Your cart is currently empty!
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/05402 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NFOQ
[F]
C/
Association ACOLEA
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 11 Septembre 2020
RG : 19/00014
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2023
APPELANTE :
[Z] [F]
née le 29 Août 1977 à [Localité 3]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mathilde DERUDET, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 69123/2/2020/23953 du 22/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
Association ACOLEA anciennement dénommée association SOCIETE LYONNAISE POUR L’ENFANCE ET L’ADOLESC ENCE (SLEA)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Etienne DUBUCQ, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Catherine MAILHES, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence est une association qui exerce son activité dans le secteur de l’enfance et de l’adolescence en difficulté.
Elle emploie plus de 10 salariés qui bénéficient des dispositions de la Convention Collective du travail des établissements et services pour personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966.
Mme [Z] [F] a été engagée par deux contrats à durée déterminée successifs des 5 novembre 2007 et 26 février 2008, en qualité d’assistante sociale, en remplacement d’une salariée absente.
La relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Mme [F] était référente de placement au service Sleado, à [Localité 7].
A compter du 7 novembre 2014, et jusqu’au 3 mai 2015, la salariée a été placée en arrêt de travail.
Par courrier du 5 décembre 2014, l’employeur, arguant des tensions et du climat conflictuel au sein du service Sleado, a avisé la salariée, de son changement d’affectation vers le service d’accueil familial.
Par courrier du 20 décembre 2014, la salariée a refusé ce changement d’affectation.
Le 5 mai 2015, Mme [F] a passé une visite de reprise et a été déclarée apte.
Le 26 mai 2015, elle a repris le travail, dans son service habituel, et s’est vu remettre un courrier lui demandant de prendre contact avec M. [G] pour organier avec lui une réflexion sur la question du décrochage scolaire, de la reprise de scolarité et de l’insertion.
A compter du mois d’avril 2016, la salariée a été affectée à l’Etablissement Cepaj, à [Localité 6].
Se plaignant d’une exécution déloyale de son contrat de travail et du non-paiement de l’indemnité mensuelle d’astreinte, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon par requête du 25 janvier 2017 de demandes indemnitaire et salariales, outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Slea a signé l’accusé de réception de la convocation devant le bureau de conciliation le 10 février 2017.
Par jugement du 11 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes.
Le 7 octobre 2020, Mme [F] a fait appel de ce jugement, dont elle avait reçu notification le 15 septembre 2020, aux fins d’infirmation en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 23 juin 2021, Mme [F] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions.
En conséquence,
condamner l’association Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence au paiement de la somme de 12 600 euros à titre de rappel de salaire correspondant à l’indemnité mensuelle d’astreinte depuis le mois de janvier 2015 et jusqu’au 1er septembre 2019 ;
condamner la Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence à lui verser la somme de 15 209,34 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
condamner l’association Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel et la débouter de l’ensemble de ses demandes.
Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2021, l’Association Acolea, anciennement dénommée la Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Madame [F] de l’intégralité de ses demandes, de la condamner à lui la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus visées.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail
Mme [F] relate que :
la Slea n’a pas cessé de modifier son contrat de travail puis ses conditions de travail sans recueillir son consentement ;
ces changements l’ont placée dans une situation difficile en générant du stress ;
lorsqu’elle a repris le travail, au mois de mai 2015, elle s’est vue affectée à une tâche sans lien avec le public de l’unité ni avec ses fonctions d’assistante sociale ;
lors de l’entretien destiné à présenter, à sa hiérarchie, son projet de réflexion, au mois de septembre 2015, il a été convenu qu’elle reprendrait son poste de référent de placement au sein de Sleado mais il ne lui a pas été permis de reprendre son poste ;
après qu’elle a décliné, au mois de novembre 2015, un poste d’éducatrice, ne correspondant pas à sa formation, elle est restée dans l’incertitude quant à l’exercice de ses missions ;
au mois de février 2016, un poste de chef de service à la prévention lui a été proposé et, à compter du 1er mars 2016, elle a cessé de figurer sur l’organigramme Sleado ;
le 11 mars 2016, elle a appris que sa candidature avait été refusée et qu’un nouveau poste non-cadre pourrait lui être proposé au sein du service Cepaj ;
par lettre du 26 mai 2016, il lui a été proposé un poste d’éducatrice spécialisée sur le service d’insertion progressive du Cepaj ;
elle a ainsi été mise à l’écart en n’étant affectée à aucun poste, l’employeur ne lui attribuant pas de prestation de travail pendant de nombreux mois.
L’association Acolea objecte que :
Mme [F], affectée au service Sleado dès son embauche, s’est vu notifier une lettre de mise en garde le 19 mai 2014 puis un avertissement le 7 novembre 2014 et enfin, une nouvelle affectation au service accueil familial, le 5 décembre 2014 ;
lors d’une réunion CHSCT du 1er décembre 2014, les membres du CHSCT ont demandé la désignation d’un expert compte tenu de comportements graves reprochés par les assistants familiaux (famille d’accueil) aux référents de placements ;
parmi les exemples de faits dénoncés, elle a identifié des faits impliquant Mme [F], qu’elle a décidé d’affecter à un autre service, tant pour préserver cette dernière que les salariés ayant dénoncé les faits ;
le changement d’affectation imposé à Mme [F] était motivé par l’existence de risques psycho-sociaux et la nécessité de les faire cesser ;
la mission confiée à la salariée à sa reprise, le 26 mai 2015, lui a permis de développer un projet de création de plateforme scolarité et d’insertion, qu’elle a présenté lors d’un bilan le 4 septembre 2015 ;
il a alors été demandé à la salariée de poursuivre sa mission en l’étendant à l’ensemble du pôle adolescent ;
la salariée a postulé à un poste de Chef de Service à la prévention et le fait que sa candidature n’ait pas été retenue ne saurait être analysé en un manquement de l’employeur ;
elle a ensuite été reçue, le 21 mars 2016, par sa hiérarchie et informée de son affectation au sein de l’établissement Cepaj, ce qui lui a été confirmé par courrier du 24 mars ;
les certificats établis par le médecin traitant de la salariée sont insuffisants à démontrer le lien entre dégradation de l’état de santé et travail ;
la salariée ne produit aucune pièce pour justifier de son préjudice.
***
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce, le 17 novembre 2014, Mme [F] s’est vue notifier un avertissement, l’employeur lui reprochant un positionnement inadapté vis-à-vis d’un assistant familial, en se substituant à lui au lieu de l’étayer, en agissant sans concertation ni respect des directives, provoquant la fugue et la mise en danger de l’enfant.
Le Chsct s’est réuni le 1er décembre 2014, en séance extraordinaire, suite à une lettre de délégués du personnel, qui avaient entendu trois salariés et demandé l’ouverture d’un droit d’alerte. Au cours de la réunion, sont rapportés des faits de confusion des places, de violation de règles éthiques de base, de consignes de service et recadrage ignorés aboutissant à une mise en danger des salariés et des enfants placés. Il est notamment question d’un référent de placement diffusant des informations confidentielles, changeant des modalités d’accueil d’un jeune sans validation par le service, changeant un calendrier de rencontre avec les parents de manière non concertée, mettant en danger l’adolescent confié et son assistant familial.
Le rapprochement de la lettre d’avertissement adressée le 17 novembre précédent avec le procès-verbal de réunion de Chsct permet d’identifier Mme [F] comme étant impliquée dans les faits décrits pas des salariés, assistants familiaux, faisant état, auprès des représentants du personnel, du climat de peur et de désarroi dans lequel ils étaient plongés.
C’est dans ce contexte que l’employeur a procédé au changement d’affectation de Mme [F], en invoquant la multiplicité des conflits interpersonnels dans lesquels elle était citée et en l’affectant au service Accueil Familial. Ce changement relevait de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
Ensuite, le 26 mai 2015, la reprise de travail de la salariée s’est faite finalement au service Sleado et lui a été confiée la mission de réflexion sur la question du décrochage scolaire, de la reprise de scolarité et de l’insertion.
Par mail du 17 novembre 2015, la salariée a informé son directeur de service qu’elle avait refusé le poste d’éducatrice, qui ne correspondait pas à ses attentes et sollicité un rendez-vous afin de définir son rôle au sein de l’équipe SLEADO. Par mail du 14 décembre 2015, adressé à M. [G], elle a sollicité un rendez-vous au sujet de la définition de son futur poste. Dans cahque mail, la salariée soutient qu’il en va de sa santé psychique.
Elle a été reçue le 4 février 2016 par MM [N] et [G]. A la suite de cet entretien, la salariée a candidaté pour un poste de chef de service à la prévention, qui lui avait été proposé.
Lors de son entretien professionnel, qui s’est déroulé le 23 février 2016, la salariée a indiqué, à la rubrique «point de vue de la salariée sur son activité professionnelle», notamment «depuis mai 2015, travail sur un projet d’insertion des jeunes déscolarisés proche majorité de Sleado», en sorte qu’elle ne peut soutenir que son employeur ne lui a pas confié d’activité.
Il est aussi mentionné, à la rubrique «souhait de changement de la salariée» que «Mme [F] a postulé sur le poste de chef de service de la prévention Slea. En attente de rencontre avec le directeur du service prévention». La salariée ne pouvait donc se méprendre sur cette perspective de changement et la croire certaine.
Le 11 mars, Mme [F], qui avait rencontré le directeur du service prévention, le 4 mars, a interrogé M. [N], Directeur Général de la Slea, lequel lui a répondu, le jour même, que sa candidature n’avait pas été retenue par le service prévention, et qu’elle serait reçue prochainement pour que lui soit proposé un poste au Cepaj.
La salariée a été reçue le 21 mars et par courrier du 24 mars 2016, elle a été informée de son affectation, à compter du 29 mars 2016, au Service d’insertion Professionnelle du Cepaj.
La salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 29 mars 2016. Le 26 mai 2016, M. [G], en sa qualité de directeur du Cepaj, lui a proposé, pour sa reprise d’activité, une affectation sur un poste d’éducatrice spécialisée avec des horaires en journée, susceptible de lui convenir davantage.
Il en résulte que l’employeur a exécuté loyalement le contrat de travail et a recherché un poste le plus adapté à la situation de la salariée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en dommages-intérêts.
Sur le rappel de salaire
La salariée relate qu’en fin d’année 2014, la SLEA lui a annoncé qu’elle changeait d’affectation pour intégrer le service accueil familial ; qu’elle s’est opposée à cette nouvelle affectation au motif que cela était susceptible d’entrainer une baisse de rémunération en raison de l’absence d’astreinte.
Elle soutient que l’indemnité d’astreinte étant un élément déterminant de sa rémunération, sa suppression constitue une modification du contrat de travail ; que comme elle s’y est opposée, l’employeur aurait dû y renoncer ou la licencier ; qu’elle est fondée à demander un rappel de salaire pour la période de janvier 2015 à janvier 2018, date à laquelle elle a été intégrée dans l’astreinte des cadres en prenant le poste de coordinatrice du foyer [5].
L’association Acolea répond que :
si Mme [F] ne perçoit plus d’astreinte depuis le mois de janvier 2015, c’est parce qu’elle n’a pas été soumise à cette sujétion ;
le contrat de travail ne contient aucune clause relative à la réalisation d’astreinte ;
la réalisation d’astreinte n’est pas une sujétion liée à la fonction d’assistante sociale ;
au sein de l’établissement Cepaj, où la salariée a été affectée jusque fin 2017, les astreintes ne sont pas réalisées par les assistantes sociales ;
elle pouvait décider de ne plus soumettre Mme [F] à la réalisation d’astreinte.
***
Il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’astreintes, sauf engagement de l’employeur vis-à-vis du salarié à en assurer l’exécution d’un certain nombre ; à défaut d’un tel engagement, seul un abus de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation.
Il n’est pas contesté que le contrat de travail ne contient aucun engagement de l’employeur quant au principe et au nombre d’astreinte réalisées chaque mois.
L’examen des bulletins de paie pour les années 2013 et 2014 permet d’observer que, d’un mois à l’autre, le nombre d’astreinte n’est pas le même et qu’il arrive que la salariée n’en effectue pas alors qu’elle est présente.
Le changement d’affectation de Mme [F] l’a amenée à ne plus exécuter d’astreinte.
Ce changement d’affectation ne révèle pas d’abus de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction mais, ainsi qu’il a été dit précédemment, ressort de son obligation de préserver la santé et la sécurité des salariés.
Le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
Mme [F], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’association Acolea, anciennement dénommée Slea, les sommes, non comprises dans les dépens, qu’elle a dû exposer au titre de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement ;
Condamne Mme [Z] [F] aux dépens ;
Rejette la demande de l’association Acolea, anciennement dénommée Slea, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE