 261 euros pour prendre en compte les congés payés à hauteur de 10%, et ce aux termes de la demande du salarié comme indiqué en page 2 du jugement du 4 avril 2019 qui lui a alloué la seule somme de 9 328,76 euros..
Par voie d’infirmation du jugement, il convient de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 10 261,64 euros brut au titre de la part variable pour l’année 2017 au prorata de sa présence en ce compris les congés payés afférents.
Sur le licenciement
Le salarié fait valoir que la réalité du motif économique n’est pas rapportée par l’employeur. Il explique que l’employeur, qui se prévaut de la nécessité d’harmoniser le circuit de distribution du groupe, ne procède que par des affirmations non confirmées par des chiffres précis et datés, et qu’il ne met pas en évidence une réelle menace pour la compétitivité de l’entreprise. Il ajoute que la croissance incontestable et la politique d’expansion de la société établissent sa bonne santé financière et économique, d’autant plus que le groupe a fait de nombreuses acquisitions et que les résultats de la BU40, entité à laquelle il était rattaché, étaient très positifs sur les trois dernières années.
L’employeur réplique que les premiers juges ont retenu à juste titre que le licenciement repose sur un motif économique constitué par la réorganisation décidée par l’entreprise pour prévenir des difficultés à venir liées à l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché menaçant la compétitivité de l’entreprise. Il ajoute que le motif économique est clairement énoncé dans la lettre de licenciement.
***
Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 01 décembre 2016 au 24 septembre 2017, ‘ Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.’.
Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité des difficultés économiques ou du risque pesant sur la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise au moment où il licencie.
Lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige auquel peut ensuite donner lieu cette mesure, fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité , le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève.
La réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité n’implique pas l’existence de difficultés économiques actuelles mais celle d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ou le secteur d’activité du groupe nécessitant une anticipation des risques et le cas échéant, des difficultés à venir.
La constatation de l’existence ou non d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise ou de difficultés économiques relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, qui, pour cette appréciation, peuvent tenir compte d’éléments postérieurs à la date du licenciement.
Il appartient à l’employeur de justifier en cas de contestation, soit d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise, soit, a fortiori, de difficultés économiques ou d’une évolution technologique en rapport avec cette réorganisation. Il appartient ensuite au juge de vérifier l’existence de difficultés économiques résultant d’une baisse d’activité invoquée par l’employeur dans la lettre de licenciement (Soc., 16 février 2011, pourvoi n° 10-10.110, Bull. 2011, V, n° 49)
Au cas présent, il ressort de la lettre de licenciement que le motif invoqué est celui de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise afin de rationaliser et harmoniser le circuit de distribution du groupe.
Pour justifier le licenciement du salarié, l’employeur se prévaut dans ses conclusions des termes de la lettre de licenciement et de la motivation des premiers juges qu’il copie.
Toutefois, il n’apporte aucune explication et ne produit aucune pièce en complément.
L’employeur n’établit donc pas l’existence de difficultés ayant pour origine des stratégies commerciales divergentes des entités BU WNT et BU 40- notamment une image et notoriété troublées de la marque Ceratizit’- et qui auraient compromis la compétitivité de l’entreprise, justifié la réorganisation de ces deux entités puis entraîné la suppression de postes, dont celui du salarié, ces allégations étant ainsi dépourvues de toute offre de preuve.
Par ailleurs, si l’employeur soutient qu’il est résulté de cette situation ‘une série d’inconvénients’, il n’en justifie pas.
L’employeur qui se contente d’affirmer qu’il existe trop de risque pour la compétitivité du groupe, n’apporte aucun élément objectif sur les circonstances ayant nécessité la fermeture de l’entité UB 40 en France.
En outre, le salarié verse aux débats de nombreuses pièces dont il ressort une augmentation des résultats de l’entité UB41entre 2011 et 2016, une augmentation des résultats du groupe en europe, l’enregistrement d’une forte croissance de toute l’entreprise, l’intégration de nouvelles entreprises dans le groupe et sa très bonne implantation dans le monde (pièces n° 7 -8 – 22 à 24- 27- 33).
L’employeur ne caractérise donc pas l’existence de menaces pesant sur la compétitivité de l’entreprise ni la nécessité de prendre des mesures d’anticipation de sorte que le licenciement pour motif économique du salarié est sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
Le jugement sera en conséquence confirmé mais pour un autre motif.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’indemnité à la charge de l’employeur si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait un salaire mensuel brut de base de 4 630,76 euros et un salaire mensuel moyen brut d’un montant de 7 778,05 euros sur les six derniers mois de l’année 2017avant la rupture. Le salarié demande de retenir un salaire de référence brut calculé sur une année pour la somme de 6 528,05 euros. Dans les limites de la demande, la cour retient que le salaire brut de référence s’élève à la somme de 6 528,05 euros.
Compte tenu de l’ancienneté du salarié (5 ans), de son niveau de rémunération ( 6 528,05 euros bruts par mois), de son âge lors de la rupture (48 ans), de ce que le salarié justifie de son inscription à Pôle Emploi, de ce qu’il a travaillé en intérim et a signé un nouveau contrat à durée indéterminée en février 2018 ( non cadre), il conviendra d’évaluer le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi à 40 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, la société sera condamnée.
Le licenciement ayant été jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage pour le salarié intéressé.
Sur l’obligation de non-concurrence
L’article 28 relatif au secret professionnel et à la clause de non-concurrence de la convention collective applicable dispose que ‘Une collaboration loyale implique évidemment l’obligation de ne pas faire bénéficier une maison concurrente de renseignements provenant de l’entreprise employeur.
Par extension, un employeur garde la faculté de prévoir qu’un ingénieur ou cadre qui le quitte, volontairement ou non, ne puisse apporter à une maison concurrente les connaissances qu’il a acquises chez lui, et cela en lui interdisant de se placer dans une maison concurrente.
L’interdiction de concurrence doit faire l’objet d’une clause dans la lettre d’engagement ou d’un accord écrit entre les parties.
Dans ce cas, l’interdiction ne peut excéder une durée de 1 an, renouvelable une fois, et a comme contrepartie, pendant la durée de non-concurrence, une indemnité mensuelle égale à 5/10 de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont l’ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois de présence dans l’établissement.
Toutefois, en cas de licenciement, cette indemnité mensuelle est portée à 6/10 de cette moyenne tant que l’ingénieur ou cadre n’a pas retrouvé un nouvel emploi et dans la limite de la durée de non-concurrence.
L’employeur, en cas de cessation d’un contrat de travail qui prévoyait une clause de non-concurrence, peut se décharger de l’indemnité prévue ci-dessus en libérant l’ingénieur ou cadre de l’interdiction de concurrence, mais sous condition de prévenir l’intéressé par écrit dans les 8 jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail. En cas de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, l’employeur ne peut se décharger de l’indemnité de non-concurrence, en libérant l’ingénieur ou cadre de l’interdiction de concurrence, que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture.
L’indemnité mensuelle prévue ci-dessus étant la contrepartie du respect de la clause de non-concurrence, elle cesse d’être due en cas de violation par l’intéressé, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent lui être réclamés.
Les dispositions du présent article 28 ont un caractère impératif au sens des articles L. 2252-1, alinéa 1, et L. 2253-3, alinéa 2, du code du travail. ‘.
L’article 15 du contrat de travail du salarié prévoit que ‘ Compte tenu de la nature de ses fonctions et des informations confidentielles dont il dispose M.[G] s’engage en cas de rupture de son contrat pour quelque que cause que ce soit:
. à ne pas entrer au service d’une société concurrente ;
. à pas s’intéresser directement ou indirectement tous services, tous commerces ou autres activités pouvant concurrencer l’activité de la société.
Cette interdiction est applicable pendant durée de 12 mois, renouvelable une fois, limitée au territoire national métropolitain et s’appliquera à compter du jour du départ effectif de Monsieur [G] de la Société.
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, Monsieur [G] percevra après son départ effectif de la Société une indemnité spéciale forfaitaire de 5/ 10ème de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que les avantages et gratifications contractuels dont il a pu bénéficier au cours de ses 12 derniers mois de présence dans la société (conditions prévues par la Convention collective applicable). Cette indemnilé n’est susceptible d’aucune révision quant à son montant. (…)’ .
Le salarié qui sollicite la confirmation de la décision des premiers juges sur le principe du versement d’une contrepartie financière pour absence de libération de l’interdiction de concurrence, conteste le montant de la somme allouée par les premiers juges.
L’employeur qui demande l’infirmation de cette décision dans le dispositif de ses conclusions, ne réplique pas sur ce point dans la partie ‘discussion de ses écritures’ et ne développe donc aucun moyen en droit et en fait.
Il n’est pas contesté que l’employeur n’a pas libéré le salarié de l’interdiction de concurrence prévue à l’article 15 du contrat de travail.
Il n’est pas davantage discuté que le salarié n’a perçu aucune indemnité au titre de son obligation de non-concurrence, laquelle lui est donc due et calculée, conformément aux dispositions de la convention collective applicable et aux dispositions contractuelles, en fonction de son activité au cours de l’année qui a suivi son licenciement (cf page 27 de ses conclusions) correspondant à 88 jours sans emploi (sur la base de 6/10ème du salaire brut annuel moyen) et 277 jours avec une activité professionnelle (sur la base de 5/10ème du salaire brut annuel moyen).
Dès lors, l’employeur sera condamné à verser au salarié, le jugement étant infirmé quant au quantum alloué, la somme de 41 057 euros bruts, somme non discutée en son calcul par l’employeur, au titre de l’indemnité en contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L’employeur succombant, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Il conviendra de condamner l’employeur aux dépens d’appel et à payer au salarié une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur étant débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Vu l’arrêt du 20 mai 2021 (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-11.085) de la Cour de cassation, cassant en toutes ses dispositions l’arrêt de la 11e chambre de cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019, remettant l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyant devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Vu l’arrêt du 19 juillet 2023 ( RG 21/02169) de la 17e chambre de la cour d’appel de Versailles qui, statuant sur renvoi après cassation, a dit n’y avoir lieu à prononcer la caducité de la déclaration d’appel, et, avant-dire droit sur le fond du litige, a ordonné la réouverture des débats devant une formation collégiale,
INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions déférées à la présente cour, sauf en ce qu’il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, déboute M. [G] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, en ce qu’il condamne la société Ceratizit Luxembourg à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DECLARE nulle la convention en forfait en jours de M. [G],
CONDAMNE la société Ceratizit Luxembourg à payer à M. [G] les sommes suivantes :
– 179 468,83 euros bruts, congés payés afférents compris, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,
– 40 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 10 261,64 euros bruts au titre de la part variable pour l’exercice 2017, congés payés afférents compris,
– 41 057 euros bruts au titre de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence,
REJETTE la demande d’astreinte,
ORDONNE le remboursement par la société Ceratizit Luxembourg aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [G], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage en application de l’article L. 1235-4 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Ceratizit Luxembourg à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel,
CONDAMNE la société Ceratizit Luxembourg aux dépens d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président