Informations confidentielles : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03429

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Informations confidentielles : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03429
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 25 OCTOBRE 2023

(n°2023/ , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03429 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQUT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F20/03130

APPELANTE

Madame [Y] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me José LEAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0632

INTIMÉE

S.A. ORPEA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie ZAKS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0277

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation,

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société Orpea a employé Mme [Y] [F] [V], née en 1978, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2019 en qualité d’auxiliaire de vie.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Par lettre remise en main propre le 9 décembre 2019, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 18 décembre 2019.

Mme [F] [V] a été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 3 janvier 2020.

La société Orpea occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Mme [F] [V] a saisi le 19 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« – Fixer Ie salaire brut à 1 781,48 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 1 959,62 €

– indemnité de licenciement :296,91 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et curieuse :1 781,48 €

– Article 700 du Code de Procédure Civile : 2 500 €

– Dépens

– Exécution provisoire article 515 C.P.C.. »

Par jugement du 21 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Madame [Y] [C] de l’ensemble de ses demandes.

Déboute la S.A. ORPEA de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Laisse les dépens à la charge du demandeur. »

Mme [F] [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 6 avril 2021.

La constitution d’intimée de la société Orpea a été transmise par voie électronique le 28 juin 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 5 juillet 2021, Mme [F] [V] demande à la cour de :

« DIRE et JUGER recevables et bien fondées les demandes de Madame [Y] [C]

DIRE et JUGER que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence, INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

FIXER le salaire brut de Madame [Y] [C] à 1 781,48 €

DIRE que le licenciement de Madame [Y] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la SOCIETE ORPEA à verser à Madame [Y] [C] la somme de 1 781,48€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la SOCIETE ORPEA à verser à Madame [Y] [C] la somme de1 781,48/4 = 445,37 € X 8/1.2 = 296,91 € à titre d’indemnité de licenciement

CONDAMNER la SOCIETE ORPEA à verser à Madame [Y] [C] la somme 1781,48 € + 178,14€ (1/ 10 CP) = 1 959,62 € au titre de l’indemnité de préavis,

CONDAMNER la SOCIETE ORPEA à verser à Madame [Y] [C] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du CPC,

CONDAMNER la SOCIETE ORPEA aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 19 août 2021, la société Orpea demande à la cour de :

‘A TITRE PRINCIPAL

DIRE que le licenciement de Madame [C] est fondé sur une faute grave

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave notifié à Madame [C] était bien fondé

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [C] de ses demandes formées à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société ORPEA de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Statuant à nouveau,

CONDAMNER Madame [C] à verser à la société ORPEA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés en première instance

Y ajoutant,

CONDAMNER Madame [C] à verser à la société ORPEA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel

CONDAMNER Madame [C] aux entiers dépens

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si par extraordinaire la Cour, infirmant le jugement entrepris, jugeait le licenciement notifié à Madame [C] sans cause réelle et sérieuse

DIRE que Madame [C] bénéficiait d’une ancienneté inférieure à 8 mois au jour de la rupture de son contrat de travail

En conséquence,

DEBOUTER Madame [C] de sa demande formée à titre d’indemnité de licenciement.’

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 30 mai 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 11 septembre 2023.

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle implique une réaction de l’employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, l’administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l’entreprise et justifier le licenciement du salarié, n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s’analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et le privant de tout droit au titre d’un préavis ou d’une indemnité de licenciement, pèse sur l’employeur.

En application des articles L1232-1 et L1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l’absence de faute grave, doit vérifier s’ils ne sont pas tout au moins constitutifs d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement mentionne plusieurs griefs à l’encontre de Mme [F] [V] :

– d’avoir cessé l’activité le 12 octobre 2019 de 14h à 16h, hors de son temps de pause, qui était prévue de 13h30 à 14h30, en s’installant dans un salon de la résidence, alors même que les pauses doivent être prises dans la salle prévue à cet effet.

– d’avoir cessé l’activité le 9 décembre 2019 en ayant été en tenue civile à 19h15, alors que la fin de son service était prévue à 19h30 ; ce fait n’est démontré par aucun élément produit ;

– d’avoir refusé de retirer les bijoux le 18 octobre 2019 à la demande de l’infirmière coordinatrice, des bagues et un collier, et d’avoir porté des faux ongles, malgré le règlement intérieur et la formation en matière d’hygiène dispensée le 17 octobre 2019 ;

– d’avoir communiqué à un tiers des informations confidentielles relatives à l’état de santé d’un résident, le 26 octobre 2019 ;

– d’avoir dénudé une résidente le 28 octobre 2019, en présence de deux autres résidentes ;

– d’avoir laissé une résidente dans sa chambre sans lumière et sans ses lunettes, le 1er novembre 2019, ce qui n’est démontré par aucun élément produit ;

– de n’avoir assuré aucune traçabilité de son passage dans les chambres des résidentes les 15,19,20, 23,24, 25, 28 et 29 novembre 2019, 3, 4 et 7 décembre 2019, ce qui n’est démontré par aucun élément produit ;

– de ne pas avoir assuré la réfection d’un lit ni du change de plusieurs résidentes les 28 et 29 novembre 2019 et 3, 4, 7, 8 et 9 décembre 2019 ;

– le 7 décembre 2019 de ne pas avoir proposé la manucure à plusieurs résidentes dont elle avait la charge, fait qui n’est démontré par aucun élément produit ;

– le 28 octobre d’avoir privé une résidente de son déambulateur pour l’empêcher d’aller aux toilettes ;

– le 3 décembre 2019 d’avoir laissé l’office du 6ème étage ouverte alors qu’un couteau s’y trouvait, fait qui n’est démontré par aucun élément produit ;

– d’avoir refusé de se munir du téléphone professionnel les 17, 26, 27 et 28 octobre 2019, ce qui n’est démontré par aucun élément produit.

Mme [F] [V] conteste les faits qui lui sont reprochés.

La société Orpea produit plusieurs attestations. Celle d’une infirmière coordinatrice indique que Mme [F] [V] avait suivi les formations en hygiène inhérentes à la pratique professionnelle, mais portait régulièrement ses bijoux et des faux ongles. L’infirmière poursuit en indiquant que le 18 octobre 2019 elle a constaté que l’appelante portait des bagues et des faux ongles, lui a demandé de les retirer, mais qu’elle a refusé.

Une aide-soignante atteste que :

– le 26 octobre 2019 elle a vu [Y] montrer les transmissions à l’amie d’une résidente,

– le 28 octobre 2019 elle a vu deux résidentes dans la chambre de Mme T, alors que Mme [F] [V] s’y trouvait avec Mme T qui était nue,

– le 28 octobre 2019 Mme [F] [V] avait caché le déambulateur de Mme G pour qu’elle ne se déplace pas.

Une autre aide-soignante atteste avoir vu Mme [F] [V] assise dans un salon de la résidence entre 14h et 16h, et que le 9 décembre 2019 elle avait vu que le change d’une résidente n’avait pas été effectué, ce qu’elle avait constaté à 17h. L’imprécision de cette attestation ne permet pas d’imputer à l’appelante les manquements d’avoir pris sa pause en dehors des salles prévues à cet effet et de ne pas avoir procédé aux changes de résidentes.

Le règlement intérieur prévoit que par mesure d’hygiène les bagues, montres, alliances et les bracelets sont retirés et que le port de bijoux peut être restreint.

Il résulte de ces éléments que Mme [F] [V] a commis plusieurs manquements à ses obligations et qu’elle a refusé d’exécuter les consignes qui lui avaient été données par une infirmière coordinatrice. Les faits établis dataient cependant de plusieurs semaines au moment de la remise de la convocation à l’entretien préalable et aucune sanction antérieure n’avait été prise à l’égard de la salariée, qui a poursuivi ses activités jusqu’à son licenciement. S’ils justifiaient la rupture du contrat de travail, ces manquements n’étaient pas incompatibles avec la présence de la salariée dans l’entreprise.

Le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

Mme [F] [V] doit être déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [F] [V] avait une ancienneté inférieure à huit mois, ayant signé le contrat à durée indéterminé le 1er septembre 2019, sans reprise d’une ancienneté au titre des contrats à durée déterminée qu’elle a accomplis avant celui-ci. En outre, les contrats à durée déterminée ont été interrompus à certaines périodes, celui du mois de juin 2019 étant du 3 au 28 juin, de sorte que même en incluant la période de juillet et août 2019 Mme [F] [V] n’aurait pas eu une ancienneté ininterrompue telle que prévue par l’article L. 1234-9 du code du travail. Elle doit être déboutée de sa demande d’indemnité légale de licenciement.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

L’article L.1234-1 du code du travail prévoit que lorsque le salarié a une ancienneté de services continus inférieure à six mois la durée du préavis est déterminée par la convention collective.

Pour un licenciement, la convention collective prévoit un délai de préavis d’un mois pour les employés dont l’ancienneté est comprise de 0 à moins de deux ans d’ancienneté.

Le salaire mensuel de base de Mme [F] [V] était de 1 650 euros. Compte tenu des primes et heures supplémentaires régulièrement effectuées, elle aurait perçu un revenu de 1 748,50 euros si elle avait effectué son préavis. L’employeur doit être condamné au paiement de cette somme outre celle de 174,85 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Mme [F] [V] et la société Orpea succombant toutes deux partiellement en leurs demandes, chaque partie supportera la charge des dépens qu’elle a exposés et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave justifié et a débouté Mme [F] [V] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Orpea à payer à Mme [F] [V] la somme de 1 748,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 174,85 euros au titre des congés payés afférents,

Laisse à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés,

Déboute les parties de leur demande d’indemnité au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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